|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
|||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
RÉGION : |
Montréal |
Montréal, le 9 juillet 2002. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
DOSSIER : |
DEVANT LE COMMISSAIRE : |
||
|
|
|
|
|
|
|
|
|
ASSISTÉ DES MEMBRES : |
Christian Tremblay |
|
|
|
|
Associations d’employeurs |
|
|
|
|
|
|
|
André Tremblay |
|
|
|
Associations syndicales |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
DOSSIER CSST : |
119237543 |
AUDIENCE TENUE LE : |
15 avril 2002 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
À : |
Montréal |
|
|
|
|
|
|
_______________________________________________________ |
|
|
|
|
|
|
|
||
|
|
_______________________________________________________ |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
GAGNÉ & ROY INC. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
PARTIE REQUÉRANTE |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
et |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
CLÉMENT MALTAIS |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
PARTIE INTÉRESSÉE |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
DÉCISION
[1] Le 27 août 2001, l'employeur, la Compagnie Gagné & Roy inc., dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 août 2001.
[2]
Par cette décision, la CSST accueille la plainte déposée par
le travailleur, monsieur Clément Maltais, en vertu de l'article
[3] Les représentants des parties sont présents à l'audience.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la plainte de monsieur Maltais et de déclarer qu'il ne doit lui verser aucune autre somme d'argent que celle qu'il lui a déjà versée.
[5] En début d'audience, la représentante de l'employeur soumet au tribunal une question préalable qui est susceptible de mettre fin au litige sans qu'il soit nécessaire d'aborder l'examen du fond de la contestation.
[6] Les représentants des parties ont demandé au tribunal de ne procéder que sur cette question et de reporter, s'il y a lieu, l'audience sur le fond de la contestation à une date ultérieure.
QUESTION PRÉALABLE
[7]
L'employeur demande à la Commission des lésions
professionnelles de rejeter la plainte déposée par monsieur Maltais à la CSST
au motif que le litige sur l'interprétation de l'article
[8]
Les articles
32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.
60. L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui - ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.
L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé si celui‑ci lui a fourni l'attestation médicale visée dans l'article 199.
Ce salaire constitue l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit pour les 14 jours complets suivant le début de son incapacité et la Commission en rembourse le montant à l'employeur dans les 14 jours de la réception de la réclamation de celui‑ci, à défaut de quoi elle lui paie des intérêts, dont le taux est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts courent à compter du premier jour de retard et sont capitalisés quotidiennement.
Si, par la suite, la Commission décide que le travailleur n'a pas droit à cette indemnité, en tout ou en partie, elle doit lui en réclamer le trop‑perçu conformément à la section I du chapitre XIII.
[9] Il convient de rappeler brièvement les faits du dossier. Le 12 mars 2001, dans l'exercice de son emploi de couvreur chez l'employeur, monsieur Maltais subit une entorse lombaire qui est reconnue comme lésion professionnelle par la CSST. Cette lésion est consolidée le 4 juin par un membre du Bureau d'évaluation médicale. Pour la période des 14 premiers jours d'incapacité de travail, l'employeur a versé à monsieur Maltais une somme d'argent qui tient compte de l'horaire de travail du collègue avec qui il voyageait pour se rendre au chantier ainsi que des jours travaillés par ses autres employés.
[10]
Le 27 mars 2001, monsieur Maltais dépose une plainte en vertu
de l'article
[11] Le 21 août 2000, la CSST accueille sa plainte en se fondant sur l'interprétation de l'article 60 qui est généralement retenue par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) et la Commission des lésions professionnelles, d'où l'appel de l'employeur.
[12]
La représentante de l'employeur soumet en argumentation que ce
dernier n'a pas manqué à l'obligation que lui impose l'article
[13] Sa prétention est fondée sur deux décisions rendues par la Cour d'appel dans les affaires Marin c. Société canadienne de métaux Reynolds ltéé[2] (l'affaire Marin) et Purolator courrier ltée c. Hamelin[3] (l'affaire Purolator).
[14]
Dans l'affaire Marin,
le litige concernait une plainte déposée par le travailleur en vertu de
l'article 32. Il prétendait qu'il avait
droit, en vertu de l'article
La Cour estime qu'ici l'article 32 n'a pas d'application puisqu'il ne peut s'agir de sanction. Cet article traite des sanctions que l'employeur ne peut imposer à un travailleur en raison d'une lésion subie.
[15] Toutefois, elle casse le jugement de la Cour supérieure parce que l'interprétation de l'article 242 adoptée par la Commission d'appel était rationnelle et qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir pour régler une controverse jurisprudentielle.
[16]
Dans l'affaire Purolator,
il s'agissait d'un litige concernant le paiement d'heures supplémentaires dans
le cadre d'une assignation temporaire.
Le travailleur avait déposé un grief en se fondant sur l'article
[17] La juge Deschamps écrit à ce sujet ce qui suit:
En l'espèce, l'article 32 comporte deux aspects: le premier, substantif, le deuxième, de procédure.
L'article
[…]
Par ailleurs, sur le volet de la procédure et au-delà du
droit substantif conféré par le premier alinéa, l'article 32 n'accorde pas plus
de pouvoir à la CSST que ne le fait l'article
Je note d'ailleurs que, au-delà des divergences notées au
sein des tribunaux administratifs concernant le paiement des heures
supplémentaires dans le contexte de l'article
La Cour estime qu'ici l'article 32 n'a pas d'application puisqu'il ne peut s'agir de sanction. Cet article traite des sanctions que l'employeur ne peut imposer à un travailleur en raison d'une lésion professionnelle subie.
[18] Le juge Beauregard formule pour sa part les commentaires suivants:
Mais cet article n'a aucune application en l'espèce.
L'article 32 trouve application lorsqu'un employeur pose des
actes de représailles. Or, prétendre
qu'on n'est pas obligé de payer une prestation ne constitue pas une mesure de
représailles. V. Marin c. Société canadienne de métaux Reynolds Ltée
En conséquence le grief est irrecevable en autant qu'il est fondé sur l'article 32.
[19] Le représentant de monsieur Maltais souligne, pour sa part, que cette décision de la Cour d'appel a fait l'objet d'une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême par la CSST qui est actuellement pendante de telle sorte qu'on ne peut lui accorder un caractère final.
[20]
Cela dit, il soumet que la prétention de l'employeur concerne
une question de procédure et il prétend qu'une telle question doit céder le pas
à la question de fond que veut faire trancher monsieur Maltais par son recours,
à savoir l'étendue de son droit à l'indemnité prévue à l'article
[21] Par ailleurs, il estime que l'article 32 constitue une procédure plus appropriée pour saisir la CSST du litige en cause que la solution préconisée par la représentante de l'employeur parce que le fait de s'adresser à la CSST pour qu'elle intervienne s'avère moins efficace que le recours prévu à l'article 32 dans la mesure où ce dernier permet d'obtenir une action plus rapide de l'employeur.
[22]
Enfin, il estime qu'en vertu des pouvoirs qui lui sont
conférés par l'article
[23] La représente de l'employeur réplique à ce dernier argument en soumettant que la Commission des lésions professionnelles ne peut rendre que la décision qu'aurait dû rendre la CSST et qu'en l'espèce, elle n'est pas saisie d'une décision de la CSST. Elle prétend de plus que l'article 32 ne constitue pas uniquement une disposition procédurale parce que le travailleur qui intente ce recours bénéficie de la présomption prévue à l'article 255[4] de la loi.
L'AVIS DES MEMBRES
[24]
Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que la
prétention de l'employeur selon laquelle la plainte prévue par l'article
[25] Toutefois, pour éviter les délais qu'engendrerait le fait de retourner le dossier à la CSST pour qu'elle se prononce en vertu de son pouvoir général, il est d'avis que la Commission des lésions professionnelles peut rendre la décision qui aurait dû être rendue.
[26] Le membre issu des associations syndicales est d'avis pour sa part que la plainte déposée par le travailleur en vertu de l'article 32 constitue un recours que le travailleur pouvait exercer contre son employeur pour faire trancher le litige qui l'opposait à ce dernier et qu'il n'y a donc pas lieu de retenir la prétention de l'employeur sur cette question.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[27] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la plainte de monsieur Maltais doit être rejetée parce qu'il s'agit d'un recours inapproprié.
[28] Après considération des arguments soumis par les représentants des parties, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la prétention de l'employeur ne peut être retenue.
[29] Avec respect, le tribunal ne s'estime pas lié par les décisions rendues par la Cour d'appel dans les affaires Marin et Purolator.
[30]
L'affaire Purolator
fait actuellement l'objet d'une demande d'autorisation d'appel à la Cour
suprême de telle sorte qu'il ne s'agit pas d'une décision finale. Par ailleurs, il faut replacer les
commentaires de la Cour d'appel sur l'utilisation de l'article 32 pour régler
une mésentente entre le travailleur et l'employeur portant sur l'interprétation
de la loi dans le contexte de la question qui lui était soumise et qui
concernait essentiellement l'application de cet article aux entreprises qui
relèvent de la compétence fédérale.
Enfin, il ne s'agissait pas, comme en l'espèce, d'une décision de la
CSST mais de celle d'un arbitre et on peut s'interroger sur le sort que la Cour
d'appel aurait réservé au recours du travailleur si la décision avait émané de
la CSST, compte tenu que la juge Deschamps indique bien que l'article 32, dans
son volet procédural, n'est qu'une répétition de la compétence initiale
attribuée à la CSST par l'article
[31] Pour ce qui est l'affaire Marin, la Commission des lésions professionnelles estime qu'on ne peut lui attribuer la portée que souhaite l'employeur. Il est vrai que la Cour d'appel considère que l'article 32 n'a pas d'application au litige qui lui était soumis mais, par sa décision, elle rétablit celle de la Commission d'appel qui a accueilli la plainte déposée par le travailleur en vertu de cet article indiquant par là, à tout le moins implicitement, que cette approche n'était pas manifestement déraisonnable.
[32] Le traitement de questions monétaires liées à l'application de l'article 60 (quatorze premiers jours) ou encore des articles 180[5] (assignation temporaire) ou 242[6] (réintégration au travail) dans le cadre de l'article 32 fait l'objet d'une abondante jurisprudence de la Commission d'appel[7] et de la Commission des lésions professionnelles[8] et le tribunal estime qu'il n'y a pas lieu d'écarter celle-ci.
[33] Il est vrai qu'une mésentente concernant l'application de l'article 60 ne constitue pas, à proprement parler, une mesure de représailles ou une sanction imposée par l'employeur au travailleur parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou qu'il a exercé un droit prévu par la loi. C'est davantage par analogie, en interprétant de manière large les notions de sanction et de mesure, qu'il y a ouverture au recours de l'article 32. Dans Lenard et Cliffside Utility Contractors ltd[9], la Commission d'appel écrit ainsi:
La Commission d'appel estime que le fait de ne pas verser au
travailleur le salaire prévu à l'article
[34] La CSST peut être saisie de ce type de litiges autrement mais, comme le soumet le représentant du travailleur, le recours prévu à l'article 32 peut constituer un véhicule procédural relativement efficace pour trancher de ces questions monétaires puisque la décision doit être rendue par la CSST dans les 30 jours de sa réception (article 262) et que si elle donne lieu à une ordonnance, l'employeur doit s'y conformer dans les huit jours de sa notification (art. 263). Par ailleurs, la présomption de l'article 255 n'a pas vraiment d'incidence en cette matière puisque dès lors où l'employeur établit qu'il n'a pas à payer les sommes d'argent réclamées par le travailleur, la présomption se trouve par le fait même renversée.
[35] Enfin, même s'il fallait conclure que le recours de l'article 32 est inapproprié, il demeure que la Commission des lésions professionnelles est saisie d'une décision de la CSST et qu'elle pourrait décider de retourner le dossier à celle-ci pour qu'elle rende une décision sur le droit du travailleur autrement que dans le cadre de l'article 32 ou, ce qui apparaît une solution beaucoup plus conforme à l'objectif de célérité poursuivi par la justice administrative, trancher la question en litige.
[36]
Il faut rappeler qu'en vertu de l'article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DÉCLARE qu'il n'y a pas lieu de rejeter la plainte du travailleur, monsieur Clément Maltais, pour le motif invoqué par l'employeur, la Compagnie Gagné & Roy inc.;
CONVOQUERA à nouveau les parties sur le fond de la contestation déposée par l'employeur le 27 août 2001.
|
|
|
Claude-André Ducharme |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
[Me Lyne Gaudreault] Gaudreault, Savard |
|
|
|
Représentante de la partie requérante |
|
|
|
|
|
|
|
[Me Louis Cousineau] Trudeau, Provençal & Associés |
|
|
|
Représentant de la partie intéressée |
|
|
|
|
[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2]
[3] C.A. 500-09-007114-986, 2002-01-31, jj. Beuregard, Deschamps et Letarte.
[4] 255. S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.
Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une cause juste et suffisante.
[5] 180. L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.
[6] 242. Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.
Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulés.
[7] Rousseau et Matériel
industriel ltée,
[8] Harper et Centre Molson inc.,
C.L.P.
[9]
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.