______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 28 juillet 2003, le travailleur, monsieur Gilles Rivard, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 juillet 2003 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision de monsieur Rivard du 31 janvier 2003 concernant la décision du 17 janvier 2002 parce que cette demande a été faite après l’expiration du délai prévu par l’article 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et que ce dernier n’a pas démontré l’existence d’un motif raisonnable lui permettant d’être relevé des conséquences de son défaut d’avoir respecté ce délai.
[3] Par sa décision du 17 janvier 2002, la CSST détermine que monsieur Rivard est incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle du 20 avril 1999 et elle identifie pour lui un emploi convenable qui est disponible chez son employeur et qu'il peut occuper à compter du 16 janvier 2002.
[4] Monsieur Rivard est présent à l’audience tenue à Laval le 10 mars 2004 et il n’est pas représenté. L’employeur, Hydro-Québec, a avisé le tribunal de son absence à l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Monsieur Rivard soutient qu'un motif raisonnable explique le fait que sa demande de révision n'a pas été faite dans le délai prévu à la loi et il demande d'être relevé des conséquences de son défaut d'avoir respecté ce délai.
[6] Sur le fond, il demande de déclarer qu'il est redevenu capable d'exercer l’emploi qu’il occupait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle du 20 avril 1999 étant donné le retrait des limitations fonctionnelles reconnues par son médecin traitant, le docteur Thierry Dahan, dans son rapport d'évaluation médicale du 14 septembre 2000.
LES FAITS
[7] Monsieur Rivard travaille comme jointeur chez l'employeur lorsque, le 2 avril 1997, il subit une électrisation qui entraîne pour lui des blessures aux deux membres supérieurs.
[8] Dans le contexte d'une récidive, rechute ou aggravation survenue le 20 avril 1999, le docteur Dahan, physiatre, retient les diagnostics de déchirure des coiffes des rotateurs, de déchirure des labrums et d'épicondylalgie bilatérale avec déchirure tendineuse. Il consolide ces lésions le 20 juillet 2000, avec une atteinte permanente à l'intégrité physique de 42,90 % et les limitations fonctionnelles suivantes :
« Ce patient ne devrait pas faire de mouvements répétitifs avec ses membres supérieurs.
Ce patient ne devrait pas travailler avec des appareils vibratoires mécaniques lourds.
Ce patient ne devrait pas faire de la manutention au-delà de 10 kilos.
Ce patient ne devrait pas travailler avec les bras surélevés au-delà de 70° d'élévation en flexion et abduction de façon régulière. »
[9] L'atteinte permanente à l'intégrité physique déterminée par le docteur Dahan comprend, outre les déficits anatomo-physiologiques octroyés en vertu du principe de la bilatéralité, un déficit de 4 % pour une atteinte des tissus mous des coudes, un déficit de 4 % pour une atteinte des tissus mous de chaque épaule « sous forme de déchirure du sus-épineux et d'une déchirure gléno-humérale du labrum avec des phénomènes d'accrochage et d'instabilité gléno - humérale fonctionnelle », un déficit de 4 % pour l'élévation antérieure de chaque épaule qui est limitée à 130° et un déficit de 10 % pour l'abduction de chaque épaule qui est limitée à 90°.
[10] Le 9 avril 2001, après analyse des exigences de l'emploi de jointeur, madame Denise McCabe, ergothérapeute et ergonome mandatée pour ce faire par la CSST, conclut que les limitations fonctionnelles décrites par le docteur Dahan ne permettent pas à monsieur Rivard de continuer d'exercer cet emploi. Elle estime que monsieur Rivard peut toutefois exercer l'emploi de jointeur attitré à la thermogaphie.
[11] Après une période de formation, monsieur Rivard débute l'exercice de cet emploi à plein temps au début du mois de janvier 2002, de sorte que, le 17 janvier 2002, la CSST rend une décision par laquelle elle détermine d'une part, que monsieur Rivard n'est pas capable d'exercer son emploi de jointeur et d'autre part, que l'emploi de jointeur attitré à la thermographie qui est disponible chez l'employeur constitue pour lui un emploi convenable.
[12] Dans une lettre qu'il signe le 8 janvier 2003, le docteur Dahan s'exprime comme suit :
« C'est avec plaisir que je vois cet homme de 52 ans qui travaille pour Hydro-Québec au poste de jointeur. Je le connais depuis l'an 2000. Je l'aurais consolidé avec séquelles et limitations fonctionnelles incluant la notion qu'il devrait éviter les mouvements répétés en position d'accrochage sous-acromial ainsi que la manutention de poids de plus de 10 kg. Nous prenons note de l'évaluation ergonomique des postes de travail de jointeur et de thermographeur effectués par la compagnie Ergo DM en date du 9 avril 2001.
L'examen clinique confirme une amélioration au niveau de la force et de la mobilité de son épaule. Il désire essayer de réintégrer le poste de jointeur.
Compte tenu de l'amélioration de sa condition et de l'adaptation excellente a fait vis-à-vis sa condition chronique de déchirure de coiffe des rotateurs et du labrum, nous sommes d'accord avec un essai de retour à son poste usuel de jointeur qui pourrait se faire immédiatement.
Nous restons disponible si jamais il y avait rechute, récidive ou aggravation de sa condition. » [sic]
[13] Le 9 janvier 2003, lors d'une conversation téléphonique avec monsieur Michel Hamel, agent d'indemnisation de la CSST, monsieur Rivard explique qu'il veut réintégrer son emploi prélésionnel de jointeur et que le docteur Dahan est d'accord avec cette réintégration. À la suite de cette conversation, monsieur Hamel note au dossier qu'il demeure lié par le rapport d'évaluation des séquelles permanentes produit par le docteur Dahan au mois de septembre 2000 et que, si l'employeur accepte que le travailleur réintègre son emploi de jointeur, cela est « à ses risques et périls ».
[14] Étant insatisfait de cette réponse, monsieur Rivard demande de rencontrer la supérieure immédiate de monsieur Hamel, madame Isabelle Krysiewski.
[15] Le 30 janvier 2003, à la suite d'une rencontre avec monsieur Rivard et après avoir pris connaissance de la lettre rédigée par le docteur Dahan le 8 janvier précédent, madame Krysiewski note au dossier que celui-ci désire retourner à son poste de jointeur mais que l'employeur et le syndicat exigent le consentement de la CSST. Elle note également qu'une décision statuant sur la capacité de travail de monsieur Rivard a été rendue au mois de janvier 2002, que celle‑ci est devenue finale à défaut d'avoir été contestée dans le délai légal et que « la mission de la CSST est de protéger ses capacités résiduelles et de prévenir une éventuelle rechute ou aggravation ». Elle note enfin qu'elle a remis à monsieur Rivard une copie de la décision du 17 janvier 2002 et qu'elle a précisé à ce dernier que, s'il entend la contester, il devra justifier son retard.
[16] Monsieur Rivard demande la révision de cette décision le lendemain 31 janvier 2003. Il précise dans sa demande qu'il est conscient du non respect du délai de contestation et que, à la suite du nouvel avis émis par le docteur Dahan, il souhaite le retrait des limitations fonctionnelles relatives à la levée de poids et aux mouvements répétitifs afin qu'il puisse reprendre son emploi de jointeur.
[17] Dans la décision qu'elle rend à la suite d'une révision administrative, la CSST déclare irrecevable la demande de révision de monsieur Rivard au motif qu'elle n'a pas été faite dans le délai légal et que ce dernier n'a pas démontré l'existence d'un motif raisonnable lui permettant d'être relevé des conséquences de son défaut d'avoir respecté ce délai.
[18] Le réviseur de la CSST indique dans sa décision que la contestation du 31 janvier 2003 « intervient au moment où le travailleur désire quitter son emploi convenable pour retourner à son emploi prélésionnel » et que « la procédure à suivre serait plutôt de demander à la CSST de rendre une décision de modification du plan individualisé de réadaptation comme le lui permet les dispositions du second alinéa de l'article 146 de la loi ».
[19] Lors de son témoignage, monsieur Rivard explique les raisons pour lesquelles il désire reprendre son emploi de jointeur et celles qui lui font croire qu'il est physiquement capable d'exercer cet emploi. Il explique également qu'il n'a pas contesté la décision du 17 janvier dans le délai légal parce que, même s'il était en désaccord avec celle-ci, il a plutôt décidé de laisser passer le temps afin de voir si ses épaules allaient s'améliorer. Ayant constaté une telle amélioration, il a donc demandé au docteur Dahan de retirer les limitations fonctionnelles octroyées afin que la CSST puisse modifier sa décision et déterminer qu'il est maintenant devenu capable d'exercer son emploi de jointeur et que son employeur puisse autoriser son retour à ce poste avec une telle décision.
[20] Monsieur Rivard dépose également un document daté du 17 décembre 2003 dans lequel le docteur Dahan écrit ce qui suit :
« Cette employé peu retourner a son poste usuel de jointeur-distribution sans restriction et à temps plein depuis le 8 janvier 2003 (le poste qu'il avait avant l'accident du 97‑04‑02). » [sic]
L’AVIS DES MEMBRES
[21] Les membres issus des associations d'employeurs et syndicales sont d'avis que la requête de monsieur Rivard doit être rejetée.
[22] Ils estiment que la demande de révision de monsieur Rivard du 31 janvier 2003 concernant la décision de la CSST du 17 janvier 2002 identifiant pour lui un emploi convenable est irrecevable parce qu'elle n'a pas été faite dans le délai légal et que ce dernier n'a pas démontré un motif raisonnable lui permettant d'être relevé des conséquences de son défaut d'avoir respecté ce délai.
[23] Par ailleurs, ils estiment que cette demande du 31 janvier 2003 constitue en fait une demande de modification de cette décision statuant également sur l’incapacité de monsieur Rivard à exercer son emploi prélésionnel compte tenu d'un élément nouveau, soit l'opinion du docteur Dahan sur le sujet en date du 8 janvier 2003.
[24] Ils considèrent que la CSST a, implicitement, rendu une décision par laquelle elle refuse de modifier cette décision et que le tribunal est en conséquence valablement saisi de cette question. Cependant, ils estiment que cette décision est bien fondée puisque l'opinion formulée par le docteur Dahan les 8 janvier et 17 décembre 2003 ne permet pas de conclure au retrait des limitations fonctionnelles sur la base d'une évolution exceptionnelle et inattendue de l'état de monsieur Rivard et ce, conformément à la jurisprudence du tribunal sur le sujet.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[25] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la demande de révision de monsieur Rivard du 31 janvier 2003 concernant la décision du 17 janvier 2002 est recevable.
[26] Le délai pour demander la révision d'une décision de la CSST est établi par l'article 358 de la loi, lequel se lit comme suit :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[27] Conformément aux dispositions de l'article 358.2 de la loi, la CSST peut relever une personne des conséquences de son défaut de respecter ce délai dans la mesure où celle-ci démontre que sa demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable :
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
__________
1997, c. 27, a. 15.
[28] En l'espèce, monsieur Rivard reconnaît avoir reçu la décision de la CSST du 17 janvier 2002 à son époque contemporaine et ne pas en avoir demandé la révision dans le délai légal, sa demande ayant été faite seulement le 31 janvier 2003.
[29] Par ailleurs, on ne peut conclure à l'existence d'un motif raisonnable justifiant le fait que monsieur Rivard n'a pu présenter sa demande de révision dans le délai légal.
[30] En effet, suivant son témoignage, monsieur Rivard n'était pas d'accord avec la décision de la CSST statuant sur son incapacité à exercer son emploi mais, au lieu de la contester, il a plutôt choisi d'exercer l'emploi convenable identifié pour lui dans cette même décision tout en espérant une amélioration de son état avec le temps.
[31] En ce sens, la décision de la CSST rendue le 18 juillet 2003 à la suite d'une révision administrative et déclarant irrecevable la demande de révision de monsieur Rivard du 31 janvier 2003 est donc, eu égard aux dispositions des article 358 et 358.2 de la loi, bien fondée.
[32] Cependant, la Commission des lésions professionnelles estime que ce n'est pas sous cet angle que le litige soulevé par la présente affaire doit être abordé.
[33] En effet, en s'adressant à la CSST au mois de janvier 2003, l'intention de monsieur Rivard n'était pas de contester tardivement l'emploi convenable identifié pour lui le 17 janvier 2002, mais bien de demander une modification de cette décision statuant également sur son incapacité à exercer son emploi prélésionnel et ce, compte tenu d'un élément nouveau, soit l'opinion formulée le 8 janvier 2003 par le docteur Dahan.
[34] Lorsqu'il s'est entretenu avec monsieur Hamel et madame Krysiewski, monsieur Rivard a clairement exprimé qu'il désirait reprendre son poste de jointeur, que le docteur Dahan autorisait la reprise de ce travail et qu'il désirait une nouvelle décision statuant sur sa capacité à exercer son emploi prélésionnel. Dans la lettre qu'il rédige le 31 janvier 2003, monsieur Rivard s'exprime de nouveau clairement à ce sujet.
[35] Plutôt que de répondre à cette demande en rendant une décision statuant sur la question, la CSST a considéré être en présence d'une contestation de l'emploi convenable faite à l'extérieur du délai légal et elle a acheminé celle-ci à l'instance de révision. Bien qu'elle ait identifié l'objet réel de la demande de monsieur Rivard, la CSST, à l'étape de la révision administrative, n'a pas non plus statué sur celle-ci dans sa décision.
[36] La Commission des lésions professionnelles estime que, en procédant ainsi, la CSST a néanmoins disposé de la demande réelle de monsieur Rivard et rendu une décision le 30 janvier 2003 par laquelle elle refuse de modifier sa décision du 17 janvier 2002 statuant sur l'incapacité de ce dernier à exercer son emploi prélésionnel, de telle sorte que le tribunal est valablement saisi de cette question.
[37] La jurisprudence[2] reconnaît en effet la validité d'une décision implicite de la CSST malgré la règle posée par l'article 354 de la loi quant à la nécessité d'une décision écrite, motivée et notifiée aux intéressés lorsqu'il se dégage de la preuve des éléments de faits suffisamment explicites permettant de conclure à l'existence d'une telle décision.
[38] La Commission des lésions professionnelles estime qu'il ressort clairement des notes consignées au dossier par monsieur Hamel et madame Krysiewski que la CSST a considéré qu'elle demeurait liée par le rapport d'évaluation médicale produit par le docteur Dahan le 14 septembre 2000 en ce qui concerne l'existence de limitations fonctionnelles et qu'elle ne pouvait modifier sa décision du 17 janvier 2002 sur la base de la nouvelle opinion émise par ce médecin le 8 janvier 2003. De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, la CSST a donc ainsi décidé qu'elle refusait de modifier sa décision statuant sur la capacité de monsieur Rivard à exercer son emploi prélésionnel de jointeur.
[39] La Commission des lésions professionnelles en vient cependant à la conclusion que cette décision est bien fondée et ce, pour les motifs suivants.
[40] À la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 20 avril 1999, le médecin traitant de monsieur Rivard, le docteur Dahan, a produit un rapport final dans lequel il conclut à l'existence de limitations fonctionnelles et d'une atteinte permanente à l'intégrité physique de 42,90 %. Ce rapport a été produit conformément aux dispositions de l'article 203 de la loi, lequel se lit comme suit :
203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant:
1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;
2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;
3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.
__________
1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.
[41] Étant liée par ces conclusions médicales, la CSST a, après une évaluation ergonomique du poste de jointeur qu'occupait monsieur Rivard au moment de la survenance de cette lésion professionnelle, conclu que ce dernier ne pouvait plus exercer cet emploi parce qu'il ne permet pas le respect des limitations fonctionnelles décrites par le docteur Dahan.
[42] Monsieur Rivard pouvait, à cette époque, contester cette décision de la CSST en alléguant que ces limitations fonctionnelles n'étaient pas incompatibles avec les exigences physiques de l'emploi de jointeur, mais il ne pouvait pas contester l'opinion du docteur Dahan sur l'existence de limitations fonctionnelles ni sur la nature de celles‑ci.
[43] En effet, conformément aux dispositions des articles 224 et 358 de la loi, la CSST est liée par les conclusions de nature médicale du médecin traitant, dont celle relative à l'existence de limitations fonctionnelles, et le travailleur ne peut contester ces conclusions :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[44] Par ailleurs, comme le précise le tribunal dans l'affaire Lab Chrysotile inc. et Dupont[3], en référant aux dispositions de l'article 203 concernant le rapport final du médecin traitant, « il est de la nature même de ce rapport d'être final et de faire état, en conséquence, des conclusions définitives du médecin ayant charge du travailleur sur les questions notamment prévues par son second alinéa », de telle sorte que ce rapport ne peut être modifié par la suite, sauf en certaines circonstances particulières.
[45] Suivant la jurisprudence bien établie[4], le médecin traitant peut produire un nouveau rapport final uniquement pour corriger une erreur matérielle manifeste ou pour émettre une nouvelle conclusion médicale fondée sur une évolution exceptionnelle et inattendue de l'état du travailleur et qui a pour effet, notamment, d'entraîner le retrait des limitations fonctionnelles déjà reconnues.
[46] Dans ce dernier cas, puisque la nouvelle conclusion du médecin traitant doit se fonder sur une évolution exceptionnelle et inattendue de l’état du travailleur, la Commission des lésions professionnelles estime que celle-ci doit être sans aucune équivoque.
[47] Le médecin traitant doit, si telle est sa conclusion, énoncer clairement qu'il retire, en tout ou en partie, les limitations fonctionnelles antérieurement reconnues et non pas formuler une opinion sur la capacité du travailleur à exercer un emploi donné puisqu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur cette question.
[48] Par ailleurs, sa conclusion doit reposer sur un questionnaire qui lui permet de s'assurer d'être en possession de toutes les données pertinentes notamment, l'existence d'autres traitements ou consultations médicales pour la lésion depuis la production du rapport final, et elle doit être motivée de façon satisfaisante compte tenu des divers éléments à prendre en considération. De plus, elle doit surtout être supportée par un examen physique détaillé dont il est fait clairement état et ce, afin qu'il soit possible d'objectiver l'évolution réelle de l'état du travailleur compte tenu de celui qui a été observé au moment de la production du premier rapport final et qui a justifié la reconnaissance de séquelles permanentes.
[49] Même si les faits en cause diffèrent de ceux de la présente affaire, c'est néanmoins en ce sens que s'est exprimée la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Bouchard et Nettoyage Docknet inc. et C.S.S.T.[5]. La Commission des lésions professionnelles précise en effet que, avant de modifier son rapport final, le médecin traitant doit s'assurer d'avoir en main toutes les données pertinentes et nécessaires. Elle précise également que la nouvelle conclusion de ce médecin ne doit pas reposer sur une simple impression énoncée en des termes peu convaincants et qu'elle doit être supportée par un examen physique.
[50] De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, ces exigences s'imposent puisque, indépendamment du désir du travailleur, le retrait des limitations fonctionnelles qui ne serait pas justifié par des considérations médicales sérieuses est susceptible d'entraîner de lourdes conséquences pour celui-ci notamment, une aggravation de sa condition médicale en raison de l'exercice d'un emploi non adapté à sa capacité résiduelle réelle.
[51] Ces exigences s'imposent davantage lorsque, comme c’est le cas dans la présente affaire, la lésion professionnelle a entraîné pour le travailleur une importante atteinte permanente à l'intégrité physique, soit une atteinte permanente évaluée à 42,90 % en raison de séquelles fonctionnelles résultant de lésions aux épaules et aux coudes.
[52] La Commission des lésions professionnelles estime que l'opinion formulée par le docteur Dahan les 8 janvier et 17 décembre 2003 ne respecte pas ces exigences et qu'elle ne peut donc valoir comme constituant un nouveau rapport final concluant à l'absence de limitations fonctionnelles.
[53] En effet, dans la lettre qu'il rédige le 8 janvier 2003, le docteur Dahan n'indique aucunement qu'il retire les limitations fonctionnelles octroyées dans son rapport final du 14 septembre 2000. Il indique plutôt qu'il est d'accord avec un « essai de retour à son poste usuel de jointeur » et ce, paradoxalement, en indiquant d’une part qu'il y a une amélioration de la « condition chronique de déchirure de la coiffe des rotateurs et du labrum » et d’autre part, qu'il demeure « disponible si jamais il y a rechute, récidive, ou aggravation » de la condition de monsieur Rivard.
[54] Par ailleurs, le docteur Dahan indique que son examen clinique confirme une amélioration « de la force et de la mobilité de son épaule », laissant ainsi à entendre qu'il estime être en présence d'une lésion à une seule épaule alors que tel n'est pas le cas, monsieur Rivard ayant plutôt subi des lésions aux deux épaules et aux deux coudes.
[55] En outre, s'il faut retenir qu'il s'agit là d'une simple question de formulation, il demeure que le docteur Dahan affirme uniquement avoir observé à l'examen une « amélioration de la mobilité de son épaule » et non pas l'absence de toute ankylose résiduelle aux deux épaules et l’absence d'un phénomène d'accrochage bilatéralement contrairement à ce qu'il a pourtant observé le 14 septembre 2000. De plus, bien qu'il indique avoir procédé à un examen clinique, il ne mentionne pas ce que cet examen a révélé au niveau des épaules et des coudes.
[56] En ce qui concerne le second document signé par le docteur Dahan le 17 décembre 2003, monsieur Rivard a expliqué qu'il a été préparé à sa propre demande et ce, après qu'il ait expliqué à ce médecin que l'employeur considérait que la lettre du 8 janvier 2003 ne permettait pas de conclure au retrait des limitations fonctionnelles.
[57] La Commission des lésions professionnelles estime que ce document ne répond pas non plus aux exigences décrites ci-dessus. Le docteur Dahan se limite, dans une seule courte phrase, à indiquer que monsieur Rivard peut exercer son emploi de jointeur, ce qui constitue une opinion sur la capacité de travail de ce dernier et non pas une opinion médicale portant sur l'existence ou non de limitations fonctionnelles. Même si le docteur Dahan indique que monsieur Rivard peut reprendre son emploi « sans restriction » et qu'il faut comprendre de cette mention qu'il considère qu'il n'y a plus de limitations fonctionnelles, il demeure que, tout comme pour celle du 8 janvier 2003, cette opinion n'est pas motivée par des considérations de nature médicale objectives.
[58] De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, puisque ce second document a été produit à la demande de monsieur Rivard et après explications apportées au docteur Dahan sur la teneur de l'opinion médicale requise, on peut s'interroger sur le fait que ce médecin est, d'un point de vue médical, réellement en mesure d'affirmer qu'une évolution exceptionnelle et inattendue de la condition du travailleur justifie le retrait des limitations fonctionnelles reconnue en septembre 2000.
[59] Pour l'ensemble de ces motifs, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que la décision de la CSST refusant de modifier sa décision du 17 janvier 2002 par laquelle elle détermine que monsieur Rivard est incapable d'exercer son emploi prélésionnel est bien fondée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du travailleur, monsieur Gilles Rivard;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 juillet 2003 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE irrecevable la demande de révision de monsieur Gilles Rivard du 31 janvier 2003 concernant la décision du 17 janvier 2002; et
DÉCLARE que la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 janvier 2003 refusant de modifier sa décision du 17 janvier 2002 est bien fondée.
|
|
|
Ginette Morin |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[1] L. R. Q., c. A-3.001
[2] Voir entre autres : Gagné & Roy inc. c. C.A.L.P., [1990] C.A.L.P. 68 ; Steinberg inc. c. C.A.L.P., [1991] C.A.L.P. 1063 ; Anctil et C.S.S.T., C.A.L.P. 55894-03-9312, 15 août 1995, M. Carignan; Pineault et Société des alcools du Québec, C.A.L.P. 57283-61-9403, 5 octobre 1995, T. Giroux; Lafleur et Transport Shulman ltée, C.L.P. 93131-72-9711, 20 novembre 1998, A. Vaillancourt; McGraw et Restaurant Horace, [1998] C.L.P. 923
[3] [1996] C.A.L.P. 132
[4] Voir à ce sujet : Talbot et C.H. La Piéta, [1991] C.A.L.P. 492 ; Soucy et Les Outils Fuller ltée, C.A.L.P. 60914-60-9407, 5 mars 1996, J.-Y. Desjardins; Polaszek et Hôpital Reine Élisabeth, C.A.L.P. 69046-60-9505, 30 juillet 1996, B. Lemay; Fata et Pavage CCA inc., [1997] C.A.L.P. 1102 , révision rejetée, C.A.L.P. 84456-60-9612, 25 février 1998, T.Giroux; Lamontagne-Maguire et C.L.S.C. Samuel de Champlain, C.A.L.P. 87804-62-9704, 25 février 1998, B. Lemay; Thériault et Deniso Lebel inc. (Div. Scierie), C.L.P. 114363-01A-9904, 26 janvier 2000, G. Tardif; Foyer Chanoine Audet inc. (Centre de santé Paul Gilbert) et Lévesque et C.S.S.T., C.L.P. 136386‑03B‑0004, 30 novembre 2001, C. Lessard; Provigo inc. et Lachapelle, C.L.P. 160849‑64‑0105, 8 mars 2002, S. Moreau, révision demandée; Weiland et Publi-Calen Art ltée, C.L.P. 180412‑61-0203, 7 juin 2002, L. Nadeau; Larocque c. Commission des lésions professionnelles et Épiciers Unis Métro-Richelieu, Super C et C.S.S.T., C.S., Hull, 550‑05‑011759‑027, j. Isabelle; Charbonneau et Air Canada, C.L.P. 140857‑72‑0006, 15 novembre 2002, M. Montplaisir; Lanciault et Tricots Maxime inc., C.L.P. 17060-63-0110, 13 juin 2002, F. Juteau, révision rejetée, 25 juillet 2003, G. Godin; Paul et Épicerie Guilbert et Lacasse et C.S.S.T., C.L.P. 114450-07-9904, 31 mars 2003, M. Langlois; Brière et Les pelouses L. Lévesque & Fils inc., C.L.P. 194150-64-0211, 6 août 2003, J.-F. Martel; Brideau et Samuel & Fils & Cie (Québec) ltée, C.L.P. 212166-61-0307, 29 janvier 2004, L. Nadeau
[5] [2003] C.L.P. 1240
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.