Thibert c. Trudeau |
2015 QCCS 3526 |
JC0BM5 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE MONTRÉAL |
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N : |
500-17-089424-157 |
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DATE : |
Le 29 juillet 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
suzanne courchesne, J.C.S. |
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Monique THIBERT et als. |
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Demandeurs |
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c. |
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Carole (ANN) TRUDEAU |
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Défenderesse |
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et |
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Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de terrebonne et als. |
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Tiers saisis |
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MOTIFS DU JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE LE 27 JUILLET 2015[1] |
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1. Aperçu
[1] La défenderesse demande l’annulation de deux saisies avant jugement autorisées par l’honorable Claudine Roy les 13 et 20 juillet 2015.
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Elle soumet que les faits allégués dans les affidavits souscrits au
soutien des réquisitions sont insuffisants et ne constituent pas un fondement
sur lequel une saisie avant jugement sur la base de l’art.
[3] Ces saisies ont été entreprises dans le cadre d’un litige opposant les parties en Ontario. Le 9 juillet 2015, une injonction de type Mareva est émise par un juge de la Cour Supérieure d’Ontario contre la défenderesse dans ce même dossier.
[4] La défenderesse plaide que la maxime « qui a fraudé fraudera » est insuffisante pour fonder une crainte sérieuse et objective en l’absence d’autres faits précis qui permettent de croire que la défenderesse posera des gestes susceptibles de faire échec au recouvrement des créances des demandeurs.
2. Analyse et décision
[5] Les affidavits soumis au soutien de la réquisition d’un bref de saisie avant jugement font état, de manière détaillée, de faits démontrant que les demandeurs auraient été victimes d’un stratagème frauduleux mis en place par la défenderesse au cours d’une période de 12 ans, et ce dans le cadre d’une thérapie exercée par celle-ci auprès des demandeurs. Selon les allégations, plus de 1,6 millions $ en argent comptant auraient été remis à la défenderesse en mains propres dans le stationnement d’une pharmacie au cours des années 2003 à 2015, en contrepartie de la thérapie exercée par voie téléphonique, par la défenderesse.
[6] Il est allégué que c’est l’une des demanderesses qui devait tenir le compte des heures de thérapie à être facturées par la défenderesse, représentant environ 12 244 heures à un taux horaire variable.
[7] Les demandeurs allèguent des gestes de manipulation et d’extorsion, des manœuvres frauduleuses et des comportements malhonnêtes et répréhensibles qui auraient été exercés par la défenderesse à leur égard.
[8] Les demandeurs soutiennent qu’il est à craindre, compte tenu de telles circonstances alléguées, que la défenderesse cherchera à dissiper ses actifs, compte tenu du stratagème déployé par elle et des gestes frauduleux qui lui sont reprochés.
[9] La jurisprudence de la Cour d’appel confirme que la simple allégation par un demandeur qu’il ait été victime de fraude ne suffit pas pour justifier l’émission d’un bref de saisie avant jugement. Elle ajoute toutefois dans l’arrêt Griffis c. Grabowska[2] que « s’agissant d’une conduite malhonnête persistante ou caractérisée, le juge pourra apprécier la portée de ces faits à la lumière de cette conduite. »
[10] La Cour d’appel rappelle dans la même décision, que pour décider de la suffisance de l’affidavit, le juge doit tenir pour avérés les faits qui y sont allégués et considérer l’ensemble du tableau que lui présente l’affiant[3].
[11] Dans l’arrêt récent Rhéaume c. Dazé, la Cour d’appel énonce:
En face d’une conduite malhonnête persistante et caractérisée comme en l’espèce, la jurisprudence exige quand même de démontrer un risque de mise en péril du recouvrement de la créance, mais elle se montre plus généreuse en ce qu’elle ne se veut pas exigeante au point que le recours à la saisie avant jugement soit en quelque sorte stérilisé[4].
[12] Dans le cadre des affidavits souscrits en l’instance, comptant pour la plupart plus d’une centaine de paragraphes, les demandeurs détaillent les manœuvres que la défenderesse aurait exercées à leur égard pour les dépouiller de sommes substantielles au cours des 12 dernières années.
[13] On ne peut se contenter de plaider que « qui a fraudé fraudera ». Ce n’est pas le cas en l’instance. Tenant pour avérés les faits allégués aux affidavits qu’ils ont souscrits, la crainte objective des demandeurs que le recouvrement de leur créance ne soit en péril est démontrée par l’ensemble des circonstances soumises, à l’effet que la défenderesse aurait mis en place un stratagème frauduleux visant à les dépouiller de leurs avoirs et ce, de manière occulte, par la remise de sommes d’argent comptant substantielles, sur la base d’une facturation obscure et pour des services rendus de manière abusive, selon les faits tels qu'allégués.
[14] Ces
allégations font foi d’une conduite malhonnête, persistante et caractérisée, et
sont suffisantes en soi pour justifier en l’espèce une crainte raisonnable et
objective au sens de l’article
[15] Quant à la demande subsidiaire de la défenderesse visant à ce que soit révisée l’étendue des saisies avant jugement exercées, aucune preuve n’a été soumise par elle quant aux effets des saisies sur sa capacité d’assumer ses obligations financières.
[16] Par ailleurs, la défenderesse entend contester l’injonction Mareva émise à son encontre en Ontario et disposera alors de l’occasion nécessaire pour soumettre cette preuve.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[17] REJETTE la requête de la défenderesse en annulation des saisies avant jugement telle qu’amendée verbalement à l’audience;
[18] FRAIS À SUIVRE.
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Suzanne courchesne, J.C.S. |
Me Dominique Ménard |
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LCM Avocats Inc. |
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Procureure des demandeurs |
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Me Maria Braker |
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Irving mitchell kalichman |
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Procureure de la défenderesse |
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Date d’audience : |
Le 27 juillet 2015 |
[1]
Le jugement a été rendu séance tenante. Les présents motifs ont été
modifiés, remaniés ou amplifiés pour en améliorer la présentation et la compréhension
comme le permet l'arrêt Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec,
[2]
[3] Précité, note 2, par. 17.
[4] 2015 QCCA 1047, par. 33..
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