Lalande c. Compagnie d'arrimage de Québec ltée |
2019 QCCS 306 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° : |
200-06-000157-134 |
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DATE : |
5 février 2019 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE OUELLET, j.c.s. |
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VÉRONIQUE LALANDE
et
LOUIS DUCHESNE
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Demandeurs |
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c. |
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COMPAGNIE D’ARRIMAGE DE QUÉBEC LTÉE
et
ADMINISTRATION PORTUAIRE DE QUÉBEC
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Défenderesses |
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JUGEMENT Portant sur une action collective |
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TABLE DES MATIÈRES
Par.
Aperçu……………………………………………………………………………….. [ 1]
Trame factuelle……………………………………………………………………. [ 12]
I.- L’étendue et l’importance de la déposition……………………………..
I.1.- Constats par des tiers……………………………………………………... [ 35]
1.2.- Les demandeurs Lalande et Duchesne..………………………..……...… [ 44]
1.3.- Témoignages des membres……………………………………….…………. [ 50]
A) Zone rouge proposée.…………………………………..………….….
A.1 Témoins à l’intérieur du périmètre McCarthy………………. [ 56]
A.2 Témoins demeurant hors du périmètre McCarthy……….…. [ 70]
B) Zone bleue proposée.…………………………………………………. [ 75]
B.1.- Secteur Maizerets………………………………………….…. [ 77]
B.2.- Secteur nord du Vieux-Limoilou, de Stadacona et des
Filles-du-Roi………………………………………………….... [ 84]
B.3.- Quartier St-Sauveur…………………………………………. [ 98]
B.4.- Quartier St-Roch………………………………….………….. [107]
II.- Les expertises concernant la composition de la poussière, sa
dispersion et sa déposition….………………………………………………
II.1.- Composition de la poussière rouge et sa déposition…………….....….. [113]
II.2.- Modélisation de la dispersion sur le territoire………………………… [132]
III.- Le fardeau de la preuve et la détermination du préjudice commun….
III.1.- Le droit……………………………………………………………………..….. [144]
III.2.- Intensité de la déposition et préjudice commun…………………………. [154]
A) Zone rouge correspondant au Vieux-Limoilou………...………….. [155]
B) Résidu de la zone rouge proposée….…………………….…………. [164]
C) Zone bleue proposée….…………………….………………………….
§ Le secteur Maizerets………………………………………………. [175]
§ Secteurs nord du Vieux-Limoilou, Stadacona et des Filles-
du-Roi…………………………………………………………...……. [180]
§ St-Sauveur………………………………………………………...… [186]
§ St-Roch………………………………………………………………. [195]
D) Zone noire……………………………………………………….……..… [198]
E) Sommaire…………………………………………………………………. [199]
IV.- L’indemnité appropriée à chaque zone…………………………..…………
IV.1.- Conclusions recherchées………………………………………………….. [200]
IV.2.- Position des parties………………………………………………….………. [205]
IV.3.- Analyse et décision………………………………………………………..…. [213]
V.- Recouvrement collectif ou individuel?….…………………….………….
V.1.- Position des parties…………………………………………….……………. [234]
V.2.- Le rapport Lord……………………………………………………...……….. [238]
V.3.- Le droit en matière de recouvrement collectif…………………...…….. [250]
V.4.- Analyse et décision……………………………………………………...……. [256]
VI.- Dispositif du jugement………………………………………..…………….… [279]
Aperçu
[1] À compter de la nuit du 25 octobre 2012, de la poussière d’une couleur rouge-ocre se dépose dans un secteur résidentiel de la basse-ville de Québec.
[2] Après le lever du soleil, les citoyens, habitant le Vieux-Limoilou, à l’ouest du boulevard des Capucins, sont les premiers à s’en apercevoir.
[3] Ils constatent de la poussière sur leurs balcons, cadres de fenêtre et leur mobilier situé à l’extérieur.
[4] Le lendemain, ils apprendront, par les médias, que cette poussière provient des opérations d’Arrimage du St-Laurent (ASL ou Arrimage), une division de la défenderesse Compagnie d’arrimage de Québec Ltée (CAQ).
[5] Cette dernière exploite un important terminal maritime de transbordement de matières en vrac sur les battures de Beauport (le secteur Beauport) situé dans le périmètre du Port de Québec, immédiatement à l’est du quartier résidentiel du Vieux-Limoilou.
[6] Le 15 janvier 2013, la demanderesse Véronique Lalande[1] dépose une requête pour être autorisée à exercer un recours collectif contre Arrimage et l’Administration portuaire de Québec (le Port ou APQ), et ce, au nom de tous les citoyens d’un territoire d’une plus grande étendue qui s’étend également dans des portions des quartiers St-Roch, St-Sauveur, Vanier et Maizerets.
[7] Dans le cadre du processus de gestion qui a nous mené à déterminer l’ouverture du procès[2], en octobre 2018, les défenderesses CAQ et APQ déposent une déclaration judiciaire qui a pour effet de diminuer, de façon significative, la durée du procès :
«2. La CAQ reconnaît que la poussière rouge qui, selon les allégations des demandeurs, se serait retrouvée sur une partie du territoire autorisé les 25 et 26 octobre 2012 origine de ses installations situées dans le secteur Beauport du Port de Québec.
3. Par conséquent, les défenderesses reconnaissent qu’en autant que les demandeurs prouvent, conformément aux règles applicables, que les membres du groupe ont subi des dommages résultant de l’incident de la poussière rouge, le tribunal sera fondé de condamner la CAQ, sans que les défenderesses ne puissent opposer aux demandeurs l’absence de preuve sur la faute.»[3]
[8] CAQ s’engage donc à payer le montant de la condamnation (par. 4) et APQ se porte caution des obligations de CAQ au cas de défaut de paiement par cette dernière.
[9] Par la suite, le Tribunal, conformément à l’entente des parties, prononce un jugement[4] aux fins d’identifier les questions de faits et de droit à être traitées lors du procès :
«A. Existe-t-il des dommages pour les membres du groupe résultant de l’événement de la poussière rouge découlant du déchargement du navire Mare Tracer au mois d’octobre 2012 et, le cas échéant, leur nature et le quantum?;
B. Quelles sont les limites du territoire sur lequel ces dommages auraient été subis par les membres?;
C. Quel mode de recouvrement, collectif ou individuel, doit être ordonné en l’instance?»
[10] Lors du procès, les demandeurs soumettent au Tribunal que tous les membres du groupe résidant à l’intérieur d’un périmètre plus restreint (zones rouge et bleue) que celui décrit dans le jugement d’autorisation[5] ont subi un préjudice commun et que leur nombre peut être déterminé avec suffisamment de précision. En conséquence, ils proposent que l’indemnité soit établie à 300 $ pour chaque résident de la zone rouge et 150 $ pour ceux de la zone bleue. Enfin, ils plaident qu’il y a matière à un recouvrement collectif au sens du Code de procédure civile, de sorte que tous les citoyens affectés par cette dispersion seront adéquatement indemnisés tant pour le temps consacré au nettoyage que pour les troubles et inconvénients.
[11] De son côté, la défenderesse Arrimage reconnaît que la poussière rouge provient du site de ses opérations les 25 et 26 octobre 2012, mais que le préjudice n’est pas commun à tous les résidents, que le territoire impacté doit être limité à une partie du Vieux-Limoilou et que le Tribunal doit conclure à un recouvrement individuel de façon à ce qu’une indemnité de 100 $ par famille leur soit versée selon un processus simplifié de réclamation qui ne donnera pas ouverture à contestation de chacune d’elles.
Trame factuelle
[12] À compter du mardi 23 octobre 2012, Arrimage procède au déchargement du navire, Mare Tracer, contenant du minerai de fer provenant d’Afrique du Sud[6].
[13] Tous s’entendent pour identifier ce minerai correspondant à des morceaux de concassé d’environ ½ à ¾ de pouce comme étant de l’oxyde de fer[7]. Ces morceaux sont recouverts de particules qui s’oxydent au contact de l’air. Elles s’en détachent au cours de la manutention constituant une poussière qui, eu égard à la direction des vents durant la nuit du 25 au 26 octobre, s’est répandue vers le sud-ouest dans le quartier d’habitation.
[14] Dans la matinée du vendredi 26, Véronique Lalande* quitte sa résidence de la 2e rue avec son jeune fils assis dans sa poussette en vue d’effectuer des achats dans des commerces de proximité.
[15] En cours de chemin, elle constate un dépôt de poussière sur les roues et la tablette de la poussette. Son fils en a sur les mains qu’il a portées à son visage et elle en retrouve même dans sa bouche.
[16] Sur le chemin du retour, elle porte plus attention et constate la présence de cette poussière sur les trottoirs, balcons et voitures.
[17] Rendue chez elle, inquiète de la situation et n’en connaissant pas la composition, elle décide de demeurer à l’intérieur de la maison. Elle communique avec le service de l’environnement de la Ville de Québec (la Ville) qui dépêche, en après-midi, Danielle Forgues et Raynald Cloutier.
[18] Après avoir rencontré Véronique Lalande, Danielle Forgues revient vers son véhicule et constate le dépôt d’une poussière sur le capot du véhicule de service de la Ville.
[19] Comme il s’agit d’émissions provenant de l’air, le protocole prévoit que l’on doit se référer au ministère de l’Environnement du Québec, plus particulièrement à Urgence environnement. Ce service délègue Alain Bouchard.
[20] Tant avant qu’après l’arrivée de ce dernier, elle et son collègue entreprennent des démarches dans le secteur afin d’identifier la source de ces émanations.
[21] Forgues effectue une marche dans les rues du quartier afin de se faire une idée quant à l’étendue de cette déposition.
[22] De leur côté, son collègue Cloutier et l’inspecteur Bouchard entreprennent de trouver la source en se dirigeant dans le secteur de l’usine de fabrication de papier White Birch et de l’incinérateur de la Ville.
[23] À l’arrière de la papetière se situe le site des opérations d’Arrimage. En s’y approchant, ils découvrent qu’une couche épaisse de poussière rouge s’est déposée entre autres sur les installations et les véhicules[8].
[24] Véronique Lalande et son conjoint, Louis Duchesne, procèdent à des recherches sur les sites Web du Port et d’Arrimage pour y apprendre que d’importantes opérations de transbordement de minéraux en vrac se déroulent dans le secteur Beauport, ce qu’ils ignoraient.
[25] Le samedi 27 octobre, elle continue ses recherches et tente à nouveau d’obtenir de l’information auprès d’Info-Santé. Le soir même, elle reçoit un appel d’un journaliste d’un média écrit qui vient la rencontrer. Une journaliste de Radio-Canada se présente également à son domicile le lendemain.
[26] Marcel Labrecque est vice-président sénior au Port de Québec, responsable des services portuaires et des infrastructures. Dès le vendredi matin, il reçoit de l’information quant à l’incident et participe aux discussions avec les différents locataires du Port qui effectuent des opérations sur le site dont Ivan Boileau, vice-président d’Arrimage.
[27] Le samedi matin, Michel Petit, maître de Port, l’informe d’une communication qu’il vient de recevoir d’un membre du service des incendies de la Ville de Québec. Ils ont reçu des plaintes de citoyens.
[28] Labrecque demande à Petit de procéder à des constats quant à savoir s’il y a eu déposition de poussière en dehors du site du Port. Ce dernier recueille des échantillons et prend des photographies qu’il transmet à son vice-président.
[29] Le même jour, Me Jean Gaudreau, responsable du service juridique chez CAQ, mandate Jack McCarthy, marine surveyor, afin de faire enquête dans le quartier Limoilou. Ses démarches s’échelonneront jusqu’au 31 octobre 2012.
[30] Le lundi 29 octobre en fin d’après-midi, Johanne Lapointe, vice-présidente des affaires corporatives et communications de CAQ, diffuse un communiqué de presse[9]. Elle y précise que cette poussière rouge, très visible, «ne présente pas généralement de risques pour la santé». L’on y incite les personnes désirant plus d’informations à communiquer avec M. Paul Dumont à un numéro de téléphone qui y est inscrit.
[31] Au cours de la semaine, à une date non précisée, le département de la santé publique du Gouvernement du Québec émettra un communiqué confirmant que la poussière d’oxyde de fer[10] n’est pas toxique pour la santé.
[32] Au cours des semaines suivantes, Paul Dumont donne suite aux appels, se rend rencontrer différents citoyens pour faire des constats et établir la valeur de l’indemnité à leur être versée[11].
[33] Onze citoyens[12] recevront des indemnités variant de 50 $ à 300 $. De plus, une somme de 8 000 $ pour des travaux de nettoyage sera versée à Résidence Limoilou inc., un complexe immobilier situé entre le boulevard des Capucins et la 8e avenue. De fait, les derniers chèques[13] seront émis à la mi-décembre 2012, à l’exception de quelques-uns au printemps 2013, pour indemniser deux propriétaires de navires de plaisance entreposés en octobre sur un quai à l’est de l’embouchure de la rivière St-Charles.
[34] Le 19 décembre 2012, une firme de communication émet un communiqué[14] au nom d’Arrimage portant le titre : La poussière rouge n’est pas nocive pour la santé. En plus de référer à des résultats d’analyse scientifique, l’on y dresse un sommaire des mesures prises par Arrimage depuis l’incident du 26 octobre, la mise en place d’un plan d’intervention pour améliorer le contrôle des émanations et l’on confirme qu’à ce moment une douzaine de personnes ont été indemnisées à la suite de la publication du premier communiqué.
I.- L’étendue et l’importance de la déposition
I.1.- Constats par des tiers
[35] Comme nous l’avons souligné précédemment, Michel Petit, Danielle Forgues et Jack McCarthy ont été appelés à se rendre dans le secteur du Vieux-Limoilou à compter du vendredi ou du samedi.
[36] Dans un premier temps, Petit parcourt un périmètre qui l’amène de la 8e avenue tout juste à l’ouest du boulevard des Capucins jusqu’à la 3e avenue à l’est.
[37] Sur un plan[15], il indique avec les lettres A à H les endroits où il a prélevé de la poussière rouge en plus de prendre des photographies[16].
[38] Il décrit ainsi sa démarche qui a duré environ 90 minutes :
Ø Sur les capots des véhicules stationnés, il constate la présence de la poussière.
Ø En la frottant, il note que, sur ses doigts, elle revêt une couleur rouge.
Ø De chaque côté de la marque faite avec son doigt, on constate, à l’évidence, la présence sur le capot d’une couche de poussière comportant des pigments rougeâtres mélangés avec des dépôts noirâtres.
Ø Les frottis avec son doigt déposés sur un support papier démontrent une trace de couleur rouge[17].
Ø Il se dirige, par la suite, un peu plus à l’ouest au joint des rues de la Croix-Rouge et de la Pointe-aux-Lièvres, juste de l’autre côté du pont Drouin. Ses photographies (no 19 et no 20) démontrent aussi la présence de poussière rouge sur les véhicules.
Ø Ensuite, continuant vers le nord, il fait un arrêt sur de la Canardière, près de la 7e avenue, où il fait le même constat. Puis il se rend près de l’hôpital de L’Enfant-Jésus (Point F). À ce dernier endroit, sa marque, de couleur noire, indique qu’il n’y a pas présence de poussière rouge contrairement à ses prélèvements jusque-là.
Ø Revenant vers le sud, il se dirige sur Prince-Édouard, rue située tout juste à l’ouest du stationnement étagé du Palais de justice sur la rive sud de la Rivière St-Charles : sa marque révèle la présence de poussière rouge.
Ø Il complète son périple sur la rue du Pont au sud du boulevard Charest (Point H). Tout comme dans le secteur de l’hôpital de L’Enfant-Jésus, la poussière est de couleur noire, sans trace de pigment rouge.
[39] Ses différents constats lui permettent d’identifier sur une carte les points où il a fait des constats et il la transmet à Marcel Labrecque. À l’audience, il déposera une version illustrant plus précisément les endroits de ses prélèvements[18].
[40] Au début de la semaine suivante, Marcel Labrecque fait préparer, par son service de géomatique, une carte[19] indiquant un panache possible de dispersion en tenant compte des données recueillies par Petit, de celles provenant de la station météo la plus proche quant à la direction des vents et la force de ceux-ci au cours de la nuit du 25 au 26 octobre.
[41] Cette carte montre les six points de Petit où il y a présence de poussière rouge par rapport à ceux où il n’en n’a pas constaté.
[42] Danielle Forgues, du Service d’environnement de la Ville de Québec, se rend sur les lieux le vendredi après-midi. Passé 16 h 30, elle entreprend de marcher dans une partie du Vieux-Limoilou. Elle décrit ainsi la texture de cette poussière et l’ampleur de la dispersion :
Ø Une poussière lourde différente de celle qui provient du pollen des végétaux.
Ø D’une allure plutôt grise à première vue, en y touchant elle devient rouge.
Ø C’est en rédigeant son rapport au début de la semaine suivante qu’elle apprendra qu’il s’agit d’oxyde de fer.
Ø Plus elle se dirige vers le nord, l’intensité de la déposition diminue de sorte qu’elle ne se rend pas plus loin que la 7e ou la 8e rue.
Ø Elle a tracé un périmètre sur une carte qui est presque similaire à celui de Jack McCarthy.
[43] De la déclaration sous serment de ce dernier pour tenir lieu de son témoignage et des annotations sur la carte[20] qui y est jointe, le Tribunal en retient :
Ø Les 27 et 29 octobre, il effectue des visites durant six heures (±) et les complète les 30 et 31 octobre.
Ø Il se déplace à pied sur les trottoirs sans entrer sur les propriétés privées.
Ø Dans le périmètre liséré en rouge sur la carte jointe en annexe 2 au présent jugement, délimité par le boulevard des Capucins et la voie ferrée à l’est, la rivière St-Charles au sud, la 2e avenue à l’ouest et la 9e rue au nord, il a «globalement constaté la présence non-uniforme de poussière rouge».
I.2.- Les demandeurs Lalande et Duchesne
[44] Ils ont été interrogés hors cour longuement par les avocats des défenderesses[21].
[45] À l’audience, interrogés par leur avocate, ils complètent, avec plus de précision, leur témoignage entre autres en se référant aux nombreuses photographies déposées au dossier[22].
[46] En ce qui concerne la présence et les caractéristiques de la poussière chez eux ou dans le voisinage immédiat, le Tribunal en retient :
Ø Le revêtement des deux balcons sur la façade avant de leur demeure est de couleur bleu-gris.
Ø Ce jour-là, la poussière qui, à première vue, paraît noire devient rouge dès qu’on la déplace avec un pinceau ou un balai. La couleur rouge ressort alors clairement[23].
Ø Sur les semelles des pantoufles de son fils et les roues de la poussette, la couleur rouge est nettement visible.
Ø Au cours de la semaine suivante, elle entreprend un ménage d’importance à l’intérieur : tablettes de fenêtres, calorifères, vénitiennes, literie…; elle estime la durée de son travail de 3 à 4 heures.
Ø Le vendredi 26 au matin, Louis Duchesne constate la présence de poussière, lorsqu’il procède à la peinture des cadres de fenêtres sur la façade arrière de sa résidence : une coulisse rouge apparaît de chaque côté de son trait de pinceau.
Ø Il prend charge du nettoyage des deux balcons à l’avant, des tablettes de fenêtres sur les deux façades ainsi que du revêtement de déclin de vinyle à l’arrière.
Ø Les photographies[24] qu’il porte à notre attention démontrent clairement l’état des lieux, nous pouvons nettement distinguer les zones où il est intervenu par rapport à celles où il a continué, par la suite, son opération de nettoyage.
Ø Il évalue sa participation au nettoyage, le samedi 2 novembre, à une bonne journée (6 à 8 heures). Entre autres, il doit utiliser une brosse pour nettoyer le plancher des balcons, la matière ayant adhéré au fini de la surface.
[47] En ce qui concerne le volet troubles et inconvénients, Véronique Lalande s’exprime ainsi :
Ø Le vendredi, elle décide de demeurer à l’intérieur craignant pour sa santé et celle de son fils. Ce dernier tousse un peu et elle, souffrant d’allergies, ressent un malaise à la gorge.
Ø Lors de ses communications avec des représentants de la Ville de Québec et d’Info-Santé, elle fait part de ses inquiétudes.
Ø Elle les réitère à M. Métivier du Port qui donne suite à un message qu’elle lui avait laissé.
Ø De fait, durant toute la fin de semaine, elle s’abstient de sortir à l’extérieur avec son jeune fils.
Ø À ses inquiétudes reliées à cette épisode particulière, s’ajoute le stress d’avoir à entreprendre encore une fois un important nettoyage, elle qui, à chaque printemps, procède à un grand ménage à cause de la présence récurrente de poussière (grise ou autres).
[48] Pour sa part, Louis Duchesne nous mentionne son inquiétude par rapport à l’ensemble de la communauté de ce quartier :
Ø Tous les équipements tels bancs, les jeux dans les parcs, les espaces publics, ont reçu de cette poussière et il ne constate pas d’interventions pour les nettoyer.
Ø En effectuant son travail de nettoyage, il éprouve un sentiment de frustration d’avoir à reprendre les travaux de rénovation ou d’entretien qu’il vient de compléter.
Ø Le tout mêlé à son inquiétude générale découlant de la découverte d’opérations de grande envergure de manipulation de minerais tout juste à l’est de leur quartier résidentiel, quelles seront les conséquences sur leur santé et bien-être?
[49] En ce qui concerne le territoire proposé dans la demande introductive d’instance en fonction de leurs constats personnels, le Tribunal en retient :
Ø Ils distribuent une affiche[25] dans le quartier.
Ø Ils procèdent à la mise en place d’un réseau de communication à partir du site Vigilance Port de Québec.
Ø Ils croisent de nombreux citoyens et reçoivent des appels téléphoniques : des dizaines et même des centaines de gens leur rapportent leur histoire.
Ø C’est en fonction de ces différentes informations en plus de celles colligées dans les médias qu’ils établissent, à la demande des avocats, le périmètre décrit dans l’action collective.
I.3.- Témoignages des membres
[50] Des 47 témoignages (24 en demande - 23 en défense) introduits en preuve, la grande majorité a témoigné oralement à l’audience et, pour certains, la transcription du témoignage hors cour est produite.
[51] Retenons que, pour les fins du présent dossier, le Tribunal a autorisé les défendeurs à procéder à l’interrogatoire de 12 personnes qu’il a désignées de façon aléatoire à l’intérieur de différents sous-secteurs[26].
[52] Retenons que les deux demandeurs ont également intenté un second recours (le recours no 2) contre les défenderesses concernant l’ensemble des émanations de poussière provenant du Port à compter du 1er novembre 2010. Le juge en chef associé en a confié la gestion particulière à notre collègue, le juge Jacques G. Bouchard[27].
[53] Ce dernier a autorisé les avocats des défenderesses à interroger hors cour quelques 60 témoins. Dans le cadre de leur preuve dans le présent dossier, les défenderesses font entendre certains d’entre eux ou produisent, selon le cas, la transcription du témoignage.
[54] Après la clôture de la preuve, les avocats des demandeurs déposent une carte[28] aux fins de proposer au Tribunal de délimiter le territoire en trois zones, Rouge-Bleue-Noire, et que nous reproduisons immédiatement afin de faciliter la compréhension lors de la lecture du présent jugement.
[55] Le Tribunal résume ci-après les points saillants de ces différents témoignages en débutant par la zone rouge proposée par les demandeurs et, dans un second temps, en traitant de la zone bleue. Notons qu’ils reconnaissent que la preuve ne permet pas d’établir un préjudice commun à tous les membres demeurant dans la zone noire, c’est-à-dire celle située au pourtour de la zone bleue.
A) Zone rouge proposée
A.1 Témoins à l’intérieur du périmètre McCarthy
[56] Ces huit personnes demeurent dans le Vieux-Limoilou, plus particulièrement à l’intérieur du périmètre McCarthy[29]. Il faut évidemment y ajouter les demandeurs Lalande et Duchesne.
[57] Retenons également qu’à l’intérieur de ce périmètre, Arrimage a indemnisé neuf autres personnes dans le cadre du processus décrit par Paul Dumont[30]. De plus, lors des représentations, l’avocat d’Arrimage concède que les propriétés situées dans ce périmètre ont bel et bien reçu de la poussière rouge, de sorte qu’il propose qu’une indemnité soit octroyée par famille ou logement.
[58] Annie Boisvert demeure sur la 4e avenue tout près de la 5e rue :
Ø Ce matin du 26 octobre, elle se dirige vers son véhicule, de couleur bleu-gris. Elle constate un changement de couleur tendant vers le brun. En actionnant ses essuie-glaces, elle voit clairement la différence.
Ø De retour à son domicile en fin d’après-midi, elle constate une poussière brune rougeâtre sur les autres véhicules stationnés dans la rue de même que sur son balcon, ses tablettes de fenêtres de couleur blanche et son mobilier extérieur.
Ø Au cours de la fin de semaine, elle procède à un nettoyage d’une durée de 2 à 3 heures. Au moment d’effectuer ses courses, elle constate de la poussière dans le quartier : sur les bancs de parc, les trottoirs et même sur les bacs à vidange.
Ø Résidant dans ce quartier seulement depuis un an, elle se renseigne auprès de ses voisins quant à la récurrence, manifeste de l’inquiétude quant à savoir s’il y a un danger pour sa santé, les activités de son petit garçon et sa pratique du vélo.
[59] Martin Faguy demeure sur la rue des Sables tout juste au nord de la Rivière St-Charles, non loin du couple Lalande-Duchesne :
Ø Dans la nuit du 25 au 26, il laisse ses fenêtres ouvertes vu la température clémente.
Ø Vers 6 h 50 a.m., il quitte pour son travail et ne constate rien de particulier.
Ø Il revient à la maison sur l’heure du dîner et il effectue son parcours de jogging. De retour à son appartement, il s’aperçoit que ses bas, en marchant sur le plancher, sont maintenant de couleur rouge. Cette matière déposée sur le plancher et sur les tablettes de fenêtres : «ça a l’air d’un film de couleur».
Ø Il en est de même sur le plancher de son balcon et son mobilier à l’extérieur.
Ø Il manifeste certaines inquiétudes vu son arrivée récente dans le quartier en 2010 se demandant si sa santé peut en être affectée. C’est dans les jours suivants qu’il apprendra la teneur de cette poussière.
Ø Son opération de nettoyage lui prend 2.5 heures.
[60] Suzanne Rioux demeure depuis 2007 sur la 2e rue tout près de la 9e avenue :
Ø Étant demeurée à l’intérieur tout le vendredi, le samedi elle constate de la poussière qui ressemble à de la rouille (il y en avait beaucoup) entre autres sur les trottoirs.
Ø En 2012, elle ne procède à aucun ménage en particulier. En septembre 2013, elle retient les services d’un entrepreneur pour nettoyer deux murs de sa propriété recouvert en déclin d’aluminium de couleur grise.
Ø À ce moment, elle constate que l’eau qui ruissèle est de couleur rouge.
Ø De plus, elle doit faire reprendre la peinture de ses balcons déjà effectuée à l’été 2012 parce qu’un «petit filtre rose» y demeure[31].
[61] Danny Wong demeure dans le complexe immobilier Résidence Limoilou inc. située entre la 8e avenue et le boulevard des Capucins :
Ø Son unité d’habitation fait face à l’est aux sites d’Arrimage et de l’incinérateur de la Ville de Québec.
Ø À son lever, il constate un dépôt de poussière sur son balcon et sur celui de sa voisine.
Ø Son premier nettoyage, qualifié de sommaire, l’occupe durant un peu plus de deux heures.
Ø Le samedi, il constate à nouveau la présence d’une poussière qu’il décrit ainsi : «genre rouge-brun-rouille, comme ocre». Elle colle sur son BBQ, la rampe et le vitrage de son logement.
Ø Il procède à un nettoyage plus élaboré au cours de la fin de semaine avec des produits de nettoyage, de sorte qu’au cours de ces trois journées, il y consacre une dizaine d’heures.
Ø Il n’a pas reçu une part de l’indemnité qu’Arrimage a versé à l’administration du complexe[32].
[62] En octobre 2012, Émilie Gagnon demeure dans le même complexe. De consentement, sa déclaration sous serment[33] est produite :
Ø À la suite du dépôt de la poussière rouge, elle a dû laver le plancher du balcon, la porte-patio et son mobilier dont certains éléments avec une machine à pression.
Ø Cette poussière s’est également infiltrée à l’intérieur l’obligeant à nettoyer mobilier, rideaux et plancher.
Ø Son opération de nettoyage, en deux temps, accapare plus ou moins huit heures.
Ø Tout comme M. Wong, elle n’a pas reçu une part de l’indemnité versée à l’administration du complexe.
[63] Pascal Dubeau demeure sur le chemin de la Canardière tout près de l’intersection de la 6e rue :
Ø Tôt le matin, lors du retour d’une promenade avec son chien jusqu’au jardin communautaire, il constate de la poussière un peu partout.
Ø Les pattes de son chien sont rouges de même que la partie inférieure de son corps.
Ø Son chien se rend sur la galerie et se salit à nouveau.
Ø Habitué à nettoyer sa galerie et ses fenêtres à chaque été en plusieurs occasions à cause de la présence d’industries dans le voisinage, ce jour-là, l’opération est beaucoup plus importante.
Ø Il entreprend de nettoyer balcons, fenêtres sur les trois étages et le trottoir d’accès en compagnie de son épouse et d’un autre couple de sa famille qui habite le même triplex.
Ø À eux quatre, ils y consacrent «un bon deux heures».
[64] Gervais Rousseau habite sur la rue des Sables tout juste en face de la papetière White Birch :
Ø Il constate de la poussière sur son mobilier situé sur le toit, dans la rue ainsi que les véhicules qui y sont stationnés.
Ø Il attendait de la visite en fin de journée, de sorte qu’il procède en trois étapes au nettoyage du mobilier situé sur la terrasse ainsi que les balcons et le mobilier en front de son appartement, le tout durant quatre heures.
[65] Danielle Cossette demeure sur la 5e rue tout près de la 3e avenue :
Ø Sur son balcon avant de couleur jaune, elle constate une poussière de couleur rouge pâle.
Ø Attendant de la visite en cette fin d’après-midi, elle entreprend de nettoyer ses deux balcons, la rampe, le mobilier et les tablettes de fenêtre, le tout durant 1.5 à 2 heures.
Ø En contre-interrogatoire, confrontée à ses réponses dans un interrogatoire[34] tenu en décembre 2017 dans le recours no 2, elle n’est pas en mesure de réconcilier ses réponses quant à savoir si elle a vu de la poussière rouge ou uniquement de la poussière noire.
[66] Gilberte Lamontagne-Dubé demeure depuis plus de 35 ans sur la 3e rue près de la 8e avenue :
Ø En sortant à l’extérieur ce matin-là, elle constate de la poussière rouge partout sur les galeries, cadres de fenêtres, au sol : «c’est uniforme et surréaliste».
Ø Elle consacre près de sept heures à son opération de nettoyage.
[67] À l’intérieur du périmètre McCarthy, mais pour les fins du recours no 2, les avocats des défenderesses ont interrogé hors cour Hermina de la Cruz et Valérie Boucher, dont les transcriptions sont produites pour valoir à titre de témoignage[35].
[68] Avec égards, le Tribunal ne peut retenir du témoignage de ces dames que des citoyens situés dans le périmètre McCarthy n’ont pas constaté le dépôt de poussière rouge :
Ø Mme de la Cruz est très peu présente chez elle, étant accaparée par son commerce de restauration situé dans le Vieux Port.
Ø En deux occasions, elle réfère, de façon plutôt générale, à la poussière rouge parce qu’elle a entendu cette expression dans les médias.
Ø Mme Boucher n’y fait qu’une seule allusion lorsqu’elle parle de la poussière grisâtre dont elle constate la présence depuis 2009 jusqu’au moment de son interrogatoire et aucune précision ne lui a été demandée quant à la journée du 26 octobre 2012.
[69] Il en est de même concernant Benoît Lortie[36], interrogé hors cour dans le cadre des interrogatoires autorisés par le Tribunal. Ce dernier est propriétaire d’un triplex situé sur la 6e rue, près de la 2e avenue :
Ø Trois locataires occupent son immeuble alors que lui-même demeure dans le secteur de Notre-Dame-des-Laurentides, arrondissement à la limite nord du territoire de la Ville de Québec.
Ø Le 26 octobre ou dans les jours suivants, ses locataires ne communiquent pas avec lui relativement à la poussière rouge.
Ø Il ne se souvient pas d’avoir entendu parler des effets de la déposition de la poussière rouge.
A.2 Témoins demeurant hors du périmètre McCarthy
[70] Mario Joyal demeure sur la rue du Chalutier, petite rue située entre la rivière St-Charles et l’usine Rothmans :
Ø Se rendant à son travail à pied, il constate que les véhicules automobiles stationnés près de son immeuble à logements ont changé de couleur. La sienne est passée du bleu au brun. Il fait le même constat sur son seuil de porte adjacent à sa terrasse ainsi que sur son mobilier à l’extérieur.
Ø Il décrit cette matière comme collante, il en voit au cours de son trajet à pied jusqu’à son travail.
Ø Le lendemain, il procède au nettoyage de ses fenêtres, son mobilier sur le patio, son véhicule automobile et sa motocyclette stationnés à l’extérieur. L’opération l’occupe pendant cinq heures (±).
[71] Myriam Fontaine demeure dans le complexe Village de L’Anse, sur Pointe-aux-Lièvres, tout juste au nord du pont Drouin :
Ø Au début de l’après-midi du 26, elle quitte pour St-Hyacinthe. Elle constate, sur son véhicule, une fine couche de poussière argentée rougeâtre.
Ø Le samedi, elle suit des cours à l’université de sorte qu’elle ne revient à sa résidence qu’en fin d’après-midi. À ce moment, elle nettoie son patio, le vitrage et le rebord de la fenêtre, ce qu’elle fait régulièrement avant de prendre un repas à l’extérieur. L’opération ne lui prend que dix minutes.
[72] Jacinthe Potvin demeure dans une coopérative d’habitation sur la rue des Trois-Mâts située entre la rive sud de la rivière St-Charles et la rue du Prince-Édouard, tout juste à l’ouest du stationnement du Palais de justice :
Ø Elle étend une couverture sur la rampe de l’un des balcons et y constate une trainée rouge foncée : «c’est collé sur la couverture».
Ø Elle voit également de la poussière rouge sur le plancher de sa galerie, de sorte qu’au cours de cette fin de semaine, elle doit nettoyer cadres de fenêtres, moustiquaires, sa porte-patio ainsi que les ouvertures au niveau du palier supérieur. Le linge mouillé qu’elle utilise devient rouge.
Ø Bien qu’elle n’ait pas précisé le temps consacré à chaque étape, le Tribunal l’estime à deux heures (±).
[73] Sylvie Simoneau demeure dans la même rue :
Ø Ce vendredi, un plombier se rend chez elle pour remplacer le chauffe-eau.
Ø Elle constate deux traînées rouges sur son plancher de bois franc correspondant aux roues du diable qui sert à transporter l’appareil.
Ø Puis, elle constate que les pattes de son chat sont également de couleur rouge et, un peu plus tard, elle voit de la poussière sur son véhicule automobile.
Ø Elle ne précise pas combien de temps elle a consacré au nettoyage de ces différentes surfaces.
[74] Annie Boulianne demeure également dans ce secteur, mais son unité d’habitation se situe en front de la rue du Prince-Édouard :
Ø En sortant sur sa galerie arrière, face au Vieux-Limoilou, commune avec les autres unités de copropriété, elle constate une poussière rouge sur toute la surface ainsi que dans les escaliers qui mènent vers le sol.
Ø Ne connaissant pas les caractéristiques, elle s’en inquiète vu que son secteur a été affecté, peu de temps auparavant, par l’épidémie de la légionellose.
Ø Au cours de la fin de semaine, le trésorier du syndicat de copropriété qui est rémunéré pour effectuer différents travaux d’entretien prend charge du nettoyage à l’extérieur.
Ø À la mi-novembre, elle porte plainte au Service de l’environnement de la Ville de Québec[37].
B) Zone Bleue proposée
[75] Eu égard à la preuve qui nous a été présentée, les demandeurs proposent une seconde zone (bleue) qui comprend le pourtour de la zone rouge s’étendant à l’est vers Maizerets, au nord du Vieux-Limoilou s’étendant vers des parties de Stadacona et des Filles-du-Roi et au sud dans les quartiers St-Sauveur et St-Roch.
[76] Les défenderesses soumettent que, contrairement aux témoignages des résidents présentés par la partie demanderesse, d’autres personnes demeurant dans les mêmes secteurs ont affirmé n’avoir jamais constaté de poussière rouge lors de cet évènement du 26 octobre.
B.1.- Secteur Maizerets
[77] De forme triangulaire, et délimité par la rue de la Trinité et le Boulevard Montmorency, ce petit secteur se situe au nord de la zone portuaire dans l’axe des installations d’Arrimage. Les demandeurs font entendre André Laviolette (rue de la Ronde) et Nathalie Rouleau (rue de Vitré).
[78] De leur côté, les défenderesses présentent comme témoin Karine Potvin (rue Maufils) et produisent les interrogatoires hors cour de France Brunelle (rue de Vitré) et Yvon Gagné (rue Champfleury).
[79] André Laviolette demeure depuis 38 ans à l’extrémité sud de la rue tout près du boulevard Montmorency. Il nous décrit en détail ses constatations et interventions de nettoyage :
Ø Sortant de sa maison le matin, il constate de la poussière rouge partout. S’adressant à son épouse, il s’exclame : «on est rendu sur Mars».
Ø Il parcourt, avec son véhicule automobile, les quelques rues avoisinantes et y constate de la poussière rouge.
Ø Il décrit, avec moults détails, toutes ses interventions de nettoyage sur son mobilier extérieur, ses fenêtres, ses galeries et murs de sa propriété, le tout échelonné sur quatre journées.
Ø Au printemps 2013, il devra reprendre son opération de nettoyage sur la toile qui recouvrait le mobilier extérieur et sur certains de ses cadres de fenêtres dont le calfeutrage revêt une teinte rosée.
Ø Tout son travail, tant à l’automne qu’au printemps suivant, aura nécessité une douzaine d’heures.
Ø À la suite d’un appel de sa part, Arrimage délègue deux représentants pour constater l’état de sa propriété. Quelques semaines plus tard, il reçoit, par la poste, un chèque de 150 $ qu’il encaisse sans porter attention à la mention à l’endos : «pour dédommagement complet des inconvénients et quittance générale et finale»[38].
[80] Nathalie Rouleau demeure sur la rue voisine de M. Laviolette :
Ø Dans la nuit du 25 octobre, certaines de ses fenêtres sur le côté droit de son appartement demeurent entrouvertes. Au matin, vis-à-vis l’une des fenêtres de sa cuisine, elle y voit un dépôt de «poussière rouge foncée comme de la brique cassée», différente de la poussière grise à laquelle elle est habituée. En front des autres fenêtres également entrouvertes, la déposition est moindre.
Ø Façade avant, elle en constate sur les tablettes de fenêtres, les chaises et le balcon.
Ø Elle procède à un ménage minimal ce vendredi et le complète le lendemain. À ce moment, elle y consacre un bon trois heures en plus de se rendre au lave-auto pour procéder au lavage de son véhicule. Une semaine plus tard, elle complète le lavage des fenêtres (± 2 heures).
[81] Karine Potvin demeure deux rues à l’est de M. Laviolette :
Ø Elle n’a jamais vu de poussière rouge.
Ø Elle est appelée à nettoyer de la poussière sur sa propriété à chaque été. En contre-interrogatoire, elle précise qu’elle doit nettoyer les portes et fenêtres trois à quatre fois par année et qu’à chaque occasion où elle doit prendre un repas à l’extérieur avec sa famille, elle nettoie table et chaises.
Ø Lors d’un tel nettoyage, le linge mouillé qu’elle utilise devient brun foncé.
[82] France Brunelle fut interrogée hors cour et de la transcription[39], le Tribunal en retient :
Ø Elle réside sur la même rue que Nathalie Rouleau, témoin en demande.
Ø En 2012, elle est membre du Conseil du quartier de Maizerets et l’on y entend parler de l’évènement de la poussière rouge : le sujet est discuté mais c’est principalement le Conseil du quartier du Vieux-Limoilou qui est impliqué.
Ø Le 26 octobre, elle ne remarque rien de particulier au sortir de sa résidence ou sur son parcours pour se rendre à son travail à la Haute-Ville en empruntant le boulevard Henri-Bourassa vers l’autoroute Dufferin-Montmorency.
Ø Elle n’a aucun souvenir d’avoir entendu parler de la présence de cette poussière rouge dans son voisinage.
[83] Yvon Gagné, également interrogé hors cour, demeure un peu plus au nord-ouest près de la rue de la Trinité. De la lecture de son témoignage[40], le Tribunal en retient :
Ø Il entend parler de la poussière rouge à l’occasion d’un reportage au bulletin de nouvelles du souper : on y montre le secteur de la propriété de Véronique Lalande.
Ø Il n’en a pas vu chez lui tout en soulignant qu’il voit régulièrement «d’autres sortes de poussière».
Ø À la retraite, il fait régulièrement du jogging le matin dans le quartier. Ce vendredi ou dans les jours suivants, il ne constate rien de particulier quant à la présence de poussière rouge.
Ø Toutefois, il est en mesure de décrire la poussière qui se dépose de façon récurrente chez lui comme étant noire ou grisâtre.
B.2.- Secteur nord du Vieux-Limoilou, de Stadacona et des Filles-du-Roi
[84] Dans cette partie du quartier Limoilou, au nord de la 9e rue, ainsi que dans les deux secteurs plus à l’ouest, les demandeurs font entendre cinq témoins.
[85] Jacques Boutet demeure sur la 15e rue tout près de la 8e avenue :
Ø Le matin et surtout à son retour en après-midi, il constate une matière rouge sur sa tablette de fenêtre arrière ainsi que sur la toile qui sert à recouvrir sa balançoire et sa souffleuse à neige.
Ø Son opération de nettoyage consiste à nettoyer les tablettes de fenêtres, le BBQ et la galerie. En ce qui concerne la toile, les taches sont rebelles malgré l’utilisation d’un détergent.
Ø Il y consacre, avec son épouse, entre une et deux heures. Il n’a pas subi d’autres inconvénients ou exprimé d’inquiétudes.
[86] Maude Tremblay demeure sur la 12e rue un peu au sud de M. Boutet :
Ø Habitant dans le quartier depuis quelques mois, elle est habituée de constater la présence de poussière. Mais en ce vendredi, il s’agit d’un évènement majeur, «de la poussière rouille collante», sur les voitures stationnées à l’avant et à l’arrière du complexe, dans la rue ainsi que sur les balcons et les fenêtres de son appartement.
Ø Se rendant faire des commissions, entre autres sur la 3e avenue, elle constate également la présence d’une telle poussière.
Ø Elle procède à un nettoyage plus important qu’à l’habitude avec chaudière, guenille, savon… sur les fenêtres et les cadres, tant à l’avant qu’à l’arrière.
Ø Alors mère d’un deuxième enfant nouveau-né, elle est inquiète ne connaissant pas les caractéristiques de cette poussière.
[87] Jannie Rochefort vit sur la 3e avenue près de la 10e rue et enseigne dans une école située sur Benoît XV :
Ø Ce vendredi, au retour d’une activité de course avec des élèves de son école elle constate que les semelles de ses espadrilles sont rendus de couleur orange.
Ø Après avoir entendu un reportage dans les médias, elle porte davantage attention à sa propriété et constate sur son balcon la présence d’une matière «assez rouge». Il en est de même sur un véhicule automobile stationné depuis quelques jours près de sa propriété.
Ø Sur ses tablettes de fenêtres, elle y voit la poussière de couleur rouge au lieu de la poussière grise habituelle.
Ø Souffrant d’asthme et mère d’un enfant, elle s’en inquiète ce qui l’amène à s’informer et à en discuter avec d’autres personnes de son entourage.
Ø Elle ne précise pas si elle a consacré plus de temps que d’habitude au nettoyage de sa propriété.
[88] Joances Baudet demeure vis-à-vis Mme Rochefort, mais un peu plus à l’est. La transcription de son témoignage[41] est produite par la défense et il nous apparaît plus approprié d’en traiter dès maintenant vu la nature de ses constats :
Ø Sensibilisée à tout ce qui concerne l’environnement dans son quartier, dans les jours suivants le 26 octobre, elle entend parler de l’épisode de la poussière rouge.
Ø Elle constate, de visu, les dépôts sur son véhicule automobile de couleur blanche.
Ø De même, il y en a sur les joints de brique de la façade arrière, sur les tablettes de fenêtres ainsi que sur la rampe en métal et sur son BBQ.
Ø En compagnie de son conjoint, elle consacre trois heures à l’opération de nettoyage.
[89] Annie Forget demeure dans Stadacona vis-à-vis le Parc Cartier-Brébeuf :
Ø De retour de son travail en ce vendredi après-midi, procédant à étendre du linge sur sa corde, elle constate que de la poussière s’y est déposée tachant son linge.
Ø Elle retrouve également de cette poussière de couleur «brun rougeâtre» sur la table et les deux chaises sur son balcon.
Ø Le matin, elle avait laissé entrouvertes les deux fenêtres de la façade avant, elle retrouve cette même poussière sur les tablettes des fenêtres, les calorifères et son mobilier.
Ø Elle compare son opération de nettoyage à une corvée du printemps. Elle y consacre environ quatre heures le vendredi soir et le lendemain matin.
[90] Guy Gagnon demeure plus à l’ouest dans une copropriété située dans un secteur en développement entre le boulevard Hamel et la rivière St-Charles connu, pour ceux versés dans l’histoire de Québec, comme étant le quartier des Filles-du-Roi :
Ø Son vaste patio et la fenestration sur la pleine hauteur pointent vers le sud-est, c’est-à-dire vers la Haute-Ville et les installations du Port.
Ø Le samedi matin, il se rend sur sa terrasse pour y prendre un café. Il constate que de la poussière de couleur rouille s’y est déposée, elle colle sur un petit linge qu’il utilise. Il en voit également sur les tablettes, au bas des grandes fenêtres, le mobilier extérieur et la housse du BBQ.
Ø Il doit utiliser un produit de nettoyage vu que la poussière adhère aux surfaces. Il consacre une bonne partie de cette journée à cette opération.
Ø Avant d’être informé par les médias des caractéristiques, il s’en inquiète vu qu’il vient d’acquérir de son unité de copropriété.
[91] Retenons qu’Arrimage a versé une indemnité à M. André Thibodeau demeurant vis-à-vis l’immeuble de Guy Gagnon, mais plus près du boulevard Wilfrid-Hamel, et ce, pour le lavage de son véhicule automobile récemment acquis[42].
[92] De leur côté, les défenderesses font entendre ou produisent la transcription des interrogatoires de quelques citoyens.
[93] Martin Lapierre demeure sur la 10e rue, tout près de M. Jacques Boutet dont il est fait mention précédemment, et ce, depuis 2004 :
Ø Il se souvient d’un épisode de poussière rouge (paprika-rouille) sans pouvoir préciser l’année.
Ø Son intervention a consisté à arroser ses fenêtres avec un boyau d’arrosage : toute l’opération y compris le déroulement de son boyau à partir de l’arrière lui a pris 10 minutes tout au plus.
[94] Réjean Bell habite depuis 50 ans dans Limoilou. Il est habitué à y voir constamment de la poussière grise, noire et même blanche, de sorte qu’il n’y porte même plus attention. Il n’a aucun souvenir précis du mois d’octobre 2012.
[95] Réjean Dallaire et Richard Viger demeurent également dans le même secteur de Limoilou que les deux témoins précédents, mais à quelques rues plus au nord :
Ø Dallaire y habite depuis 1986, constate régulièrement la présence de poussière grise. Il n’a aucun souvenir du 26 octobre 2012 et n’a jamais vu de poussière rouge.
Ø Viger procède régulièrement au nettoyage de l’extérieur de sa propriété vu la présence constante de poussière. En 2012, la Ville effectue d’importants travaux de réfection de la rue, de sorte qu’il a dû procéder plus souvent qu’à l’habitude à du nettoyage. Il précise que s’il y avait eu de la poussière rouge au travers de la noire, il l’aurait remarquée.
[96] Marcel Lapointe demeure sur la rue Bibaud dans Stadacona à quelques rues plus à l’ouest qu’Annie Forget, témoin de la demande. De son interrogatoire[43] hors cour tenu dans le cadre du recours no 2 et déposé de consentement, le Tribunal retient :
Ø Il habite à cet endroit depuis 80 ans, tout près du secteur du Parc Cartier-Brébeuf.
Ø Il constate, à chaque année, la présence de poussière grise-noire qui l’amène à nettoyer régulièrement chaises et table avant de s’y installer.
Ø Lorsque réinterrogé par l’un des avocats (page 47), il mentionne qu’il ne peut parler de la «fameuse poussière rouge» parce qu’il n’en a pas vue et il continue son témoignage sur un autre sujet.
Ø Avec égards, le Tribunal ne peut conclure que ce témoignage est déterminant pour mettre de côté celui d’Annie Forget.
[97] Les défenderesses produisent également la transcription de l’interrogatoire[44] de Mme Carole Bégin demeurant tout près de la 18e rue. Point n’est besoin de s’y attarder, les avocats des demandeurs reconnaissent que les résidences dans cette partie de Stadacona plus au nord, doivent être exclues de l’action collective, étant située dans la zone noire.
B.3.- Quartier St-Sauveur
[98] Dans ce quartier, les demandeurs font entendre Stéphanie Jacques et Jérôme Cliche tous deux résidents de la rue Ste-Agnès ainsi que Marianick Côté (rue Père-Grenier).
[99] Stéphanie Jacques demeure plus précisément dans la paroisse Sacré-Cœur au nord de la rue St-Vallier :
Ø Le vendredi et le samedi, elle ne remarque rien de particulier. D’ailleurs, elle n’a aucun souvenir de ses occupations si ce n’est de s’être rendue à son travail.
Ø Le dimanche matin, elle se rend à la résidence du couple Lalande-Duchesne. C’est en traversant le pont Drouin pour accéder au secteur du Vieux-Limoilou et surtout chez ces derniers qu’elle constate l’ampleur du dépôt de poussière rouge : «c’est inquiétant».
Ø De retour chez elle, elle constate la présence d’une poussière rougeâtre-ocre, mais «c’est moins épais» que chez les demandeurs.
Ø Elle procède à passer un balai sur sa galerie et à nettoyer la rampe avec un linge jusqu’au bas de l’escalier. L’opération lui prendra de 15 à 20 minutes.
[100] Jérôme Cliche demeure sur la même rue, mais un peu plus à l’ouest :
Ø Au cours des journées qui précèdent l’Halloween, il porte attention à des chats qui passent près de sa propriété, ils ont les pattes rouges.
Ø Ultérieurement, à un moment qu’il ne peut préciser, il prend connaissance d’une publication sur le site internet de Radio-Canada traitant de la poussière rouge.
Ø Il fait alors le lien avec la couleur «rouge grise» qu’il avait vu sur les chaînes de trottoir de sa rue.
Ø À l’époque, il éprouve des problèmes respiratoires à cause du système de ventilation de son bâtiment, de sorte qu’en fin novembre, il transmet un courriel au ministère de l’Environnement étant inquiet pour sa santé[45].
Ø Il n’effectue aucune démarche personnelle de nettoyage.
[101] Marianick Côté demeure sur Père-Grenier, plus à l’ouest dans la paroisse St-Sauveur :
Ø Propriétaire d’un petit chien de couleur pâle, elle et son conjoint se rendent quotidiennement jusqu’au parc à chiens situé au Parc Victoria en passant le long de la rivière St-Charles.
Ø Ils reviennent par les rues du quartier St-Sauveur et rendue à la maison, elle constate que les quatre pattes du chien sont rouges de même que son ventre.
Ø À la suite de discussions avec d’autres gens qui fréquentent le même parc, elle porte plus particulièrement attention sur certaines de ses tablettes de fenêtres.
Ø Au lieu de la poussière grise qu’elle voit habituellement chez elle, à ce moment la couleur est plutôt brune et, au passage de son doigt, il reste une traînée de couleur brun-rouge.
Ø De sorte qu’au cours de la fin de semaine suivante, elle et son conjoint procèdent à laver cadres et tablettes de la quinzaine de fenêtres tout autour de leur demeure. Ils y ont consacré près de quatre heures.
[102] De leur côté, les défenderesses font entendre Sylvain Morissette (rue St-Léon) et Réjean Marois (rue Bigaouette) en plus de produire l’interrogatoire hors cour de Paul-Yvon Blanchette (rue Simon-Napoléon-Parent)[46].
[103] Sylvain Morissette demeure dans la paroisse Sacré-Cœur plus particulièrement dans la partie sud de la rue St-Léon, et ce, depuis au moins 2006 :
Ø Depuis 2012, il constate, sur sa propriété et aux alentours, de la poussière grisâtre similaire au revêtement de poussière de pierre de son allée d’accès vers l’arrière.
Ø Mais il n’a pas de souvenir d’avoir vu de la poussière de couleur rouge.
Ø Il a déjà manifesté de l’inquiétude eu égard à la présence de poussières dans le quartier, mais cela ne le dérange pas, de sorte qu’il procède, une fois l’an, à un lavage des fenêtres avec un jet à pression.
[104] Réjean Marois demeure lui aussi dans la paroisse Sacré-Cœur, toutefois plus au nord par rapport à la propriété de Mme Marianick Côté :
Ø Il y habite depuis 2010.
Ø La poussière qu’il y voit est en général de couleur grise-noire parfois brune, mais, à sa connaissance, il n’a pas vu de poussière revêtant une autre couleur.
[105] Paul-Yvon Blanchette témoigne au même effet. Habitué à constater la présence de poussière dans son quartier, il n’a aucun souvenir d’avoir vu de la poussière rouge bien qu’il en ait entendu parler dans les médias.
[106] Conformément à l’autorisation du Tribunal, les avocats des défenderesses ont procédé à l’interrogatoire de trois citoyens demeurant plus à l’ouest dans la paroisse St-Malo. Il n’y a pas matière à réviser la transcription de ces témoignages[47], les demandeurs reconnaissent que le recours ne peut être accueilli pour les résidents compris dans la zone noire.
B.4.- Quartier St-Roch
[107] Dans ce dernier quartier, c’est-à-dire le secteur compris entre les boulevards Langelier à l’ouest et Jean-Lesage à l’est, les demandeurs restreignent dorénavant leur demande à celui compris entre les rues du Roi au sud et Prince-Édouard au nord, et ce, pour faire partie de la zone bleue.
[108] En demande, l’on se réfère au témoignage hors cour de Mme Monique Beaudry[48] rendu le 14 décembre 2017 dans le cadre du recours no 2 :
Ø Elle demeure sur la rue de la Reine tout près de la rue Dorchester.
Ø S’agissant de la propriété familiale, elle y réside depuis plus de 60 ans.
Ø Elle est appelée à expliquer les différentes manifestations récurrentes de poussière au cours des années.
Ø À un moment donné, elle précise qu’en août ou septembre elle a constaté la présence d’une poussière rouge : «un épisode qu’il y en avait eu plus» (page 38) et elle en a entendu parler dans le cadre des bulletins de nouvelles.
Ø Les différents avocats ne lui posent aucune autre question afin qu’elle précise sa réponse.
[109] De leur côté, les avocats en défense produisent la transcription des interrogatoires de Marie-Guylaine Baril et Jacques Deschênes.
[110] Interrogé hors cour dans le cadre du présent dossier, Jacques Deschênes[49], qui demeure sur la rue du Prince-Édouard à l’ouest de Dorchester non loin de chez Mme Beaudry, affirme :
Ø Il y vit depuis 1977 et fin octobre 2012, il entend parler de l’incident de la poussière rouge, mais porte peu d’attention aux bulletins de nouvelles qui en traitent.
Ø Toutefois, chez lui il ne constate rien ni sur sa propriété ni sur son véhicule automobile : «je n’ai pas vu de ça…».
[111] Marie-Guylaine Baril[50] fut interrogée dans le cadre du recours no 2 :
Ø Depuis 2001, elle demeure sur la rue Sagard tout juste au sud de Prince-Édouard non loin du Palais de justice.
Ø Elle expose longuement les désagréments d’avoir à nettoyer son mobilier extérieur qui est continuellement couvert de poussière grise, ce qui l’empêche de profiter pleinement de son grand balcon.
Ø À la fin de l’interrogatoire (page 29), elle précise que la poussière a toujours été de cette couleur sans qu’on lui demande de préciser davantage.
[112] L’on a également produit la transcription d’interrogatoires de résidents ou de propriétaires d’immeubles situés le long de la rue St-Joseph et au sud du boulevard Charest. Ils sont tous situés dans la zone noire pour laquelle les demandeurs ne recherchent plus de condamnation, point n’est besoin de s’y attarder[51].
II.- Les expertises concernant la composition de la poussière, sa dispersion et sa déposition
II.1.- Composition de la poussière rouge et sa déposition
[113] Denis Dionne est membre de l’Ordre des ingénieurs et détient un baccalauréat puis une maîtrise en génie chimique. Retenons qu’une distinction s’impose par rapport à un chimiste membre de l’Ordre des chimistes. Leur formation est différente ainsi que leur domaine d’expertise.
[114] Ses services ont été retenus par les avocats des demandeurs avant tout pour procéder à une modélisation de la dispersion de la poussière eu égard aux conditions qui prévalaient le 26 octobre 2012. Nous en traiterons dans notre prochaine sous-section.
[115] On lui a également demandé de «présenter visuellement l’impact de la déposition des particules d’oxyde de fer sur des surfaces blanches à travers une série de démonstrations…», tel qu’il appert de l’annexe İ de son rapport[52].
[116] À cette fin, il acquiert un pot de pigment rouge à base d’oxyde de fer et procède au dépôt, par frottement sur une feuille de papier d’une part et sur un morceau de déclin de vinyle d’autre part, des substrats de couleur blanche.
[117] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal ne peut retenir ce volet de son expertise, eu égard à celle du chimiste Benoît Lagarde présentée par la défense.
[118] Benoît Lagarde est membre de l’Ordre des chimistes depuis 1990, détient un diplôme universitaire en chimie depuis 1985 et a complété sa scolarité de maîtrise en chimie analytique. Les avocats de la demande ne contestent pas sa qualification à titre d’expert en chimie.
[119] Il est d’opinion, et le Tribunal la partage, que les essais effectués par Denis Dionne sur les substrats (papier et déclin de vinyle) ne sont pas représentatifs des conditions qui prévalent dans le Vieux-Limoilou et les quartiers avoisinants au moment de la dispersion de la poussière rouge les 25 et 26 octobre 2012 :
Ø Il a utilisé du pigment à base d’oxyde de fer qui constitue la forme la plus raffinée de l’oxyde de fer, ce matériel étant utilisé entre autres par les artistes peintres.
Ø Alors que la matière qui s’est échappée du site d’Arrimage, l’oxyde de fer, n’a pas les mêmes caractéristiques. Elle contient moins de particules fines de sorte que le pouvoir colorant du pigment est supérieur à celui de la poussière provenant du site d’Arrimage.
Ø Il a apposé le pigment par frottement sur les deux substrats alors que, dans la réalité, la poussière rouge s’est déposée sur différentes surfaces dans les quartiers avoisinants après avoir été transportée par les vents.
Ø Les tests de M. Dionne n’ont pu provoquer une déposition uniforme sur la surface telle qu’il appert de la démonstration à la section 4.6 du rapport Lagarde.
Ø Le fait d’apposer la matière en la frottant rend plus difficile le nettoyage des surfaces à la grande eau.
Ø L’utilisation de feuilles de papier comme substrat n’est pas représentatif des revêtements typiques d’un bâtiment que ce soit le vinyle, l’aluminium, le bois peinturé ou la brique. Le papier est beaucoup plus poreux.
[120] L’expert Lagarde a procédé à des tests de déposition sur trois substrats : planche de bois peinte en blanc, un morceau de déclin de vinyle blanc et de la brique de béton lissé de couleur grise, le tout selon la méthodologie décrite à la section 4.5 de son rapport[53].
[121] Par la suite, il procède au lavage en versant tout simplement de l’eau au moyen d’une tasse à mesurer. Sur chacune des surfaces, les souillures d’oxyde de fer disparaissent sans avoir à frotter avec une brosse. Selon son opinion, l’eau de pluie qui se déverse sur une surface où de l’oxyde de fer s’est déposée aura le même effet.
[122] Dans la deuxième partie de son rapport (section 5), il réfère à une expertise effectuée, à l’hiver 2014, sur 18 bâtiments aux fins de déterminer si des dépôts d’oxyde de fer sont toujours présents dans le quartier affecté, et ce, 16 mois après l’évènement.
[123] Notons que l’expert Dionne n’a pas reçu le mandat de procéder à des tests comparables, de sorte qu’il n’y a pas matière à élaborer sur la méthodologie de Lagarde au moyen d’un spectrophotomètre. Ce volet de son expérimentation consiste à déterminer à partir de quel taux de déposition de cette poussière rouge l’œil humain peut la percevoir.
[124] Sa démonstration est complétée au moyen de tests à l’aveugle impliquant la participation de trois spécialistes en colorimétrie. Ils lui ont permis de valider les lectures faites avec son appareil sur les 18 bâtiments du secteur du Vieux-Limoilou.
[125] Il conclut ainsi :
«5.7 Conclusion
La quasi-totalité des mesures que nous avons prises sur les bâtiments qui composent notre échantillon ne montre aucune différence spectrale appréciable pouvant permettre d’affirmer qu’il restait, le 11 février 2014, des résidus pouvant teinter les surfaces suffisamment pour que les surfaces exposées soient visuellement différentes des surfaces non exposées.»
[126] À l’audience, le chimiste Lagarde assiste au témoignage d’une grande partie des citoyens entendus tant en demande qu’en défense y compris les demandeurs Lalande et Duchesne. Ces derniers, photographies à l’appui, ont décrit avec précision la présence de la poussière sur leurs balcons et revêtements muraux, ce qu’ils ont constatés et les efforts pour procéder à l’enlèvement de la poussière qui avait adhérée au revêtement du balcon.
[127] Les explications de cet expert lorsqu’on le réfère à différents témoignages de fait ont permis au Tribunal de mieux comprendre les descriptions de cette cinquantaine de citoyens qui, dans leurs mots, ont exprimé ce qu’ils ont vu, et ce, de façon sincère et crédible.
[128] De l’ensemble de ces explications, le Tribunal retient principalement :
Ø À partir du moment où l’on extrait du minerai de fer de la mine, un phénomène d’oxydation se produit, la poussière qui entoure chaque pépite de minerai devient rouge.
Ø Lorsque le minerai est manipulé à partir du navire, il s’en dégage de la poussière qui est transportée par le vent.
Ø Les 25 et 26 octobre, elle est rouge dans le port et ne change pas de couleur lors de son déplacement.
Ø Les particules qui se dispersent sont tellement fines que l’œil humain n’est pas capable de les détecter dans l’atmosphère.
Ø À partir du moment où elles se déposent sur une surface (le substrat) et qu’on les déplace (agglomère) avec un doigt, un pinceau, un balai … l’on peut apercevoir la couleur rouge.
Ø Déposées sur une surface blanche ou grise pâle, on les détectera plus facilement alors que ce ne sera pas le cas si elles se déposent sur une surface de couleur rouge.
[129] Questionné sur les affirmations de témoins, telle Mme Lalande, qui affirment avoir vu une couche de poussière noire devenue rouge lorsque manipulée, il donne l’explication suivante :
«Ce que j’en retiens c’est que et le meilleur exemple c’est lorsque Mme Lalande a passé un pinceau sur la surface, en fait ce qui est arrivé c’est qu’elle a enlevé toutes les autres poussières qui étaient d’une autre couleur puis celle-là, étant donné qu’elle est fine, s’est incrustée dans les surfaces poreuses sur lesquelles elle a passé le pinceau. Ce qui reste dans le fond c’est que la poussière rose est restée là tandis que toutes les autres poussières ont été enlevées, fait que visuellement on la voit parce qu’elle est incrustée puis elle forme des amas, donc c’est pour ça qu’on peut prendre le temps que celle révèle, elle ne se révèle pas, elle a toujours été là, mais elle est agglomérée de façon différente ce qui fait qu’on la voit.»[54]
[130] Il explique ainsi la différence entre ce que des personnes, dans un même environnement, ont perçu de la poussière rouge et d’autres non :
Ø Soit qu’elles en ont reçue eu une quantité suffisante par rapport à la surface exposée pour que l’œil le détecte.
Ø Soit qu’elles n’en ont pas reçue en quantité suffisante pour être perceptible à l’œil humain.
[131] À une question du soussigné concernant l’affirmation du témoin Laviolette dont la réaction a été de dire à son épouse que l’on était rendu sur la planète Mars, il confirme que sa perception peut être exacte tout dépendant de la quantité de poussière, du type de surface sur laquelle elle s’est déposée et de l’angle de la lumière, le soleil matinal dans ce cas.
II.2- Modélisation de la dispersion sur le territoire
[132] L’ingénieur Denis Dionne agit comme conseiller senior en environnement depuis 23 ans. En fonction des informations obtenues d’Arrimage[55] et du Port[56], il a préparé une étude aux fins de démontrer comment le panache de poussière rouge s’est dispersé vers l’ouest dans Limoilou jusque dans St-Sauveur.
[133] De leur côté, les avocats de la défense ont retenu les services de Pascal Rhéaume, membre de l’Ordre des ingénieurs depuis 2010, ayant complété auparavant des études universitaires en physique, informatique (baccalauréat) suivi d’une maitrise en génie énergétique. Il agit maintenant comme directeur de projet dans l’équipe de modélisation d’un grand cabinet d’ingénieurs.
[134] Tous les deux s’entendent sur ce qu’est la modélisation et sur la référence au logiciel AERMOD, conçu à l’origine par l’Agence américaine de protection de l’environnement (US-EPA).
[135] Les deux experts, dont les qualifications ne sont pas contestées, ont préparé chacun un volumineux rapport[57]. Ils décrivent tous deux, de la même façon, la méthodologie de la modélisation que Rhéaume résume ainsi :
«Une modélisation est une représentations simplifiée d’un système permettant d’étudier son fonctionnement par simulation. Cette représentation est théorique, et fait appel à des outils mathématiques, de même qu’à des outils logiciels et cartographiques.
En ce qui concerne la modélisation de la dispersion atmosphérique, le modèle mathématique cherche à simuler la dispersion d’un panache de substances dans l’air. Ces substances peuvent être gazeuses, des particules solides ou liquides. La modélisation permet alors d’estimer les concentrations dans l’air ambiant et les taux de déposition, et ce, à une distance donnée des sources d’émission prises en compte par le modèle.
Ainsi, le résultat de la modélisation est toujours une image simplifiée de ce que pourrait être la réalité, compte tenu des approximations théoriques inhérentes au modèle mathématique utilisé et de l’incertitude qui entoure la caractérisation des sources d’émissions. Il ne peut en aucun temps se substituer à des mesures prises sur le terrain.»
(Page 3) (Notre soulignement)
[136] Les extraits suivants du chapitre 7 - Conclusion - du rapport Dionne représentent bien son opinion :
«L’objectif principal du rapport est d’évaluer le territoire potentiellement affecté par la dispersion de poussière en provenance des activités de manutention et d’entreposage de vrac solide au secteur Beauport du Port de Québec préalablement au matin du 26 octobre 2012. Il est toutefois à noter que les impacts perçus le 26 octobre 2012 ne sont pas uniquement liés à la déposition dans la nuit du 26 mais probablement pour une période plus longue. L’accumulation de matière n’étant pas perçue jusqu’à un point critique (accumulation suffisante pour «rougir» les surfaces).
(…)
L’exercice a permis de quantifier les émissions de poussière de façon théorique au cours de la période visée.
(…)
La concentration et la déposition ont été estimées à l’aide du modèle AERMOD. Les contours démontrent clairement une dispersion des particules dans l’axe des vents prédominants et en respect de la topographie, soit vers les quartiers résidentiels situés à l’ouest des installations portuaires, mais aussi au sud du site dans les régions basses de Québec (Vieux Québec, La pointe à Carcy, Cap-Blanc) et de façon moins importante, certaines zones montrent des valeurs plus élevées de concentrations sur la rive sud.
(Page 66)
(…)
La superposition de plusieurs sorties du modèle (pour la période) a permis de définir une région dite «zone impactée retenue». Il est cependant à noter que la zone potentiellement impactée est possiblement plus large ou longue pour les impacts lorsqu’ils sont pris de façon distincte et en considérant que les taux d’émissions ont été sous-estimés. Cependant, l’objectif ici est de déterminer une zone à forte probabilité d’impact lors de l’évènement.»
(Page 68)
[137] De son côté, Pascal Rhéaume n’a pas procédé à une modélisation complète. Ses services ont été retenus pour «faire une analyse critique [du rapport Dionne], notamment en ce qui concerne la méthodologie utilisée par l’auteur.» (Page 1)
[138] Dans le chapitre 4 - Conclusion - Rhéaume résume son avis concernant la modélisation présentée par son collègue Dionne :
«à ne permet pas de délimiter le périmètre géographique qui aurait prétendument été affecté par les opérations d’ASL dans le secteur Beauport lors des 25 et 26 octobre 2012;
à ne permet pas de déterminer la concentration de poussières en suspension et les retombées de poussière qui auraient prétendument affecté le secteur géographique faisant l’objet du recours collectif.
(…)
à Les documents de bonnes pratiques sont clairs. Une modélisation doit être effectuée en considérant plusieurs années météorologiques pour être jugée représentative. La modélisation de Monsieur Dionne a été effectuée à l’aide d’un échantillon météorologique jugé trop faible. Rien ne permet d’affirmer que cet échantillon est représentatif des conditions météorologiques observées lors de l’événement d’octobre 2012.
à Les incohérences au niveau du scénario de modélisation du rapport Dionne relativement aux opérations réelles d’ASL au secteur Beauport entre le 23 et le 26 octobre 2012 démontrent bien que la représentativité des sources d’émissions modélisées par Monsieur Dionne ne peut être considérée adéquate. Par exemple, l’erreur en lien avec le transport du gypse a un impact significatif sur la fiabilité des résultats de la modélisation de Monsieur Dionne.
(…)
à La distribution granulométrique des particules utilisée dans le rapport Dionne ne peut être jugée représentative des émissions découlant des opérations d’ASL au secteur Beauport, alors que cette distribution est un intrant majeur de la modélisation, affectant considérablement la déposition des particules et conséquemment, celle de l’oxyde de fer.
(…)
à En conclusion, bien que les intrants, les hypothèses et les résultats du rapport Dionne soient discutables, le simple fait que les outils de modélisation utilisés par Monsieur Dionne ne soient pas conçus ni efficaces à représenter des événements précis dans le temps et l’espace, invalide les résultats de son étude.»
(Pages 53-54)
[139] À l’audience, les deux experts témoignent longuement[58], présentent, de façon détaillée, leur opinion, réfutent et critiquent les affirmations et conclusions de l’autre. Le contre-interrogatoire a été vigoureux de part et d’autre.
[140] Pour les raisons qui suivent, le Tribunal ne considère pas qu’il soit approprié de trancher entre ces deux thèses opposées et préfère s’en tenir aux témoignages des différents citoyens qui nous permettront d’établir l’étendue de la dispersion et de déterminer le périmètre des zones où la déposition de poussière a eu un impact eu égard à son intensité, de façon à établir, par la suite, la quotité de l’indemnisation.
[141] À titre d’illustration, une simple énumération de certaines des divergences entre les deux rapports permet de bien comprendre comment il peut être difficile pour le Tribunal de retenir le rapport de l’un par rapport à l’autre :
Ø Selon Rhéaume, une étude de modélisation sert à projeter la dispersion de matières pour l’avenir entre autres pour soutenir une demande d’obtention d’un certificat d’autorisation auprès du ministère de l’Environnement, à titre d’exemple : pour l’implantation d’une mine ou d’une usine. À cette fin, l’on se réfère aux données météorologiques des cinq dernières années.
Ø Quant à lui, Dionne soumet que l’on peut modéliser la dispersion pour un évènement spécifique en fonction des données météorologiques du moment. Rhéaume réplique que ce n’est que de façon exceptionnelle que l’on procède à partir d’un évènement ponctuel telle une situation d’urgence impliquant la décision d’ordonner ou non l’évacuation d’une population.
Ø Dionne soumet qu’il a sous-estimé les émissions de poussière qui se sont dispersées dans les secteurs résidentiels parce que les données reçues d’Arrimage quant aux quantités et périodes où il y a eu manipulation étaient incomplètes, de sorte que, dans la réalité, les émissions revêtent une plus grande ampleur que ce que démontre sa modélisation.
Ø Pour Rhéaume, le système AERMOD n’a pas été développé pour effectuer une modélisation heure par heure. Dionne affirme que, pour les fins de son mandat, il a utilisé les données météorologiques du 23 au 26 octobre correspondant à la période de déchargement du navire, ce qui est suffisant.
Ø Dionne réfute l’affirmation de son confrère selon laquelle les résultats de sa modélisation sont incohérents. Rhéaume, à la section 3.6 de son rapport, procède à une démonstration élaborée aux fins de comparer les résultats de la modélisation de Dionne avec les mesures provenant de la station d’échantillonnage en opération (des Sables) dans le secteur. Il en conclut que dans la modélisation de Dionne, il y a une surestimation importante des concentrations maximales, de sorte qu’il n’y a pas de corrélation entre les résultats obtenus et les mesures prises à cette station.
[142] Pour y voir clair entre ces thèses opposées provenant de deux experts qui sont versés dans le domaine, le Tribunal aurait dû désigner un troisième expert, le soussigné ne possédant évidemment ni formation ni expérience dans ce domaine.
[143] Or, les affirmations suivantes de M. Dionne confortent le Tribunal dans sa conclusion de donner priorité aux témoignages des dizaines de citoyens que se sont présentés à l’audience ou dont la transcription de l’interrogatoire a été produite :
Ø Les informations provenant des différents témoins qui ont vécu l’évènement ont plus de poids que les résultats de la modélisation.
Ø C’est à la lumière de ces témoignages qu’il a mis de côté les différentes zones de dispersion montrées à la figure 1 de son rapport (page viii) pour les remplacer par un cône de dispersion divisé en trois zones (Z1, Z2, Z3) tel qu’il appert de nouvelles cartes déposées au tout début de son témoignage[59]. Manifestement, ces trois zones sont déterminées après avoir entendu les versions de quelques 50 témoins, et ce, pour conclure qu’il y a corrélation entre ces témoignages et sa modélisation.
Ø La modélisation ne permet pas d’établir ce que chaque citoyen a constaté ou non chez lui, mais jointe à ces témoignages permet de combler des «vides» entre le lieu de résidence des différents témoins.
Ø Il voit une corrélation entre les zones montrées sur ces nouvelles cartes et les témoignages tout en reconnaissant que, plus on s’éloigne du point d’origine (le site des opérations d’Arrimage), plus le niveau d’incertitude augmente, la concentration de poussière diminuant, ce qui fait que, dans la zone 3, des témoins ont affirmé n’avoir rien constaté.
Ø La modélisation permet de démontrer le panache de la dispersion et son orientation vers les quartiers Limoilou et St-Sauveur, mais non pas pour délimiter, de façon précise, le pourtour d’une zone en particulier (1, 2, 3) par rapport à la suivante.
III.- Le fardeau de la preuve et la détermination du préjudice commun
III.1 Le droit
[144] Lors des représentations, les avocats, de part et d’autre, se sont beaucoup référés à deux arrêts classiques en matière de recours collectif : l’Hôpital St-Ferdinand et Ciment du St-Laurent. L’avocat de l’APQ a également porté à notre attention l’arrêt le plus récent de la Cour suprême en la matière : Bou Malhab.
[145] Dans St-Ferdinand[60], la Cour d’appel, sous la plume du juge Nichols, se référant aux modifications apportées aux articles 2848 et 2849 C.c.Q. dans la foulée de l’ajout au Code de procédure civile du chapitre sur le recours collectif, affirme que le législateur a créé un nouveau moyen de preuve pour établir les éléments essentiels de la responsabilité civile.
[146] En Cour suprême[61], la juge L’Heureux-Dubé au nom des neuf juges de la Cour ne retient pas cette approche :
«Ces règles générales de preuve sont applicables à tout recours de droit civil au Québec ainsi qu’aux recours en vertu du droit statutaire de nature civile, à moins de disposition ou mention au contraire. Or, nulle part n’est-il fait mention au Code de procédure civile que les règles ordinaires de preuve civile ne s’appliquent pas en matière de recours collectif. Par ailleurs, de par sa nature, le recours collectif invite des règles procédurales qui lui soient particulières. Ces règles sont exposées au livre neuvième du Code de procédure civile, intitulé «Le recours collectif». Loin de créer de nouvelles règles de preuve, ces dispositions ne font qu’adapter aux recours collectifs les moyens permettant de faire valoir un droit qui, auparavant, ne pouvait être réclamé que par chacun des titulaires.»
(Références omises)
[147] En Cour d’appel, le juge Nichols s’exprime ainsi concernant la recevabilité et l’application de la preuve par présomption :
«En matière de recours collectif, la preuve par présomption de faits est un moyen de preuve aussi valable que les autres. En édictant les nouvelles dispositions relatives au recours collectif, le législateur n’a jamais abrogé à l’égard de ce recours les règles permettant ce genre de preuve.
Lorsque le juge parle de «présomption de similarité», il n’en fait pas une présomption de droit, mais un objectif vers lequel tend son analyse de preuve. Il n’a jamais tiré la conclusion que tous les bénéficiaires avaient subi un préjudice similaire parce que la représentante du groupe avait elle-même souffert d’inconfort. Il a plutôt recherché un élément de dommage commun à tous et ce n’est qu’après avoir revu l’ensemble de la preuve qu’il a trouvé suffisamment d’éléments pour en inférer qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes que tous les bénéficiaires avaient au moins souffert d’inconfort.»
(Page 2784)
[148] Et la juge L’Heureux-Dubé confirme son accord quant à ces derniers propos du juge Nichols (page 233, par. 42).
[149] Concernant la notion de préjudice commun qui, à l’époque, semble faire l’objet de divers courants dans la jurisprudence québécoise, le juge Nichols précise :
«Le juge de première instance n’avait pas la mission d’exiger la preuve du préjudice personnel subi par chaque bénéficiaire. Il lui suffisait de recueillir la preuve que l’omission fautive des appelants avait causé un préjudice dont tous avaient souffert. La recherche d’un préjudice similaire à laquelle s’est livré le premier juge n’était pas à mon avis essentielle.
Le juge a selon moi été plus exigeant envers la demande que la loi ne le prescrit en requérant d’elle une preuve qui permettait non seulement de conclure que tous avaient subi un préjudice, mais en exigeant que cette preuve permette de conclure, par présomptions graves, précises et concordantes, que ce préjudice était similaire pour tous les membres du groupe.
Je conclus de cette discussion qu’en matière de recours collectif la demande a la même obligation traditionnelle de prouver un lien de causalité et un préjudice commun, mais elle n’a pas à faire la preuve du préjudice individuel subi par chaque membre du groupe.
Cette dispense a pour conséquence que le tribunal pourra prononcer une condamnation en faveur de tous les membres du groupe si le traitement collectif de la preuve le convainc qu’il y a préjudice commun sans avoir à trouver dans la preuve des présomptions graves, précises et concordantes dont l’inférence permette de conclure à l’existence d’un préjudice absolument similaire.»
(Page 2789)
[150] Douze ans après l’arrêt St-Ferdinand, la Cour suprême est appelée à nouveau à se pencher sur ces questions dans une affaire célèbre à Québec : la cimenterie St-Laurent[62] dans le secteur Beauport. Les juges LeBel et Deschamps se référant aux propos de la juge L’Heureux-Dubé dans St-Ferdinand, selon laquelle la preuve du préjudice puisse se faire par présomption de fait soulignent :
«[108] Il y a lieu de faire une distinction entre la preuve d’un préjudice similaire et l’évaluation de ce préjudice.
(…)
Le tribunal peut donc inférer de la preuve offerte une présomption de fait que les membres du groupe ont subi un préjudice similaire (J.-C. Royer, La preuve civile (3e éd. 2003), p. 649). Le tribunal peut aussi subdiviser le groupe en sous-groupes, de façon à réunir les membres qui ont subi un préjudice similaire.»
(Pages 444 et 445)
[151] Enfin, dans l’arrêt Bou Malhab[63], la juge Deschamps, en deux paragraphes, synthétise très bien l’état du droit :
«[54] Il ne saurait toutefois être question d’exiger que chacun des membres du groupe témoigne pour établir le préjudice effectivement subi. La preuve du préjudice reposera le plus souvent sur des présomptions de fait, c’est-à-dire sur la recherche d’« un élément de dommage commun à tous [. . .] pour en inférer qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes que tous les [membres du recours ont subi un préjudice personnel] » (Hôpital St-Ferdinand, par. 41, citant l’opinion du juge Nichols de la Cour d’appel). À cet égard, le demandeur doit établir un préjudice que partagent tous les membres du groupe et qui permet au tribunal d’inférer un préjudice personnel chez chacun des membres. La preuve d’un préjudice subi par le groupe lui-même, et non par ses membres, sera insuffisante, en soi, pour faire naître une telle inférence. Par contre, on n’exige pas du demandeur la preuve d’un préjudice identique subi par chacun des membres. Le fait que la conduite fautive n’ait pas affecté chacun des membres du groupe de manière identique ou avec la même intensité n’empêche pas le tribunal de conclure à la responsabilité civile du défendeur. C’est d’ailleurs la situation qui se présentait dans l’affaire Ciment du Saint-Laurent par exemple. Même si les membres du groupe en question avaient subi un préjudice d’intensité différente, notre Cour a confirmé qu’on pouvait inférer que chacun des membres avait subi un préjudice compte tenu d’éléments communs aux membres.
[55] Ce n’est qu’une fois prouvée l’existence d’un préjudice personnel chez chacun des membres du groupe que le juge s’attarde à évaluer l’étendue du préjudice et à choisir le mode de recouvrement, individuel ou collectif, approprié. À défaut de preuve d’un préjudice personnel, le recours collectif doit être rejeté. Ainsi, et contrairement à la prétention de l’appelant, la possibilité d’ordonner un recouvrement individuel des dommages-intérêts ne déleste pas le demandeur du fardeau de prouver, en premier lieu, l’existence d’un préjudice personnel chez tous les membres du groupe. En d’autres mots, le mode de recouvrement ne permet pas de suppléer à l’absence de préjudice personnel.»
[152] De part et d’autre, les avocats nous ont référé à l’arrêt Domfer[64]. Il s’agit d’un cas de pollution environnementale en milieu urbain durant plusieurs années découlant de bruits d’impact, d’odeurs et dépôts de poussière.
[153] Le juge Forget procède à une révision complète de la preuve aux fins d’établir si un préjudice commun à tous les membres a été démontré. Ainsi, concernant une zone qualifiée d’éloignée, il s’exprime ainsi :
«[131] Peut-on condamner Domfer à indemniser tous les résidents de la zone éloignée puisque certains d'entre eux (5% ?, 10% ?, 20% ?, 50% ?) ont subi des dommages ou des inconvénients? Poser la question, c'est y répondre. Le préjudice commun ne doit pas nécessairement être identique, comme le souligne le juge Nichols dans l'arrêt Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand c. Québec […], mais il faut, à tout le moins, établir l’existence d’un préjudice pour l'ensemble des membres et non seulement pour quelques-uns : c'est la distinction entre le recours collectif et les recours individuels.
[132] En conséquence, même si le recours devait être accueilli, je suis d'avis que les résidents de la zone éloignée doivent, de toute façon, être exclus du présent recours puisque la majorité d'entre eux n'a pas subi de dommages.»
III.2.- Intensité de la déposition et préjudice commun
[154] Eu égard à la preuve qui nous a été présentée, le Tribunal n’a aucune hésitation à conclure que l’intensité de la déposition de poussière rouge et, en conséquence, le préjudice n’est pas le même sur tout le territoire, de sorte qu’il y a lieu de procéder à la constitution de zones. La juge Dutil[65], alors à notre Cour, a retenu cette approche dans Ciment du St-Laurent et la Cour suprême l’a confirmé.
A) Zone rouge correspondant au Vieux-Limoilou
[155] Dans la zone rouge proposée par les demandeurs, nous traiterons, dans un premier temps, du périmètre où il n’y a pas de contestation pour ensuite nous attarder au secteur périphérique où, selon les défendeurs, la preuve ne démontre pas un préjudice commun.
[156] Pour le périmètre McCarthy[66], le Tribunal est en mesure de conclure que preuve a été faite d’un dommage commun découlant de la déposition de la poussière rouge les 25 et 26 octobre, de sorte qu’il peut en conclure, au moyen de présomptions graves, précises et concordantes, que tous les membres du groupe, tel que nous les identifierons dans notre prochain chapitre, ont subi un préjudice personnel[67].
[157] Dans notre chapitre I : L’étendue et l’importance de la déposition, nous avons procédé à une révision complète des témoignages tant de tiers[68] que de membres y compris les demandeurs Lalande et Duchesne.
[158] Tel qu’il appert de la superposition faite sur la carte McCarthy[69], le périmètre parcouru par Danielle Forgues, le vendredi 26 octobre, et par Jack McCarthy à compter du lendemain correspondent presque intégralement. Le Tribunal ne voit pas de raison pour tracer une ligne à la 2e avenue alors que Forgues la situe sur la 1er avenue. D’ailleurs, le témoin Mario Joyal, qui demeure sur la rive ouest de la St-Charles, derrière l’usine de la Rothmans, a constaté de la poussière sur sa propriété et ses véhicules.
[159] Une dizaine de personnes, dont les demandeurs Lalande et Duchesne, ont témoigné dans le cadre de la preuve de la demande. Nous avons résumé chacun de ces témoignages auparavant.
[160] Il s’agit de citoyens indépendants l’un de l’autre dont la crédibilité ne peut être contestée. Chacun explique ses constats en ce vendredi 26 octobre, les démarches de nettoyage, les inconvénients subis et, dans certains cas, leurs inquiétudes.
[161] Dans ce périmètre, les avocats de la défense produisent la transcription des témoignages hors Cour de Mmes de la Cruz et Boucher rendus dans le cadre du recours no 2. Comme nous en faisons part dans le cadre de la révision de la preuve dans ce secteur, des questions n’ont pas été posées directement quant à l’évènement du 26 octobre, lequel ne faisait pas l’objet de cet interrogatoire[70].
[162] L’on a également produit celui de M. Lortie interrogé dans le cadre du présent dossier. Il est propriétaire d’un triplex et ses trois locataires ne lui ont pas transmis de plainte. Toutefois, il demeure dans le secteur de Notre-Dame-des-Laurentides et ne s’est pas rendu dans le Vieux-Limoilou au cours de cette fin de semaine.
[163] Certes, Arrimage et ses avocats ont bien compris que le préjudice commun à chaque membre a été démontré et c’est pourquoi ils proposent de retenir le territoire McCarthy de façon à ce qu’il y ait une indemnité par logement.
B) Résidu de la zone rouge proposée
[164] Attardons-nous maintenant au résidu de la zone rouge hors du périmètre McCarthy. Il s’agit essentiellement d’une bande située au sud-ouest de la rivière St-Charles à partir du secteur du pont Drouin s’étendant le long de l’autoroute Laurentienne et de la rue du Prince-Édouard jusqu’au stationnement étagé du Palais de justice à l’est.
[165] Précédemment, le Tribunal a dressé un sommaire de ces témoignages[71] et certaines distinctions s’imposent justifiant la désignation d’une autre zone.
[166] Myriam Fontaine vit dans le Complexe Village de l’Anse situé à l’intersection des rues de la Pointe-aux-Lièvres et de la Croix-Rouge, tout juste au nord du pont Drouin menant au Vieux-Limoilou.
[167] Eu égard à son témoignage, le Tribunal doit conclure qu’elle n’a subi aucun dommage. Ce n’est que le samedi soir qu’elle procède au nettoyage de sa tablette de fenêtre et de son mobilier de patio, opération de courte durée qu’elle effectue à chaque fois qu’elle prend un repas à l’extérieur vu la déposition récurrente de diverses poussières.
[168] S’agissant d’un complexe immobilier d’importance et du seul témoin qui a été présenté, le Tribunal ne peut pas conclure que les locataires du complexe ont tous été affectés par le dépôt de la poussière rouge.
[169] Avec égards, le Tribunal ne peut retenir l’argument de l’avocate des demandeurs voulant que le nombre de témoins a été restreint volontairement vu le souhait exprimé par le soussigné, lors d’une conférence de gestion, de privilégier un éventail plus large et représentatif de témoins par rapport à la quantité. Rien n’empêchait les demandeurs de compléter leur investigation auprès des voisins de Mme Fontaine et de présenter quelques personnes additionnelles pour que le Tribunal puisse insérer ce complexe d’habitations à l’intérieur d’une zone parce qu’il aurait été en mesure d’en tirer une inférence selon laquelle un préjudice commun a été subi par tous ses résidents.
[170] La situation est différente en ce qui concerne les personnes qui résident dans le secteur sud-ouest de la rivière St-Charles que nous venons de décrire au début de la présente sous-section.
[171] Les témoignages de Mario Joyal, Jacinthe Potvin, Sylvie Simoneau et Annie Boulianne concordent quant à la déposition de poussière sur leur propriété et dans leur environnement immédiat.
[172] Ces témoignages doivent être comparés avec les observations du maître de Port, Michel Petit, le samedi 27 octobre. Sur le plan[72] préparé par le service de géomatique du Port sous la direction du vice-président Labrecque, l’on y retrouve un point bleu (D-positif) au début de la rue de la Croix-Rouge, non-loin de chez M. Joyal et un autre point bleu (G-positif) vis-à-vis le 860, du Prince-Édouard. Or, ce dernier point se situe un peu au sud des unités de Mmes Potvin et Simoneau qui sont encore plus près du Vieux-Limoilou et de chez Mme Boulianne. De plus, des photographies[73] prises sur des véhicules stationnés sur les rues de la Croix-Rouge et du Prince-Édouard confirment également la présence de telles poussières.
[173] En conséquence, le Tribunal est en mesure de conclure, au moyen de présomptions graves, précises et concordantes, que les résidents de ce petit secteur ont été affectés par le dépôt de la poussière rouge et en ont subi un préjudice.
[174] Eu égard au temps consacré pour le nettoyage, il y a lieu de déterminer une zone distincte de la zone rouge. Nous l’identifierons comme étant la zone rose. Sans vouloir déprécier les efforts de M. Joyal pour nettoyer sa motocyclette, le Tribunal doit conclure que le préjudice commun que nous reconnaissons avoir été subi par chaque membre, tel que nous les identifierons dans notre prochain chapitre, est moindre que dans la zone rouge.
C) Zone bleue proposée
§ le secteur Maizerets
[175] Dans notre révision des témoignages[74], nous avons retenu que deux témoins en demande affirment avoir subi la déposition de la poussière rouge, alors que trois autres présentés par la défense n’ont rien constaté. Notons également que Mme Rouleau (positif) et Mme Brunelle (négatif) demeurent sur la rue de Vitré à trois bâtiments de distance.
[176] À l’époque, cette dernière était sensibilisée à la problématique des dépositions de poussière, étant membre du conseil du quartier de Maizerets. Or, elle n’a rien constaté en ce vendredi et ne se souvient pas d’avoir entendu des plaintes dans son environnement.
[177] Quant à Mme Rouleau, le Tribunal est en mesure de constater que la déposition chez elle a été beaucoup moindre que chez M. Laviolette qui demeure un peu plus à l’est et plus près du site industriel.
[178] Le Tribunal se doit de retenir la même approche que le juge Forget dans Domfer dont nous avons cité un extrait ci-haut lorsqu’il discute d’une zone éloignée. Les demandeurs n’ont pas démontré, de façon prépondérante, un préjudice commun dans ce secteur :
Ø Mme Brunelle et Mme Rouleau demeurent sur la même rue à peu de distance : aucune constatation dans un cas et limitée dans l’autre.
Ø Un témoin[75], demeurant un peu plus au nord sur la rue de Vitré, avait été annoncé par la demande, mais n’a pas été présentée à l’audience.
Ø André Laviolette est le seul qui a témoigné de façon nettement affirmative. Il s’est plaint à Arrimage, a reçu la visite de Paul Dumont et a encaissé le chèque au montant de 150 $ comportant une quittance y compris pour les inconvénients.
Ø Dans une demande de modification du territoire[76] déposée en février 2018, dont nous traiterons ci-après, mais qui n’a pas été présentée au Tribunal, les demandeurs voulaient restreindre l’extrémité est du secteur Maizerets, et ce, à peine quelques rues plus à l’est que les résidences de Mme Potvin et M. Gagné[77] qui eux n’ont rien constaté.
Ø De plus, sur la dernière version de la simulation[78] de l’expert Dionne, l’on constate que le secteur Maizerets se retrouve à l’extrémité nord de la zone rose pâle, et ce, en partie seulement. Or, sur la ligne de démarcation, ce dernier évalue à 0,01 g/m2 la déposition et il nous a mentionné que plus on approche de cette ligne, plus la déposition est faible et difficile à percevoir.
[179] En conséquence, le Tribunal se doit de conclure que les demandeurs n’ont pas rencontré leur fardeau de preuve quant à un préjudice commun à tous les membres, de sorte que le secteur du quartier Maizerets situé à l’est du boulevard Henri-Bourassa de même que le secteur résidentiel au sud du chemin de la Canardière situé à l’est de l’axe du boulevard des Capucins et de la 8e avenue doivent être exclues de la zone bleue.
§ Secteurs nord du Vieux-Limoilou, Stadacona et des Filles-du-Roi
[180] Cinq témoins entendus en demande et un autre en défense confirment avoir constaté des dépositions de poussière et procédé à du nettoyage dont M. Guy Gagnon dans le secteur des Filles-du-Roi tout près de la rivière St-Charles, la crédibilité de ce dernier ne peut être mise en cause.
[181] En défense, cinq personnes témoignent et tel qu’il appert de notre révision[79], certains n’ont aucun souvenir précis, un autre a constaté de la poussière rouge sur sa propriété, nécessitant une intervention de courte durée, deux autres ne portent plus attention à la poussière parce que la déposition est récurrente. Le dernier témoin a été interrogé dans le cadre du recours no 2 et n’a fait qu’une très brève allusion à la poussière rouge.
[182] Retenons qu’Arrimage a également accepté d’indemniser M. André Thibodeau qui demeure vis-à-vis la copropriété de Guy Gagnon, tout près du boulevard Wilfrid-Hamel. On lui a remis 50 $ pour le lavage et les inconvénients reliés au dépôt de poussière rouge sur son véhicule automobile tout neuf[80].
[183] Enfin, dans ses représentations, l’avocat d’Arrimage reconnaît que des citoyens (des orphelins) situés en dehors de la zone McCarthy ont pu subir un préjudice et qu’il y a matière à les indemniser.
[184] Aux yeux du Tribunal, les témoignages des personnes présentées en demande, en plus de Mme Beaudet en défense, nous apparaissent plus précis et complets que ceux présentés par la défense, de sorte qu’eu égard à la balance des probabilités, il est en mesure de conclure que les résidents de ce secteur ont subi un préjudice commun découlant de l’évènement de la poussière rouge, de sorte qu’il peut en inférer par présomptions graves, précises et concordantes que les membres, tels qu’ils seront définis ci-après, ont subi un préjudice individuel.
[185] En conséquence, ils feront partie de la zone bleue et nous déterminerons, dans le prochain chapitre, la quotité de l’indemnisation.
§ St-Sauveur
[186] Quant au quartier St-Sauveur situé à l’est du boulevard Langelier, nous nous attarderons, dans un premier temps, au secteur de la paroisse Sacré-Cœur, au nord de la rue St-Vallier.
[187] Le Tribunal a entendu la version de quatre citoyens soit à l’audience, soit en prenant connaissance de la transcription d’interrogatoires hors Cour.
[188] En demande, Mme Stéphanie Jacques et M. Jérôme Cliche témoignent devant nous. Le Tribunal est en mesure de conclure qu’ils n’ont pas subi de préjudice, tel qu’il appert du sommaire de la preuve[81].
Ø Stéphanie Jacques ne constate la présence de poussière rouge qu’à son retour, le dimanche après-midi. Elle passe un balai sur sa galerie et nettoie la rampe de l’escalier, et ce, durant tout au plus 15 à 20 minutes. De bien des témoignages, il ressort qu’il s’agit d’une intervention normale et usuelle pour un résident de la basse-ville de Québec eu égard à la récurrence de poussières de toutes sortes.
Ø Jérôme Cliche ne fait que constater la présence de poussière sur les pattes de chats qui circulent dans la rue. Malgré cette constatation et ayant pris connaissance de reportages sur le site de nouvelles de Radio-Canada, il n’effectue aucun ménage particulier.
[189] Demeurant dans les rues avoisinantes, Sylvain Morissette (St-Léon) et Paul-Yvon Blanchette (S.-N.-Parent) affirment tous deux constater, de façon récurrente, de la poussière grise, mais non pas de la poussière rouge.
[190] En conséquence, le Tribunal se doit de conclure que les demandeurs n’ont pas démontré un préjudice commun à tous les membres demeurant dans ce secteur de la zone bleue proposée. Même plus, il n’y a pas de preuve d’un quelconque dommage.
[191] Il doit en être de même pour tout le résidu de la zone recherchée comprise dans les paroisses St-Sauveur et St-Malo que les demandeurs délimitent maintenant à la rue St-Luc à l’ouest et à l’axe Père-Grenier et St-Vallier au sud.
[192] Point n’est besoin de commenter les témoignages de Mme Côté et de M. Marois parce qu’ils font partie du secteur ouest que les demandeurs, dans la demande de modification du territoire, désiraient soustraire du périmètre autorisé.
[193] En effet, le 9 février 2018, les avocats des demandeurs déposent une demande[82], appuyée du serment de l’un d’entre eux, afin d’être autorisés à modifier la description du groupe :
«4. À procès, les demandeurs entendent demander un recouvrement collectif fondé sur la valeur moyenne des préjudices subis par chaque membre en fonction de leur appartenance à des zones incluses dans le territoire autorisé;
5. Or, la preuve administrée jusqu’à ce jour, notamment les expertises et témoignages de membres recueillis, indique que les membres exclus par la présente modification ont subi en moyenne peu de préjudice, de sorte que leur réclamation individuelle moyenne serait minime;
6. Ainsi, tenant compte des coûts liés à leur liquidation et distribution éventuelles, les réclamations de ces membres deviendraient impraticables ou trop onéreuses, mettant en jeu l’article 597 C.p.c.;»
[194] Non seulement la preuve pour ce sous-secteur ne révèle pas, de façon prépondérante, qu’il y a un préjudice commun à tous les membres, mais il y a un aveu, non révoqué, qu’ils «ont subi en moyenne peu de préjudice».
§ St-Roch
[195] En ce qui concerne le quartier St-Roch, entre les boulevards Langelier à l’ouest et Jean-Lesage à l’est, les parties déposent, dans le cadre de leur preuve, les interrogatoires hors Cour de trois citoyens, Beaudry, Baril et Deschênes.
[196] Le Tribunal est en mesure de conclure à l’absence presque complète de preuve. Seulement Mme Beaudry, interrogée hors Cour dans le cadre du recours no 2, traite d’un épisode de poussière rouge sans préciser à quel moment. Les avocats des demandeurs n’ont pas jugé bon de la présenter à l’audience comme témoin dans le cadre de leur preuve.
[197] En conséquence, tout ce secteur doit également être exclu de la zone bleue proposée.
D) Zone noire
[198] Cette zone est située au pourtour tant au nord qu’au sud[83], les demandeurs reconnaissant que la preuve ne permet pas de conclure à l’existence d’un préjudice commun, de sorte que l’action doit également être rejetée pour cette zone.
Sommaire
[199] Dans le dispositif, le périmètre de chacune des trois zones déterminées par le présent jugement sera libellé de la façon suivante :
§ Rouge :
Vieux-Limoilou : entre la 9e rue au nord et la rivière St-Charles au sud, puis entre la rivière St-Charles à l’ouest et sa continuation vers l’est jusqu’au boulevard des Capucins.
§ Rose :
St-Roch : entre la rivière St-Charles au nord-ouest à partir de l’axe du pont Drouin et de la rue de la Croix-Rouge et la rue du Prince-Édouard au sud, et ce, entre l’autoroute Laurentienne (973) à l’ouest débouchant sur la rue du Prince-Édouard jusqu’au boulevard Jean-Lesage à l’est.
§ Bleue :
Vieux-Limoilou : entre la 15e rue et la rue de l’Espinay au nord et la 10e rue au sud et entre l’autoroute Laurentienne (973) à l’ouest et le boulevard des Capucins se prolongeant, vers le nord, sur la 8e avenue à l’est.
Vanier : entre le boulevard Wilfrid-Hamel au nord et la rivière St-Charles au sud, puis entre la rue Bourdages à l’ouest et l’autoroute Laurentienne (973) à l’est.
IV.- L’indemnité appropriée à chaque zone
IV.1.- Conclusions recherchées
[200] Dans la demande introductive d’instance modifiée (25 avril 2016), la première condamnation monétaire recherchée par les demandeurs se lit ainsi :
«CONDAMNER les défenderesses, solidairement à payer aux demandeurs et aux membres du groupe, propriétaires d’immeubles, une somme de 2 000 $ chacun pour l’ensemble des frais de nettoyage, en compensation des dommages subis (…)»
[201] Aux termes de ses représentations, l’avocate des demandeurs accepte que soit inscrite au procès-verbal d’audience[84] la mention suivante :
«Dans l’éventualité où le Tribunal retienne la proposition des demandeurs quant au processus de recouvrement collectif, Me Poissant-Lespérance demande au Tribunal de modifier les conclusions recherchées à la page 11 de la demande introductive d’instance amendée, le 25 avril 2016, pour y substituer les conclusions qui sont décrites à la section B) (à compter de la page 35 du plan d’argumentation) de la partie III du plan d’argumentation, lesquelles conclusions comprennent 15 paragraphes, ce qui implique que les demandeurs ne réclament plus une indemnité au seul bénéfice des propriétaires d’immeubles pour l’ensemble des frais de nettoyage.»
[202] Notons qu’un seul des 25 citoyens présentés dans le cadre de la preuve de la demande a déclaré avoir encouru des frais de nettoyage : Suzanne Rioux pour des travaux exécutés par un entrepreneur en septembre 2013 et l’achat de peinture pour repeindre ses balcons.
[203] La seconde conclusion quant au quantum se lit ainsi :
«CONDAMNER les défenderesses solidairement, à payer aux demandeurs et aux membres une somme de 1 000 $ chacun pour les troubles et inconvénients liés à l’exposition de poussières suite à l’incident du 25 octobre 2012 (…).»
[204] Peu importe que le recouvrement soit collectif ou individuel, le Tribunal, ci-après, entend déterminer une indemnité par logement considérant entre autres la durée moyenne du temps consacré au nettoyage ainsi que les troubles et inconvénients, de sorte qu’il n’y a pas lieu de considérer des frais payés à des tiers pour des travaux de nettoyage.
IV.2.- Position des parties
[205] Les arguments présentés par l’avocat des demandeurs peuvent se résumer ainsi :
Ø Même si de nombreux jugements et arrêts soulignent la difficulté d’établir les dommages moraux en matière environnementale, l’on nous propose de considérer les critères suivants : temps de nettoyage, des taches ne sont pas disparues (ex. : calfeutrage des ouvertures de fenêtres), perte de certains biens mobiliers (ex. : souliers d’un enfant et un tapis qui ont été jetés …), l’inconfort reprenant l’expression du juge Lesage dans St-Ferdinand (ex. : restreindre les sorties au parc avec son enfant…).
Ø Ce matin du 26 octobre, il n’était pas normal de se réveiller pour constater la déposition de poussière à l’extérieur sur les balcons, meubles de patio, cadre de fenêtres… et même, dans certains cas, à l’intérieur du logement.
Ø Le poste troubles et inconvénients comprend tant le temps de nettoyage consacré par les occupants de chaque logement que le dommage moral tel que défini dans la jurisprudence et la doctrine.
Ø Ces citoyens étaient également justifiés d’être inquiets concernant une possible atteinte à leur santé, et ce, tant que le département de la santé publique n’a pas confirmé l’absence de danger. À titre d’exemple, le jeune enfant de Véronique Lalande avait de la poussière rouge sur ses joues et dans sa bouche.
Ø Des citoyens ont été privés de vaquer à leurs activités régulières dans leur quartier durant cette fin de semaine.
Ø Le quantum qui sera établi doit également être dissuasif vu le volet droit à un environnement[85] sain de façon à ce que d’autres entreprises en soient sensibilisées et prennent les précautions adéquates pour éviter des rejets dans l’atmosphère préjudiciables à un groupe de citoyens.
[206] Quant à la quotité de l’indemnité, les demandeurs proposent pour chacune des personnes résidant dans la zone rouge 300 $ et 150 $ pour celles de la zone bleue, telle que délimitées dans le plan reproduit auparavant (par. 54).
[207] Pour conclure à de tels montants, l’avocat se réfère aux indemnités versées par Arrimage dans le cadre des réclamations traitées par Paul Dumont : les paiements ou l’offre, dans le cas du couple Lalande-Duchesne, s’échelonnent de 50 $ à 600 $ dans la zone rouge et de 50 $ à 150 $ dans l’autre (bleue).
[208] L’avocat souligne que Paul Dumont n’a pas considéré le volet inconvénients et inquiétudes. Pour les résidents du complexe Résidence Limoilou, l’administration n’a rien remis aux résidents individuellement même si l’entente avec Arrimage prévoit que l’administrateur devait prendre charge des réclamations individuelles.
[209] Lorsqu’interrogé sur le bien-fondé d’une indemnisation par personne et non pas par logement, l’avocat nous fait part qu’il a lieu de tenir compte du volet troubles et inconvénients, que le rapport Lord estime qu’il y a en moyenne 2.3 habitants par logement de sorte que le risque d’une surindemnisation n’est pas élevé.
[210] Le Tribunal a également demandé à l’avocat responsable de ce volet des représentations comment il établissait la quotité de 300 $ pour la zone rouge et de 150 $ pour la zone bleue. Aucune précision ne nous fut fournie si ce n’est de souligner que les résidents de la zone rouge ont subi une déposition plus importante de poussière alors que l’intensité a été moindre dans la zone bleue.
[211] En conclusion, eu égard à la nature d’une action collective en matière environnementale, l’on nous soumet qu’il est approprié d’établir une moyenne par zone : certains citoyens pourront être trop indemnisés et d’autres sous-indemnisés, mais cette façon de l’établir permet que l’indemnisation soit équitable, de sorte que le défendeur est appelé à payer pour l’ensemble du préjudice qu’il a causé sans qu’il y ait surindemnisation.
[212] De leur côté, les avocats d’Arrimage retiennent une approche différente :
Ø Ils s’objectent à la notion de moyenne proposée par leurs confrères car celle-ci ne peut servir qu’à déterminer le quantum à la condition que la première étape soit d’abord franchie : y a-t-il un préjudice commun à chaque membre d’une zone, tel que prescrit par les arrêts de principe?
Ø Même si Arrimage reconnaît que la poussière rouge s’est répandue hors de son site d’opération, ce qui n’aurait pas dû arriver, ce sont seulement les résidents à l’intérieur du périmètre McCarthy qui ont subi un préjudice.
Ø Eu égard aux différents témoignages des résidents, l’on estime raisonnable d’établir une médiane du temps consacré au nettoyage, à trois ou quatre heures : certains ont consacré six heures et plus, mais plusieurs autres moins de trois heures.
Ø Arrimage propose une rémunération de 20 $/heure pour le temps de nettoyage et 5 $/heure pour l’ensemble des autres inconvénients compte tenu que bien peu de témoins ont démontré, de façon précise, l’ampleur de leurs inquiétudes et inconvénients.
Ø En fonction de cette méthode de calcul, chaque famille et non pas chaque individu recevrait 100 $.
Ø L’avocat reconnaît également que certaines personnes situées en dehors du périmètre McCarthy, et ce, à l’intérieur de la zone bleue ont pu être affectées, il les qualifie d’orphelins, mais aucun préjudice commun n’a été démontré dans cette zone bleue.
Ø De toute façon, il est facilement loisible de dresser une liste de ces personnes : il y en aurait neuf, de sorte qu’elles pourront être indemnisées de la même façon dans le cadre d’un recouvrement individuel.
Ø En conclusion, il soumet que l’approche proposée par leurs confrères en demande ferait que bien des personnes recevraient une indemnité alors qu’elles n’ont pas subi de préjudice tandis que l’approche de la défense assure que les citoyens qui ont vraiment subi un préjudice sont indemnisés et seulement eux.
IV.3.- Analyse et décision
[213] Dans Domfer[86], un dossier impliquant, dans un milieu urbain, des dépositions de poussière, du bruit et des odeurs au cours des trois années précédant l’introduction de l’instance, le juge Forget de la Cour d’appel s’exprime ainsi :
«[162] Il n'est pas facile de traduire en dollars ces ennuis et inconvénients. Les citoyens, à juste titre, sont de plus en plus préoccupés par la qualité de leur environnement; tous recherchent, dans la plus grande mesure possible, le calme et la propreté. Malheureusement, il y a souvent un large fossé entre le rêve et la réalité. On doit aussi accepter que la qualité de l'environnement ne soit pas aussi grande en milieu urbain.
[163] Les montants alloués à ce titre paraissent souvent dérisoires aux yeux des victimes et exagérés aux yeux du payeur. Il faut procéder à un arbitrage.
[164] Compte tenu des sommes réclamées et de l'ensemble de la preuve, je suis d'avis de fixer à 750,00$ l'indemnité pour chacune des personnes adultes qui a résidé durant la période pertinente dans la zone rapprochée. Cette indemnité sera de 600,00$ dans la zone intermédiaire.»
[214] Dans Ciment du St-Laurent[87] la Cour suprême fait sienne l’approche du juge Forget dans Domfer.
[215] Comme le Tribunal l’a souligné précédemment, l’avocat des demandeurs ne nous a pas précisé comment il évaluait la composante nettoyage dans l’ensemble des troubles et inconvénients qu’il propose d’établir à 300 $ et 150 $, selon les zones.
[216] À l’audience, le soussigné a soulevé que l’argument des demandeurs voulant que la quotité des dommages octroyés doit être suffisamment élevée pour dissuader toute autre entreprise d’affecter le droit de chaque citoyen à un environnement sain mérite d’être précisé eu égard à la notion de dommages punitifs :
Ø Dans le jugement autorisant l’exercice du présent recours[88], le Tribunal n’a pas fait droit à la proposition des demandeurs d’insérer une conclusion à cet effet parce qu’il n’y avait aucune allégation de fait pouvant constituer une atteinte illicite et intentionnelle au droit à un environnement sain.
Ø S’agissant d’un recours civil, il s’agit de déterminer la quotité de l’indemnité pour compenser le préjudice subi par les membres sans que la défenderesse Arrimage soit tenue d’indemniser des personnes qui n’ont subi aucun préjudice parce que la preuve d’un préjudice commun n’a pas été faite.
[217] En fonction des témoignages qui ont été rendus, le Tribunal est d’opinion que la composante nettoyage et désagréments qui en découlent est nettement plus importante que le volet inquiétudes et inconfort pour reprendre l’expression utilisée par le juge Lesage dans St-Ferdinand.
[218] Comme nous l’avons déjà souligné, il n’y a pas eu d’atteinte à la santé, le département concerné l’ayant confirmé au cours de la semaine suivante.
[219] De plus, la preuve est bien mince pour que le Tribunal puisse retenir qu’une portion importante des citoyens concernés, excluant la période consacrée au nettoyage, a été empêchée de vaquer à ses activités habituelles de loisirs à cause d’une crainte objective découlant du dépôt de la poussière rouge et de l’ignorance de ses composantes et de ses effets.
[220] À l’audience, l’on nous a référé au quantum attribué dans les affaires Ciment du St-Laurent, Domfer et le Petit train du Nord[89], les émanations provenant de deux ou trois sources (poussière, bruit, odeur) s’échelonnaient sur une période de deux à six années, selon le cas.
[221] Sans vouloir amoindrir le préjudice subi par les résidents des trois zones qui nous concernent, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un incident isolé qui s’est produit en une seule journée et que les citoyens ont procédé au nettoyage le jour même ou le lendemain, et ce, pour la très grande majorité.
[222] Comme il l’a soulevé lors des représentations, le Tribunal s’interroge sur la demande pour que l’indemnité soit accordée au bénéfice de chaque personne, peu importe leur âge.
[223] À partir du moment où il conclut que la principale composante du préjudice est le temps de nettoyage par rapport au désagrément de n’avoir pu effectuer d’autres activités en ce vendredi et samedi d’une belle fin de semaine d’octobre, le Tribunal ne voit pas en quoi il doit y avoir une indemnité par résident.
[224] La preuve révèle qu’aucune personne de moins de 18 ans n’a été affectée au nettoyage. De la même façon, dans la majorité des situations décrites par les citoyens, une seule personne a pris charge du nettoyage et, dans le cas des couples, ils se sont séparés la tâche ce qui a permis de compléter l’opération plus rapidement.
[225] Reprenant l’exemple soulevé par le soussigné, à l’audience, en fonction de la proposition des demandeurs d’octroyer 300 $ par personne, l’on se retrouverait dans la situation suivante pour une résidence typique de deux étages du Vieux-Limoilou :
Ø Le propriétaire qui habite seul le logement du rez-de-chaussée recevrait 300 $.
Ø Un couple avec deux jeunes enfants résidant à l’étage recevrait 1 200 $.
Ø Les aménagements extérieurs (balcons, tables, BBQ, tablettes de fenêtres) sont similaires et les occupants de l’un et l’autre logement consacrent le même temps à l’opération de nettoyage.
[226] Avec égards, ce seul exemple suffit pour démontrer qu’il doit y avoir une seule indemnité par logement qu'il soit occupé par le propriétaire du bâtiment ou un locataire, et ce, peu importe le nombre de personnes qui y résident.
[227] Comme les tribunaux d’appel le rappellent, le Tribunal de première instance est le mieux placé pour exercer sa discrétion dans la détermination des dommages.
[228] Considérant l’ensemble de la preuve et les propositions respectives des avocats des parties, le Tribunal établit l’indemnité à 200 $ par logement pour la zone rouge et 100 $ pour les zones rose et bleue.
[229] À l’évidence, certains citoyens ont consacré plus de temps à nettoyer et ont subi plus d’inconvénients parce que l’intensité de la déposition était plus importante alors que pour d’autres, ils ont été en mesure d’en disposer plus rapidement, la déposition étant moindre, parce que les vents ont pu la balayer dans certaines portions du quartier eu égard à l’emplacement et aux caractéristiques du bâtiment.
[230] Conformément à l’approche retenue dans Ciment du St-Laurent et dans Domfer, la détermination d’une indemnité à un montant uniforme par zone constitue la meilleure façon d’établir une compensation juste et raisonnable tant pour les citoyens représentés par les demandeurs que pour la défenderesse qui est appelée à compenser le préjudice réellement subi eu égard au caractère propre d’une action collective.
[231] Il n’y a pas lieu de considérer, de façon différente, les occupants du complexe Résidence Limoilou inc. : Arrimage a versé 8 000 $ à l’administrateur qui devait s’occuper de traiter les réclamations individuelles des copropriétaires ou locataires.
[232] Les témoignages de M. Wong et de Mme Gagnon confirment qu’ils n’ont rien reçu, de sorte que le Tribunal ne peut savoir comment l’administration de ce complexe a utilisé les fonds reçus, le nettoyage des seules parties communes pouvant être une possibilité.
[233] De même, neuf personnes résidant dans le périmètre McCarthy ont reçu d’Arrimage des indemnités variant entre 100 $ et 200 $ et une dernière 300 $ (Marie-Anne Garon). Le montant reçu devra être diminué de l’indemnité octroyée par le présent jugement et le reliquat, s’il y en a, leur être versé.
V.- Recouvrement collectif ou individuel?
V.1.- Position des parties
[234] Les avocats des parties reconnaissent que le législateur[90] favorise le recouvrement collectif selon les articles 595 ss C.p.c., mais divergent complètement d’opinion quant à son applicabilité dans le présent dossier.
Les demandeurs
[235] L’avocat, chargé de ce volet des représentations, procède à une révision complète des deux approches en soulignant les avantages reliés au recouvrement collectif par rapport aux désavantages et difficultés inhérentes au recouvrement individuel.
[236] De sa présentation, le Tribunal retient :
Ø Le recouvrement individuel entraîne une foule de procès particulier et est ni efficace ni juste en ce sens que le défendeur ne paie pas pour la totalité des dommages qu’il a causés.
Ø Reprenant les termes du Code de procédure à l’article 595 C.p.c., il est possible d’établir de «façon suffisamment précise» le montant total des réclamations en retenant une moyenne, c’est-à-dire en attribuant un montant précis par personne que l’on multiplie par le nombre de résidents.
Ø La juge Dutil, dans Ciment du St-Laurent, a dû retenir une méthode hybride, à savoir un montant prédéterminé pour chaque membre de chaque zone, mais n’a pu prononcer le recouvrement collectif parce que les demandeurs ont renoncé à prouver le nombre exact de personnes demeurant dans chacune d’elles.
Ø Tel que reconnu par la Cour suprême, le Tribunal peut reconvoquer les parties afin de recevoir la preuve appropriée qui permettra de définir le montant de la condamnation. Les données contenues dans le rapport Lord peuvent être mises à jour en fonction de la ou des zones déterminées par le jugement.
Les défenderesses
[237] Tant les avocats d’Arrimage que celui du Port nous soumettent que le Tribunal doit retenir le processus du recouvrement individuel (art. 599 C.p.c.) en ce que :
Ø Le recouvrement collectif ne doit pas être un moyen pour pénaliser la partie défenderesse, mais doit servir à indemniser un groupe d’individus qui ont subi une perte à la suite d’un évènement fautif.
Ø Contrairement à un recours collectif en matière de consommation (ex. : frais bancaires), les jugements prononcés au Québec en matière environnementale, sauf un (Désourdy en 1991[91]), ont toujours retenu la voie du recouvrement individuel.
Ø Eu égard au vaste territoire proposé par les demandeurs impliquant possiblement plus de 20 000 personnes selon le rapport Lord, le Tribunal ne pourra avec certitude conclure que toutes ces personnes ont subi le même préjudice.
Ø L’on réfute l’affirmation de leur collègue en demande quant à la lourdeur du recouvrement individuel, vu qu’Arrimage n’entend pas demander une audition devant un greffier ou un administrateur aux fins d’entendre chacun des citoyens qui sont en droit d’être indemnisés. Si le Tribunal n’octroie qu’une indemnité par logement, le bénéficiaire de l’indemnité, ayant procédé à des travaux de nettoyage, n’aura qu’à compléter une simple déclaration assermentée selon un formulaire aux fins de recevoir son chèque.
Ø La proposition des avocats des demandeurs de reconvoquer les parties afin que la preuve du nombre de personnes et de logements impliqués, comme cela a été le cas dans les affaires Marcotte et Telus[92], n’est pas applicable ici parce que l’information pertinente n’est pas détenue uniquement par les défenderesses, ce qui est le cas pour une banque ou une compagnie de téléphonie.
Ø En effet, il ne s’agirait pas d’une simple question d’exécution du jugement sur l’action collective, mais bien de la détermination d’une question de droit : recouvrement collectif ou individuel. Il y aurait alors un débat contradictoire vu que les défendeurs contestent la méthodologie retenue par l’expert Lord, lorsqu’il se réfère aux données du Recensement national de 2016 et que possiblement ils voudront présenter une contre-expertise.
V.2.- Le rapport Lord
[238] En vue de soutenir leur demande pour qu’il y ait un recouvrement collectif, les avocats des demandeurs ont retenu les services de M. Sébastien Lord, détenant une formation comme architecte et urbaniste. Il est professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal. Ses formation et qualification à titre d’expert n’ont pas été contestées par les défenderesses qui n’ont pas produit de contre-expertise.
[239] L’expert Lord utilise des données provenant du Recensement national 2016 de Statistiques Canada, de l’Institut national de la santé publique et de la Ville de Québec aux fins de préparer son rapport[93] qui est déposé à la fois dans le présent dossier et dans celui du recours no 2.
[240] Eu égard aux différentes données retenues, il nous apparaît évident que son rapport est élaboré avant tout pour le second recours vu qu’il vise à établir non seulement le nombre de logements et leurs caractéristiques dans le territoire décrit dans le jugement d’autorisation, mais également le profil sociodémographique : tranche d’âge, le sexe, l’indice de défavorisation…
[241] À partir du moment où le Tribunal conclut qu’une seule indemnité sera versée par logement, tous les volets du rapport qui tendent à établir le nombre de résidents, les tranches d’âge, le sexe, le profil socioéconomique avec des comparables par rapport à l’ensemble du territoire de la Ville de Québec ne sont plus pertinents et il est inutile d’en traiter ici.
[242] La question à trancher consiste à savoir si la preuve, quitte à ce qu’elle soit complétée, nous «permet d’établir d’une façon suffisamment précise le montant total de ces réclamations». Or pour ce faire, il s’agit d’établir combien il y a de logements occupés au 26 octobre 2012 dans les trois zones retenues par le Tribunal.
[243] Pour cette fin, l’expert se réfère au rôle d’évaluation foncière de la Ville de Québec lequel permet d’établir le nombre de propriétés inscrites pour une année ainsi que le nombre de logements. Notons, que pour les fins de son rapport, il s’est référé plus spécifiquement aux données de l’année 2017.
[244] Ainsi, son rapport permet de connaître, pour tout le secteur d’étude, c’est-à-dire pour le territoire décrit dans le jugement d’autorisation, le nombre de ménages qui sont propriétaires (24 %) par rapport à ceux qui sont locataires (76 %). Notons que cette proportion varie selon les secteurs (Limoilou, St-Sauveur, Maizerets)[94].
[245] Eu égard aux données provenant du rôle d’évaluation quant aux types de logements et l’âge du bâtiment, il en retient, pour l’ensemble du territoire autorisé[95] :
Ø 90 % des bâtiments ont été érigés avant 1958, seulement 155 propriétés ont été bâties depuis le début des années 2000.
Ø 18 432 logements sont situés dans un bâtiment de moins de trois étages.
[246] À l’audience, l’expert dépose également des captures d’écran à partir des sites Google (Map et Earth) qui illustrent bien les habitations typiques dans deux secteurs du Vieux-Limoilou[96].
[247] Quant au nombre de logements par rapport aux deux zones proposées par les avocats des demandeurs, on y constate :
§ Zone rouge : - 912 propriétés inscrites au rôle
- 5 073 logements
§ Zone bleue : - 2 374 propriétés inscrites au rôle
- 9 268 logements
[248] Rappelons que la zone rouge retenue par le Tribunal diffère en partie de celle proposée vu la création d’une zone rose au sud de la rivière St-Charles et le retrait du complexe du Village de l’Anse.
[249] Quant à la zone bleue retenue par le Tribunal, elle comprend évidemment un moins grand nombre de logements vu le retrait des secteurs compris dans les quartiers St-Sauveur, St-Roch et Maizerets.
V.3.- Le droit en matière de recouvrement collectif
[250] Dans sa mouture antérieure à 2016, le Code de procédure civile à l’article 1031 C.p.c. concernant le recouvrement collectif, se lisait ainsi :
«1031. Le tribunal ordonne le recouvrement collectif si la preuve permet d'établir d'une façon suffisamment exacte le montant total des réclamations des membres; il détermine alors le montant dû par le débiteur même si l'identité de chacun des membres ou le montant exact de leur réclamation n'est pas établi.»
[251] Avec l’adoption du nouveau Code, le législateur a remplacé le terme exact par précise (art. 595 C.p.c.).
[252] Dans un jugement[97] de notre Cour qui fait autorité depuis, le juge Clément Gascon, maintenant à la Cour suprême du Canada, s’exprime ainsi :
«[1106] Ce choix du mode de recouvrement relève de la discrétion du juge d'instance. La Cour suprême l'a reconnu dans son arrêt récent Ciment du St-Laurent inc. c. Barrette, tout comme la Cour d'appel l'a fait dans l'affaire Thomson c. Masson.
(…)
[1109] Le professeur Lafond semble plus nuancé. À son avis, dès que la preuve permet d'établir de façon suffisamment exacte le montant total des réclamations des membres, le recouvrement collectif devrait être le remède privilégié. L'objectif serait alors de s'assurer qu'un défendeur qui a violé la loi ne conserve pas les gains illégaux qu'il en a tirés : (Citation omise)
(…)
[1110] Ainsi, selon cet auteur, lorsqu'il y a ordonnance de recouvrement collectif, la condamnation monétaire du défendeur repose sur la teneur du dommage causé à l'ensemble du groupe. Sa responsabilité ne s'en trouve pas élargie. Elle correspond plutôt à celle à laquelle il serait tenu si tous les membres du groupe présentaient leur réclamation individuelle. Il n'en est donc aucunement pénalisé.
[1111] Sur ce plan, le professeur Lafond considère qu'il s'agit d'une solution à favoriser, car meilleure que les réclamations individuelles qui, souvent, font l'objet d'un taux minime de participation. Selon lui, le recouvrement collectif sert mieux la portée sociale des dispositions législatives en matière de recours collectif.»
[253] Ce jugement ainsi qu’un autre prononcé en même temps impliquant la Fédération des caisses Desjardins ont été confirmés par la Cour suprême du Canada[98].
[254] L’on peut présumer que le législateur, lors de l’adoption du nouveau Code, en employant maintenant l’expression suffisamment précise, a tenu à codifier l’état de la jurisprudence. En 2009, le juge Gascon s’exprime ainsi :
«[1117] De même, puisque l'article réfère à un critère flexible, soit un montant suffisamment exact, ni la certitude de la somme, ni la perfection de la méthode de calcul n'est requise. Il suffit que le montant total soit raisonnablement exact en regard de l'ensemble de la preuve. Sous ce rapport, rien n'empêche de procéder à l'aide de moyennes, de statistiques, voire de pondérations.»
[255] Dans la logique du législateur de privilégier le recouvrement collectif, les propos de Me Yves Lauzon dans Le Grand collectif [99] confirment l’approche que le juge de première instance doit retenir :
«L’emploi du terme «suffisamment» est de première importance. Il indique qu’il y a place à une certaine marge ou approximation raisonnable de cette valeur. Cette flexibilité nécessaire à la réalisation des objectifs de l’action collective est assujettie à deux limitations.
La première est que le recouvrement collectif ne doit pas augmenter la responsabilité du défendeur prévue au jugement. La seconde commande que ce recouvrement ne diminue pas de façon indue la valeur totale des réclamations des membres. La première limitation est absolue en vertu du principe que nul n’est tenu au-delà des obligations que lui imposent la loi, un contrat ou un jugement. La seconde est plus souple et relève de la discrétion du tribunal selon la nature et les circonstances de chaque action collective en conciliant les avantages certains du recouvrement collectif pour les membres en général et leurs attentes individuelles légitimes.»
V.4.- Analyse et décision
[256] Eu égard aux propos du juge Gascon, le Tribunal est d’opinion que le présent dossier se prête à un recouvrement collectif, et ce, pour les motifs qui suivent.
[257] Il n’y a pas de risque de surindemnisation en ce que des citoyens qui n’ont pas subi de dommages seraient indemnisés.
[258] Lorsqu’il a établi les trois zones où il y aura une indemnisation, le Tribunal l’a fait en fonction de la preuve qui lui permettait de conclure que les membres ont subi un préjudice commun, de sorte qu’il pouvait en inférer que tous ont subi un préjudice personnel, et ce, conformément aux enseignements de nos instances d’appel.
[259] Ceci a pour conséquence de réduire considérablement le périmètre des zones où il y aura indemnisation tant par rapport au territoire décrit dans le jugement d’autorisation que dans celui proposé par les demandeurs au moment des plaidoiries.
[260] De la même façon, le Tribunal restreint l’indemnité à un montant de 200 $ ou 100 $, selon la zone, et ce, par logement et non pas par personne. La comparaison avec les indemnités recherchées tant dans la demande originale que dans la dernière proposition des avocats des demandeurs à la lumière des données contenues dans le rapport Lord démontre qu’Arrimage et sa caution APQ sont loin d’être exposées à payer des sommes mirobolantes pouvant les amener à conclure à une injustice.
[261] Bref, de la manière dont les groupes sont composés tant pour le territoire que pour le bénéficiaire de l’indemnité, le présent jugement constitue une indemnisation juste et raisonnable pour le dommage causé à l’ensemble des membres et s’inscrit dans le but poursuivi par le législateur : seront indemnisés des citoyens qui n’auraient pas intenté un recours individuel ou même présenté une réclamation dans le cadre d’un recouvrement individuel eu égard à la faible quotité de l’indemnité[100].
[262] Avec égards pour les représentations des avocats de la défense, le Tribunal ne peut retenir l’argument voulant qu’un recouvrement collectif ne puisse être possible dans un dossier environnemental alors qu’il est tout indiqué dans un dossier de consommation.
[263] Dans les affaires Ciment du St-Laurent et Petit train du nord, les juges Dutil et Langlois ne concluent pas à un recouvrement collectif uniquement parce que la preuve n’a pas été faite permettant d’établir, de façon suffisamment exacte, selon la terminologie de l’ancien Code de procédure civile, le montant de la condamnation.
[264] Dans le présent dossier, les demandeurs présentent une preuve au moyen du rapport Lord et les défenderesses n’ont pas jugé nécessaire de produire une contre-expertise.
[265] Le Tribunal comprend de l’argumentation de l’avocat de l’APQ, eu égard au contre-interrogatoire minutieux qu’il a mené, que la défense s’en prend, presque exclusivement, aux outils de référence (divers rapports de Statistiques Canada à la suite du Recensement national de 2016) pour établir le nombre de personnes demeurant dans les différents quartiers compris dans le territoire autorisé ainsi qu’à la période étudiée qui déborde largement le mois d’octobre 2012.
[266] À partir du moment où le Tribunal n’a pas retenu l’approche des demandeurs visant à indemniser chaque personne, y compris les mineures, cette difficulté est occultée.
[267] Il ne reste qu’à établir le nombre de logements dans un territoire plus restreint que celui étudié par l’expert Lord.
[268] De même, ceci dit avec égards, le Tribunal ne retient pas l’argument des défenderesses selon lequel il ne peut demander à la partie demanderesse de voir à ce que l’expert Lord procède à une mise à jour des données, en se référant au rôle d’évaluation de la Ville pour l’année 2012, de façon à établir le nombre de logements existant, et ce, pour le mois d’octobre en regard des trois zones établies par le présent jugement.
[269] Le rapport Lord révèle que 90 % des propriétés, dans son secteur d’étude, ont été bâties avant 1958. Tout au long des témoignages, le soussigné a été en mesure de visualiser les caractéristiques des habitations des secteurs qu’il retient pour établir les trois zones.
[270] De l’ensemble de la documentation produite et des témoignages, l’on peut retenir que c’est seulement dans deux secteurs très restreints le long de la rivière St-Charles (Prince-Édouard et les Filles-du-Roi) où l’on est en présence d’un bâti récent, c’est-à-dire depuis les 20 dernières années.
[271] Il ne s’agit pas d’un cas où il faudrait suppléer à une absence totale de preuve de la part de la partie demanderesse, de sorte qu’elle bénéficierait de l’opportunité d’une seconde chance au bâton.
[272] Nous sommes plutôt dans une situation où la preuve doit être mise à jour pour tenir compte des décisions du Tribunal quant au territoire où il doit y avoir indemnisation.
[273] La Cour suprême, dans Marcotte - Fédération des Caisses, a retourné le dossier à la Cour supérieure afin que Desjardins puisse fournir les renseignements de façon à ce qu’une preuve appropriée soit administrée pour les fins d’un recouvrement collectif.
[274] C’est en fonction de cette approche que la juge Paquette, dans l’affaire Telus[101], tout en décrétant le recouvrement collectif, ordonne à la défenderesse de fournir la liste des clients de certains des sous-groupes et des sommes payées par ces derniers et, à cette fin, convoque les parties à une audience additionnelle, entre autres, aux fins d’établir la somme à recouvrer collectivement.
[275] Dans le présent dossier, il est évident que les défenderesses ne détiennent pas l’information permettant d’établir le nombre de logements, mais le Tribunal ne voit pas pourquoi, eu égard à la discrétion conférée au juge de première instance en matière d’action collective, il ne pourrait pas permettre à la partie demanderesse de compléter sa preuve en mettant à jour le travail déjà accompli par son expert aux fins de déterminer le nombre de logements, en octobre 2012, dans un territoire plus restreint que celui couvert par le rapport.
[276] Eu égard à l’approche retenue par le Tribunal, il ne voit pas en quoi les défenderesses auraient besoin de faire préparer une contre-expertise. L’expert Lord utilisera des données provenant du rôle d’évaluation de la Ville de Québec pour l’année 2012, les avocats pourront consulter la documentation et le contre-interroger aux fins de s’assurer de la fiabilité de ses données.
[277] Le Tribunal pourra alors entendre les représentations quant à un facteur de pondération à appliquer pour tenir compte d’un taux de vacances de certains logements.
[278] Avec une telle mise à jour, le Tribunal est convaincu que les enseignements du juge Gascon à son paragraphe 1117 seront respectés :
à Critère flexible;
à Sans que la méthode de calcul soit parfaite, le montant total sera «raisonnablement exact (précis maintenant) en regard de l’ensemble de la preuve».
VI.- Dispositif du jugement
[279] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[280] ACCUEILLE en partie l’action collective des demandeurs et des membres du Groupe;
[281] DONNE ACTE du jugement du 23 mars 2018 modifiant les questions de faits et de droit qui devaient être traitées lors de l’instruction au fond comme suit :
a. Existe-t-il des dommages pour les membres du groupe résultant de l’évènement de la poussière rouge découlant du déchargement du navire du Mare Tracer au mois d’octobre 2012 et, le cas échéant, leur nature et le quantum?
b. Quelles sont les limites du territoire sur lequel ces dommages auraient été subis par les membres?
c. Quel mode de recouvrement, collectif ou individuel, doit être ordonné en l’instance?
[282] DONNE ACTE de l’engagement de la défenderesse Administration portuaire de Québec de cautionner l’obligation de la défenderesse Compagnie d’Arrimage de Québec Ltée d’acquitter tout montant en capital, intérêts et frais de justice tel que stipulé à la Déclaration judiciaire des défenderesses du 19 février 2018;
[283] DÉFINIT le Groupe comme suit :
«Toute personne physique qui occupait un logement résidentiel, soit à titre de propriétaire, soit à titre de locataire, résidant au 26 octobre 2012, dans les arrondissements de la Cité-Limoilou et Les Rivières de la Ville de Québec, plus précisément dans les quartiers délimités comme suit :
§ Zone rouge :
Vieux-Limoilou : entre la 9e rue au nord et la rivière St-Charles au sud, puis entre la rivière St-Charles à l’ouest et sa continuation vers l’est jusqu’au boulevard des Capucins.
§ Zone rose :
St-Roch : entre la rivière St-Charles au nord-ouest à partir de l’axe du pont Drouin et de la rue de la Croix-Rouge et la rue du Prince-Édouard au sud, et ce, entre l’autoroute Laurentienne (973) à l’ouest débouchant sur la rue du Prince-Édouard jusqu’au boulevard Jean-Lesage à l’est.
§ Zone bleue :
Vieux-Limoilou : entre la 15e rue et la rue de l’Espinay au nord et la 10e rue au sud et entre l’autoroute Laurentienne (973) à l’ouest et le boulevard des Capucins se prolongeant, vers le nord, sur la 8e avenue à l’est.
Vanier : entre le boulevard Wilfrid-Hamel au nord et la rivière St-Charles au sud, puis entre la rue Bourdages à l’ouest et l’autoroute Laurentienne (973) à l’est.
[284] DÉCLARE que les membres du Groupe ont subis des dommages causés par la défenderesse Compagnie d’Arrimage de Québec Ltée;
[285] REJETTE l’action collective des membres situés dans les zones suivantes :
· Zone noire, partie 1 (nord)
Vieux-Limoilou et Maizerets : entre le boulevard Wilfrid-Hamel et la 18e rue au nord et la rue de l’Espinay (exclusivement) et la 15e rue (exclusivement) au sud, puis entre l’autoroute Laurentienne (973) à l’ouest et le boulevard Henri-Bourassa à l’est;
· Zone noire, partie 2 (sud) et zone bleue (partie sud)
Saint-Roch : entre la rue du Prince-Édouard au nord (exclusivement) et le boulevard Charest Est au sud et entre le boulevard Langelier à l’ouest et le boulevard Jean-Lesage à l’est.
Saint-Sauveur et St-Malo : entre la rivière St-Charles au nord et Arago au sud et entre la rue Marie-de-l’Incarnation à l’ouest et le boulevard Langelier à l’est.
· Zone bleue, partie est
Maizerets : entre le chemin de la Canardière et la rue de la Trinité au nord et le boulevard Montmorency au sud et la voie ferrée du Canadien National à l’ouest.
[286] DÉCLARE que l’indemnité à être versée aux membres de la zone rouge s’élève à 200 $ et à 100 $ pour ceux des zones rose et bleue;
[287] DÉCLARE qu’une seule indemnité de 200 $ ou de 100 $, selon le cas, sera versée par logement peu importe qu’il soit occupé par une ou plusieurs personnes;
[288] ORDONNE le recouvrement collectif sujet à déterminer la quotité de la somme globale à être payée par la défenderesse, Compagnie d’Arrimage de Québec Ltée, et ce, à la suite de l’instruction qui se tiendra conformément au paragraphe 291 ci-après;
[289] ORDONNE la distribution d’un montant de 200 $ à titre de dommages compensatoires à chacun des membres du Groupe, tel que précisé à la conclusion no 287, résidant dans la zone rouge sujet à la déduction des sommes déjà payées par la défenderesse, Compagnie d’arrimage de Québec Ltée aux personnes identifiées par les lettres A, B, C, E, G, I, J, K et L, sur la légende de la carte no 8 de la pièce D-26A;
[290] ORDONNE la distribution d’un montant de 100 $ à titre de dommages compensatoires à chacun des membres du Groupe, tel que précisé à la conclusion no 287 résidant dans les zones rose et bleue sujet à la déduction de la somme de 50 $ déjà payée par la défenderesse, Compagnie d’arrimage de Québec Ltée à M. André Thibodeau (lettre D sur la légende de la carte no 8 de la pièce D-26A);
[291] CONVOQUE les parties devant le Tribunal, à une date à être déterminée, dans un délai maximal de soixante (60) jours suivant la date à laquelle le présent jugement passera en force de chose jugée, afin de traiter entre autres des questions suivantes :
a) La somme à recouvrer collectivement en capital, intérêts et frais eu égard aux indemnités accordées à titre de dommages compensatoires aux membres du Groupe résidant dans les zone rouge, rose et bleue y compris l’administration de la preuve aux fins d’établir le nombre de logements tel que discuté dans le présent jugement aux paragraphes 267 et suivants;
b) Les modalités applicables pour la distribution des montants payables aux membres du Groupe, pour les zones rouge, rose et bleue;
c) La publication des avis aux membres requis en regard des descriptions des zones rouge, rose et bleue, conformément à l’article 591 C.p.c., incluant le plan de publication des avis;
d) L’approbation de la convention d’honoraires liant les demandeurs et leurs procureurs et la détermination des autres frais prévus à l’article 593 C.p.c.;
e) La nomination d’une firme spécialisée à titre d’administrateur afin de gérer le processus de réclamation et de distribution;
[292] AVEC FRAIS DE JUSTICE contre la défenderesse, Compagnie d’Arrimage de Québec Ltée, y compris les frais d’expertise, les frais d’avis, les frais relatifs aux modalités d’exécution de ce jugement, les honoraires et déboursés de l’administrateur désigné par la Cour, le cas échéant, pour le processus de réclamation et de distribution et tous autres frais liés à la distribution des sommes aux membres du Groupe.
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__________________________________ PIERRE OUELLET, j.c.s. |
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Me André Lespérance Me Clara Poissant-Lespérance Trudel Johnston & Lespérance 750, Côte de la Place d’Armes Montréal (Québec) H2Y 2X8 Avocats des demandeurs
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Me Jean-François Bertrand Me François Pinard-Thériault Jean-François Bertrand avocats inc. (Casier 25) Avocats-conseils des demandeurs |
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Me Sylvain Chouinard Me Ariane-Sophie Blais Me Michel Jolin Langlois avocats (Casier 115) Avocats de la Compagnie d’Arrimage de Québec Ltée |
Me Vincent Rochette Norton Rose Fullbright Canada (Casier 92) Avocats de l’Administration portuaire de Québec
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Dates d’audience : |
15, 16, 17, 18, 22, 23, 24, 25, 29, 30 et 31 octobre, 1, 2, 8 et 9 novembre 2018. |
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[1] Séq. 13, son conjoint, Louis Duchesne, se joindra comme codemandeur à compter du 29 mai 2013.
[2] Auparavant, le Tribunal a prononcé 12 jugements à la suite de débats contradictoires, tant à l’étape de l’autorisation du recours que concernant plusieurs demandes présentées en cours d’instance par les parties. De plus, du début du dossier jusqu’à la préparation immédiate du procès, le soussigné a présidé 15 conférences de gestion ou préparatoires à l’instruction.
[3] Séquence 93, 19 février 2018.
[4] 23 mars 2018.
[5] 22 octobre 2014.
[6] Pièce P-20, pages 67 et ss.
[7] Pièce D-4B, photographies d’un spécimen du minerai et de la poussière d’oxyde de fer reproduites en annexe 1.
* Dans le but de faciliter la lecture du présent jugement, le Tribunal réfèrera au nom des personnes impliquées et des témoins en utilisant uniquement leur prénom et leur nom ou même seulement le nom sans le faire précéder du préfixe monsieur ou madame en n’ayant aucunement l’intention de leur manquer de respect ou de faire preuve de familiarité.
[8] Pièce D-12, rapport général d’inspection; pièce P-17, rapport d’Urgence environnement, photographies en annexe.
[9] Pièce P-5A.
[10] Pièces P-14A et D-11, fiche signalétique Lump Ore.
[11] Pièce P-21, courriels concernant les plaintes; pièce D-14, tableau détaillé de contrôle des plaintes.
[12] Pièce D-26A, carte 8, emplacement des propriétaires indemnisés.
[13] Pièce P-19.
[14] Pièce D-32.
[15] Pièces P-10A et E.
[16] Pièces P-10B et C.
[17] Pièce P-10B, page 24, lettres A, B, C, D, E et G.
[18] Pièce P-10E.
[19] Pièce P-10A.
[20] Pièce D-34, déclaration sous serment, par. 4 et carte avec lisérés.
[21] Pièce D-3, 19 et 20 septembre 2016.
[22] Pièces P-3, P-4, P-9A (#23 à 27), P-9B, vidéos.
[23] Pièce P-9A, #12 et 13.
[24] Pièce P-9A, #23 à 29.
[25] Pièce D-2 «Déversement d’oxyde de fer dans Limoilou».
[26] Jugement 12 juillet 2016.
[27] 200-06-000169-139.
[28] Plan joint aux notes de plaidoiries des avocats des demandeurs.
[29] Voir le périmètre liséré en rouge à l’annexe 2 du présent jugement.
[30] Pièce D-26A, légende sur les cartes #8 et 12.
[31] Pièce P-42, #6 : Photographies; #11 et 12 : Achat de peinture : 52,59$;
#13 : Nettoyage des parements latéral droit et arrière : 977,28 $.
[32] Pièce P-19, chèque #8.
[33] Pièce P-58.
[34] Pièce D-27.
[35] Pièces D-29 et D-30.
[36] Pièce D-1D.
[37] Pièce P-46A.
[38] Pièce P-19, page 6, chèque du 12 novembre 2012.
[39] Pièce D-1G, 15 septembre 2016.
[40] Pièce D-1J, 15 septembre 2016.
[41] Pièce D-1A, interrogatoire hors cour le 14 septembre 2016.
[42] Pièces P-19 #4 chèque; P-21 #12, rapport de suivi de Paul Dumont.
[43] Pièce D-28.
[44] Pièce D-1B.
[45] Pièce P-47 #14 et ss.
[46] Pièce D-1F.
[47] Pièce D-1, I, K et L.
[48] Pièce P-56, produit de consentement.
[49] Pièce D-1H, 15 septembre 2016.
[50] Pièce D-33, 13 février 2018.
[51] Pièces D-1C, D-1, İ, K et L.
[52] Pièce P-28A, 17 février 2016, pages 146 ss.
[53] Pièce D-4, novembre 2016.
[54] Transcription de l’enregistrement, 1er novembre 2018 à compter de 10 h 19.
[55] Pièce P-20, lettre des avocats d’Arrimage avec documents, informations et annexe.
[56] Pièce P-27, lettre des avocats du Port de Québec.
[57] Pièce P-28A et différentes annexes (B à F), Denis Dionne, 2014, mise à jour au 14 septembre 2018;
Pièce D-5, Pascal Rhéaume, novembre 2016.
[58] Dionne, l’équivalent de deux journées complètes et Rhéaume, un peu plus d’une journée.
[59] Pièce P-28D, la carte #3 est reproduite en annexe 3 du présent jugement.
[60] Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand c. Québec (Curateur public), [1994] R.J.Q. 2761, 2783 (C.A.).
[61] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, 230.
[62] Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, [2008] 3 R.C.S. 392.
[63] Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR, [2011] 1 R.C.S. 214, 243 et 244.
[64] Comité d’environnement de Ville-Émard (CEVE) c. Domfer Poudres métalliques ltée, 2006 QCCA 1394.
[65] Barrette et Cochrane c. Ciment du St-Laurent inc., 2003 CanLII 36856 (QC CS).
[66] Surligné en rouge sur le plan joint en annexe 2.
[67] Syllogisme juridique décrit par la juge Deschamps dans Bou Malhab, préc., note 63.
[68] Michel Petit, Marcel Labrecque, Danielle Forgues et Jack McCarthy.
[69] Pièce D-16, annotations sur une carte, reproduite en annexe 4 au présent jugement.
[70] Chapitre I, section 1.3, A), par. 68.
[71] Chapitre I, section I.3, A), paragraphes 70 à 74.
[72] Pièce P-10A, page 2 joint en annexe 5 au présent jugement.
[73] Pièce P-10B #16, #20.
[74] Chapitre I, section 1.3B, paragraphes 77 et suivants.
[75] Julie Aylwin, no 44 sur le plan D-26A, carte 10.
[76] Séquence 88.
[77] Sur le plan D-26A, carte 10, #10 et 14.
[78] Pièce P-28F, 3 feuilles.
[79] Chapitre I, section I.3, B), paragraphes 92 et ss.
[80] Pièce D-26A, carte 11, point D.
[81] Chapitre I, section I.3, B) Zone bleue, paragraphes 99 et ss.
[82] Séquence 88 : demande non présentée pour adjudication (procès-verbaux de gestion, 6 mars et 7 mai 2018).
[83] Voir la délimitation sur la carte reproduite précédemment au paragraphe 54.
[84] 8 novembre 2018 à 16 h 25.
[85] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 46.1 et Loi sur la qualité de l’environnement RLRQ, c. Q-2, chapitre III.
[86] Préc., note 64.
[87] Préc., note 62, par. 114.
[88] 22 octobre 2014, par. 38 à 45.
[89] Ciment du St-Laurent, préc., note 62; et Domfer, préc., note 64.
Coalition pour la protection de l’environnement du parc linéaire «Petit train du Nord» et autres c. La Municipalité régionale du comté des Laurentides et autres et le Procureur général du Québec, 2004 CanLII 45407 (QC CS).
[90] Marcotte c. Banque de Montréal, 2009 QCCS 2764, par. 1105 ss.
[91] Robitaille c. Désourdy, AZ-50402022 (C.S.).
[92] Marcotte c. Féd. des Caisses Desjardins, [2014] 2 R.C.S. 805,
Martin c. Société Telus communications, 2014 QCCS 1554.
[93] Pièce P-29A.
[94] Pièce P-29A, figure 8.
[95] Pages 11 à 14 et figures 9, 10 et 11.
[96] Pièce P-29G.
[97] Marcotte c. Banque de Montréal, préc., note 90.
[98] Marcotte c. Banque de Montréal, [2014] 2 R.C.S 725, Marcotte c. Féd. Caisses Desjardins, [2014] 2 R.C.S. 805.
[99] Yves LAUZON, «Commentaires sous l’article 595», dans Luc CHAMBERLAND (dir.), Le Grand Collectif. Code de procédure civile. Commentaires et annotations, vol. 2 « Articles 391 à 836 », Montréal, Éditions Yvon Blais, 2015, pp. 2388 et suiv.
[100] Western Canadian Shopping Centres c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534.
[101] Préc., note 92.
AVIS :
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