Thouin c. Ultramar ltée

2014 QCCS 3946

 

JG 1744

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE QUÉBEC

 

 

N° :

200-06-000135-114

 

DATE :

15 août 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

BERNARD GODBOUT, j.c.s.

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DANIEL THOUIN ET AL

 

                                     Demandeurs

c.

 

ULTRAMAR LTÉE ET AL

 

                                     Défendeurs

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JUGEMENT SUR PRÉSENTATION DE MOYENS PRÉLIMINAIRES EN RADIATION D’ALLÉGATIONS ET REJET DE PIÈCES

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[1]           Le 6 septembre 2012, notre Cour, alors présidée par Mme la juge Dominique Bélanger, autorisait l’exercice du présent recours collectif et attribuait à M. Daniel Thouin, ainsi qu’à l’Association pour la protection automobile, le statut de représentants pour le compte des Groupes que décrit ce jugement. Ce recours collectif vise 14 régions du Québec qui ont été délimitées dans le jugement rectifié du 4 octobre 2012[1].

[2]           À la suite de ce dernier jugement, les demandeurs signifiaient, le 19 novembre 2012, leur requête introductive d’instance.

[3]           Le 11 janvier 2013, les défendeurs dénonçaient leur intention de soulever quatre (4) moyens préliminaires dont le deuxième, objet du présent jugement, énonce ce qui suit :

« II-      RADIATION D’ALLÉGATIONS ET REJET DE PIÈCES

2.         Les Défendeurs entendent demander le rejet des pièces, et la radiation d’allégations non pertinentes, superflues ou calomnieuses, notamment aux motifs que celles-ci :

a.         font référence à une autre instance touchant des marchés différents, fondée sur une cause d’action différente, et avec des demandeurs et des défendeurs différents.

b.         allèguent l’existence de faits similaires inadmissibles en matière civile.

c.         allèguent, dans plusieurs cas, eu égard à ces faits similaires, des faits qui ne sauraient faire preuve en soi (e.g. perquisitions, dénonciations et accusations).

d.         soulèvent une cause d’action non autorisée (« complot » soi-disant unique pour l’ensemble des marchés).

            La référence à cette autre instance (Recours collectif Jacques), et aux éléments procéduraux et de preuve invoqués dans celle - ci, est donc inappropriée et ne saurait conditionner l’exercice du présent recours non plus que les conclusions auxquelles la Cour pourrait en arriver aux termes de celui-ci.

Les paragraphes et pièces visés sont les suivants :

                                          i.          Paragraphes : 21, 22, 24, 25, 32, 34, 39, 46, 47, 49, 50, 53, 55, 61, 66, 68, 77, 85, 93, 96, 100, 102, 107, 108, 110, 111, 114, 116, 123, 124, 126, 127, 130, 132, 135, 136, 138, 142, 147, 150, 153, 156, 159, 161, 165, 167, 172.

                                         ii.          Pièces : P-3, P-4, P-5, P-7, P-8, P-12, P-14, P-16, P-17, P-18a) b), P-19, P-20, P-27, P-28, P-29, P-30, P-34, P-35, P-36, P-37, P-38, P-39, P-40, P-41, P-42, P-43, P-44, P-45, P-47.»

[4]           Rappelons qu’avant l’introduction du présent recours, soit le 30 novembre 2009, les demandeurs M. Simon Jacques et l'Association pour la protection automobile ont été autorisés à exercer un recours collectif pour le compte de quatre (4) groupes de personnes ayant acheté de l'essence à la pompe sur le territoire de quatre (4) marchés visés par des accusations portées par le Bureau de la concurrence du Canada : Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog (le recours collectif « Jacques »)[2].

[5]           La requête dont le Tribunal est saisi vise essentiellement la radiation des allégations de la requête introductive d’instance qui font référence aux instances criminelles qui ont suivi l’enquête du Bureau de la concurrence et l’implication alléguée des défendeurs dans les territoires exclusifs au dossier «Jacques », de même que le rejet des pièces afférentes à ces allégations. Les défendeurs demandent également au Tribunal d’ordonner la reformulation ou, à défaut, la radiation des allégations qui, selon eux, amalgament les différents complots allégués pour en faire un « complot unique » survenu dans l’ensemble des territoires visés par le recours.

[6]           L’article 168 du Code de procédure civile (C.p.c.) permet de demander la radiation d’allégations non pertinentes, superflues ou calomnieuses et le rejet des pièces afférentes. L'avantage d’une telle requête réside dans la possibilité de circonscrire le débat entre les parties et d'éviter qu'il ne soit détourné ou teinté par des allégations non pertinentes et, par le fait même, éviter les coûts et les délais liés à la nécessité de réfuter ou d’expliquer des faits non nécessaires à la résolution du litige[3].

[7]           Au stade des procédures préalables, la jurisprudence rappelle que la pertinence doit être analysée avec souplesse. Cette souplesse se justifie puisqu’au procès, il sera possible de s’opposer à la preuve d’un fait au motif qu’il n’est pas pertinent au litige, et ce, même si ce fait est expressément allégué dans la procédure de la partie adverse[4].

[8]           En outre, avant l’audition au mérite, la radiation d'allégations et le rejet de pièces ne devraient être ordonnés qu'avec une extrême prudence, lorsque les allégations ou pièces en cause sont clairement non pertinentes et susceptibles de compliquer inutilement le débat en le rendant plus long et plus coûteux[5] :

 « [L’énoncé de l’article 168 C.p.c.], bien que tout à fait adéquat lorsqu’appliqué au déroulement de la preuve lors du procès, doit cependant être modulé, sauf situation évidente, en statuant sur une requête en radiation d'allégations, alors que, comme c'est ici le cas, la seule procédure présente est la requête introductive d'instance. Le tribunal n'a alors qu'un aperçu superficiel de la preuve que la partie demanderesse entend faire. À ce stade, la prudence est de mise. »[6]

[9]           Pour être pertinents, les faits allégués doivent tendre à démontrer l’existence ou l’inexistence d’un fait en litige. En cas de doute, l'allégation doit être conservée afin de permettre à la partie d'en faire la preuve. Le Tribunal peut toutefois rejeter la preuve d’un fait logiquement pertinent, mais dont l’effet préjudiciable surpasse la valeur probante :

« Ainsi, il est reconnu que le tribunal peut rejeter la preuve d’un fait, même s’il est logiquement pertinent, lorsque sa valeur probante est faible (certains disent « minime ») et son effet préjudiciable substantiel, en l’occurrence s’il risque d’entrainer la confusion dans les questions en litige, de porter indûment préjudice à la partie adverse, à un témoin ou à un tiers, de prendre la partie adverse par surprise, de façon déloyale ou encore d’éterniser inutilement le débat. »[7]

 « La preuve qui est par ailleurs logiquement pertinente peut être exclue […] si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable, si elle exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur ou si elle peut induire en erreur en ce sens que son effet sur le juge des faits […] est disproportionné par rapport à sa fiabilité. »[8]

[10]        En somme, un fait est pertinent lorsqu'il s'agit d’un fait en litige, lorsqu'il contribue à prouver d'une façon rationnelle un fait en litige ou lorsqu'il a pour but d'aider le Tribunal à apprécier la force probante d'un témoignage[9].

[11]        Par ailleurs, les pièces produites au soutien des allégations radiées doivent être rejetées. Il ne sera pas permis de les réintroduire si aucune autre allégation n'en permet la preuve[10].

Analyse

Références au recours collectif «Jacques» et aux instances criminelles

[12]        Dans leur plan d’argumentation, les requérants ont divisé les allégations et les pièces visées par leur requête de la façon suivante, avec quelques adaptations mineures :

1.    Des défendeurs et/ou leurs représentants ont enregistré un plaidoyer de culpabilité et/ou fait un énoncé d’admissions suite aux accusations portées en cour criminelle pour avoir comploté ou conclu un accord ou un arrangement pour empêcher ou réduire la concurrence dans les régions de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et/ou Magog.  [paragraphes 24, 34, 46, 49, 53, 61, 66, 96, 100, 107, 110, 114, 123, 126, 130, 135, 136, 138, 159, 165 et pièces P-7, 8, 14, 16, 17, 19, 20, 27, 28, 29, 30, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45]

2.    Certains défendeurs et/ou représentants sont « identifiés comme parties impliquées dans certains actes d’accusation » d’entreprises ou d’individus ayant plaidé coupables ou ont été identifiés comme instigateurs dans la fixation des prix de l’essence dans les régions de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et/ou Magog. [paragraphes 32, 50, 111, 127, 147,153 et pièces P-12, 17, 18A et 18B]

3.    Les défendeurs visés par la présente requête introductive d’instance sont également poursuivis dans le dossier judiciaire 200-06-00102-080 (« Dossier judiciaire Jacques ») pour leur implication dans les régions de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et/ou Magog. Ce recours est présentement pendant et suit son cours. [paragraphes 21, 22, 171 à 186* et pièces P-4, 5, (9A, 9B, 9C, 15A, 15B sauf référence aux régions visées)[11]

[13]        Les requérants plaident que les allégations faisant référence au recours collectif «Jacques» et aux instances criminelles constituent de la preuve de faits similaires, inadmissible en l’espèce.

[14]        Une preuve de faits similaires est inadmissible lorsqu’elle a comme conséquence de tendre à faire la preuve des actes reprochés par inférence fondée sur une preuve de caractère ou par présomption fondée sur le comportement ou la propension à commettre des actes similaires.

[15]        Le critère de pertinence applicable à la preuve de faits similaires est le même que celui précédemment énoncé :

« Pour être pertinents et recevables en preuve, les faits similaires invoqués doivent tendre à démontrer l’existence ou l’inexistence d’un fait en litige, le tribunal conservant la faculté de rejeter la preuve de ces faits similaires si leur valeur probante est faible et leur effet préjudiciable substantiel »[12].

[16]        La jurisprudence reconnaît l’admissibilité en preuve d’actes similaires lorsque ceux-ci sont à ce point liés à ceux qui font l’objet du litige qu’ils tendent à démontrer l’existence d’un système ou d’un modus operandi.

[17]        Les faits allégués dans les paragraphes visés par la requête des défendeurs sont intimement liés aux faits en litige et aux prétentions des demandeurs dans le présent recours collectif. Dans le jugement d’autorisation, Mme la juge Bélanger résumait ainsi la thèse mise de l’avant par les demandeurs :

« [91] Les requérants estiment pouvoir démontrer que :

- Lors des mêmes conversations, les intimés fixaient aussi les prix de l'essence dans de nombreuses autres villes du Québec.

- La méthode de fixation des prix ne différait pas d'un territoire à l'autre.

- S'entendre avec les concurrents aurait été une pratique répandue et bien établie.

[92] Pour soutenir ces trois affirmations, les requérants soumettent : le résumé de l'écoute électronique, les transcriptions des notes sténographiques des audiences criminelles, la transcription d'un interrogatoire KGB, les jugements rendus dans les dossiers criminels et les trente conversations complètes interceptées et dont ils ont obtenu copie.

[93] La thèse des requérants prend assise dans le dossier préparé par le Bureau de la concurrence.

[94] De ce dossier, obtenu par les requérants de façon très partielle, il apparaît que les conversations interceptées touchaient non seulement les quatre municipalités concernées par le recours collectif déjà autorisé, mais d'autres municipalités du Québec.

[95] À titre d'exemple, lors d'une seule et même conversation, deux intimés auraient fixé le prix de l'essence dans pas moins de dix villes différentes.

[…]

[244] La prétention des requérants dans l'affaire Jacques et des requérants dans le présent recours est qu'il existe certaines têtes dirigeantes employées chez certains des intimés qui auraient, en plusieurs endroits au Québec, comploté entre eux pour fixer le prix de l'essence[13]. »

[18]        Les allégations dont on demande la radiation et les pièces auxquelles elles font référence contiennent des éléments de preuve pertinents au présent recours, même s’ils font état d’événements survenus dans les territoires visés par le recours collectif «Jacques».

[19]        Le présent recours collectif est fondé sur l’article 36 de la Loi sur la concurrence[14], qui prévoit, au deuxième paragraphe, que les procès-verbaux relatifs aux procédures engagées devant tout tribunal qui a déclaré une personne coupable d’une infraction visée à la partie VI, constituent, sauf preuve contraire, une preuve que la personne contre laquelle l’action est intentée a eu un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI de la Loi sur la concurrence.

[20]        Quant aux plaidoyers et verdicts de culpabilité prononcés dans les instances criminelles, ils sont admissibles en preuve devant les tribunaux civils, bien qu’ils n’aient pas l’autorité de la chose jugée. Cette preuve ne lie pas le tribunal, mais mérite d’être considérée comme les autres preuves au dossier, sans que cela ne diminue le fardeau de preuve de la partie qui l’invoque[15]. Dans le cadre de leur recours, les demandeurs entendent aussi se prévaloir de l’article 1457 C.c.Q. Ils devront donc prouver, par prépondérance de preuve, que les membres des groupes tels que définis, ont subi un dommage résultant d’une faute des défendeurs.

[21]        On peut difficilement affirmer que les allégations et pièces en cause sont sans aucune pertinence en l’espèce. L’état du dossier à ce jour ne permet pas d’ordonner la radiation des éléments visés par la requête au motif que leur effet préjudiciable surpasse leur valeur probante.

[22]        À ce stade-ci, il convient d’observer le principe de prudence maintes fois réitéré par la jurisprudence et de laisser au juge alors qu’il sera saisi du fond le soin d’apprécier pleinement la pertinence et la valeur probante de ces allégations dans le contexte global de la preuve qui sera à ce moment présentée. Le juge au mérite sera libre d’en tirer les conclusions et présomptions de fait appropriées, le cas échéant. Il lui appartiendra de faire le partage de ce qui constitue du ouï-dire et ce qui n'en est pas, et d’exclure ce qui n'est pas admissible ou pertinent[16]. La même conclusion prévaut en ce qui concerne les références aux témoignages rendus dans le cadre d’un interrogatoire policier (KGB) et d’un procès pénal[17].

Référence à l’opinion de la Commissaire de la concurrence

[23]        Les défendeurs demandent la radiation du paragraphe 172 de la requête introductive d’instance qui se lit comme suit :

« L’enquête se poursuivit jusqu’au mois de février 2005, où forte des informations jusque-là recueillies, la commissaire de la concurrence ouvra formellement une enquête puisqu’elle avait des motifs de croire que des infractions à la Loi sur la concurrence avaient été commises ou étaient sur le point d’être commises dans la vente de l’essence au détail à Victoriaville ».

[24]        Les défendeurs demandent la radiation de cette allégation qui n’a, selon eux, aucune pertinence en l’espèce. Ils ajoutent que le paragraphe 172 rapporte l’opinion d’une autorité réglementaire et ne saurait influencer et encore moins lier le tribunal. Si on permet aux demandeurs de faire la preuve de cette allégation, il faudrait importer le dossier d’une instance distincte et produire l’ensemble des informations sur lesquelles l’opinion rapportée est fondée afin de pouvoir en tenir compte et en apprécier la pertinence.

[25]        Ce paragraphe ne réfère à aucune pièce. Contrairement à ce que plaident les défendeurs, l’impact réel que cette allégation aura sur l’ensemble du débat semble être de peu d’importance. Elle s’insère dans l’énoncé et l’historique des faits des demandeurs et indique simplement qu’au mois de février 2005, le Bureau de la concurrence disposait d’assez d’informations pour ouvrir une enquête formelle.

« Complot unique »

[26]        Les défendeurs soutiennent que les paragraphes 39, 55, 68, 77, 85, 93, 102, 116, 132, 142, 150, 156, 161, 167, tels que rédigés, ont pour effet d’amalgamer les différents complots allégués pour en faire un « complot unique » survenu dans l’ensemble des territoires visés par le recours. Ils soulignent que le jugement d’autorisation traite clairement et distinctement des différentes municipalités, villes ou territoires. Les défendeurs rappellent que l’essence d’un complot est une entente visant un objet particulier dans un marché identifié et que Mme la juge Bélanger a clairement indiqué, dans le cadre de l’analyse de la composition du groupe visé par le recours collectif « Jacques », qu’il y avait impossibilité de conclure à un seul cartel :

[46] L’argument des intimés est fondamental : il y a impossibilité de conclure à un seul cartel juridiquement parlant, car il est évident que tous les intimés n'ont pas fixé ensemble le prix de l’essence dans les marchés des régions de Victoriaville, Thetford Mines et Sherbrooke/Magog.

[…]

 

[57] Chacun des marchés pertinents aux villes de Victoriaville et de Thetford Mines est bien défini par ses stations-services. Toutes autres stations, à l'extérieur des limites de ces villes, sont situées suffisamment loin et suffisamment difficiles d'accès pour ne pas représenter une source de concurrence.

 

[58] D'ailleurs, on constate que mises à part certaines personnes impliquées au début de la chaîne, plusieurs détaillants sont complètement absents de certaines villes.

 

[59] En l'occurrence, une infraction à l'article 45 (1) c) de la Loi sur la concurrence doit nécessairement viser un marché où les conspirateurs cherchent à réduire indûment la concurrence. Il coule de source qu'ils doivent être des concurrents dans un même marché, sans quoi, il ne saurait y avoir d'infraction, car ils ne partageraient pas l'objectif commun de réduire indûment la concurrence.

 

[60] Dans ces circonstances, le recours civil, basé sur l'article 36 de la Loi sur la concurrence, doit tenir compte de cet impératif selon lequel un complot ne peut avoir lieu que dans un marché donné. D'ailleurs, la façon de calculer les dommages sera, comme le soumet la procureure des requérants, d'évaluer la différence entre le prix vendu et le prix du marché.

 

[61] Les faits allégués et les documents déposés ne soutiennent donc pas la théorie des requérants selon laquelle il y aurait eu une entente entre tous les intimés, afin de fixer le prix de chaque litre d'essence dans le territoire qu’ils décrivent, et ce, pendant une période de quatre à six ans.

 

[62] Les requérants n’ont démontré aucune possibilité concrète que le Tribunal retienne un seul grand territoire comme étant le marché concerné par les pratiques décrites.

[27]        Rappelons que le groupe pour le compte duquel les demandeurs souhaitaient intenter le recours collectif était alors composé de « toutes les personnes physiques ou morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 13 juin 2008 sous leur direction ou leur contrôle cinquante (50) employés ou moins liés à elle par un contrat de travail, qui ont acheté de l'essence et/ou du diesel à au moins une reprise entre le 1er janvier 2002 et le 12 juin 2008 dans les marchés des régions de Victoriaville, Thetford Mines et Sherbrooke/Magog ». Cette formulation est différente et doit être distinguée de celle que l’on retrouve dans les paragraphes visés par la requête des défendeurs.

[28]        À la lecture de ces paragraphes, on constate que les demandeurs ne se sont pas contentés d’inclure tous les territoires, mais qu’ils ont identifié certains territoires spécifiques, qui varient d’un défendeur à l’autre.

[29]        Comme l’indiquait Mme la juge Bélanger, l’impossibilité de conclure à un cartel unique est liée à l’impossibilité de conclure que tous les défendeurs ont fixé ensemble le prix de l’essence dans tous les marchés visés par le recours. Il n’est toutefois pas impossible, et les faits allégués tendent même à le démontrer, que certains défendeurs aient été impliqués dans plus d’un marché. Comme le soulignait Mme la juge Bélanger, la raison pour laquelle quatre groupes ont été créés dans le recours collectif «Jacques» et celle pour laquelle plusieurs groupes ont été mis sur pied dans le présent dossier n'est pas qu'il s'agit de recours distincts, bien au contraire[18]. Certains liens peuvent exister entre les complots allégués. C’est cette possible implication dans plusieurs marchés que les demandeurs invoquent aux paragraphes identifiés précédemment.

[30]        Les demandeurs auront évidemment le fardeau de prouver dans quel(s) territoire(s) spécifiquement les défendeurs ont réellement été impliqués lors de l’audition au mérite, ces territoires variant d’un défendeur à l’autre selon les allégations concernées.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[31]        REJETTE le moyen préliminaire en radiation d’allégations et rejet de pièces.

[32]        LE TOUT avec dépens.

 

 

 

BERNARD GODBOUT, j.c.s.

 

 

Me Pierre Lebel

Bernier, Beaudry inc.

Procureurs des demandeurs

 

Me Guy Paquette

Me Karine St-Louis

Paquette Gadler inc.

300, Place d'Youville, B-10

Montréal (Québec)  H2Y 2B6

Procureurs des demandeurs

 

Me Sylvain Lussier

Me Élizabeth Meloche

Osler, Hoskin & Harcourt

1000, de La Gauchetière Ouest, bureau 2100

Montréal (Québec)  H3B 4W5

Procureurs de Les Pétroles Irving inc.

 

Me Louis P. Bélanger

Me Caroline Plante

Stikeman Elliott

1155, boulevard René-Lévesque Ouest, 40e étage

Montréal (Québec)  H3B 3V2

Procureurs d'Ultramar ltée

 

Me Sidney Elbaz

McMillan

1000, rue Sherbrooke Ouest, 27e étage

Montréal (Québec)  H3A 3G4

Procureurs de Le Groupe Pétrolier Olco inc.

 

Me Louis-Martin O'Neill

Davies Ward Phillips & Vineberg

501, McGill College, bureau 2600

Montréal (Québec)  H3A 3N9

Procureurs d'Alimentation Couche-Tard inc.

 

Me Daniel O'Brien

Me Pierre Grégoire

O'Brien avocats

Procureurs de Pétroles Cadrin inc.

 

Me David Quesnel

Heenan Blaikie

1250, boulevard René-Lévesque Ouest

Bureau 2500

Montréal (Québec)  H3B 4Y1

Procureurs de Les Pétroles Global inc./

Global Fuels inc., Les Pétroles Global (Québec) inc./

Global Fuels (Québec) inc.

 

Me Michel C. Chabot

Gravel Bernier Vaillancourt (casier 95)

Procureurs de Philippe Gosselin & associés ltée,

et Claude Bédard



[1]     2012 QCCS 4199.

[2]     2009 QCCS 5603.

[3]     JurisClasseur Québec - Procédure civile I, Fascicule 9 « Cautionnement pour frais et moyens préliminaires ».

[4]     Claude MARSEILLE, « La pertinence au stade des procédures préalables », Points de droit - La règle de la pertinence en droit de la preuve civile québécois, 2004, EYB2004PDD124.

[5]     Lebel c. P & B Entreprises ltée, 2013 QCCS 3316.

[6]     Poulin c. Groupe Jean Coutu (PJC) inc., 2006 QCCA 49.

[7]     Claude MARSEILLE, « Tempérament à la pertinence », Points de droit - La règle de la pertinence en droit de la preuve civile québécois, 2004, EYB 2004PDD122.

[8]      R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9 (jugement de droit criminel, cité aux fins de droit civil dans Hôtel Central Victoriaville inc. c. Compagnie d’assurance Reliance, REJB 1998-06721 (C.A.).

[9]     Lebrun c. Hôtel-Dieu de St-Jérôme, EYB 1990-57005, (C.A.).

[10]    Michaud c. Centre hospitalier régional du Grand-Portage, [2004] J.Q. no 11067 (C.A.).

[11] Les paragraphes 171 à 186 ainsi que les pièces P- 9 a) à c) et 15 a) et b), énumérées dans le plan d’argumentation des requérants, n’apparaissent pas dans l’avis de dénonciation des moyens préliminaires

[12]  Claude MARSEILLE, « Les cas particuliers analysés par la jurisprudence », Points de droit - La règle de la pertinence en droit de la preuve civile québécois, 2004, EYB2004PDD123.

[13] Supra, note 1.

[14] L.R.C., 1985, Ch.C-34

[15]    Claude MARSEILLE, « Les cas particuliers analysés par la jurisprudence », Points de droit - La règle de la pertinence en droit de la preuve civile québécois, 2004, EYB2004PDD123.

[16] Administration régionale Kativik c. Progère Construction inc., 2004 CanLII 73138 (C.A.).

[17] Paragraphes 47, 50, 108, 124 de la requête introductive d’instance.

[18] 2012 QCCS 4199, para. 243.

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