Paquette c. Fecteau |
2016 QCCS 5422 |
|||||||
JC2308 |
||||||||
|
||||||||
CANADA |
||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||||
DISTRICT DE |
TERREBONNE |
|||||||
|
||||||||
N° : |
700-17-010117-132 |
|||||||
|
|
|||||||
|
||||||||
DATE : |
8 novembre 2016 |
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
CHANTAL CORRIVEAU, J.C.S. |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
MATHIEU PAQUETTE SÉBASTIEN DEMERS YAN LADOUCEUR PATRICK ARSENAULT |
||||||||
Demandeurs |
||||||||
c. |
||||||||
DANIEL FECTEAU |
||||||||
Défendeur |
||||||||
et |
||||||||
GROUPE SERPONE INC. |
||||||||
Mis en cause |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
JUGEMENT |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
[1] Les demandeurs poursuivent le défendeur lui réclamant des sommes encourues et des dommages à la suite de la construction d’une maison.
[2] Selon la requête introductive d’instance, les parties s’entendent à l’automne 2011 pour que les demandeurs construisent une maison sur un terrain appartenant au défendeur, courtier en immeuble.
[3] En plus de leur temps consacré à la construction, les demandeurs déboursent des sommes pour acheter des matériaux et payer des sous-traitants.
[4] En juillet 2012, les demandeurs signent un contrat de courtage afin qu’avec le défendeur, la résidence soit mise en vente. Le prix de vente est fixé à 219 000 $ puis révisé à 209 500 $[1].
[5] Selon la poursuite, le défendeur vend seul la maison le 10 avril 2013 pour un montant de 160 000 $ et les demandeurs ne reçoivent aucun montant de cette vente.
[6] Selon la défense au dossier, monsieur Fecteau blâme les demandeurs d’avoir omis de donner suite à leur engagement d’acquérir le terrain pour 40 000 $[2] et de n’avoir versé au défendeur que 5 000 $[3].
[7] Étant demeuré propriétaire du terrain, le défendeur ajoute que les demandeurs ont renoncé à exercer leur recours et qu’il n’a jamais renoncé au bénéfice d’accession.
[8] Or, en date du 25 octobre 2016, le syndic à la faillite du défendeur envoie un avis de surseoir.
[9] Le formulaire de faillite réfère à un actif de 300 $ et à 19 849,45 $ de dettes. Ces dernières sont des créances de l’Agence du Revenu Québec (6 914,96 $ et 1 500 $), l’Agence du Revenu Canada (4 456,97 $), Visa (6 437,38 $) et Vidéotron (539,14 $).
[10] La réclamation des demandeurs n’apparaît pas dans la liste des créanciers, car elle n’est pas liquidée.
[11] La
suspension d’une procédure instituée contre un failli peut être levée en
application de l’article
[12] Dans le
cas sous étude, les demandeurs soulèvent quatre critères, tel que reconnu par
l’article
1) Il s’agit d’un cas où le défendeur a commis une fraude;
2) La complexité de l’affaire commande de laisser le procès se dérouler;
3) Le préjudice est causé notamment par la tardiveté de l’avis de surseoir;
4) L’équité commande que le Tribunal exerce sa discrétion;
LE DROIT
[13]
Dans l’arrêt Léger c. Ouellette[5],
la juge Thibault explique le fondement d’une requête entreprise sous
[20] Les
principes qui gouvernent l'interprétation et l'application des articles
[21] Selon
les termes de l'article
[22] La
jurisprudence reconnaît que, lorsque l'action vise à obtenir une condamnation
dont le failli ne sera pas libéré et donc qui survivra à la faillite, la
poursuite des procédures est autorisée si le créancier démontre que les
allégations de sa procédure visent l'un des cas prévus à l'article
[23] Dans
le présent dossier, l'appelante cherche à obtenir l'autorisation de poursuivre
ses procédures contre l'intimée parce qu'il s'agit d'une situation visée à
l'article
[14]
Ainsi, les demandeurs soutiennent que la créance qu’ils ont contre le
défendeur doit survivre à une demande de libération du failli, car il s’agit
d’un cas de fraude selon
[15] Ainsi, la juge Thibault conclut :
[40] À mon avis, les allégations de l'action justifient les conclusions recherchées. L'intimée, de même que M. Robson, sont débiteurs de l'appelante et leur dette résulte de leur conduite frauduleuse. En conséquence, l'intimée n'en sera pas libérée si l'appelante établit les faits qu'elle allègue.
[41] L'un
des objectifs de la LFI vise à permettre à un débiteur malchanceux ou
malhabile de prendre un nouveau départ en le libérant de ses dettes. La LFI
ne permet cependant pas à un débiteur d'échapper à ses responsabilités envers
ses créanciers lorsque sa dette résulte d'une situation frauduleuse selon les
termes de l'article
[16] Comme dans le présent dossier, il reviendra au Tribunal ultérieurement de décider si la nature de la réclamation des demandeurs pourrait ou non faire l’objet d’une libération au terme de la faillite en la qualifiant de frauduleuse.
[17] Dans une autre décision Ouellette c. Gestion Lactée[6], la juge La Rosa devait décider de la levée d’une suspension :
[17]
Ainsi, le tribunal saisi d’une telle requête ne doit pas
examiner le fond de l’action à être poursuivie. Il doit plutôt se demander si
les circonstances permettent de conclure qu’il s’agit d’un cas pour lequel on
accorde généralement la permission de poursuivre, c’est-à-dire qu’est satisfait
au moins l’un des critères exprimés par l’article
[18] Lorsqu’on réfère au critère du préjudice sérieux, il est important de mentionner que le préjudice doit être objectif et non subjectif :
« it refers to the degree of prejudice suffered by the creditor in relation to the indebtedness and the security held by the creditor and not to the extend that such prejudice may affect the creditor as a person, organization or entity. ».
[19] Quant au critère d’équité mentionné à la loi, il s’agit essentiellement de s’assurer que la levée de la suspension n’aura pas pour effet de procurer un avantage au créancier requérant au détriment des autres créanciers.
[20] Bien qu’en la matière, chaque cas en soit un d’espèce, la Cour suprême de l’Ontario, dans l’affaire Advocate Mines Ltd (Re), a, dans un effort de synthèse, élaboré une liste de situations pouvant justifier la levée de la suspension automatique des procédures. Cette énumération n’est, bien sûr, ni exhaustive ni limitative :
« The court may, however, remove the stay of proceedings prescribed by that section in appropriate cases and has done so in the following circumstances :
1- Actions against the bankrupt for a debt to which a discharge would not be a defence.
2- Actions in respect of a contingent or unliquidated debt, the proof of which and valuation has that degree of complexity which makes the summary procedure prescribed by s. 95(2) [maintenant 135] of the Bankruptcy Act inappropriate.
3- Actions in which the bankrupt is a necessary party for the complete adjudication of the matters at issue involving other parties.
4- Actions brought to establish judgment against the bankrupt to enable the plaintiff to recover under a contract of insurance or indemnity or under compensatory legislation.
5- Actions in Ontario which, at the date of bankruptcy, have progressed to a point where logic dictates that the action be permitted to continue to judgment.
The authority given by the court to an applicant creditor to commence or continue proceedings in the circumstances referred to in items 2 to 5 is invariably limited to restrict or prohibit execution of any judgment obtained against the bankrupt. »
[18] Le dossier étant en état, comme dans l’affaire sous étude, la juge La Rosa retient que le critère d’équité milite en faveur d’une levée de la suspension.
1) Il s’agit d’un cas où le défendeur a commis une fraude;
[19] La poursuite des demandeurs n’allègue pas la fraude, mais cette dernière est sous-entendue.
[20] Selon les demandeurs, le défendeur a vendu seul une maison construite par eux. Même s’ils ont exécuté les travaux, payés les matériaux et les sous-traitants, ils n’ont reçu aucun montant à l’issue de la vente.
[21] Selon la poursuite, par deux mandats de vendre confiés par les demandeurs au défendeur, ce dernier doit agir pour les demandeurs afin de vendre l’immeuble. Dans ce cas, ils soutiennent que le défendeur avait l’obligation de les payer pour leur travail.
[22] L’acte unilatéral du défendeur pourrait être qualifié de frauduleux par le juge du procès, quoique ce geste pourrait être expliqué, le cas échéant.
2) La complexité de l’affaire commande de laisser le procès se dérouler;
[23] Les demandeurs estiment que l’affaire est complexe. Selon les procédures, les versions des parties quant aux faits sont contradictoires. Ainsi, il est possible qu’il soit difficile pour le syndic d’évaluer la créance. Un jugement au terme d’un procès pourra aider à cette évaluation.
3) Le préjudice est causé notamment par la tardiveté de l’avis de surseoir;
[24] L’action a été initiée en 2013 dès après la vente de la maison. À moins de deux semaines du procès, il semble que la faillite pourrait avoir été motivée par le désir d’éviter le procès. Selon le bilan déposé au dossier de faillite, la réclamation des demandeurs une fois liquidée pourrait être de loin la dette la plus importante du débiteur.
4) L’équité commande que le Tribunal exerce sa discrétion;
[25] Le syndic soulève qu’il y aura iniquité envers la masse des créanciers, si la suspension est levée.
[26] Le Tribunal examine néanmoins le critère de l’équité en ce qui concerne également les demandeurs. Dans un contexte où les dettes déclarées sont de moins de 20 000 $, on peut penser que la faillite a été déposée afin de contrer le procès et d’obtenir un avis de surseoir pour cette poursuite.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] AUTORISE les demandeurs à poursuivre les procédures dans le dossier de la Cour supérieure du district de Terrebonne portant le numéro 700-17-010117-132, malgré l’avis de surseoir émis le 25 octobre 2016 par le syndic, Groupe Serpone inc., et plus particulièrement en vue de l’audition au mérite prévue du 21 au 24 novembre 2016;
[28] LE TOUT sans frais de justice et nonobstant appel.
|
||
|
__________________________________ CHANTAL CORRIVEAU, j.c.s. |
|
|
||
Me Michel Laroche |
||
Avocat des demandeurs |
||
|
||
Me Kyleigh Lapierre |
||
Le Groupe Serpone syndic de faillite inc. |
||
Syndic à la faillite du défendeur |
||
|
||
Date d’audience : |
4 novembre 2016 |
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.