Tremblay et ARTE

2015 QCCLP 4950

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

16 septembre 2015

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

574000-71-1505

 

Dossier CSST :

141840645

 

Commissaire :

Marco Romani, juge administratif

 

Membres :

Guy Lemoyne, associations d’employeurs

 

André Tremblay, associations syndicales

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Roger Tremblay

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

ARTE

 

Partie intéressée

 

 

 

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DÉCISION

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[1]           Le 15 mai 2015, monsieur Roger Tremblay (le travailleur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 avril 2015 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme en partie celle qu’elle a initialement rendue le 24 février 2015 et déclare qu’il y a lieu de suspendre, à compter du 23 février 2015 jusqu’au 2 mars 2015, l’indemnité de remplacement du revenu versée puisque le travailleur a refusé ou négligé de fournir les renseignements demandés.

[3]           L’audience s’est tenue le 15 septembre 2015 à Montréal en présence du travailleur, qui est représenté. ARTE (l’employeur) est également représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST et de déclarer qu’il a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

LES FAITS

[5]           Le travailleur occupe un poste de commis d’entrepôt lorsqu’il subit un accident du travail le 14 octobre 2013.

[6]           Les diagnostics de la lésion professionnelle sont une fracture du nez, une diverticulite perforée et une péritonite.

[7]           Le dossier révèle qu’un traitement conservateur est prévu, mais qu’à la suite d’un « scan », le 19 octobre 2013, qui démontre une détérioration clinique, le travailleur subit une intervention chirurgicale effectuée par le docteur Marc-André Ferland, chirurgien.

[8]           Le docteur Ferland procède à une sigmoïdectomie et colostomie proximale et fermeture du bout distal et toilette péritonéale. Le travailleur est demeuré hospitalisé pour une durée de 134 jours par la suite.

[9]           La réclamation initiale du travailleur est acceptée par la CSST le 23 décembre 2013 et infirmée par la révision administrative le 10 mars 2014. Le travailleur conteste cette décision devant la Commission des lésions professionnelles et le 23 septembre 2014, une décision finale est rendue par laquelle il est décidé que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 14 octobre 2013.

[10]        Les notes évolutives du mois d’octobre 2014 révèlent que le travailleur observe un suivi médical avec le docteur Ferland et qu’il est en attente de chirurgie. Sa lésion professionnelle n’est pas consolidée.

[11]        Le 8 janvier 2015, le travailleur est évalué par le docteur Marcel Laurion, chirurgien, à la demande de la CSST. Dans le cadre de son évaluation, le docteur Laurion indique que la lésion professionnelle du travailleur n’est pas consolidée puisqu’il est en attente d’une nouvelle chirurgie avec le docteur Ferland pour une fermeture de la colostomie sigmoïdienne. De plus, il mentionne dans les antécédents du travailleur que ce dernier n’a pas de médecin traitant et qu’il doit se présenter à l’urgence de l’Hôpital de Verdun pour renouveler la prescription de sa médication.

[12]        La note évolutive du 28 janvier 2015 révèle ce qui suit :

-ASPECT MÉDICAL :

Appel fait au T

 

Demandons au T de nous indiquer la date de son dernier suivi médical.

 

T dit qu’il se souvient avoir rencontré Dr Ferland en septembre dernier.

Indiquons au T que la Commission exige un suivi régulier, il s’agit d’un suivi à tous les 4 à 6 semaines.

Demandons au T de prendre rendez-vous avec Dr Ferland pour un suivi et de nous indiquer la date de ce rendez-vous.

T dit qu’il le fera et nous tiendra au courant de la date.

 

Informons T que nous avons reçu deux copies de rapports médicaux qui sont illisibles.

Demandons la date de la signature des dits rapports.

T mentionne qu’il s’agit de rapports signés le 23 février 2014.

Demandons au T de nous envoyer une autre copie par courrier.

 

Informons aussi au T que nous avons reçu le rapport de l’expertise du 8 janvier 2015.

Suite à ce rapport, nous avons appris qu’il est en attente d’une nouvelle Chx et nous aimerions savoir par quel médecin.

T indique Dr Ferland à l’Hôpital de Verdun. Il dit avoir passé tous ses examens pré-opératoires et il s’attendait à être opéré en janvier 2015.

 

Demandons au T à qui devrions-nous envoyer une copie du rapport.

T indique à Dr Ferland. [sic]

[13]        Le 24 février 2015, la CSST rend une décision par laquelle elle décide qu’en considérant l’absence de suivi médical depuis le 23 février 2014[1], les indemnités de remplacement du revenu du travailleur sont suspendues.

[14]        Le 3 mars 2015, une infirmière de l’Hôpital de Verdun communique avec la CSST afin de l’informer que le travailleur est sur la liste d’attente du docteur Ferland pour une chirurgie depuis le 25 août 2014. Celle-ci est prévue pour le printemps de 2015.

[15]        Le même jour, le travailleur produit un rapport médical et la CSST réactive le versement de ses indemnités de remplacement du revenu.

[16]        Lors de l’audience, le travailleur affirme qu’il a subi son intervention chirurgicale au mois de juin 2015. Il ajoute que c’est à partir du mois de mars 2015 que les services de l’Hôpital de Verdun l’ont aidé à se trouver un médecin de famille.

L’AVIS DES MEMBRES

[17]         Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous les deux d’avis d’accueillir la requête du travailleur puisque la preuve prépondérante révèle que le travailleur a maintenu un suivi médical en lien avec sa lésion professionnelle et qu’il n’avait pas de médecin traitant.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[18]        La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 24 février 2015 jusqu’au 3 mars 2015.

[19]        L’article 142.1, alinéa b) de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) prévoit ce qui suit :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

[…]

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu’elle requiert ou de donner l’autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

[…]

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[20]        En l’espèce, il appert que la CSST a conclu que le travailleur avait refusé ou négligé de fournir des rapports médicaux et qu’il n’avait donc pas maintenu un suivi médical assidu.

[21]        D’emblée, le tribunal ne partage pas cet avis.

[22]        La preuve révèle plutôt que le travailleur n’avait aucun traitement prescrit à l’exception d’une attente pour une chirurgie avec le docteur Ferland pour une colostomie proximale.

[23]        De plus, la preuve démontre clairement que le travailleur n’avait pas de médecin traitant et qu’il devait se présenter à l’urgence de l’Hôpital de Verdun pour renouveler ses prescriptions de médicaments.

[24]        Par ailleurs, le tribunal est d’avis que le critère punitif de l’article 142 de la loi doit être appliqué avec une certaine retenue. En l’espèce, aucune preuve ne démontre dans le présent dossier que le travailleur a tenté de se soustraire à ses obligations. Le travailleur a toujours répondu aux demandes de la CSST, de façon cohérente, qu’il était dans l’attente d’une chirurgie et qu’il n’avait pas de médecin de famille.

[25]        La CSST exige la production d’un rapport médical qui n’existe pas puisque le travailleur ne consulte pas de médecin durant cette période. Il est en attente d’un traitement.

[26]        Le tribunal est d’autant plus surpris de la décision de la CSST puisque le médecin désigné par celle-ci pour évaluer le travailleur le 8 janvier 2015 indique clairement dans son rapport que la lésion professionnelle n’est pas consolidée puisqu’il doit y avoir une intervention chirurgicale.

[27]        Nonobstant le fait qu’il n’y a aucun rapport médical de produit durant une longue période de temps dans le dossier, on ne peut pas automatiquement déduire qu’il y a un refus de fournir des renseignements. Le travailleur n’a jamais refusé de fournir les renseignements demandés. Considérant l’évolution et la nature de sa lésion professionnelle, on ne peut pas lui reprocher son manque de suivi avec un médecin.

[28]        Il est de connaissance d’office que le système de la santé peut occasionner des délais importants même pour une chirurgie de suivi. On ne saurait en faire un reproche au travailleur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Roger Tremblay, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 avril 2015 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 23 février 2015 jusqu’au 2 mars 2015.

 

 

 

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Marco Romani

 

 

 

 

Me Manuel Johnson

PROULX & LEMOINE, AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           La date est vraisemblablement erronée; la date aurait plutôt dû se lire 23 février 2015.

[2]           RLRQ, c. A-3.001.

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