Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Roger et Fenefco inc.

2013 QCCLP 6026

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Drummondville

10 octobre 2013

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

508199-04B-1304

 

Dossier CSST :

134035674

 

Commissaire :

Lise Collin, juge administratif

 

Membres :

Jean-Guy Verreault, associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Périgny, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Carl Roger

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Fenefco inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 9 avril 2013, monsieur Carl Roger (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 22 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite d'une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST conclut que la demande de révision déposée le 2 février 2013 par le travailleur à l'encontre d'une décision initiale rendue par la CSST le 16 août 2012 a été produite en dehors du délai de 30 jours prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) mais elle relève le travailleur de son défaut puisqu'il a démontré un motif raisonnable.

[3]           Toutefois, la révision administrative conclut que la réclamation produite par le travailleur le 11 juillet 2012 au sujet d'une récidive, rechute ou aggravation survenue le 21 juin 2011 l'a été en dehors du délai de six mois prévu à la loi et qu'il n'a présenté aucun motif raisonnable permettant de le relever de son défaut.

[4]           Par conséquent, la révision administrative de la CSST confirme pour d'autres motifs sa décision initiale du 16 août 2012 et déclare irrecevable la réclamation produite par le travailleur pour une rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 juin 2011.

[5]           Le travailleur est présent et représenté à l'audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 30 septembre 2013. Fenefco inc. (l’employeur) n'est pas représenté. L’affaire est mise en délibéré le 7 octobre 2013, soit à l'échéance d'un délai accordé au travailleur pour produire des rapports médicaux.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer recevable sa réclamation pour rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 juin 2011 qu'il a produite le 11 juillet 2012.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]           Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis de rejeter la contestation du travailleur puisqu’il devait produire sa réclamation pour rechute, récidive ou aggravation dans les six mois de son apparition, qu’il en a mis treize et que son retard n’est pas justifié par quelque motif raisonnable que ce soit.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si elle peut relever le travailleur de son défaut d'avoir produit une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation dans les six mois de son apparition.

[9]           Après avoir pris connaissance de la preuve au dossier, entendu le témoignage du travailleur et reçu l'avis des membres issus des associations syndicales et d'employeurs, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur n'a présenté aucun motif raisonnable permettant de le relever de son défaut de sorte que sa réclamation pour rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 juin 2011 et produite le 11 juillet 2012 est irrecevable. Cette conclusion repose sur les éléments suivants.

[10]        Le 23 octobre 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte la réclamation produite par le travailleur pour un accident du travail survenu le 26 septembre 2008 dont le diagnostic est une tendinite du sus-épineux de l'épaule droite.

[11]        La lésion professionnelle est consolidée le 26 juin 2009, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[12]        Le 20 août 2010, la CSST refuse la réclamation produite par le travailleur pour une rechute, récidive ou aggravation survenue le 8 avril 2010 au motif qu'il n'y a pas de relation entre un diagnostic de subluxation récidivante à l'épaule droite et la lésion professionnelle du 26 septembre 2008.

[13]        Le 21 juillet 2011, soit onze mois après que la décision eût été rendue, le travailleur en demande la révision alors qu'il devait agir dans les trente jours de la notification de la décision selon l'article 358 de la loi.

[14]        Le 3 novembre 2011, la révision administrative de la CSST, dispose de la demande de révision déposée par le travailleur. Elle rappelle que selon l'article 358.2 de la loi, la CSST peut relever une personne des conséquences de son défaut de respecter un délai si celle-ci démontre que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable. Puis, elle analyse les motifs exposés par le travailleur en ces termes :

« Lors d’une conversation téléphonique dans le cadre de la révision administrative avec le travailleur et son représentant, monsieur Roger explique qu’au départ, il n’a pas reçu la décision qui avait été rendue le 20 août 2010 parce qu’à cette période, il partageait sa boîte de courrier avec la propriétaire de l’immeuble qui l’hébergeait et que cette dernière ne lui remettait pas toujours son courrier. Le travailleur mentionne qu’il a appris l’existence de cette décision lors d’un appel téléphonique à la Commission au cours des mois de janvier ou de février 2011. Par la suite, il a été trop malade pour réagir et la contester. Le travailleur parle de bronchite, de mononucléose et d’ambulance, mais il n’a cependant pas été hospitalisé. Après, le travailleur raconte qu’il a fait une dépression pour laquelle il a consulté un médecin. Ce dernier n’a cependant pas cru bon de faire quelque chose. Le travailleur a décidé d’entreprendre ses démarches à la Commission seulement après qu’il ait eu droit à l’aide juridique. Questionné sur la mention inscrite à son dossier du 27 septembre 2010 de la part de l’agente de la Commission à l’effet qu’elle lui a téléphoné pour expliquer la décision du refus de sa réclamation, le travailleur mentionne qu’il avait l’impression que l’agente lui parlait d’un problème qui n’était pas en lien avec sa lésion professionnelle actuelle. »

 

 

[15]        La révision administrative de la CSST conclut que le travailleur n'a présenté aucun motif raisonnable permettant de justifier son retard : il a donné suite à une lettre de la CSST qui lui a été acheminée à la même époque, soit le 6 juillet 2010, il est peu plausible que le travailleur n'ait pas compris les motifs de refus que son agente lui a expliqué, il connaît le refus de la CSST en janvier ou février 2011, mais il attend au mois de juillet 2011 avant de contester la décision et son incapacité à agir en raison de problèmes de santé n'est pas démontrée.

[16]        Cette décision n'est pas contestée par le travailleur qui était alors représenté par Me Jean-François Gallant.

[17]        Entretemps, soit le 21 juin 2011, le travailleur subit une arthroscopie à l'épaule droite et une stabilisation arthroscopique antérieure et postérieure de l’épaule droite. Il est indiqué au protocole opératoire qu'un ancrage s'est brisé pendant l'intervention et que le fragment n'a pas été retrouvé, étant possiblement ressorti avec l'irrigation de la plaie.

[18]        Ce n'est que le 11 juillet 2012 que le travailleur produit une rechute, récidive ou aggravation pour cette chirurgie alors que selon l'article 270 de la loi, il devait produire sa réclamation dans les six mois de l'événement, donc, dans les six mois suivants l'intervention chirurgicale du 21 juin 2011.

[19]        Ultérieurement, le travailleur va subir une autre chirurgie le 6 juin 2012 pour exérèse de trois lipomes au bras droit.

[20]        La notion de motif raisonnable dont il est question à l'article 358.2 de la loi a fait l’objet d’une analyse exhaustive par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles dans l’affaire Roy et Communauté urbaine de Montréal.[2]

[21]        Dans cette affaire, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles écrit ce qui suit :

« La notion de motif raisonnable est, selon la Commission d'appel, une notion large permettant de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d'indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture, des circonstances, etc., si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure, de réflexion. »

 

 

[22]         Le travailleur a témoigné au sujet du fait que sa réclamation pour rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 juin 2011 n'a été produite que le 11 juillet 2012.

[23]        Le tribunal qui a vu et entendu le travailleur estime que son témoignage est confus et manque de précision.

[24]        Il dit qu’avant juillet 2012, il a fait plusieurs démarches à la suite de la chirurgie de juin 2011 mais il ne précise pas lesquelles. Il a été malade : il a fait une bronchite qui a dégénérée en pneumonie et il a eu la mononucléose. Il situe cette série à la fin de février ou début mars 2011 et elle aurait duré six mois. Il s'engage à produire les rapports médicaux. Au moment de mettre le dossier en délibéré, le tribunal n'avait rien reçu. Par contre, il a été question de cette situation dans la décision précédente de la révision administrative de la CSST qui a conclu que son incapacité à agir en raison de problèmes de santé n'avait pas été démontrée.

[25]        Il dit avoir dû abandonner ses cours de cuisinier parce qu'il avait trop d'absences non justifiées. Pourtant, s’il a été malade et qu'il a consulté un médecin, il avait un motif pour expliquer ses absences.

[26]        Il a eu des contacts avec ses agents de la CSST bien qu'il n’y ait aucune indication à cet effet dans les notes évolutives entre juin 2011 et juillet 2012.

[27]        Il se disait perdu à cette époque ayant trop de chose à régler, ce qui le lassait. Il a fait appel à l'aide sociale de façon à pouvoir bénéficier de l'aide juridique. Il a consulté un avocat à Victoriaville dont il ne sait plus le nom pour finalement convenir qu'il s'agissait de Me Gallant. Le tribunal constate que cette consultation concerne sa précédente réclamation pour rechute, récidive ou aggravation.

[28]        Le travailleur mentionne que dans son esprit, son dossier était fermé et qu'il n'y avait plus rien à faire. Puis, à une époque qu’il ne précise pas, quelqu’un lui a parlé de monsieur Fleurent et il l'a consulté en lui demandant si il y avait quelque chose à faire. Le tribunal comprend de cette affirmation que le travailleur a choisi de laisser tomber pour se raviser ensuite au hasard d'une conversation avec une connaissance qui lui parle de son actuel représentant.

[29]        Ce n'est pas de cette manière que sont comptés les délais pour agir à l'égard d'une décision avec laquelle l'on n'est pas d'accord.

[30]        Le tribunal ne voit dans les explications avancées par le travailleur aucun motif raisonnable permettant de le relever de son défaut de sorte que sa réclamation pour rechute, récidive ou aggravation survenue le 21 juin 2011 est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête produite le 9 avril 2013 par le travailleur, monsieur Carl Roger;

CONFIRME la décision rendue le 22 mars 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE irrecevable la réclamation produite par le travailleur le 11 juillet 2012 au sujet d'une récidive, rechute ou aggravation survenue le 21 juin 2011.

 

 

 

 

Lise Collin

 

 

 

Jacques Fleurent

R.A.T.T.A.C.Q.

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          [1990] C.A.L.P. 916

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