Décision

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Tomlin c. Lelliott

2016 QCCS 5530

J.C.1466

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE BEAUHARNOIS

N° :

760-17-003249-136

 

DATE :

8 novembre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JEAN-JUDE CHABOT, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

TRACY TOMLIN

Partie demanderesse

c.

 

JOANNE LELLIOTT

et

JEFFREY VAILLANCOURT

et

ALLAN GREEVY

Parties défenderesses

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Il s'agit d'un recours fondé sur la garantie de qualité à la suite de l'achat d'une résidence.

I. LE CONTEXTE

[2]           Le 14 juin 2011, la demanderesse (ci-après « la demanderesse » ou « Tomlin » sans irrespect) acquiert des défendeurs Lelliott et Vaillancourt (ci-après « les défendeurs » ou « Lelliott » et « Vaillancourt » sans irrespect) une résidence sise au […], Ville de St-Lazare au prix de 310 000 $.

[3]           Préalablement à l'achat, la demanderesse fait procéder à une inspection préachat par le défendeur Greevy (ci-après « Greevy » sans irrespect) (P-3).

[4]           À l'été 2011, la demanderesse constate une infiltration d'eau provenant de la pompe submersible.  Elle dénonce la situation à Greevy le 29 novembre 2011 et aux défendeurs Lelliott et Vaillancourt le lendemain.

[5]           Le 21 décembre 2011, elle mandate un cabinet d'expertises en bâtiment, le Centre d'expertises légales en bâtiments et Ass. Inc. (ci-après  CELB » ou « Bossus » du nom du signataire du rapport) pour déterminer les causes d'infiltrations d'eau.

[6]           Le même jour, elle mandate le cabinet d'experts-chimistes Benjel Chimistes Conseils inc. (ci-après « Benjel » ou « Bourassa » du nom de la signataire du rapport) pour vérifier la salubrité microbienne de l'immeuble.

[7]           Le 16 janvier 2012, Benjel transmet son rapport dans lequel elle dénonce un problème de contamination de l'air au sous-sol avec la présence de quelques moisissures au rez-de-chaussée et suggère un protocole de décontamination.  Elle note également la présence d'ocre ferreuse dans le puits de captation de la pompe submersible, et suggère de faire vérifier l'état de drains de fondation (P-8).

[8]           Le 28 mars 2012, CELB transmet son rapport d'expertise (P-7) lequel conclut que les infiltrations d'eau résultent de l'obstruction des drains français par de la pâte d'ocre ferreuse et du fait que le bâtiment a été implanté dans la zone de fluctuation de la nappe phréatique.  Le rapport suggère plusieurs travaux correctifs dont principalement le remplacement du système de drainage existant par un système de drainage spécialisé et adapté au problème, à la construction de cheminées de nettoyage, à l'imperméabilisation des fondations par cuvelage intérieur et finalement à la décontamination fongique et réfection des finitions et structures.

[9]           Le 6 juin 2012, la demanderesse  dénonce  les  rapports  P-7 et P-8 à Greevy (P-9).  Les 7 et 11 juin 2012, elle dénonce lesdits rapports aux autres défendeurs les enjoignant de procéder à leurs propres constatations et à prendre en charge les travaux correctifs (P-10).

[10]        Le 8 juin 2012, la demanderesse obtient également un rapport du bureau d'évaluation immobilière Raymond, Joyal, Cadieux, Paquette et Associés Ltés (ci-après « Tremblay » du nom du signataire du rapport) indiquant une perte de la valeur marchande de l'immeuble de l'ordre de 16 500 $ en raison du problème d'ocre ferreuse nécessitant un entretien même après les travaux correctifs (P-11).

[11]        Le 10 septembre 2012, l'entrepreneur chargé des travaux correctifs, Rénovation Jim MacDonald (ci-après « MacDonald ») transmet à la demanderesse un estimé au montant de 50 760,31 $ pour la refinition du sous-sol (P-15).

[12]        Les 19 et 21 septembre 2012, la demanderesse dénonce le rapport P-11 à tous les défendeurs, les tenant responsables des dommages et les invitant de nouveau à procéder à leurs propres expertises.  Elle les informe que les travaux correctifs débuteront le 8 octobre 2012 (P-12).

[13]        Devant l'inaction des défendeurs, les travaux débutent tel que prévu le 8 octobre.  Vers le 26 novembre 2012, l'entrepreneur note certains autres défauts affectant le drain français.  Devant l'hiver approchant, la demanderesse poursuit néanmoins les travaux mais elle en informe les défendeurs les 28 et 30 novembre 2012 (P-13).

[14]        MacDonald termine les travaux en décembre 2012.  Le coût de ceux-ci s'élève à 119 353,25 $, payé le 20 février 2012 (P-14).

[15]        Le 16 mai 2013 la demanderesse entreprend le présent recours et réclame 200 662,70 $ pour les travaux effectués (P-14), les travaux à faire (P-15), la perte de valeur marchande (P-11), les frais d'expertise (4 049,14 $) et des dommages-intérêts pour troubles et inconvénients (10 000 $).

[16]        Greevy ne s'est jamais manifesté et n'a pas comparu.

[17]        Le 16 octobre 2013, les défendeurs Lelliott et Vaillancourt signifient une première défense dans laquelle ils nient responsabilité.

[18]        Le 14 mars 2014, les défendeurs modifient leur défense pour la préciser et alléguer le rapport de leur expert.

[19]        Le 7 mai 2014, la demanderesse informe les défendeurs qu'elle subit de nouvelles infiltrations d'eau malgré les correctifs apportés et qu'elle a mandaté un bureau de consultants pour des études piézométriques relativement à l'implantation du bâtiment (P-14.1).

[20]        Le 29 septembre 2014, le consultant GS Consultants (ci-après « GS » ou « Olejczyk » du nom du signataire du rapport) transmet son rapport lequel conclut que sur la période d'observation entre le 28 avril et le 9 septembre 2014, le niveau supérieur de la dalle de béton du sous-sol se trouve en totalité ou en partie sous le niveau de la nappe phréatique, situation propice à des infiltrations d'eau pouvant être aggravée par le blocage du drain ou un mal-fonctionnement de la pompe submersible (P-14.4).

[21]        Le 17 octobre  2014, la  demanderesse  transmet le  rapport  aux  défendeurs (P-14.7).

[22]        Suivant la réception du rapport P-14.4, la demanderesse mandate CELB pour les travaux à réaliser afin de régler la situation.  Le 5 novembre 2014, celle-ci opine qu'il n'y a pas d'autre choix que de soulever la maison et de reconstruire la dalle de fondation à un niveau supérieur à celui de la nappe phréatique (P-14.8).  Le rapport est dénoncé aux défendeurs le 3 décembre 2014 (P-14.9).

[23]        Le 31 janvier 2015, MacDonald transmet à la demanderesse son estimé du coût des travaux suggérés par CELB, au montant de 264 500 $ plus taxes (304 108,88 $) (P-14.10).

[24]        Le 16 février 2015, la demanderesse modifie sa réclamation qu'elle augmente à 504 624,40 $.

[25]        Le lendemain, les défendeurs signifient une défense ré-amendée en réponse à la demande modifiée.

[26]        Le procès est fixé du 18 au 22 avril 2016.

[27]        Quelques jours avant la date du procès, la demanderesse obtient de l'évaluateur agréé Tremblay et de MacDonald une évaluation du préjudice si elle décidait de transformer le sous-sol en simple vide sanitaire au lieu de procéder aux travaux suggérés par CELB.

[28]        Le 13 avril 2016, l'expert Tremblay transmet son rapport d'évaluation dans lequel il indique une perte de valeur marchande au 8 juin 2012 de 42 000 $ (P-18).

[29]        Le même jour, MacDonald transmet son estimé des coûts à 57 131,08 $ (P-19).

[30]        Le procès se déroule aux dates prévues.  À la fin de l'enquête, la demanderesse dépose une demande remodifiée datée du 21 avril 2016 pour alléguer ces deux rapports et modifier les conclusions.

[31]        Comme conclusion principale, elle recherche une condamnation solidaire des défendeurs Lelliott et Vaillancourt in solidum avec le défendeur Greevy pour la somme de 509 744,25 $, sinon comme conclusion subsidiaire, la condamnation personnelle de Greevy pour la même somme.

[32]        Comme autre conclusion subsidiaire, fondée sur le scénario où elle procède à la condamnation du sous-sol et son remplissage comme vide sanitaire, elle recherche une condamnation solidaire des défendeurs Lelliott et Vaillancourt in solidum avec le défendeur Greevy pour la somme de 237 506,14 $.

II. POSITION DES PARTIES

A. LA DEMANDERESSE

[33]        Étant une néophyte en matière immobilière, elle a fait inspecter l'immeuble avant l'achat par Greevy, lequel n'a noté aucune déficience majeure affectant l'immeuble.

[34]        L'immeuble s'est révélé affecté de vices cachés à savoir principalement un drain français obstrué, une contamination fongique et l'implantation de la maison sous le niveau de la nappe phréatique.  Elle a dénoncé les vices au fur et à mesure de leur apparition.  Elle ajoute que les défendeurs Lelliott et Vaillancourt connaissaient les vices ou ne pouvaient les ignorer ou en ignorer les manifestations et ont fait défaut volontairement de les dénoncer se rendant ainsi coupable de dol à son égard.

[35]        Elle ajoute que si les vices pouvaient être apparents pour Greevy, ils demeuraient cachés pour elle, ce qui engage la responsabilité des défendeurs.

[36]        Elle reproche à Greevy d'avoir manqué à ses obligations contractuelles en n'ayant pas agi de manière prudente et compétente vis-à-vis des indices qu'il a ou aurait dû découvrir, ces indices faisant présager l'existence de problèmes plus sérieux, et en ayant fait défaut d'en informer la demanderesse et de lui suggérer de plus amples investigations.

[37]        Elle précise qu'elle n'aurait pas acheté l'immeuble ou payé le prix demandé eût-elle connu l'existence des vices.

[38]        Malgré le fait qu'elle ait payé l'immeuble 310 000 $, elle est en droit de réclamer les coûts de correction des vices affectant l'immeuble au montant de 478 124,40 $ compte tenu du fait qu'elle ne peut plus remettre l'immeuble dans le même état que lors de la vente et bénéficier ainsi de la résolution de la vente.

[39]        Sinon, elle demande qu'elle soit remboursée pour les correctifs déjà payés (119 353,25 $), la perte de valeur marchande de l'immeuble (42 000 $) et les correctifs pour la conversion du sous-sol en vide sanitaire (57 131,08 $) en sus des frais d'experts et d'une somme de 10 000 $ pour troubles et inconvénients.

B. LES DÉFENDEURS

1. GREEVY

[40]        Tant que mentionné, il n'a pas comparu à l'action ni même témoigné.

2. LELLIOTT ET  VAILLANCOURT

[41]        Essentiellement, ils plaident que la demanderesse n'a procédé qu'à un examen superficiel de la propriété lors de sa première visite le 26 mars 2011 se contentant de l'aspect général et esthétique de l'immeuble sans regarder la condition de l'immeuble ni la façon dont il était construit même si elle a remarqué la présence de l'ocre ferreuse dans le puits de la pompe submersible.

[42]        Malgré cela, elle a fait une promesse d'achat le même jour conditionnelle à une inspection préachat (P-2 en liasse).

[43]        Ils ajoutent qu'elle est arrivée à l'inspection préachat le 31 mars 2011 alors que Greevy avait presque terminé, qu'elle n'a pas posé de questions particulières à Greevy relativement à l'état de la propriété préférant être rassurée par ses propos et ceux de son propre agent immobilier sans procéder à plus ample examen.  Le même jour à 9h15, elle a levé la condition relative à l'inspection préachat (P-2 en liasse).

[44]        Les défendeurs ajoutent que lorsque Greevy a produit son rapport écrit, elle n'a pas tenu compte des recommandations de celui-ci.  Elle n'a posé aucune question relative à la condition de l'immeuble aux défendeurs lors de la première visite, de la visite préachat ni postérieurement jusqu'à la signature de l'acte de vente le 14 juin 2011.

[45]        Les défendeurs exposent que la demanderesse a agi avec négligence et incurie, que la présence d'ocre ferreuse était visible, que la pompe submersible était reliée à un système d'alarme, qu'il y avait des traces de rouille au sous-sol, qu'il y avait à l'extérieur des puits d'assèchement, etc., bref qu'elle n'a pas vu ce qu'elle aurait dû voir ni n'a apprécié la gravité potentielle de ce qu'elle aurait dû voir.  Ils nient quelque dol que ce soit à son égard.

[46]        Ils ajoutent que l'immeuble n'était pas affecté de vices cachés et qu'elle a fait défaut d'entretenir et de nettoyer son système de drainage adéquatement.

[47]        De surcroît, ils plaident que les travaux effectués apportent une plus-value à l'immeuble compte tenu de l'âge de l'immeuble, sa durée de vie utile et sa dépréciation.  Ils jugent les dommages réclamés exagérés et indirects sinon disproportionnés et abusifs considérant le prix de vente de la maison à 310 000 $.

III. QUESTIONS EN LITIGE

[48]        Il faudra déterminer dans un premier temps si l'immeuble vendu à la demanderesse était affecté de vices cachés ou de vices apparents au sens de la loi et de la jurisprudence.

[49]        Le Tribunal s'interrogera également si les défendeurs se sont rendus coupables de dol à l'égard de la demanderesse et si le défendeur Greevy a commis une faute professionnelle à l'égard de la demanderesse.

[50]        Enfin, le Tribunal conclura sur la question du quantum.

IV. DISCUSSION

A. GARANTIE DE QUALITÉ


1. LA PREUVE

[51]        La construction de la maison date de 1990 (P-11, à la p. 3/9).  Elle est située dans une petite rue résidentielle dans le village de St-Lazarre à quelques minutes de l'autoroute 40.

[52]        Les défendeurs Lelliott et Vaillancourt achètent la propriété le 3 juin 1996.  Leur vendeur qui n'est propriétaire que depuis un an leur remet le rapport d'inspection préachat qu'il avait fait faire à l'époque (D-4, 14 août 1995).  Déjà à ce moment, l'inspecteur notait la présence d'humidité ou d'efflorescence sur la dalle du sous-sol dans le coin arrière droit près de la pompe submersible.  Au moment de l'achat, le sous-sol n'est pas aménagé ni isolé.

[53]        À l'automne 1998 ou 1999, le défendeur entreprend la finition du sous-sol : isolation, installation d'un échangeur d'air et conduits y afférents, remplacement du réservoir d'eau chaude et de la pompe submersible, filtres à air électronique pour la fournaise à air pulsé, subdivision et finition.  Au final, le sous-sol contient une salle familiale servant aussi de salle d'artisanat, deux chambres à coucher et une salle de bain.

[54]        Une pièce n'est pas finie : la salle mécanique (« utility room ») où se trouve, entre autres choses, un puits avec une pompe submersible (« pit ».  On le nomme aussi « bassin de captation ».  Pour fin de simplicité, le Tribunal utilisera le vocable « puits »), relié au drain de la maison et qui se déverse dans le  fossé  municipal faisant face à la maison (D-3, photographie à la p. 6) (pour une vue d'ensemble de la salle mécanique : D-3, photographie AP-1).

[55]        Lors de son interrogatoire après défense, Vaillancourt témoigne qu'au moment de l'achat de la propriété il était au courant par des amis qui demeuraient sur la même rue, que la nappe phréatique était haute à St-Lazarre et particulièrement élevée dans son secteur et savait à quoi s'attendre relativement à l'entretien de la pompe submersible.  Pour lui, ce n'était pas un problème (Interrogatoire de Jeffrey Vaillancourt du 12 décembre 2013, aux pp 12-14, ci-après « Int. J.V. »).  Par la suite, il a amélioré ses connaissances par des recherches personnelles, en parlant à ses voisins et aux employés du village.

[56]        Il explique qu'au fil des ans, la hauteur de l'eau dans le puits et dans le fossé fluctuait.  Dans les deux cas, l'apparence de l'eau demeurait la même : une eau contenant des particules, sinon une boue, de couleur rouille (pour le puits : P-7, photo 70; pour le fossé : D-3, photo à la p 6 et D-6).  À l'époque, cela ne représentait pour lui que de la rouille et du sable, il n'a appris qu'à la suite de la vente à la demanderesse qu'il s'agissait d'ocre ferreuse.

[57]        De même, pour lui, l'accumulation de cette substance signifiait qu'il devait nettoyer les drains chaque année et entretenir sa pompe submersible deux à trois fois par année.  D'ailleurs, il gardait une pompe submersible d'échange dans son garage en cas de bris de la pompe dans le puits.  Tout cela représentait pour lui un entretien normal.  Dans les faits, il nettoyait le puits et la canalisation allant au fossé mais la preuve n'a pas révélé de traces comme quoi il aurait nettoyé le drain.

[58]        Il explique qu'au cours des quinze-seize années où il a été dans la maison il n'a jamais eu « d'inondation du sous-sol » dans le sens de débordement important d'eau.  Il y a eu de petits débordements d'eau (« overflow ») lorsqu'il nettoyait la pompe submersible et plus particulièrement lors de la crise du verglas en janvier 1998 alors que l'électricité a manqué entraînant la hausse du niveau d'eau dans le puits et que lui et sa conjointe ont dû vider le puits manuellement à la chaudière pendant trois jours.  C'est à ce moment que Vaillancourt a acheté une génératrice pour s'assurer d'une source d'électricité en cas de panne, chose assez fréquente, semble-t-il, dans le secteur.

[59]        En janvier 2002, comme mesure de sécurité additionnelle, il fait installer un détecteur d'élévation d'eau (« water sensor ») à l'intérieur du puits relié à un système d'alarme supervisé par une entreprise de systèmes d'alarme (D-5).

[60]        Dans son témoignage devant le Tribunal, Vaillancourt fait état également de deux incidents impliquant la pompe submersible.  À une occasion, alors que lui et sa conjointe étaient en vacances à l'extérieur, il a reçu un appel de l'entreprise d'alarme l'informant que l'eau montait dans le puits.  À l'autre occasion, ils étaient à la maison lorsque l'entreprise de surveillance les a appelés.  Son témoignage n'est pas véritablement clair lorsque comparé à celui donné lors de son examen au préalable (Int. J.V., aux pp 17-19 et 24-25) qui n'est pas plus clair sans être nécessairement contradictoire.

[61]        Lors de son interrogatoire au préalable, il mentionne l'incident où ils étaient à la maison.  La pompe a gelé et il y a eu un petit débordement d'eau près du puits de l'ordre de deux-trois pieds de rayon.  L'autre incident est aussi mentionné sans qu'il termine ses explications.

[62]        De son côté, Lelliott confirme pour l'essentiel le témoignage de son ex-conjoint sauf que son témoignage est imprécis sur le nombre de fois où il y a eu des débordements.  Elle précise que lors du premier événement survenu lorsqu'ils étaient à l'extérieur, des parents sont venus gérer la situation.

[63]        Vaillancourt ajoute que la dernière fois où il a changé la pompe, il l'a remplacée par une pompe quatre fois plus puissante que celle d'origine.  À une date imprécise, il a également fait creuser un autre puits à l'extérieur de la maison avec une pompe submersible pour aider à l'évacuation de l'eau vers le fossé.  Il y avait également un autre puits d'assèchement sur le terrain à l'arrière.

[64]        Enfin en 2008, il a demandé à la ville de creuser le fossé un peu plus profond pour assurer l'écoulement de son drain, ce qui fut fait.

[65]        Les défendeurs qui vivaient comme conjoints de fait depuis plusieurs années décident de se séparer en 2010.

[66]        Ils retiennent un agent d'immeuble pour la vente.  S'il y a eu un document MLS, il n'a pas été produit et le Tribunal ignore le prix de mise en vente.

[67]        De son côté, la demanderesse qui vivait avec son époux (ou conjoint) dans un condo à Dollard-des-Ormeaux veut quitter la ville pour la campagne.  Ils mettent en vente le condo par l'entremise de l'agent d'immeuble, Kenneth McCarthy.  C'est ainsi qu'elle apprend que la propriété des défendeurs est à vendre.  Après avoir visité une vingtaine de propriétés dans les environs, elle visite la maison des défendeurs le 26 mars 2011.  Elle est accompagnée de sa fille, croit-elle, et de son agent d'immeuble.  L'agent d'immeuble des défendeurs se trouve sur place.  Elle ne mentionne pas la défenderesse qui de son côté affirme avoir été présente (Interrogatoire après défense de Joanne Lelliott du 12 décembre 2013, à la p 8, ci-après « Int. J.L. »).  Au final, le Tribunal ne sait pas qui était vraiment présent lors de la première visite, sauf que Vaillancourt n'y était pas.  En fait, il ne vivait plus là depuis quelques mois.

[68]        Quoi qu'il en soit, selon Tomlin, la visite dure environ 45 minutes alors que Lelliott l'estime à environ 10 minutes mais sans s'en souvenir vraiment.

[69]        La demanderesse tombe littéralement en amour avec la maison et l'endroit.  Elle explique : « I wanted to make an offer the minute I saw the house » (Interrogatoire avant défense de Tracy Tomlin du 10 juillet 2013, à la p 9, ci-après « Int. T.T. »).

[70]        Elle visite toute la maison dont le sous-sol.  Elle visite la salle mécanique : le sol est fraîchement peint et la pièce est propre.  Elle voit le puits et la pompe submersible qu'elle décrit de la manière suivante : « To me, it was just this big rusty thing in a hole.  You know? Like just sitting in there » (Int. T.T., à la p 13).  Le puits était ouvert.  La photographie 70 de P-7 représente l'état de ce qu'elle a vu lors de la visite de la maison (Int. T.T., à la p 42).

[71]        Cela dit, elle n'a pas d'idées claires à savoir à quoi sert la pompe sauf que c'est un système de drainage.  Elle a vu un système d'alarme dans la pompe mais ne sait pas s'il était connecté et s'il fonctionnait (Int. T.T., aux pp 29, 31 et 32), enfin, elle ne le sait pas trop (id., à la p 33).

[72]        Quoi qu'il en soit, l'appareil et sa connexion à la pompe apparaît aux photographies du haut et au milieu à gauche de la page 8 du rapport P-11.  Elle reconnaît que la situation apparaissant à cette photographie correspond à ce qu'elle a vu lors de la visite (Int. T.T., aux pp 60, 61 et 62) sauf pour la rouille sur le sol.

[73]        Pour ce qui est de l'extérieur, elle affirme qu'elle y a jeté un coup d'œil de l'intérieur mais qu'elle n'a pas marché sur le terrain ni fait le tour extérieur du bâtiment parce qu'il y avait de la neige.

[74]        Durant cette première visite, elle n'a posé aucune question à la défenderesse (elle croit qu'elle n'y était pas) pas plus qu'à son agent d'immeuble : aucune question de quelque nature que ce soit (Int. T.T., à la p 12).

[75]        Selon la défenderesse, celle-ci aurait demandé à la demanderesse à la fin de la visite si elle avait des questions mais il n'y en a pas eu (Int. J.L., aux pp 8-9).  Plus loin, elle dira toutefois qu'elle n'a pas parlé à la demanderesse durant la visite sauf quand celle-ci lui a demandé si elle pouvait acheter ses tabourets de bar (id., à la p 11).  Il doit y avoir confusion parce que la question des tabourets semble être venue plus tard.

[76]        Quoi qu'il en soit, le jour même à 13h15, par l'entremise de son courtier, la demanderesse transmet une offre d'achat  aux défendeurs pour un prix de 305 000 $ (P-2).  Le lendemain à 8h45, les défendeurs proposent une contre-offre à 310 000 $ que la demanderesse accepte le même jour à 13h00 (P-2 en liasse).

[77]        Le courtier de la demanderesse la réfère au défendeur Greevy pour l'inspection préachat.  Celle-ci est fixée le 31 mars à 9h00 selon la demanderesse.

[78]        La demanderesse témoigne que lorsqu'elle arrive à 9h00, elle est surprise que Greevy ait déjà terminé son inspection.  Selon elle, il n'y avait que Greevy, le courtier des défendeurs et elle-même sur les lieux, peut-être aussi son propre courtier.

[79]        Selon sa version au procès, l'épouse de Greevy attendait dans l'automobile de celui-ci.  Sous réserve de l'objection soulevée, Greevy aurait dit à la demanderesse que la maison était en parfait état.  Elle lui demande, si elle était sa sœur, s'il lui dirait d'acheter?  Oui, « a fine house ».

[80]        Selon sa version lors de l'interrogatoire au préalable, Greevy se trouvait dans la maison avec son courtier et se préparait à quitter.  Elle croit qu'il se trouvait avec l'agent des défendeurs mais n'est pas certaine (Int. T.T., aux pp 15-16).  C'est un peu confus car on ne sait pas si son propre agent était présent alors qu'elle dit dans le même temps avoir été rassurée par ce dernier et par Greevy sur la qualité de la maison.  La visite dure une vingtaine de minutes : elle fait le tour complet de la maison mais dans l'optique où elle imagine comment elle installerait ses meubles.  Plus tard, elle mentionne cinq minutes (id., à la p 8).  Que ce soit par elle-même ou par l'entremise de son agent, elle ne pose aucune question aux défendeurs ni à leur agent, elle ne demande pas non plus aucun renseignement relativement à la maison :

Q.    So you didn't ask any questions to Madame Lelliott or Mr. Vaillancourt?

A.     I've only met them once and it wasn't at the house, so no.

Q.    Okay. But neither by the way of your real estate agent verifying with their real estate agent?

A.     No. No.

Q.    Okay. And did you receive any information from Madame Lelliott or Mr. Vaillancourt regarding the house?

A.    Nothing.

[81]        Questionnée à savoir si Greevy a vérifié la pompe submersible, elle répond affirmativement en se référant au rapport préachat de Greevy (P-3) et dit s'être fiée au rapport tout en ajoutant que Greevy l'avait réassurée plusieurs fois en lui disant qu'il aurait lui-même acheté la maison :

Q.    And on what do you rely to say that he verified everything?

A.     Just from his report that he wrote. You know? He gave - he itemized everything that he looked at. So I read that, and everything seemed good there too.

Q.    Okay. So you relied for that on the written report —-

A.     M'hm.

Q.    —- that is in the file that he provided to you.

A.     That's it. M'hm.

Q.    Okay. But you don't know if he went to see the sump pump and the sump pump pit?

A.     I would just think he would of. But, no, I didn't verify.

Q.    Okay.

A.     But when I asked him about the house, he even said it was perfect working order.

Q.    After that second visit you had your inspector, Allan Greevy, suggested to you that everything was fine with the house. So at that time, you released the condition that was for the inspection of the house?

A.     He reassured me over and over again that I would - he would buy it himself. So, you know, they're reputable, so I took their - and went on with the deal of the house.

(Int. T.T., à la p 19, l 21-25 et à la p 20, l 1-22)

[82]        Or dans la réalité des faits apparaissant de la preuve documentaire, la demanderesse signe à 9h15 le même jour l'avis de réalisation de sa condition d'inspection en présence de son agent McCarthy (P-2 en liasse, document AMO08840).  Alors manifestement sa visite et sa discussion avec Greevy n'ont durée que quelques minutes vu son heure d'arrivée à la résidence à 9h00 et l'heure de la signature de la levée de condition.  Elle ne peut non plus avoir lu le rapport écrit de Greevy parce qu'il n'existait pas à ce moment.  Il a été obligatoirement rédigé à une date ou heure postérieure à la visite et à la levée de la condition d'inspection.  En aucun temps elle n'a demandé des défendeurs une déclaration de l'état de la propriété.

[83]        Par ailleurs, le rapport écrit de Greevy (P-3), non daté incidemment, contredit certaines affirmations de la demanderesse.  Bien sûr, Greevy n'ayant pas témoigné, son rapport n'a qu'une valeur probante très relative contre les défendeurs mais en a à l'encontre de la demanderesse qui l'invoque au soutien de ses prétentions.  La seule explication de l'absence de Greevy au procès est la déclaration de la demanderesse que Greevy aurait vendu sa maison à son épouse pour 1 $ laquelle lui aurait affirmé ne pas savoir où il est.  Ce n'est pas suffisant.

[84]        Ceci étant, le Tribunal note que l'heure prévue indiquée sur le rapport pour la visite d'inspection est 8h30 et non 9h00.  Le rapport ne contient aucune mention d'une inspection des puits et pompes submersibles.  La présence de neige le cas échéant n'a pas empêché l'inspecteur de vérifier les fondations extérieures puisqu'il note la présence de fissures visibles sur trois des quatre murs (à la p 3), ni de constater une pente négative du sol vers les murs de fondation, ni de vérifier l'état de la toiture (à la p 4).  Vraisemblablement, il n'a pas inspecté le système d'alarme de la pompe submersible (un système à 12 volts) puisque le rapport indique que les systèmes à bas voltage ne sont pas inspectés (à la p 7, « Low voltage systems are not inspected »).

[85]        D'autre part, le rapport précise à la première page qu'en cas de divergence entre les représentations verbales de l'inspecteur et son rapport écrit, le rapport écrit a préséance.  Or, le rapport stipule à la dernière page qu'il ne doit pas être interprété comme une recommandation pour ou contre l'achat de la propriété :

[…] This report is not to be used as a basis for determining the monetary value of such premises and/or equipment or whether the same is or is not to be purchased. It is not to be interpreted as a recommendation, either for or against the purchase of the premises.  This report is not be construed as an appraisal, guarantee, warranty of the premises or equipment therein or of their fitness for use.

[86]        Par ailleurs, selon le relevé météo du gouvernement du Canada pour le mois de mars 2011 pour le secteur Côteau-du-Lac, la température du jour pour le 29 s'élève à 5°C alors qu'elle s'élève à 8,5°C pour les 30 et 31 mars et le relevé indique 0 centimètre de neige au sol.

[87]        Entre la date de levée de la condition le 31 mars et la signature du contrat de vente le 14 juin 2011 (soit deux mois et demi plus tard), la demanderesse se rend à de multiples occasions (au moins trois fois) devant la propriété (après la fonte des neiges s'il y en avait) mais ne constate jamais la présence de rouille dans le fossé, dit-elle.  Une fois, elle s'est rendue sur le terrain pour porter un chèque de 100 $ à la défenderesse pour payer les tabourets de bar qu'elle voulait acheter.  Au procès, elle situe cette visite en avril ou mai.  Dans son interrogatoire au préalable, elle mentionne que l'herbe de la pelouse était haute.  Donc vraisemblablement c'était en mai et il n'y avait pas de neige (Int. T.T., aux pp 22-23).  Pour se rendre sur le terrain, la demanderesse devait obligatoirement traverser le fossé au-dessus du ponceau à l'entrée du terrain (D-3, à la p 6 et D-6, 2e page, photographie à gauche et 4e page, photographie à droite).  Contrairement à ce qu'elle prétend, elle ne peut pas ne pas avoir vu ce qui se trouvait dans le fossé.

[88]        De leur côté, les défendeurs témoignent que, sauf en hiver en raison de la neige, la présence de rouille et de dépôts d'ocre était visible continuellement dans le fossé.

[89]        Cela étant, la demanderesse prend possession des lieux le 14 juin 2011.  Au procès, elle témoigne que tout s'est bien passé jusqu'en août à son retour de vacances en République Dominicaine.  Ce soir-là, il se produit une panne d'électricité et l'eau refoule du puits et inonde son sous-sol.  Elle contacte son assureur, Intact Assurance, qui nie couverture parce que les dommages étaient présents avant la prise d'assurance (P-4).  Elle dit avoir contacté l'assureur après le premier déversement.  Ce serait un employé de Vidéotron qui lui aurait dit qu'il y avait un problème avec l'eau.

[90]        Sa version lors de l'interrogatoire au préalable ne correspond pas complètement avec son témoignage devant le Tribunal.  Lors de l'interrogatoire au préalable, elle témoigne qu'en août un employé de Vidéotron vient pour un problème de câble.  En descendant au sous-sol, il constate qu'il y a un problème et l'appelle.  Elle constate alors qu'il y a une « inondation » dans la salle mécanique :

Q.    Okay. Okay. So when you purchased the house, did you have any problem at the beginning?

A.    I bought the house in June. I guess around August. Around August, I had Videotron come to my house.

Q.    M'hm.

A.    And he went downstairs to - and he calls me, "Madame, Madame, come here." I go downstairs, and there's a flood in my basement. That's when it started.

Q.    Okay. So that was Videotron that informed you about that?

A.     Yes.

Q.    Do you remember the time it was? The date it was?

A.     No.

Q.    But it was in August.

A.     Yes.

Q.    Could it be in July?

A.     No. It was August.

Q.    Okay. And where was the flood?

A.     In the furnace room.

Q.    It was the guy from Videotron who was going to make some —-

A.     I was - my Videotron wasn't working properly.

Q.    Okay.

A.     And so he went to see what it was, and called me down, and there was like a flood in my basement.

Q.    Okay, How big? In the whole basement, or —-

A.     No.

Q.    —- just around the sump pump pit?

A.     In the furnace room. The - I mean, big water. Like, big flood.

Q.   Okay. So you're showing me something with your - because he doesn't take the —-

A.     Okay. Yes.

Me JANSON:

       Picture of it.

BY Me CHARLAND:

Q.    Yes.

A.     Let's put it this way. You could see the water move. It was about two inches (2").

Q.    Okay. In the furnace room.

A.    Furnace room. Yes.

(Int. T.T., à la p 25, l 2-25 et à la p 26, l 1-20)

[91]        Le débordement s'est produit durant la nuit à l'occasion d'une panne de courant lors d'une pluie (une pluie normale précise-t-elle (à la p 33)), panne qui perdure à son réveil.  Elle nettoie les dégâts et contacte son assureur.  L'ajusteur venu constater la perte l'informe qu'il y avait des indices que le problème existait depuis longtemps (id., à la p 34).

[92]        Pourtant, plus tard dans son interrogatoire au préalable, questionnée à propos d'un passage du rapport P-7 de son expert, elle mentionne qu'avant le mois d'août il y avait eu quelques débordements du puits :

Q.   —- of those people.  Okay.  So you were - just want to make sure that I understand correctly.

A.     M'hm.

Q.    You were at the house when the flood in August occurred.

A.     M'hm. M'hm.

Q.    Okay. So …

A.     Yes.

Q.    So in your report, the report of your expert, which is Stéphane Bossus, page 7, it's written - I'm going to say it in French and I'm going to try to translate it. "Lors d'un voyage, suite à l'ouragan Irene à la fin d'août 2011, celui qui s'occupait de ma maison m'a appelé pour m'informer qu'une infiltration d'eau se produisait au sous-sol." So in other words it's written, during a trip following —-

A.     There was a few times when there was a little bit of water when I came back, and I cleaned it up, but nothing like this flood.

Q.    Okay. So it wasn't the first time that —-

A.     No.

Q.    —- there was water —-

A.     No.

Q.    —- in the sump pump pit, or around the sump pit.

A.     It wasn't just around or - it was the - like the whole floor of water.  But the first couple of times - you know like when your dishwasher leaks? You clean it up, and you think, "Well …", you know like - you know? And if it happens again, then you start to, "Hey, what's going on here?" You know? And so when that little water happened when I was on vacation, I was a little, "Mmmm …" You know? And then when I woke up and the Videotron guy went downstairs and I went down, he went "Madame", and I couldn't believe it. So …

[…]

(Int. T.T., aux pp 50-51)

[93]        Puis, elle explique que c'étaient de petits débordements sauf une fois un peu plus alors qu'elle était à l'extérieur probablement en République Dominicaine où elle s'était servie d'une vadrouille pour essuyer l'eau à son retour.  Elle ne s'en est pas préoccupée (id., à la p 57).  Par contre, ajoute-t-elle, elle était chez elle lors de l'incident d'août 2011.

[94]        Comme on le constate, il y a des divergences dans les deux versions qui ne peuvent s'expliquer simplement par la naïveté ou la confusion.  D'une part, elle ne conteste pas la véracité de sa déclaration à Bossus (P-7, à la p 5) que les pluies n'étaient pas qu'ordinaires mais faisaient plutôt suite à l'ouragan Irène.  D'autre part, l'incident d'août n'était pas le premier incident même si les autres étaient moins importants.  Pourtant, la première mise en demeure ne date que du 22 novembre 2011 et les experts Bourassa et Bossus n'ont reçu leur mandat qu'en décembre 2011.  Pourquoi?  Parce que vraisemblablement il y a eu un autre débordement postérieur au mois d'août, le 19 octobre précisément si l'on se fie à la lettre de l'assureur P-4 qui réfère à deux réclamations :

Our file no. :           25630013

Policy no. :             R-16-8365

Our Insured :         Tracy Tomlin

Date of loss :         19-10-2011

Cause of loss :      Water infiltration by French drain (ocre ferreux)

Subject: Denial of claim                                                                                             

Dear Mrs. Tomlin:

We have now had an opportunity to review your claim for the loss noted above.

Unfortunately there is no coverage for this type of loss or damage under your policy for the following reason(s): :

Damages to the basement are caused by a gradual and continous infiltration by the French drain all around the house cause by "ocre ferreux". These damages were present before you own the house in June 2011 and before we insured the house.

The second damage by the sump pump didn't cause more damages to the basement. Due to the previous damage (french drains), the complete floors in the basement needed to be remove and replace.

[…]

(emphase ajoutée)

[95]        Personne ne semble avoir relevé cette incongruité lors du procès ou auparavant ou alors on a jugé préférable de ne pas en discuter devant le Tribunal.  Le « premier dommage » est relié à la présence d'eau causé par des infiltrations au long cours ayant affecté les planchers alors que le « second dommage » apparaît être relié à un débordement du puits de la pompe.

[96]        Quoi qu'il en soit, la question demeure à savoir si les vices affectant la propriété constituent ou non des vices cachés au plan juridique et si les défendeurs ont commis un dol vis-à-vis la défenderesse en ne les dénonçant pas ou en les dénonçant faussement.

2. LE DROIT

[97]        L'article 1726 C.c.Q. stipule que le vendeur doit garantir la qualité du bien vendu :

Art. 1726  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[98]        Comme le souligne la Cour d'appel dans l'arrêt récent Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79, pour donner ouverture à la garantie de qualité, le vice doit répondre à certaines exigences :

[40]   Pour se prévaloir de la garantie légale contre les vices cachés, quatre conditions doivent donc être respectées : (i) que le bien soit affecté d'un vice grave, l'intensité de cette gravité ayant été définie par la jurisprudence à partir des expressions « impropre à l'usage » et « diminuent tellement son utilité »; (ii) que le vice existait au moment de la vente; (iii) que le vice soit caché, qualité qui s'évalue objectivement et qui est accompagnée d'une obligation de s'informer; et (iv) que le vice soit inconnu de l'acheteur, qualité qui s'évalue subjectivement et dont le fardeau de preuve appartient au vendeur.

(emphase ajoutée)

[99]        La notion de l'apparence du vice ou de son caractère occulte doit être évaluée objectivement, c'est-à-dire s'appuyer sur des indices positifs :

[43]   Notre Cour précisait dans Marcoux [2008 QCCA 259. Autres références omises], le danger que constitue le fait d'attribuer à l'acheteur l'obligation de moyens de l'inspecteur pré-achat et d'ainsi fausser la norme objective, la seule qui existe :

[20]  Notre Cour rappelle que selon les termes de l'article 1726 in fine C.c.Q., il existe une seule norme applicable, celle qui examine la conduite de l'acheteur prudent et diligent.  Le juge de première instance ne peut écarter cette règle en appréciant la conduite de l'inspecteur et en imputant à l'acheteur, en l'absence de signes annonciateurs d'un vice potentiel, ce qu'il considère un manque de prudence et un manquement aux règles de l'art de la part de l'inspecteur.  Le test de l'article 1726 C.c.Q. est celui de l'acheteur prudent et diligent et non pas celui de l'expert tatillon sur qui reposerait une sorte d'obligation de résultat.

[21]  Par ailleurs, l'inspection pré-achat n'est pas une expertise. En principe, cet examen doit être attentif et sérieux quoique plutôt rapide et non approfondi.  En l'absence d'un indice révélateur, l'acheteur ou l'inspecteur n'a pas à ouvrir les murs ou creuser autour des fondation.

(soulignement de la cour)

(id.)

[100]     Cela dit, en présence d'un indice objectif, l'acheteur a l'obligation de faire une vérification plus poussée :

[44]   Quoiqu'il ne soit pas nécessaire d'ouvrir les murs, de creuser les fondations, il n'en demeure pas moins qu'un indice puisse soulever des soupçons et requérir de pousser l'examen.

[45]   Dans St-Louis [2006 QCCA 1643], la Cour écrivait :

[39]  En résumé, lorsque l'immeuble présente un indice permettant de soupçonner l'existence d'un vice potentiel, l'acheteur prudent et diligent, qui n'a pas fait appel à un expert, doit le faire ou vérifier autrement et de façon satisfaisante ce qui est suspect.  Dans le cas où l'acheteur a déjà fait appel à un expert, la présence de signes annonciateurs d'un vice potentiel oblige l'expert à faire une inspection plus approfondie.  S'il ne la fait pas et qu'un vice est mis à jour, la conclusion que le vice n'était pas caché s'imposera;

[46]   Bien sûr, la présence d'un signe annonciateur n'oblige pas l'expert, mais bien l'acheteur, à pousser son étude, en recourant à un expert ou au même expert ou inspecteur.  On ne peut reprocher à l'acheteur qui fait appel à un inspecteur d'avoir manqué à son devoir de prudence et de diligence si l'inspecteur n'a pas décelé d'indice de vice que l'acheteur raisonnable ne pouvait pas lui-même déceler.  C'est seulement lorsque cet inspecteur décèle un indice sérieux que l'acheteur doit pousser son étude.

(soulignement de la cour)

(id.)

[101]     Si l'on n'exige pas de l'acheteur des compétences particulières en matière immobilière, on exige de lui qu'il soit prudent et diligent dans son inspection de l'immeuble.  L'analyse de son comportement prend en compte les circonstances particulières de l'espèce, notamment le statut professionnel ou non du vendeur, celui de l'acquéreur, la nature, l'âge et le prix du bâtiment, le type de vice et même parfois le comportement même des parties (Placement Jacpar inc. c. Benzakour, 1989 Can LII 976 (QCCA)).  L'acheteur ne peut pas se décharger de son obligation sur le travail de l'inspecteur et refuser de voir ce qui est visible.  Il ne peut pas se baser sur le travail de l'inspecteur s'il ne tient pas compte de ses observations ni de ses recommandations.

3. ANALYSE

a) absence de prudence et de diligence

[102]     En l'espèce, force est de constater que la demanderesse ne s'est pas comportée comme un acheteur prudent et diligent.  Elle n'a procédé qu'à un examen très superficiel de l'immeuble qui ne s'explique que par le fait qu'elle soit tombée littéralement en amour avec la maison.  Il ne s'agissait pas ici d'une maison neuve mais d'une maison de plus de vingt ans d'âge.  Elle devait elle-même procéder à une inspection des lieux attentive et voir ce qui était visible.  Non seulement n'a-t-elle posé aucune question aux vendeurs ni demandé à son agent d'immeuble d'en poser ni à son inspecteur, mais encore elle n'a même pas pris le temps de recevoir et de lire le rapport d'inspection avant de lever la condition d'inspection.  Elle n'a pas vraiment interrogé son inspecteur et ne peut avoir pris compte des commentaires de celui-ci dans son rapport puisqu'elle ne l'avait pas avant la levée de la condition quinze minutes suivant son arrivée à l'immeuble le jour de l'inspection.  Elle ne peut pas prétendre avoir été prudente en retenant un inspecteur, si elle n'a pas minimalement pris connaissance du rapport et posé des questions à celui-ci.  Ni la naïveté ni l'insouciance ne sont des excuses.

b) absence de dol

[103]     Comme mentionné précédemment, la demanderesse n'a posé aucune question aux défendeurs et ceux-ci ne peuvent donc lui avoir fourni des renseignements faux ou trompeurs.  Elle n'a pas non plus demandé que les vendeurs lui fournissent le formulaire usuel des « Déclarations du vendeur » antérieurement à la vente.

[104]     Toutefois, pour appuyer sa prétention, la demanderesse réfère à la clause 6.1 de la promesse d'achat PP 28145 (P-2 en liasse) qui se lit comme suit :

6. DECLARATIONS AND OBLIGATIONS OF SELLER

6.1 DECLARATIONS.  THE SELLER declares, unless stipulated otherwise hereinafter, that :

(a) he is not aware of any factor relating to the IMMOVABLE and liable to significantly reduce the value thereof, reduce the income generated thereby or increase the expenses relating thereto, except […]

[105]     De l'avis du Tribunal, il s'agit d'une clause de style par laquelle le vendeur déclare que pour lui, l'immeuble ne présente pas de problèmes majeurs.

[106]     Par ailleurs, comme en a témoigné Vaillancourt, l'ocre ferreuse lui était inconnue et la remontée d'eau récurrente dans le puits de captation ne lui a jamais causé de problème et faisait pour lui partie de l'entretien régulier de l'immeuble.  D'ailleurs, malgré ce problème qui n'a jamais été pour lui un problème sérieux en raison des mesures qu'il avait adoptées (vidange régulière du puits, nettoyage de la canalisation, génératrice d'électricité, détecteur d'élévation d'eau relié à un système d'alarme géré par une entreprise, puits d'assèchement extérieur et vérification du fossé d'évacuation), il a aménagé le sous-sol pour la famille qui l'utilisait quotidiennement.  Les défendeurs ont habité la maison pendant quinze ans, de 1996 à 2011 et utilisé le sous-sol comme lieu de vie de 2000 environ à la vente sans qu'ils considèrent la situation comme un problème.  Le Tribunal n'ayant pas de raison valable de douter de leur bonne foi à cet égard, la déclaration contenue à la clause 6.1(a) de la promesse d'achat ne constitue pas une déclaration fausse ou trompeuse de leur part.

[107]     En fait, ni Lelliott ni Vaillancourt ne semblaient connaître la substance qui s'accumulait dans le puits ni en avoir mesuré la gravité sauf dans la mesure où ils devaient faire l'entretien régulier du système par ailleurs protégé par une alarme reliée à une centrale.  Pour eux il s'agissait de rouille.  Le fait que l'eau se soit infiltrée et ait attaqué le sous-plancher de manière importante ne semble pas leur avoir été connu puisque, comme dit précédemment, ils ont vécu dans le sous-sol au moins dix ans.  Deux enfants couchaient au sous-sol.

[108]     La demanderesse leur reproche de ne pas l'avoir informée du problème.  Or, en l'absence de mauvaise foi, il n'existe pas de devoir de divulgation de la part du vendeur en matière de garantie de qualité :

[68]      Comme le rappelle l'auteur Jobin, précité, à la page 208, quant au devoir de divulgation du vendeur profane, il n'y a pas d'obligation de divulguer toute possibilité d'existence d'un vice :

La véritable difficulté, à notre avis, réside dans le silence pur et simple du vendeur: la question s'est posée de savoir si, en l'absence de tout mensonge, manœuvres ou réticence, le vendeur qui connaît effectivement (ou même est présumé connaître) un vice devrait le déclarer à l'acheteur lors de la vente, faute de quoi il serait tenu à la garantie peu importe que le vice soit caché ou apparent.  On le voit, il s'agit de l'obligation de divulgation, fondée en droit commun sur le principe de la bonne foi et définie dans l'arrêt Bail.  Selon les conditions de cette obligation posées par la Cour suprême dans cet arrêt, peut-on dire que le vendeur profane a un devoir de divulgation, au motif que lui seul possède la connaissance du vice, qu'il s'agit d'un élément très important pour l'acheteur, et que celui-ci, en raison du fait que le vendeur a une bonne connaissance de son bien (par exemple pour avoir habité sa maison pendant plusieurs années), peut légitimement avoir confiance que le vendeur lui révélera tout vice qu'il connaît?

Nous ne le pensons pas.  D'abord, comme on l'a vu, le devoir de divulgation de l'article 1733 ne concerne que la clause exonératoire;  il n'existe pas d'autre disposition du Code sur la garantie de qualité à laquelle on pourrait rattacher une telle obligation de divulgation.  Au contraire, il est remarquable que le législateur ait prévu une telle obligation en matière de garantie du droit de propriété (articles 1723, 1724 et 1725) : s'il avait eu l'intention de l'imposer également en matière de garantie de qualité, ne l'aurait-il pas prévue expressément ailleurs qu'à l'article 1733?  Par ailleurs, l'hypothèse que l'acheteur puisse légitimement s'attendre à ce que le vendeur profane lui décrive spontanément tous les vices qui dévaluent sa propriété est discutable, dans un contexte où deux parties ont des intérêts clairement opposés, le vendeur cherchant à obtenir un prix élevé et l'acheteur voulant payer le moins cher possible.  Enfin, et surtout, tel que l'a énoncé expressément la Cour suprême dans Bail, l'obligation de divulgation s'arrête là où commence le devoir de toute personne de veiller à ses propres intérêts et de chercher à se renseigner elle-même;  or, en matière de garantie de qualité, le Code définit spécifiquement le devoir de l'acheteur d'agit en personne prudente et diligente pour se renseigner sur les vices du bien, faute de quoi ces vices seront apparents et il n'y aura pas de garantie.  Le devoir d'information du vendeur s'arrête donc à ce lui, prévu par le Code, de l'acheteur de se renseigner.

D'après nous, il est par conséquent contraire à la lettre et à l'esprit du Code d'imposer au vendeur profane un tel devoir de divulgation.  La conséquence n'est pas négligeable, car, si un tel devoir existait, sa violation conduirait notamment à rendre caché un vice qui serait autrement apparent, ouvrant la porte à tous les recours.  Logiquement, selon nous, le vendeur ne doit pas avoir une telle obligation et l'acheteur ne doit pas disposer de recours en se plaçant sur le terrain des vices de consentement, en particulier le dol;  en effet, l'arrêt Bail établit des paramètres généraux pour l'obligation de divulgation, applicables aussi bien dans le domaine extracontractuel que dans le domaine contractuel.

[Références omises.]

(Lahaie c. Laperrière, CAM 500-09-017518-077, 02/07/2009, 2009 QCCA 1285, per curiam)

[109]     La présente instance est différente de la situation traitée par la Cour d'appel dans Yargeau c. Carrier, CAM 500-09-022640-122, 22/01/2014, 2014 QCCA 150, une affaire d'ocre ferreuse :

[1]        La maison est construite sur un sol qui comporte de l'ocre ferreuse qui a pour propriété d'obturer les drains.

[2]        Le vendeur appelant en était pleinement conscient.  Il n'a rien dit aux acheteurs intimés.  Au contraire, à une question précise, il a répondu qu'il n'avait pas de problème d'eau.

[3]        Nous ne sommes pas dans un cas où le veneur a fait preuve d'un silence pur et simple puisque la question des problèmes d'eau a été explicitement abordée par les intimés.

[4]        L'appelant s'est abstenu de leur dévoiler les problèmes auxquels il avait été confronté et, ce faisant, il a communiqué des déclarations incomplètes qui ont erronément rassuré les intimés.

[5]        Ainsi, le vice, à supposer qu'il ait été apparent, devient juridiquement caché, ce qui donne ouverture à l'annulation de la vente et au paiement des dommages.

(soulignement ajouté)

[110]     En l'espèce, il n'aurait fallu que d'une question sur la présence d'eau rouillée dans le puits ou du pourquoi du détecteur d'élévation d'eau (la demanderesse est anglophone et le terme « water sensor » ne prête pas à interprétation), ou du pourquoi du bassin d'assèchement extérieur pour susciter une réponse quelconque des vendeurs, mais aucune question n'a été posée.

[111]     Dans les circonstances, il n'y a pas de dol.

c) vice apparent

[112]     En l'espèce, le Tribunal est d'avis que les vices dont se plaint la demanderesse étaient des vices apparents dont la nature et l'étendue aussi pu être découvertes à la suite d'une inspection prudente et diligente.

[113]     Comme premier indice évident, le puits de captation au sous-sol à l'intérieur duquel se trouve une pompe submersible reliée à un détecteur d'élévation d'eau lui-même relié à un système d'alarme géré par une centrale.  Il y a aussi une génératrice en cas de panne électrique.

[114]     Le bassin de captation est situé au sol (P-7, photographie 70) : la présence d'ocre ferreuse est notable ou à tout le moins aux yeux d'un profane, il y a présence d'une eau épaissie fortement teintée de rouille.  L'installation complète apparaît aux photographies de gauche de la page 8 de P-11.

[115]     Pour commencer, il ne s'agit pas là d'une installation que l'on retrouve habituellement dans un sous-sol : la plupart des sous-sols ont une pompe submersible cachée et ne présente pas l'attirail qu'on retrouve à ces photographies.  Deuxièmement, la présence de cette eau épaisse et rouillée n'est pas non plus un élément que l'on retrouve dans les bassins de captation visibles.  En partant, cela ne peut que soulever des questions sur la nature de cette eau épaisse et de sa provenance.  Troisièmement, la présence d'un détecteur d'élévation d'eau doit susciter des questions sur la raison de sa présence et évoquer des déversements d'eau qui ont nécessité son utilisation.  En effet, pourquoi installer un détecteur de montée d'eau si ce n'est que l'eau du bassin est susceptible de déborder?  Si l'eau est susceptible de déborder, c'est qu'elle a déjà débordé du bassin, ce qui amène à d'autres questions : d'où vient cette eau?  en quelle quantité a-t-elle débordé?  est-ce que ça arrive fréquemment?  pourquoi cette épaisseur et cette couleur dans l'eau?

[116]     Lorsque Bourassa de Benjel vient sur les lieux le 21 décembre 2011, elle note la présence d'un important dépôt de couleur ocre dans le puits de captation, soit six mois après la prise de possession.  On peut légitimement présumer qu'il y avait déjà en mars 2011 un certain dépôt d'ocre dans le bassin (P-8, à la p 6, quatre photographies en haut de page).

[117]     Tel que mentionné précédemment, la demanderesse a pu constater toute cette installation, au minimum la présence d'une eau épaissie de rouille et la présence du détecteur de montée d'eau (Int. T.T., à la p 13, l 3-19); à la p 42, l 1-9; à la p 60, l 6-16; à la p 29, l 8-25 et à la p 30, l 1-15).  Greevy aussi aurait dû voir cette installation dont il ne traite même pas et la demanderesse n'a posé aucune question à cet égard.

[118]     Il y avait deux puits d'assèchement à l'extérieur, l'un au coin avant droit de l'immeuble muni d'une prise électrique, l'autre  au coin  arrière gauche de la propriété (P-7, à la p 10 et photographies 7-8 et 9-10 de l'Annexe 1 au rapport).  Comme on le constate sur la photographie 7, le premier puits est situé à quelques pieds du mur de fondation et aurait dû être vu par la demanderesse et par Greevy.  Si Greevy a pu constater l'état des fondations (P-3), cela était visible pour la demanderesse également.  La présence très discutable de neige vu le rapport météo en Annexe 1 de D-3, n'est qu'une excuse de la part de la demanderesse.  La présence pour le moins insolite de ce puits d'assèchement aurait dû susciter des questionnements de la part de l'acheteur, ne fut-ce que : « Qu'est-ce que cette chose-là?  Pourquoi diable est-elle là? ».  Bossus dira que ça l'a interpelé tout de suite.

[119]     Il y a plus.  Dans la chambre mécanique, on constate plusieurs signes de débordements d'eau antérieurs à la vente qui auraient dû aussi soulever des questions.  Les pattes de l'appareil qui apparaît à la photographie de gauche en bas de la page 8 de P-11 situé à côté du bassin de captation montrent des traces de rouille qui étaient visibles à l'époque de l'offre d'achat.  Les photographies 71 et 72 de P-7 en sont une vue rapprochée.  Sans dégarnissage, Bossus a pu constater des indices évidents de débordements d'eau :

[…]

-Des traces du passage de l'eau ont été observées sans dégarnissage dans la salle mécanique, sur la base des structures du faux-plancher.

(Référence Annexe 1, photos 29-A, 30 et 31)

-Sans dégarnissage, nous constatons à la base d'un panneau de styromousse des traces du passage de l'eau colorée.

(Référence Annexe 1, photo 32)

-Le niveau de l'eau à(sic) même excéder(sic) le niveau du pontage du plancher tel que le démontrent les traces retrouvées auprès des éléments de clouage.

(Référence Annexe 1, photos 33 et 34)

De plus, dans cette salle nous constatons quelques traces d'efflorescence sur la base du mur latéral gauche de fondation.

Dans le cas où lesdites traces d'efflorescence étaient perceptibles, tout comme les quelques traces laissées par le passage de l'eau sur les structures du faux-plancher dans cette pièce, le soussigné est d'opinion que celles-ci se devaient d'être constatées par l'inspecteur en bâtiment.

Nous ne connaissons pas, toutefois, l'état d'encombrement de la pièce au jour du préachat.

(P-7, à la p 6)

[120]     Sauf pour la pièce de bois apparaissant à la photographie 33 qui selon la demanderesse était recouverte d'un petit tapis flottant, tout le reste était visible pour la demanderesse.  Même cette pièce de bois aurait pu être visible en soulevant le petit tapis.  Comme le note à juste titre Bossus, toutes ces constatations auraient dû être constatées par l'inspecteur en bâtiment, puisque, sauf pour le petit tapis, la pièce était dans le même état qu'au moment de la visite de la demanderesse en mars 2011.

[121]     De même manière, dans le secteur du bassin de captation, Bossus note :

Nous constatons la présence de dépôts d'ocre ferreuse dans le bassin de captation du sous-sol localisé dans la salle mécanique.

(Référence Annexe 1, photo 70)

De plus, en ce lieu nous constatons que la base des pattes des conduits de ventilation est rouillées(sic).

(Référence Annexe 1, photos 71 et 72)

Compte tenu de l'altération marquée du bois composant les structures du faux-plancher le soussigné est d'opinion, en toute probabilité, que des infiltrations d'eau redondantes se sont produites dans l'immeuble et ce, depuis relativement longtemps.

Nous constatons également une fissure de poussée hydrostatique sur la dalle de béton.

(Référence Annexe 1, photo 73)

(P-7, à la p 9)

[122]     En ce qui a trait au fossé devant la maison, Bossus note également :

Dès notre arrivée nous constatons la présence d'ocre ferreuse en quantité impressionnante dans le fossé de rue frontale.

(Référence Annexe 1, photo 3 et 4)

De la pâte d'ocre ferreuse est également constatée dans le conduit de renvoi de la pompe submersible.

(Référence Annexe 1, photo 5)

La pâte démontre une consistance gélatineuse.

(Référence Annexe 1, photo 6)

Le soussigné est d'opinion qu'en toute probabilité, il s'agit là de pâte d'ocre ferreuse.

Le soussigné est d'opinion que, dans le cas où au jour de l'inspection préachat, les mêmes faits étaient perceptibles, que l'inspecteur en bâtiment devait dénoncer le risque éventuel de colmatage du drain français en raison de la pâte d'ocre ferreuse apparente dans ledit fossé ainsi que dans ledit conduit de raccordement s'y déversant.

(P-7, à la p 9, au para 5.3)

[123]     La demanderesse a eu amplement l'occasion de constater l'état du fossé entre sa première visite et la signature de l'acte de vente.

[124]     Tous ces indices conduisaient inexorablement à une possibilité sinon une probabilité d'infiltrations d'eau récurrentes, vu les marques apparentes dans la salle mécanique.  Cette eau n'était pas simplement sale mais brouillée de couleur ocre avec des dépôts dans le bassin : ce n'était pas un indice anodin.  Cette eau provenait du drain français et vu sa composition et sa consistance, l'acheteur devait s'interroger sur les conséquences possibles sur le fonctionnement à court, moyen et long terme du drain français.

[125]     Par ailleurs, la présence de détecteur de montée d'eau indiquait une récurrence des montées d'eau, situation anormale pour un immeuble et pouvait laisser présager un problème d'apport anormal en eau qui devait être investigué plus avant.  L'expert Bossus que la demanderesse a retenu par la suite a dès ses premières investigations été interpelé, selon ses termes, par le puits d'assèchement, une situation qu'il n'a rencontrée qu'une quinzaine de fois dans sa vie et qui est une méthode palliative pour tenter de rabattre le niveau d'eau sous-terrain, et donc que ce niveau d'eau dépassait le niveau de la dalle du sous-sol.  L'expert des défendeurs Lelliott et Vaillancourt opine dans le même sens :

Compte tenu de la présence de deux (2) conduites exutoires présentes au fossé avant, de la présence de matières orangées typiques de la formation de dépôts d'ocre au bassin et au fossé, de la présence d'un bassin de captation intérieur muni de sonde d'alarme et au surplus, compte tenu des deux (2) puisards présents du côté extérieur, il ne fait aucun doute qu'une inspection préachat réalisée en bonne et due forme aurait dû soulever un questionnement plus approfondi quant à la présence de ces systèmes inusuels.  Même dans l'éventualité où aucune inspection préachat par un expert en bâtiment n'avait été réalisée, nous sommes d'avis que ces nombreux éléments hors du commun auraient dû soulever l'intérêt ou un questionnement de la part des promettant-acheteurs.  L'ensemble de ces systèmes témoignent bien du niveau élevé des eaux souterraines et conséquemment, du risque d'infiltration d'eau en cas de panne ou de mauvais fonctionnement du système de drainage.  Les risques d'infiltration étaient encore plus élevés, compte tenu de la présence de dépôts d'ocre.

(D-3, à la p 8)

[126]     En faisant défaut de procéder plus avant dans son inspection prudente et diligente, l'acheteur ne peut se plaindre de ne pas avoir décelé ce qu'il aurait pu déceler en recourant à une personne qualifiée pour apprécier les indices visibles :

[39]   En résumé, lorsque l'immeuble présente un indice permettant de soupçonner l'existence d'un vice potentiel, l'acheteur prudent et diligent, qui n'a pas fait appel à un expert, doit le faire ou vérifier autrement et de façon satisfaisante ce qui est suspect.  Dans le cas où l'acheteur a déjà fait appel à un expert, la présence de signes annonciateurs d'un vice potentiel oblige l'expert à faire une inspection plus approfondie.  S'il ne la fait pas et qu'un vice est mis à jour, la conclusion que le vice n'était pas caché s'imposera;

(St-Louis c. Morin, CAQ 200-09-005239-055, 13/12/2006, 2006 QCCA 1643)

[127]     En conclusion, le Tribunal est d'avis que les vices mis en preuve constituent en l'espèce des vices apparents et que le recours contre les défendeurs Lelliott et Vaillancourt doit être rejeté.  Tel que mentionné précédemment, la manière de traiter l'inspection préachat par la demanderesse équivaut ni plus ni moins à une absence d'inspection.

B. LA RESPONSABILITÉ DE GREEVY

[128]     Le type d'inspection préachat effectuée par Greevy est, de l'avis du Tribunal, un modèle d'incompétence.  Si l'on fait abstraction de toutes les généralités, les réserves et les exclusions de responsabilité qui sont contenues dans son rapport (P-3), le rapport se résume à très peu de choses :

·           Fenêtres en bon état sauf celle de la cuisine;

·           Entrée de cour en asphalte en condition moyenne;

·           Fissures visibles sur trois des murs de fondation et sur le mur intérieur arrière;

·           Pente négative du terrain vers les fondations;

·           Toiture ventilée en bon état;

·           Trappes d'accès à l'entretoit insuffisamment isolées et protégées d'un pare-vapeur;

·           Infiltration d'eau par le solin métallique de la cheminée;

·           Disjoncteurs et connections électriques non sécurisés ni fonctionnels près du spa;

·           Éléments de plomberie conformes et fonctionnels.

[129]     Aucune mention du puits de captation ni de l'installation d'une pompe submersible - détecteur de montée d'eau - alarme ni des puits d'assèchement extérieur ni du fossé devant la maison.  La seule référence à une pompe submersible se retrouve à la dernière page de son rapport dans les « Useful Tips » :

Make sure your sump pump (if present) is connected to surface grade or to a storm drain and not to a septic tank or sewage system.  Those systems are not capable of handling large amounts of water at one time.  The pump should also have its own (dedicated) electrical outlet.

[130]     Le rapport ne contient aucune photographie.

[131]     L'inspecteur en bâtiment ne peut exclure sa responsabilité pour son défaut d'exécution d'une obligation contractuelle que s'il prouve que son cocontractant en avait connaissance avant la formation du contrat (art. 1475 C.c.Q.), ce qui n'est évidemment pas le cas en l'espèce puisqu'aucun contrat écrit entre Greevy et Tomlin n'a été mis en preuve et que Greevy n'a pas comparu ni n'a témoigné.  En l'absence d'autre preuve, il est présumé avoir consenti à fournir les services habituellement exigés d'un inspecteur préachat.  Qu'a-t-il dit à la demanderesse dans les quelques minutes où il l'a rencontrée?  Le témoignage de la demanderesse à propos de ce qu'il lui aurait dit, s'il n'est pas recevable contre les autres défendeurs, est recevable contre lui vu son absence : maison en parfait état; si elle était sa sœur, achèterait-elle?  Oui.

[132]     À titre d'inspecteur préachat dont la demanderesse a rémunéré les services rendus (P-3 en liasse), il devait procéder à une inspection prudente et diligente du bâtiment, ce qu'il n'a à l'évidence, eu égard à ce que le Tribunal énonce précédemment, pas fait.  Il engage donc sa responsabilité à l'égard de la demanderesse pour les dommages qu'elle a subis en raison de l'inexécution de son obligation :

L'inspecteur ne peut en effet se contenter de simple dénonciation générale ou de constatations sommaires pour arguer par la suite que, compte tenu du coût demandé pour l'inspection, l'acheteur ne pouvait s'attendre à un rapport plus détaillé.  Dans Corbeil c. Séjourné, le tribunal conteste même la qualité du rapport qui ne comporte que peu de photos et de commentaires.  Le fait que le rapport soit verbal ne modifie pas le fardeau de l'inspecteur pré-achat.  Il est clair que ce dernier a « les yeux et des connaissances que n'a pas l'acheteur ».  S'il n'est pas obligé de démolir l'immeuble, il doit, s'il constate des éléments pouvant soulever des doutes, les souligner à son client, l'aviser des conséquences possibles et lui suggérer, le cas échéant, de pousser plus loin l'investigation en faisant appel à un spécialiste.  Le simple fait de mentionner à son client qu'il devrait surveiller telle problématique sera insuffisant lorsqu'il s'agit d'un vice susceptible de présenter un certain degré de gravité.

[Nos soulignés]

(Lorraine Talbot, Isabelle Vieur et Natale Screnci, La responsabilité de l'inspecteur préachat, Ed. Yvons Blais, à la p 42)

C. QUANTUM

[133]     Par sa demande remodifiée, la demanderesse réclame le coût des premiers correctifs effectués par l'entrepreneur MacDonald du 8 octobre 2012 à la mi-décembre 2012 pour la démolition du sous-sol, la protection contre la prolifération des moisissures, la décontamination du sous-sol, l'excavation extérieure et le remplacement du drain français et remise en état.  Le détail se trouve à la pièce P-14 et le coût réclamé s'élève à 119 353,25 $.

[134]     Devant ce qui semble être l'échec des travaux effectués en 2012 vu les infiltrations constatées en 2014, elle allègue qu'elle a deux alternatives pour corriger définitivement le problème qui entraîneront des coûts supplémentaires :

·           Soit le soulèvement de l'immeuble afin de reconstruire la dalle de béton du sous-sol à un niveau plus élevé que celui de la nappe phréatique comme le suggère Bossus (P-14.8), ce qui entraînera un coût de 264 500 $, plus taxes de 39 608,88 $, soit 304 108,88 $, selon l'estimé de MacDonald du 31/01/2015 (P-14.10).  À cela, elle rajoute le coût de reconstruction du sous-sol selon la disposition antérieure au coût de 50 760,31 $ (TTC) selon l'estimé de MacDonald du 10/11/2012 (P-15).  À cela s'ajoute également la dépréciation de la valeur marchande de son immeuble évaluée par Tremblay à 16 500 $ (P-11);

·           Soit la transformation du sous-sol en vide sanitaire au coût de 57 131,08 $ (TTC) selon l'estimé de MacDonald du 13/04/2016 (P-19), auquel s'ajoute la dépréciation de la valeur marchande de l'immeuble au montant de 42 000 $ selon l'évaluation de Tremblay (P-18).

[135]     Dans les deux cas elle réclame ses frais d'experts à 9 021,81 $ et des dommages-intérêts de 10 000 $ pour troubles et inconvénients.

1. LE DROIT

[136]     Avant de traiter des dommages-intérêts que Greevy sera appelé à payer, il convient d'examiner l'ensemble des réclamations de la demanderesse.  C'est une lapalissade que de dire que l'acheteur d'une maison usagée ne peut s'attendre à la même qualité que l'acheteur d'une maison neuve.  Dépendant de la période où la maison a été construite, les normes de construction ont pu changer et la maison dans son ensemble a subi l'usure du temps.  Forcément, l'attente de l'acheteur doit tenir compte de l'âge du bâtiment :

De ce fait, nous pouvons établir qu'un vice provoque un défaut éventuel d'usage.  Il faut alors se demander si la vétusté engendrant un déficit d'usage du bien peut être soumise à la garantie de qualité.

La réduction d'utilité doit être analysée en prenant en considération plusieurs faits.  D'abord, il est nécessaire de déterminer les attentes de l'acheteur d'une propriété comprenant des composantes vétustes.  À cet effet, Jeffrey Edwards soutient que :

L'usage assuré par la garantie est délimité par les attentes de l'acheteur raisonnable. […]  Les détériorations dues à l'usure, au vieillissement ou à la vétusté ne constituent donc pas de vices, car, en raison de la révision à la baisse de l'usage attendu, elles n'occasionnent aucun déficit d'usage au sens de la garantie : l'usage protégé varie selon l'état de l'usure, du vieillissement et de la vétusté du bien au moment de la vente.

Il apparaît alors que l'attente de l'acheteur sera ajustée selon l'âge du bâtiment.  De cette manière, l'acheteur doit s'attendre à la détérioration normale du bien acheté et ne peut pas déclarer un déficit d'usage.  Au surplus, il est entendu que les attentes de l'acheteur raisonnable doivent être orientées par les normes qui étaient en vigueur au moment de la construction de l'immeuble.  Il est donc clair que la perte d'usage ne peut résulter de l'usure normale.

Il convient également d'évaluer si l'usure du bien est normale.  À cette fin, l'acheteur doit tenir compte de la durée normale d'autres biens du même genre afin de déterminer la période durant laquelle l'usage du bien est garanti.  Ainsi, lorsque l'usage du bien dépasse les attentes que l'acheteur se devait d'anticiper, la vétusté ne pourra pas être jugée comme un vice caché.

(citations omises)

(Luc Lachance et Guillaume Branconnier, Le passage du temps sur la structure de l'immeuble : vétusté ou vice caché?, Revue du notariat, Chambre des notaires du Québec, vol. 117, 2015, La référence, EYB 2015 RD 37)

[137]     Par ailleurs, l'acheteur d'un bien affecté d'un vice caché a le choix entre demander soit la résolution de la vente soit une réduction du prix de vente.  S'il choisit de demander une réduction de prix, celle-ci doit être proportionnée au prix payé pour le bien et celui qu'il aurait été prêt à payer s'il avait connu les vices en prenant compte la vétusté des composantes de l'immeuble et celles, le cas échéant, des techniques de construction.  La réduction de prix ne correspond pas nécessairement au coût des travaux correctifs payés par l'acheteur :

646.  Quand l'acheteur est disposé à conserver le bien, mais démontre qu'il aurait payé un prix moindre s'il en avait connu les vices, il peut demander la restitution d'une partie du prix d'après la diminution de valeur qui en résulte.  Sous l'ancien Code, il s'agissait de l'action estimatoire, également appelée action quanti minoris.  L'acheteur intentera généralement cette action quand le coût des correctifs est de moindre importance par rapport à la valeur du bien.  La diminu-tion du prix octroyée ne peut égaler ou dépasser le prix payé, car ceci équivaudrait à permettre à un acheteur de conserver le bien sans en payer le prix.  L'acheteur qui désire malgré tout conserver la propriété d'un terrain contaminé, ne peut demander une diminution correspondant aux frais de décontamination, quand ceux-ci sont si élevés qu'ils sont tout à fait disproportionnés par rapport à la valeur du terrain et son prix de vente.  Les accorder créerait un enrichissement injustifié de l'acheteur, au détriment du vendeur.

647.  […]  Comme tout créancier l'acheteur doit minimiser ses dommages (art. 1479 C.c.Q.).  Si les moyens pris pour remédier au défaut s'avèrent exagérés, sa réclamation pourra être rejetée en tout ou en partie.  Enfin, l'acheteur pourrait vouloir profiter des correctifs à apporter pour améliorer le bien.  Dans ce cas, les montants accordés correspondront uniquement aux correctifs et excluront la plus-value apportée au bien en cette occasion.

648.  La diminution de prix est évaluée au moment de la découverte du vice et de l'envoi de l'avis de dénonciation de l'article 1739 C.c.Q.  L'acheteur doit bien sûr être dédommagé, mais en établissant le montant de la réduction du prix, il faut tenir compte de la plus-value dont l'acheteur profitera à la suite de la réparation.  La correction du défaut peut permettre d'appliquer de nouvelles normes qui n'existaient pas lors de la construction de l'immeuble ou de la fabrication du bien.  Ce remède améliore le bien, ce dont profite l'acheteur.  La diminution de prix octroyée doit compenser la différence entre le prix effectivement payé et celui qui aurait dû l'être et non pas fournir à l'acheteur l'opportunité de s'enrichir.  Si la réfection donne une valeur à neuf et non dépréciée de l'immeuble, il s'agit d'une plus-value au bénéfice de l'acheteur, ce qui pourra diminuer les montants réclamés du vendeur.

(références omises)

(Jacques Deslauriers, Vente, louage, contrat d'entreprise ou de service, 2e éd., Wilson & Lafleur, 2013, ch. III - Les obligations du vendeur)

[138]     Dans tous les cas, l'indemnisation doit être inférieure au prix de vente :

[91]  Le principe veut que l'acheteur ne puisse s'enrichir aux dépens du vendeur en matière de réduction de prix.  Comme le rappelle le juge Rochon dans l'arrêt Verville c. 9146-7308 Québec inc., [2008] R.J.Q. 2025 (C.A.) :

[56]  En la matière, le choix du recours (rédhibitoire ou estimatoire) appartient au créancier de l'obligation.  S'il estime que les vices rendent le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou en diminuent tellement l'utilité au point où il ne l'aurait pas acheté, le créancier demandera l'annulation de la vente.  S'il est plutôt d'avis que malgré les vices, il aurait tout de même acheté mais à un prix inférieur, pour tenir compte du déficit d'usage, il exigera une réduction du prix de vente.  Dans la mesure où l'acheteur opte pour ce dernier recours, il ne peut obtenir qu'une réduction du prix de vente et encore faut-il que celle-ci soit raisonnable eu égard aux circonstances appropriées (1604(3) C.c.Q.).  Ainsi il ne saurait être question d'ordonner la restitution intégrale du prix payé tout en permettant à l'acheteur de conserver la propriété du bien vendu.

[…]

[59]  Dans le cas de l'action estimatoire, le tribunal intervient dans un rapport contractuel pour modifier à la baisse le prix d'achat.  Pour le guider, le législateur lui demande de tenir compte « de toutes les circonstances appropriées » (1604(3) C.c.Q.) afin de déterminer le prix que l'acheteur aurait donné s'il avait connu les vices cachés (1726 C.c.Q.).

[60]  Cet exercice judiciaire fait appel au pouvoir souverain d'appréciation du juge de première instance.  Cette discrétion judiciaire s'effectue à l'aide de certains paramètres.

[61]  La réduction du prix de vente doit être possible et raisonnable.  Dans la mesure où le créancier de l'obligation opte pour la réduction du prix de vente, il y a lieu de présumer que le bien vendu a certes un déficit d'usage, mais qu'il conserve une valeur autre que symbolique.  Comme je l'ai mentionné plus haut, il ne saurait être question, dans le cadre d'une action en réduction, de restituer intégralement à l'acheteur le prix d'acquisition tout en lui permettant de conserver le bien vendu.

[62]  Règle générale, les tribunaux font montre de souplesse dans l'appréciation du préjudice causé au créancier.  Ils pondèrent la réduction de façon à ne pas enrichir indûment le créancier.

[Je souligne.]

[92]  Selon les auteurs, la réduction du prix s'évalue en fonction du coût des réparations qui seront nécessaires pour remédier au vice.  Il faut également tenir compte du prix qu'aurait accepté de payer l'acheteur s'il avait connu le vice affectant le bâtiment tout comme de celui pour lequel le vendeur aurait accepté de le vendre, s'il eut connu le vice.  En l'occurrence, la juge de première instance n'a pas fait l'exercice de pondérer ou d'arbitrer le coût des travaux réclamés, alors que l'appréciation des dommages représente un élément important au dossier.

(Lahaie c. Laperrière, CAM 500-09-017518-077, 02/07/2009, 2009 QCCA 1285)

[139]     Qu'en est-il en l'espèce?

2. DISCUSSION

a) la réclamation totalisant 478 124,40 $ pour coût des travaux correctifs

[140]     Au vu de ce qui précède, cette réclamation est grossièrement exagérée, indépendamment des questions de vétusté, de minimisation des dommages et de la raisonnabilité du coût des travaux effectués et de ceux estimés.

[141]     La demanderesse a acheté l'immeuble au prix de 310 000 $ alors que la somme réclamée correspond à 154% du prix de vente, et cela indépendamment du terrain de 16 522 pi2 sur lequel est implantée la bâtisse dont la valeur apparaissant à l'évaluation municipale se chiffre à 47 300 $ (P-11, p 3/9)!

[142]     À noter que la situation aurait été la même en matière de dol : Meyerco Entreprises Ltd c. Kinmont Canada inc., CAM 500-09-024257-149, 27/01/2016, 2016 QCCA 89.

b) la réduction de prix

1- démolition du sous-sol et décontamination

[143]     Comme le Tribunal l'a noté précédemment, les anciens propriétaires utilisaient le sous-sol quotidiennement depuis plus de dix ans.  Celui-ci était bien aménagé et fonctionnel.  Les infiltrations d'eau récurrentes ont fini par altérer le sous-plancher et entraîner la formation de moisissures.  Il fallait donc enlever le plancher et le sous-plancher jusqu'à la dalle de béton et procéder à la décontamination fongique.

[144]     Selon P-14, le coût des travaux de démolition et de décontamination du sous-sol s'élève à 31 083 $ plus taxes, ce qui laisse perplexe d'autant plus que les travaux ont tous été effectués par des sous-traitants, sauf pour la peinture de la dalle du sous-sol effectuée par les employés de MacDonald.

[145]     L'ingénieur Beaupré questionne la nécessité de démolir l'ensemble des murs et le plafond du sous-sol alors que les désordres étaient majoritairement au niveau de la structure du sous-plancher.  Ni Bossus ni MacDonald n'ont répondu à cette interrogation.  Le seul élément se trouve dans le rapport Benjel (Bourassa).  En l'espèce, Bourassa a noté une contamination fongique de niveau II au sous-sol mais soupçonnait une contamination réelle de niveau III vu les mesures d'humidité relevées (P-8, p 15/18).  Cela étant dit, les zones de travail qu'elle indiquait étaient le plancher, les bas de murs à 2' au-dessus de la contamination et une partie d'un rail du plafond du sous-sol près de la cheminée (à noter que l'infiltration d'eau à ce niveau provient d'un solin métallique défectueux de la cheminée visible à l'extérieur et noté par Greevy).

[146]     Il n'y a aucune photographie des travaux de démolition des murs ni de l'état d'avancement de la contamination.  MacDonald n'a pas expliqué pourquoi il a démoli le sous-sol au complet.  Par ailleurs, la demanderesse a le fardeau de prouver la nécessité des travaux correctifs.  Quoi qu'il en soit, considérant la solution que le Tribunal retiendra au final, le Tribunal accepte de considérer la dégarnissage complet des murs.

[147]     Par ailleurs, Beaupré conteste également les coûts de démolition comme tels, les frais généraux, la surveillance et la protection du site.

[148]     Pour ce qui est de la protection du site, ils étaient nécessaires pour éviter la propagation des allergènes dans l'air mais paraissent néanmoins très élevés.  Le Tribunal considère qu'une facture de 11 805 $ pour « désinfecter les canalisation d'air et maintenir l'air du sous-sol en pression négative » est exagérée pour une simple maison.  Le Tribunal est donc d'avis de retrancher 20% du coût facturé, soit 11 805 $ X 80% = 9 444 $.  Le coût de démolition de 13 722 $ implique une équipe de deux hommes à 65 $/l'heure pour une durée de 105,5 heures alors que selon Beaupré, deux hommes à 65 $/l'heure pendant 40 heures auraient été suffisants, soit 5 200 $.  MacDonald n'a pas expliqué pourquoi il a fallu deux semaines et demie à deux hommes pour enlever tous les parements.  Les frais généraux et la supervision vont en conséquence.  MacDonald emploie, sauf pour des travaux ordinaires, uniquement des sous-traitants.  La surveillance des travaux fait partie de son contrat, de l'essence même de son contrat.  Les frais généraux sont donc réduits de 20%, donc 5 145 $ X 80% = 4 116 $.

[149]     Au final, le Tribunal retient comme coût de démolition et décontamination, frais généraux et supervision : 5 200 $ + 9 444 $ + 4 116 $ + 411 $ = 19 171 $ plus taxes.

2- la question du drain français et de l'implantation du bâtiment

[150]     Un drain français a une certaine durée de vie utile dépendamment des conditions de sols où il est enfoui et de la technique utilisée pour sa construction.  Personne ne semble avoir vérifié auprès de la municipalité la date de construction de la maison.  Bossus rapporte « environ 1986 » (P-7, à la p 4), Beaupré indique « vers 1982 » (D-3, à la p 1), Tremblay note « 1990 » alors que le rapport d'inspection préachat de 1995 (D-4) indique « 1990 ».  Comme il est plus probable que le rapport de 1995 soit plus exact vu sa proximité de la date de construction indiquée, le Tribunal retiendra donc la date de 1990.

[151]     Selon Beaupré, la durée de vie utile d'un drain français s'échelonne de trente à quarante ans mais peut être réduite en présence d'ocre ferreuse selon la densité de celle-ci.  C'est la durée de vie généralement reconnue en jurisprudence.

[152]     Selon Bossus, la durée de vie utile d'un drain en PVC est plutôt de l'ordre de cinquante ans mais admet que la présence d'ocre ferreuse va réduire cette durée de vie utile.  Dans son rapport, il indique « qu'il est hautement anormal et inusuel de devoir remplacer un drain français et une membrane imperméable pour un immeuble construit dans les années 80 » (P-7, à la p 18, 1er alinéa).  Comme il situe la date de construction à « environ 1986 », le bâtiment aurait donc eu vingt-cinq ans d'âge.  Par contre dans une affaire d'ocre ferreuse où il officiait à titre d'expert en défense, son rapport, cité par le Tribunal, indiquait plutôt :

Le remplacement d'un drain et d'une membrane imperméable constitue plutôt, selon nous, des travaux d'entretien usuels pour un bâtiment relativement âgé (1980).

(soulignement ajouté)

(Nadeau c. Benoit, C.S.Richelieu, 765-17-000913-105, 2011 QCCS 2965, à la p 9)

[153]     L'immeuble en question avait vingt-neuf ans d'âge.  Dans cette affaire, le juge Gouin a jugé qu'il ne s'agissait pas d'un vice caché.

[154]     Quoi qu'il en soit, la présence d'une couche de sédiments d'ocre bien distincte au fonds du puits de captation, de la canalisation allant du puits au fossé et dans le fossé lui-même indiquait un degré d'obstruction certain dans le drain français (D-3.3, à la p 21) qui rendait la vie utile du drain français aléatoire, ou a toutes fins utiles terminée à court terme, comme opine Beaupré.  En fait, en décembre 2012, le drain était complètement bouché.

[155]     La présence de cette ocre en quantité importante et sa « virulence », comme en fait foi ne fut-ce que le fossé, constitue un phénomène naturel entraînant une détérioration rapide du drain ce qui ne constitue pas en soi un vice caché et le remplacement du drain constitue une mesure d'entretien :

[…]  Toutefois, nous remarquons qu'il est possible qu'un bien tombe prématurément de vétusté sans être nécessairement associé à un vice.  D'abord, la Cour supérieure a indiqué que l'absence de ventilation ayant provoqué l'usure prématurée d'une toiture est une situation apparente qui « aurait dû amener un acheteur prudent ou un expert à porter une attention particulière ».  Dans la décision Larocque c. Daraîche, il a été établi que la présence de vents dominants peut accélérer le terme de la durée de vie d'un mur de briques et ne constitue pas un vice caché au sens qu'en tire la jurisprudence.  Dans un domaine connexe, l'auteur Claude Coursol soutient que la présence d'ocre ferreuse ne pourrait pas être a priori associée à un vice caché.  La Cour supérieure a d'ailleurs confirmé cette position en affirmant que la présence d'ocre ferreuse enveloppant le drain d'un immeuble et causant ainsi des infiltrations d'eau au niveau de la dalle de sol de la fondation de l'immeuble ne constituait pas un vice caché.  Ainsi, dans certaines situations, les vices résultant des effets d'un phénomène naturel qui diminue la durée de vie de la composante d'un immeuble ne pourraient pas être considérés comme étant des vices cachés.

(Lachance c. Branconnier, précité, p 4/22)

[156]     Bossus prétend que les correctifs proposés dans son rapport (D-7, aux pp 13-15) pour le drainage et l'imperméabilisation des fondations ne sont que des solutions palliatives et temporaires et qu'il faudrait plutôt procéder au soulèvement de la maison et à l'installation d'une dalle de sous-sol au-dessus de la nappe phréatique.  Cela il l'écrit avant même la prise de mesures piézométriques de Olejczyk (P-14.3 et P-14.4).  Pour lui, la maison a été construite dans la zone de fluctuation de la nappe souterraine et c'est la cause la plus probable des infiltrations.

[157]     Questionné à savoir pourquoi il suggère les travaux correctifs s'il croit que la maison doit être soulevée, il répond que les correctifs fonctionnent dans 90-95%.  En contre-preuve, après le témoignage de Beaupré, il rajuste son tir et dit que les circonstances qui justifient le soulèvement de la maison ne sont que de 1-1 ½%, d'où, explique-t-il, son rapport complémentaire du 5 novembre 2014 (P-14.8), lequel soit dit en passant répète la conclusion qu'il avait énoncée dans son rapport P-7, sauf qu'il est ici conforté par le rapport d'Olejczyk.

[158]     Si l'expert est convaincu au départ que la maison est implantée sous la nappe phréatique, pourquoi ne pas demander des études piézométriques avant les travaux correctifs?  Bien sûr, il mentionne l'importance de connaître les conditions du sol et les conditions hydrogéologiques avant la conception des travaux même palliatifs (P-7, à la p 15).  La chose a-t-elle été comprise?  Pourquoi ne pas avoir demandé les tests piézométriques avant de rendre son rapport?

[159]     Peut-être est-ce, comme le suggère Beaupré dans son témoignage en contre-interrogatoire, que les « mesures palliatives », c'est ce que disent les ingénieurs pour se protéger.  Pour Beaupré, il n'y a aucune preuve que la maison ait été implantée en-dessous de la nappe phréatique : il manque trop d'informations.  Il cite la question à savoir si depuis la construction il y a eu des changements dans le milieu ambiant qui aurait influé sur la quantité d'eau présente.  On pourrait rajouter les renseignements indiqués à l'article 6.2 de la norme (BNQ 3661-500/2012) émis par le Bureau de normalisation du Québec (D-3.3, aux pp 13-14).

[160]     Par ailleurs, les mesures prises par Olejczyk ne se sont échelonnées que sur une période  entre le  29 avril et le  9 septembre 2014, pour  un total de  cinq relevés (P-14.4, à la p 2).  Olejczyk reconnaît d'emblée que la période est insuffisante et qu'il faudrait faire des relevés pour une durée d'au moins deux saisons pour connaître la réalité de la situation.  Donc, au final son rapport est une approximation basée sur cinq lectures durant la période chaude de l'année.  Par ailleurs, Beaupré souligne que les pluies peuvent influencer les résultats en gonflant la nappe souterraine.  Ainsi, à titre d'exemple, le premier relevé est daté du 28 avril.  Or, il est tombé 12,8 mm de pluie le 26 et 0,8 mm le 27.  Le deuxième relevé est du 1er mai, or il est tombé 38 mm de pluie le 30 avril (D-3.4).

[161]     Quoi qu'il en soit, même s'il y a absence de preuve probante que la maison ait été implantée sous la nappe phréatique, elle se trouve aujourd'hui sujette à des fluctuations excédant par moment le niveau de la dalle de sous-sol criant une pression hydrostatique sur celle-ci et entraîne des infiltrations d'eau au sous-sol.

[162]     Quant à la manière de corriger le problème, Beaupré juge excessif le soulèvement du bâtiment jugeant que la méthode prévue à la norme BNQ 3661-500/2012 précitée, entrée en vigueur le 27 février 2012, est suffisante pour corriger le problème.  Beaupré ne parle pas comme un généraliste mais comme un spécialiste de l'ocre ferreuse ayant même participé à l'élaboration de ladite norme faisant partie du comité de normalisation (D-3.4, à la p Avant-propos).  Par ailleurs, son curriculum vitae parle pour lui (D-3.1).

[163]     Il est d'accord avec les soi-disant travaux palliatifs mais comme solution finale et à la différence près qu'il aurait fait installer un drain additionnel du côté intérieur sous la dalle sur le pourtour des fondations tel qu'il l'illustre en rose sur son croquis D-3.5.  Par ailleurs, il se serait limité au périmètre de la maison sans le garage pour le drain extérieur (illustré en bleu sur le croquis D-3.5) au lieu de faire inutilement le tour d'une partie du garage (illustré en orange), puisqu'il n'y a pas de sous-sol à cet endroit.  De cette manière on aurait évité de toucher à l'entrée de cour et à l'aménagement paysager avoisinant.  C'est ce qu'on appelle un cuvelage hybride.

[164]     Le Tribunal bénéficie de peu de détails des travaux faits par MacDonald à part la généralité de la description ce ceux-ci dans P-14.  Or, pour l'exécution de travaux de cette envergure, la norme du BNQ exige de l'entrepreneur une attestation de conformité des travaux exécutés :

À la fin des travaux, l'entrepreneur doit présenter au propriétaire une attestation de conformité des travaux qui comporte les éléments suivants :

·         une déclaration écrite que les travaux ont été faits selon les exigences de la présente norme;

·         une déclaration écrite indiquant que les recommandations de l'expert ou de la personne compétente ont été suivies, lorsqu'il y a de telles recommandations;

·         des photos illustrant la conformité des ouvrages;

·         une déclaration écrite mentionnant que le fonctionnement des ouvrages a été vérifié et que ces ouvrages fonctionnent normalement et de façon adéquate.

L'attestation doit être signée par l'entrepreneur et remise au propriétaire.

(D-3.3, à la p 34)

[165]     Le Tribunal n'a aucune preuve que l'entrepreneur se soit conformé à cette exigence.  En fait, il n'y a que quelques photographies (P-13) lors des travaux sur le drain dont deux seulement portent sur le travail lui-même.  Pas de devis, pas de factures des sous-traitants, pas de rapports journaliers de chantier et surveillance par MacDonald lui-même.  Aucune validation par un ingénieur de la conformité des travaux aux directives de Bossus.  MacDonald témoigne que tous les travaux spécialisés ont été exécutés par des sous-traitants spécialisés.  Or, il s'avère que sur l'exigence principale de Bossus (P-7, à la p 14) laquelle est prévue à la norme du BNQ, le sous-traitant a posé un drain ondulé ordinaire au lieu d'un drain rigide lisse :

5.2.3           Tuyaux perforés

Lorsque des tuyaux perforés sont utilisés dans les ouvrages décrits dans la présente partie, ils doivent être conformes aux exigences qui suivent.

5.2.3.1      Avant d'être perforés, les tuyaux doivent être conformes aux exigences suivantes :

·            ils doivent être conformes aux exigences de la norme NQ 3624-130 ou de la norme CSA B182.1;

·            ils doivent être à parois intérieure et extérieure lisses;

·            ils doivent être à paroi pleine, les tuyaux à parois évidés n'étant pas acceptés pour les ouvrages décrits dans la présente partie;

·            ils doivent avoir un diamètre nominal de 100 mm.

(soulignement ajouté)

(D-3.3, à la p 30)

[166]     La justification donnée par MacDonald est que le sous-traitant était un expert en la matière et qu'il s'est fié à son jugement.  Pourtant la directive de Bossus, l'ingénieur Bossus, était on ne peut plus claire.  La raison du drain rigide lisse est quasiment évidente : il permet le nettoyage complet du drain sans que des particules s'accumulent dans les ondulations du drain commun évitant ainsi la prolifération des bactéries à l'origine des boues ocreuses.  Par ailleurs, lors de son inspection des lieux le 13 janvier 2014, Beaupré a constaté que la pompe submersible dans le nouveau puits d'assèchement à la partie centrale du mur latéral droit ne fonctionnait pas malgré le niveau élevé d'eau dans le puits.  L'expert n'a pas été capable de partir la pompe et en a avisé la demanderesse (D-3, photographie AP-18, à la p 10).  Est-il besoin d'ajouter que les pompes doivent être fonctionnelles pour éliminer l'eau.

[167]     Toute l'idée sous-jacente des travaux correctifs est que l'eau soit éliminée rapidement pour éviter que les bactéries stagnent et entraînent la production de boue ocreuse et donc l'obstruction des conduits, d'où la directive de procéder au nettoyage régulier du drain par les cheminés d'accès.

[168]     Ceci étant dit, le coût total facturé par MacDonald pour l'excavation, changement de drain et remblaiement s'élève à 72 725 $ (P-14), ce qui paraît prohibitif à tous égards.  L'expert Beaupré opine dans le même sens :

L'autre élément qui a retenu notre attention est le coût associé au remplacement du système de drainage des fondations.  En effet, les coûts du marché pour les travaux d'excavation, d'installation d'une membrane imperméable et d'une membrane drainante de type « Delta MS », le remplacement des drains par des systèmes de drainage rigide de type « BNQ » et des cheminées de nettoyage, varient généralement de 115 à 125 $ le pied linéaire.  Le montant de 52 650 $ représente, encore une fois, plus que le double du prix du marché.  D'autres soumissions auraient, sans contredit, dû être demandées afin de s'assurer que le prix soit raisonnable en regard des travaux à faire.

(D-3, à la p 14)

[169]     Beaupré note que la demanderesse aurait dû obtenir d'autres soumissions d'autant plus qu'elle n'était pas en situation d'urgence.  En effet, les travaux à faire sont déjà connus depuis décembre 2011 lors de la visite de Bossus ou minimalement depuis son rapport du 28 mars 2012.  MacDonald n'a commencé les travaux que le 8 octobre 2012.  La demanderesse aurait eu amplement le temps d'obtenir d'autres soumissions pour corroborer les coûts estimés par MacDonald.  La demanderesse avait l'obligation de chercher à mitiger ses dommages et elle a le fardeau de prouver que les dommages qu'elle réclame correspondent à la juste valeur de sa perte.

[170]     Indépendamment de la question de vétusté ou de valeur rajoutée, Beaupré, à partir des mesures qu'il a prises lors de son inspection, a préparé un plan d'implantation de la bâtisse et du garage.  Le périmètre de la maison et du garage fait 236 pieds et 8 pouces (D-3.5).  Selon le prix du marché pour ce genre de travaux, soit 125 $ le pied linéaire, il arrive à un coût de 29 500 $ (en fait ça devrait être 29 533 $) avant taxes et excluant l'enlèvement du patio et l'aménagement paysager.

[171]     Pour sa part, il aurait exclu le garage parce que cela est inutile puisque le garage n'a pas de sous-sol et aurait procédé sur le périmètre de la maison seulement, soit 179 pieds et 4 pouces  à 125 $/pied linéaire pour un total de 22 375 $.  L'avantage aussi de cette méthode est qu'on ne touche pas à l'entrée de cour et à l'aménagement paysager avoisinant.  De même, en raison de la fluctuation des eaux souterraines, il aurait fait installer un drain sur le périmètre intérieur, membrane scellante remontant sur les murs et cheminée d'accès selon les normes du BNQ.  À l'intérieur, le coût de ces travaux varie de 80 $ à 100 $ le pied linéaire, soit en l'espèce 154' X 90 $, pour un total de 13 860 $ avant taxes.  Puis il aurait fait couler une deuxième dalle au complet soit 1 306 pi2  à  6 $/pi2, pour un total de 7 836 $ avant taxes.

[172]     Pour ce qui est des autres coûts mentionnés par MacDonald pour les travaux extérieurs (général (3 720 $), excavation préparation (5 465 $) et « completion of work » (10 890 $)) (P-14), ces coûts devraient être réduits de 60% selon l'avis du Tribunal.  MacDonald ne peut pas facturer la surveillance (supervision) du chantier à titre d'entrepreneur général parce que c'est déjà inclus dans son profit et administration : tous les travaux sont exécutés par des sous-traitants.  Par ailleurs, il n'aurait pas à refaire l'entrée de cour et le paysagement avoisinant et, enfin, à leur face même, les coûts facturés sont exagérés.  Donc pour tous ces travaux, le Tribunal attribue une valeur de 8 030 $ plus taxes.

[173]     Tout ceci étant dit, le Tribunal considère que le soulèvement de la maison n'est pas justifiée et que la méthode proposée par Beaupré pour résoudre le problème des fluctuations est non seulement une solution adéquate mais aussi plus économique.  Ainsi, le Tribunal aurait reconnu la mise en place d'un drain extérieur et puits d'assèchement au coût de 22 375 $ ainsi qu'un drain intérieur au coût de 13 860 $ plus une deuxième dalle de sous-sol au coût de 7 836 $.

[174]     Ceci étant, le Tribunal estime que la durée de vie utile du drain était atteinte à 80% au moment de la vente et qu'il faut donc pondérer tous les coûts relatifs à l'imperméabilisation et au drainage d'un même pourcentage.  Ainsi :

-        Général, excavation, préparation et « completion of work » :

8 030 $ X 20% =                                                                              1 606 $

-        Drain extérieur :

22 375 $ X 20% =                                                                            4 475 $

-        Drain intérieur :

13 860 $ X 20% =                                                                            2 772 $

-        Deuxième dalle de sous-sol :

7 836 $ X 20% =                                                                              1 567 $

Total des coûts relatifs au drainage et à l'imperméabilisation =     10 420 $

[175]     Dans ces conditions la demanderesse aurait pu procéder à la refinition du sous-sol, non pas aux coûts estimés par MacDonald (P-15) qui paraissent prohibitifs même à un profane : on parle ici du sous-plancher, d'un plancher de tuiles autocollantes, de murs de colombage, d'isolation et de panneaux de gypse plus peinture.  Il faudrait quelques travaux électriques et de plomberie aussi.  Le Tribunal est d'avis que deux hommes à 60 heures chacun à 65 $/h (7 800 $), plus les matériaux et la peinture auraient amplement suffit à reconstruire le sous-sol comme auparavant.  Si l'on ajoute les matériaux, la peinture, l'électricité et la plomberie, le Tribunal estime une somme additionnelle de 6 000 $ aurait suffi, plus 15% d'imprévus, 2 070 $.  Au final le Tribunal estime que le coût de refinition du sous-sol aurait dû être de 15 870 $ plus les taxes.  Compte tenu que la demanderesse aurait eu à installer un drain intérieur, elle aurait dû reprendre le sous-sol.  Le Tribunal applique donc le même amortissement que pour le drain, soit 15 870 $ X 80% = 3 174 $ plus taxes.  À cet égard, le Tribunal fait une distinction avec les frais de démolition qui auraient été nécessaires de toute façon en raison de la détérioration des finis par l'infiltration d'eau.

3- perte de valeur marchande

[176]     Compte tenu que le système haute performance qui aurait dû être installé nécessite néanmoins un entretien régulier et relativement contraignant ainsi que des frais récurrents, le Tribunal est d'accord avec l'évaluateur agréé Tremblay que cela a un impact sur la valeur marchande de la propriété et accepte son évaluation à 16 500 $.  Cet élément aurait sûrement été considéré dans le prix que la demanderesse aurait été prête à payer.  En conséquence, il est accordé.

4- les dommages-intérêts pour troubles, inconvénients et stress

[177]     Greevy ne peut être tenu que des dommages qui sont une suite immédiate et directe du préjudice (art. 1607 C.c.Q.).  Il ne peut être tenu à payer plus que le vendeur aurait pu être appelé à payer.  Comme le Tribunal n'a retenu aucune responsabilité des autres défendeurs ni mauvaise foi de leur part, la demanderesse ne peut réclamer des dommages-intérêts auxquels elle n'aurait pas droit en vertu de l'article 1727 C.c.Q.

V. CONCLUSION

[178]     Pour tous les motifs qui ont été précédemment expliqués, le Tribunal est donc d'avis que les défendeurs Lelliott et Vaillancourt n'ont commis aucun dol ni déclaration trompeuse à l'égard de la demanderesse, qu'il y avait des indices évidents d'une situation anormale quant au drainage des eaux, que la demanderesse a fait preuve de légèreté ou d'insouciance dans son inspection de la maison et qu'elle ne s'est pas conduite comme un acheteur prudent et diligent, que sa conduite vis-à-vis l'inspection préachat équivaut ni plus ni moins à une absence d'inspection et que par conséquent elle ne peut tenir les défendeurs Lelliott et Vaillancourt responsables des vices dont elle se plaint et dont elle aurait pu appréhender l'existence et même la gravité eût-elle pris en compte les indices manifestes qui auraient dû l'alarmer et l'inciter à investiguer plus sérieusement.

[179]     Le Tribunal est également d'avis que le défendeur Greevy a manqué à ses obligations en ne procédant pas à une inspection sérieuse et attentive du bâtiment qui lui aurait permis de déceler les mêmes indices qu'un acheteur prudent et diligent aurait constaté.  Il engage par conséquence sa responsabilité contractuelle.

[180]     Le Tribunal fixe les dommages en résultant pour les montants équivalents à ce qui suit :

-       « basement repair » et restauration :      19 171 $ plus taxes

-       « exterior repair » et restauration :          10 420 $ plus taxes

-       refinition du sous-sol :                                 3 174 $ plus taxes

-       perte de valeur marchande :                    16 500 $

Plus les frais d'experts fixés à                           9 021,81 $ et les frais de justice.


[181]     PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[182]     REJETTE la demande remodifiée de la demanderesse à l'égard des défendeurs Lelliott et Vaillancourt avec frais de justice plus les frais d'experts fixés à 5 305,67 $ contre la demanderesse;

[183]     CONDAMNE le défendeur Greevy à payer à la demanderesse la somme de 32 765 $ plus taxes ainsi que la somme de 16 500 $ et les frais d'experts de 9 021,81 $ avec intérêts au taux légal depuis la date de la première mise en demeure, soit le 29 novembre 2011, ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q.;

[184]     LE TOUT avec les frais de justice.

 

 

__________________________________

Honorable Jean-Jude Chabot, j.c.s.

 

Me Martin Janson

Janson Larente Roy

Procureur de la demanderesse Tracy Tomlin

 

Me Marie-Pierre Charland

Barrette & Associés

Procureure des défendeurs Joanne Lelliott et Jeffrey Vaillancourt

 

Date d’audience :

18, 19, 20 et 22 avril 2016

 

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