Bérubé c. Automobile SMG inc. |
2018 QCCQ 8629 |
||||||
COUR DU QUÉBEC |
|||||||
« Division des petites créances » |
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
DISTRICT DE |
QUÉBEC |
||||||
LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
||||||
« Chambre civile » |
|||||||
N° : |
200-32-065489-162 |
||||||
|
|||||||
DATE : |
26 octobre 2018 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CHRISTIAN BOUTIN, J.C.Q. (JB5161) |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
ALAIN BÉRUBÉ, [...], Québec (Québec) [...]
|
|||||||
Demandeur |
|||||||
c.
|
|||||||
AUTOMOBILE SMG INC., 502, rue Notre-Dame Ouest, Victoriaville (Québec) G6P 1T1
|
|||||||
Défenderesse |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JUGEMENT |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
APERÇU |
|||||||
[1] Le demandeur Alain Bérubé et sa conjointe sont des adeptes de véhicules récréatifs[1]. Ayant un VR de marque Fleetwood Pace Arrow de l’année 1995, ils décident de « se rajeunir » et de s’en procurer un plus récent.
[2] Leur attention est vite retenue sur un Fleetwood Pace Arrow 2006 qui les fait rêver. Celui-ci comporte plus de commodités et plus d’équipement électronique que leur modèle 1995 et ils se promettent de beaux voyages à son bord.
[3] Ils se rendent chez la défenderesse Automobile SMG Inc. (ci-après « SMG ») et décident de l’acheter.
[4] Ils connaîtront divers problèmes, dont certains se manifesteront peu de temps après l’achat. M. Bérubé réclame maintenant à SMG 15 000 $[2] pour des vices cachés qui, dit-il, affectaient son VR au moment de la vente.
[5] SMG rétorque en demandant au Tribunal de lui accorder un montant de 2 000 $ pour troubles et inconvénients et soumet que la demande est abusive.
[6] L’affaire soulève les questions suivantes :
- Le VR était-il affecté de vices cachés au moment de la vente?
-
S’agit-il d’un cas où l’article
-
Les garanties prévues aux articles
- La demande est-elle abusive telle que le soumet la défenderesse par le biais de sa demande reconventionnelle?
[7] Au printemps 2013, M. Bérubé est à la recherche d’un nouveau VR. Au début du mois de juin 2013, il entre en contact avec M. Denis Laroche de SMG au sujet du Fleetwood Pace Arrow 2006 annoncé par SMG.
[8] Le 3 juin 2013, M. Guillaume Laroche, également de SMG, lui écrit que le VR « est en très bonne condition et tout est fonctionnel ». Il demande à M. Bérubé des photos de son VR 1995 afin de lui « faire un prix d’échange approximatif ».
[9] Le 11 juin 2013, il se rend chez SMG à Victoriaville à bord de son Pace Arrow 1995.
[10] Il inspecte lui-même le VR annoncé pendant environ 1 heure, en observe les murs, monte sur le toit. M. Laroche fait fonctionner des accessoires et ils font un essai routier au terme duquel M. Bérubé se déclarera satisfait.
[11] L’épouse de M. Bérubé lui fait remarquer que les vitres du VR sont ombragées. M. Laroche appelle un concessionnaire de VR en compagnie de M. Bérubé et on leur indique que la réparation nécessiterait un montant d’environ 1 500 $. Le prix de vente demandé n’est pas réduit pour autant.
[12] M. Bérubé décide d’aller de l’avant avec l’achat. Le prix de vente affiché et convenu est de 65 000 $ alors que la valeur d’échange pour son VR 1995 est acceptée à 14 000 $, pour un différentiel de 51 000 $ plus taxes.
[13] Le VR 2006 affiche alors 33 620 km au compteur.
[14] Au moment de signer le contrat, M. Bérubé constate que M. Laroche a inscrit sur le contrat un prix de vente de 60 000 $ et un prix d’échange de 9 000 $. Puisque le différentiel est encore de 51 000 $ plus taxes et qu’il ne lui en coûte pas plus cher, M. Bérubé n’en fait pas de cas.
[15] Le contrat porte la mention suivante : « Véhicule garantie (sic) pour un moi (sic) pour le bon fonctionnement » (s) Denis Laroche ».
[16] M. Bérubé témoigne qu’une fois le contrat signé, M. Laroche prépare la documentation nécessaire au transfert auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec (ci-après « SAAQ ») et c’est uniquement à ce moment qu’il informe M. Bérubé que le véhicule est « reconstruit ».
[17] M. Laroche prétend quant à lui qu’il avait porté cette information à l’attention de M. Bérubé avant la signature du contrat.
[18] M. Bérubé indique qu’il a questionné M. Laroche au sujet de cette mention, ce dernier lui répondant que seuls les puits de lumière (« dôme ») avaient été antérieurement endommagés puis changés.
[19] M. Bérubé prend ensuite le volant de son nouveau VR pour la première fois et met le cap vers son domicile à Québec avec l’enthousiasme du nouveau propriétaire.
[20] Le lendemain, il débute la procédure de « déshivernage » de son nouveau VR. Alors qu’il raccorde l’eau, il constate une fuite dans la valve d’entrée de la toilette dans la salle d’eau. Il achète la pièce de rechange requise, au montant de 80,43 $, et procède à la réparation lui-même.
[21] M. Bérubé collige un carnet de route (log book) de ses déplacements. Pour ce premier été (2013) avec son nouveau VR, il note qu’il est allé 3 nuits à Sainte-Anne-de-Beaupré en juin, 3 nuits à St-George-de-Beauce en juillet et 4 nuits à Joly, également en juillet.
[22] Durant cette période, il écrit par courriel à SMG en date des 14 juin 2013, 9 juillet 2013 et 19 juillet 2013 afin de leur faire part de divers problèmes rencontrés avec le VR[3]. Il demande également les coordonnées du propriétaire précédent ainsi que des informations additionnelles relativement au fait que le VR a auparavant été déclaré « reconstruit ». Il ne reçoit pas de réponse, ni écrite ni par téléphone.
[23] Sur ce point, M. Laroche prétend avoir parlé quelques fois au téléphone, entre autres relativement à des bulbes électriques. Le Tribunal ne retient toutefois pas sa version des faits.
[24] Le 3 août 2013, le VR a 34 306 km. Le VR a ainsi roulé 686 km en 10 jours d’utilisation. Cette même date, M. Bérubé et sa conjointe partent aux États-Unis.
[25] Ils reviennent à Québec le 14 août. M. Bérubé relate avoir connu les problèmes suivants au cours de ce voyage : le réfrigérateur ne fonctionne pas, un débordement de gaz survient à deux occasions sous le véhicule, le système électrique est déréglé et une infiltration d’eau survient à l’intérieur de l’habitacle.
[26] Le 16 août 2013, M. Bérubé transmet un courriel et un message SMS à SMG ainsi que sur le cellulaire de M. Laroche. Il lui écrit que ses correspondances antérieures sont demeurées sans réponse et qu’il allait réclamer à SMG le coût des réparations requises qu’il était sur le point d’encourir.
[27] Une facture datée du 27 août 2013 et provenant du Garage Magella Beaulieu démontre que des réparations[4] furent effectuées au prix de 2 976,64 $.
[28] Le 2 novembre 2013, M. Bérubé obtient une estimation du coût des réparations requises aux éléments suivants : système satellite, toit et murs intérieurs suite à l’infiltration d’eau, chauffe-eau ainsi que l’une des parties rétractables (« slide-out ») du VR. La soumission pour ce faire est de 1 838,11 $.
[29] Le 25 mars 2014, M. Bérubé transmet à SMG une mise en demeure réclamant le remboursement des sommes encourues ainsi que le paiement des dépenses à venir, le tout pour une somme de 13 598,19 $. Il n’obtiendra pas de réponse. Un récépissé de Postes Canada indique que M. Guillaume Laroche a signé lors de la réception de la mise en demeure.
[30] Le 10 septembre 2014, M. Bérubé fait réparer la partie rétractable (« slide out ») qui ne fonctionnait plus. Il fait également changer la suspension du VR qui, d’un système à lames et ressort, passe à un système à l’air (« pneumatique »). M. Bérubé prétend que le VR était devenu dangereux à la suite de l’affaissement de la suspension originale.
[31] Le 29 septembre 2015, la marche électrique d’entrée du VR est réparée. Celle-ci se trouve à l’extérieur du VR et donc exposée aux éléments.
[32] Le 6 avril 2016, M. Bérubé transmet à SMG ainsi qu’à MM. Guillaume et Denis Laroche à leur adresse personnelle une seconde mise en demeure, laquelle demeure également lettre morte. Un récépissé de Postes Canada indique que M. Denis Laroche a signé lors de la réception de la mise en demeure.
[33] La demande introductive d’instance est déposée au greffe du Tribunal en date du 21 avril 2016.
[34] Les chefs de réclamation énoncée dans la demande sont les suivants :
- 2 976,64 $ (toit extérieur, réfrigérateur, auvent électrique, conduite d’essence, changement des fluides);
- 1 838,11 $ (plafond intérieur et murs, système satellite);
- 3 794,17 $ (fenêtres ombragées);
- 180 $ (valve de la toilette de la salle d’eau);
- 43,06 $ (estimé des réparations);
- 3 512,12 $ (moteur de la partie rétractable (« slide out ») et suspension);
- 439,15 $ (marche électrique);
- 1 000 $ pour troubles et inconvénients.
[35] Dans sa contestation déposée en date du 12 mai 2016, SMG répond ce qui suit :
- Le contrat stipulait une garantie conventionnelle de bon fonctionnement d’un mois;
- Le puits de lumière endommagé était un vice apparent lors de la vente;
- Les changements de fluide étaient un entretien normal;
- La réclamation au titre de la suspension à air est irrecevable puisqu’il s’agit d’une amélioration du VR;
- Il s’est écoulé 1 an et 4 mois entre la vente et ce document daté du 10 septembre 2014 provenant de Garage Magella Beaulieu Inc. au montant de 3 963,52 $;
- M. Bérubé aurait dû faire inspecter le VR;
- Il s’est écoulé 5 mois entre la vente et la facture datée du 2 novembre 2013 provenant de Garage Magella Beaulieu Inc. au montant de 1 838,11 $;
- La vente ne comprenait pas un système satellite fonctionnel, le VR ne comprenant que l’antenne mais pas de décodeur;
- Il s’est écoulé 2 ans et 2 mois entre la vente et la facture du 29 juillet 2015 provenant de Garage Magella Beaulieu Inc. au montant de 439, 15 $ relativement à la réparation de la marche, ceci résultant de l’usure normal;
- Il y a deux réclamations pour le réfrigérateur.
[36] SMG se porte également demanderesse reconventionnelle et réclame 2 000 $ « pour troubles et inconvénients en rapport avec la poursuite intentée par le demandeur compte tenu que ce dernier exagère de beaucoup les dommages qui lui sont causés et qu’il a intenté les présentes procédures de façon abusive ».
[37] Voilà donc la trame factuelle de cette affaire. Voyons maintenant de quoi il en retourne.
[38] M. Bérubé n’a certes pas acheté un VR neuf lorsqu’il a signé le contrat d’acquisition le 11 juin 2013. Toutefois, SMG lui a fait des représentations à l’effet que le véhicule était en bon état de fonctionnement.
[39] Le Tribunal retient la version des faits de M. Bérubé lorsque celui-ci affirme que la mention relative au fait que le véhicule avait été « reconstruit » ne fut discutée qu’après la signature du contrat de vente.
[40] M. Laroche prétend que seuls les deux puits de lumière avaient été remplacés et justifiaient la mention « reconstruit ». Le Tribunal en doute.
[41] Le VR 2006 a été vendu par un vendeur professionnel, SMG. Il ne fait pas de doute que les composantes du VR ont souffert de mauvais fonctionnement peu de temps après la vente.
[42]
L’article
[43]
Par ailleurs, la preuve démontre que M. Bérubé a pu utiliser son nouveau
VR depuis l’acquisition de telle sorte que celui-ci n’était pas « impropre
à l’usage » auquel il était destiné (article
[44]
Une remarque s’impose ici au sujet des fenêtres ombragées. La preuve
révèle que ce vice était apparent et connu de l’acheteur (article
[45] De plus, une autre remarque doit être apportée relativement à l’ajout, par M. Bérubé, d’une suspension pneumatique en lieu et place de la suspension d’origine plus rudimentaire à lames et ressort. Cette dernière avait près de 10 ans lors de son remplacement. Le Tribunal est d’avis que la nouvelle suspension à l’air constitue une amélioration et une plus-value apportée au VR dont la défenderesse ne pourrait être tenue responsable.
[46]
Il en est de même en ce qui concerne l’un des deux puits de lumière
(« dôme ») qui n’était pas fissuré mais que M. Bérubé a néanmoins
décidé de changer au coût de 450 $ plus taxes (517, 50 $) par dôme. Le
Tribunal rappelle que la partie qui réclame a l’obligation de mitiger ses
dommages (art.
[47] Quant à la réclamation pour le remplacement de la marche extérieure électrique, le Tribunal considère qu’il s’agit d’usure normale, et ce, d’autant plus que la marche est exposée aux éléments.
[48]
Par ailleurs, le Tribunal rappelle les articles
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[49] La preuve révèle que plusieurs des composantes du VR n’ont pas servi à un usage normal pendant une durée raisonnable. Le réfrigérateur, la valve de la salle d’eau, le plafond ayant eu une infiltration d’eau, l’extension (« slide-out ») ne se déployant pas convenablement, autant d’éléments mentionnés dans la facture du 2 novembre 2013 au montant de 1 838,11 $.
[50] Le Tribunal soustrait toutefois de cette facture un montant de 50 $ plus taxes, pour un total de 57,50 $, relatif à la mise en marche du système de télévision par satellite.
[51]
Par ailleurs, le demandeur n’a pas fait une preuve satisfaisante [art.
[52] De plus, le Tribunal rejette la portion relative au changement des huiles et fluides d’une part parce qu’il n’y a pas eu de preuve à l’effet que ceux-ci étaient périmés et d’autre part que cela relève de l’entretien normal d’un véhicule.
[53] Ainsi donc, le Tribunal ventile comme suit les éléments accordés au demandeur :
- 1 780,61 $ pour la réparation des murs, du plafond intérieur, du réfrigérateur;
- 180 $ pour la réparation de la tuyauterie de la toilette;
- 450 $ + taxes [517,50 $] pour le remplacement d’un puits de lumière;
- 215,95 $ + taxes [248,34 $] pour une réparation d’une unité rétractable (« slide-out »);
- 49,66 $ pour les mises en demeure;
- 500 $ à titre de troubles et inconvénients.
[54] Quant à la demande reconventionnelle de 2 000 $ fondée sur l’exercice abusif par le demandeur de ses droits, le Tribunal la rejette.
[55]
En effet, le demandeur croyait en toute bonne foi posséder des droits et
les a fait valoir. Aucun élément dans la preuve ne permet de conclure qu’il a
agi de manière excessive ou déraisonnable de façon à nuire à SMG ou encore en
détournement des fins de la justice, pour reprendre le texte de l’article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
QUANT À LA DEMANDE INTRODUCTIVE D’INSTANCE :
ACCUEILLE pour partie la demande;
CONDAMNE la défenderesse Automobile
SMG inc. à payer au demandeur Alain Bérubé la somme de 3 276,11 $
avec intérêt au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article
LE TOUT avec frais de justice de 200 $.
QUANT À LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :
REJETTE la demande reconventionnelle;
LE TOUT sans frais de justice.
|
CHRISTIAN BOUTIN, J.C.Q.
|
|
Date d’audience : |
28 août 2018 |
|
[1] Ci-après « VR ».
[2] La demande originale était de 13 901,25 $. Le Tribunal a permis un amendement à l’audience afin de porter celle-ci à 15 000 $.
[3] Bris de la valve de toilette, cliquetis, problème d’allumage au gaz propane, système satellite ne fonctionnant pas, auvent désaligné.
[4] Les items visés sont le réfrigérateur, l’auvent rétractable, la conduite d’essence, le changement des fluides et filtres, des ampoules manquantes, un puits de lumière fissuré.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.