Ouellette c. Agence du revenu du Québec

2013 QCCQ 2786

COUR DU QUÉBEC
Division administrative et d'appel

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre Civile »

 

No :

200-80-004912-117

200-80-004913-115

 

 

DATE :

19 mars 2013

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

FRANÇOIS GODBOUT, J.C.Q.  (JG1132)

______________________________________________________________________

 

No : 200-80-004912-117

 

RÉAL OUELLETTE

            Demandeur

c.

L'AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

            Défenderesse

 

                                                                                                                                                          

 

No : 200-80-004913-115

 

LINDA MONZEROLLE

            Demanderesse

c.

L'AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

            Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Les demandeurs, Réal Ouellette et sa conjointe Linda Monzerolle, appellent de la décision de l'Agence du revenu du Québec (l'Agence) de les cotiser pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007 en ajoutant à leur revenu déclaré des revenus d'entreprise qu'ils auraient touchés et omis de déclarer à la suite de la vente de quatre propriétés.

[2]           Ils contestent cette conclusion de l'Agence affirmant avoir toujours eu l'intention de demeurer très longtemps dans chacune desdites maisons, mais avoir dû faire d'autres choix selon la survenance de divers événements pendant cette période de temps.

[3]           Il s'agit principalement de situations familiales difficiles et d'événements survenus ultérieurement à certaines des acquisitions considérées par l'Agence et qui les auraient obligés à vendre et à déménager ailleurs.

[4]           L'Agence n'a pas retenu ces arguments et soutient plutôt que les appelants ont gagné un revenu qu'elle qualifie de revenu d'entreprise au regard des quatre transactions analysées et non de gain en capital.

[5]           À cet effet, elle invoque plus particulièrement, mais non limitativement, le nombre de transactions effectuées entre les années 2004 et 2007 et l'intention qu'elle prête aux parties d'avoir acquis ces diverses propriétés dans le but de les revendre.

[6]           L'Agence prétend également que ces motifs non avoués justifient l'imposition de la pénalité prévue à l'article 1049 de la Loi sur les impôts du Québec.

[7]           Il y a deux dossiers d'appel distincts, car deux des quatre propriétés sont détenues à parts égales par Monsieur Ouellette et sa conjointe, Madame Monzerolle, alors que cette dernière est la seule propriétaire déclarée des deux autres.

[8]           Toutefois, les faits à considérer étant les mêmes, une preuve commune fut présentée et de ce fait, un seul jugement disposera de ces deux litiges, avec des conclusions spécifiques au regard de chacun, s'il y a lieu.

[9]           Les parties ont d'ailleurs consenti à ce qu'il en soit ainsi.

 

TRAME FACTUELLE

[10]        Monsieur Réal Ouellette et madame Linda Monzerolle sont conjoints depuis plusieurs années. Ils ont deux filles, l'une née le […] 1987 et l'autre le […] 1991. Monsieur Ouellette était charpentier-menuisier de métier et madame Monzerolle était thérapeute en réadaptation physique à l'époque concernée par le litige.

[11]        Le 10 janvier 2003, ils ont acquis, à parts égales, un terrain vacant situé dans un nouveau développement domiciliaire à Saint-Basile-le-Grand, au coût de 55 068 $, taxes incluses, et y ont fait construire une résidence dont ils ont pris possession le ou vers le 17 avril 2003.

[12]        Monsieur Ouellette occupe alors la fonction de surintendant pour une compagnie de construction oeuvrant principalement dans la construction de condominiums. C'est lui qui a vu à la construction de cette maison au […], avec l'aide de sous-traitants et Madame Monzerolle a également pris une part active, s'occupant du choix des matériaux, des plans, de l'aménagement et des accessoires divers nécessaires pour une maison.

[13]        Le 26 avril 2003, Madame Monzerolle fait une chute alors qu'elle aide une collègue de travail à déménager. Elle est alors victime d'une triple fracture à la cheville, ce qui l'oblige à subir des interventions chirurgicales.

[14]        Il en résulte des séquelles importantes qui limitent beaucoup ses capacités à se déplacer et l'obligent à arrêter de travailler pendant une année, son travail de thérapeute exigeant qu'elle soit constamment debout et en mouvement, ce qu'elle ne pouvait plus faire alors.

[15]        De plus, à la suite de sa chute, elle développe un syndrome de dystrophie réflexe et ressent des douleurs importantes.

[16]        Parallèlement à ces événements, les demandeurs éprouvent beaucoup de difficultés avec leur aînée et les relations sont très tendues.

[17]        Le fait que leur nouvelle maison soit à aire ouverte pose problème, selon eux, et la mobilité très réduite de Madame Monzerolle à la suite de sa triple fracture à la cheville pose également problème puisque les chambres sont situées à l'étage.

[18]        Qui plus est, une erreur fut commise par l'arpenteur qui a préparé le certificat de localisation de leur maison, de sorte qu'il manquait une partie de terrain sur un côté et, d'autre part, la municipalité entreprend des travaux de prolongement d'une piste cyclable qui font en sorte qu'elle se trouve à passer tout près de leur patio.

[19]        Monsieur Ouellette perd son emploi en juillet 2003 et décide de former sa propre compagnie, Habitations Quo Vadis inc., laquelle est immatriculée le 19 août 2003. Son activité principale est décrite au Registre des entreprises comme étant la promotion et la construction de maisons individuelles.

[20]        Quant à Madame Monzerolle, elle est remerciée par son employeur en 2004 et ce n'est qu'à partir de l'automne 2005 qu'elle peut reprendre le travail à quelques jours semaine.

[21]        Les demandeurs décident de vendre la maison du […], d'acheter un terrain dans le même secteur et d'y construire une nouvelle maison, cette vente étant complétée le 7 juin 2004.

[22]        Le terrain est acquis au […], le 26 mars 2004, au coût de 59 473 $, taxes incluses, et ils prennent possession de leur nouvelle résidence le 5 juin 2004, dont l'aménagement intérieur convient davantage à leurs besoins, semble-t-il. Toutefois, leur fille aînée qui occupait le sous-sol quitte la maison pour aller vivre avec quelqu'un d'autre à Montréal quelque temps après leur arrivée.

[23]        Les demandeurs affirment qu'ils ont alors décidé d'acheter un terrain plus petit et d'y construire une maison plus petite avec un accès de l'extérieur au sous-sol, permettant de se rendre directement au bureau de Monsieur Ouellette.

[24]        Le terrain choisi est situé au […], à Saint-Bruno, et est acquis le 25 février 2005 au coût de 36 808 $, taxes incluses. Les demandeurs prennent possession de la nouvelle maison le 3 juin 2005, la propriété sur la rue l'Ile de France étant vendue le 13 juin 2005.

[25]        C'est pendant cette période que Madame Monzerolle règle hors Cour le recours judiciaire en responsabilité qu'elle avait initié contre le propriétaire de l'immeuble où elle avait fait une chute dans un escalier en 2003. Elle touche une indemnité de 65 000 $.

[26]        La compagnie de Monsieur Ouellette faisant de bonnes affaires, il a besoin de plus d'espace et les limites de mouvement occasionnées à la demanderesse des suites de sa multiple fracture à une cheville amènent les parties à décider de vendre le 2220, des Cèdres et de déménager en bordure d'un terrain de golf, à Carignan, toujours dans le même secteur.

[27]        Ils achètent donc un terrain au 195, Antoine Fortier, le 15 septembre 2005 et ils déboursent 117 533 $, taxes incluses, pour en faire l'acquisition. Une nouvelle maison y est construite et ils en prennent possession le 15 juin 2006, après avoir vendu leur résidence de la rue des Cèdres, à Saint-Bruno, la vente notariée étant datée du 22 juin 2006.

[28]        Cette nouvelle maison est également mise en vente l'année suivante, essentiellement à cause des inconvénients liés aux activités du club de golf voisin et des méthodes d'entretien utilisées.

[29]        Ils expliquent que des balles de golf se retrouvaient souvent sur le terrain, Monsieur Ouellette et sa fille cadette ayant même été touchés une fois par une telle balle. De plus, la tonte de la pelouse du terrain s'effectue très tôt le matin et le bruit des tondeuses les importune puisque les fenêtres de leur chambre à coucher donnent sur le golf.

[30]        De nombreuses plaintes auprès du golf et du service de police n'ont pas donné, pour les demandeurs, les résultats escomptés.

[31]        La vente a donc lieu le 18 octobre 2007 et les demandeurs aménagent dans une nouvelle maison qu'ils ont construite sur un autre terrain dans la même rue, au 207, Antoine Fortier, en octobre 2007.

[32]        Cette dernière résidence fut également ultérieurement vendue, mais cette situation ne fait pas l'objet de considération au regard du présent litige. C'est la transaction du 18 octobre 2007 qui est la dernière prise en compte par l'Agence dans l'établissement de ses avis de cotisation pour les années d'imposition faisant l'objet du présent litige.

[33]        Les deux derniers terrains achetés le furent au nom de Madame Monzerolle seulement, et Monsieur Ouellette a affirmé lors de son témoignage que c'était sur recommandation de son comptable que sa conjointe et lui avaient décidé d'agir ainsi.

 

ANALYSE

[34]         L'une des règles fondamentales à la base du système d'imposition sur les revenus au Québec est l'autodéclaration des revenus.

[35]        Le contribuable est responsable d'additionner l'ensemble de ses revenus provenant de chaque source et il doit connaître et prendre en compte les exemptions et les modes particuliers de calcul, s'il en est, de chacune de ces sources.

[36]        L'un des corollaires à cette obligation faite au contribuable de déclarer tous ses revenus, c'est la présomption de validité d'une cotisation émise par l'Agence, dont la responsabilité première est de percevoir les impôts réellement dus.

[37]        Puisque le contribuable est censé, selon la loi, déclarer l'ensemble de ses revenus imposables, il va donc de soi que la cotisation qui en résulte soit réputée valide.

[38]        Cette présomption de validité d'une cotisation fait en sorte que le fardeau de preuve est renversé et que c'est à celui qui en conteste la validité d'en faire la preuve.

[39]        Il est établi en jurisprudence que cette preuve ne peut résulter du seul fait qu'un contribuable nie l'exactitude des prétentions de l'Agence au regard de tous ses revenus.

[40]        Elle oblige à une forme de corroboration qui peut apparaître d'un exposé des faits crédibles et non contestés qui appuie la version contraire à celle soutenue par l'Agence et/ou de la considération de preuve matérielle.

[41]        En l'espèce, l'avocat des demandeurs a très bien résumé la problématique en soumettant à la Cour que la seule et unique question était de déterminer si Madame Monzerolle et Monsieur Ouellette avaient transigé, comme ils l'ont fait, dans le but d'avoir un revenu d'affaires.

[42]        Les différentes caractéristiques de chacune des transactions immobilières prises en compte par l'Agence pour justifier les avis de cotisation émis pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007 ne sont pas contestées.

[43]        Les dates de ces transactions, les parties impliquées, les montants versés et les montants reçus ne sont pas contestés.

[44]        Ainsi, les chiffres utilisés dans le calcul des cotisations émises, et qui sont l'objet du présent appel n'ont pas à être révisés.

[45]        Ce qui doit l'être, selon les demandeurs, c'est la conclusion tirée par l'Agence que les revenus en découlant en leur faveur soient des revenus d'entreprise.

[46]        L'entreprise est définie à l'article 1 de la Loi sur les impôts:

«« Entreprise »

« entreprise » comprend une profession, un métier, un commerce, une manufacture ou une activité de quelque genre que ce soit, y compris, sauf aux fins du paragraphe a du premier alinéa de l'article 164, de l'article 250.4 et du paragraphe i du deuxième alinéa de l'article 726.6.1, un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, mais ne comprend pas une charge ni un emploi; »

[47]        De cette définition, il s'infère en quelque sorte que toute activité de quelque genre que ce soit est une entreprise, au sens de la loi, sauf une charge ou un emploi et un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial lorsqu'il est considéré au regard de certains articles de la même loi.

[48]        La loi prévoit également que sauf dans certaines dispositions spécifiques qu'elle précise, le revenu d'un contribuable provenant d'une entreprise ou d'un bien est le bénéfice qu'il en tire (article 80).

[49]        Ainsi, en l'espèce, si la Cour qualifie l'activité décrite d'achats de terrain, de constructions de maison, de leur première occupation pendant un certain temps et de leur vente par la suite, comme étant une entreprise, les revenus en résultant deviennent imposables.

[50]        La jurisprudence est abondante sur le sujet, mais la décision du Juge Jean Filion de la Cour provinciale rendue le 28 décembre 1978 demeure toujours parmi les plus citées au regard des conditions requises pour juger s'il y a un gain de capital[1].

[51]        Puisque les gains en capital proviennent de l'aliénation d'un bien (article 232), il est fait utilisation de cette énumération non exhaustive de différentes conditions pouvant être prises en compte dans le but de déterminer si le produit de l'aliénation, objet du litige soumis, est un gain de capital ou non.

[52]        Cette méthode d'analyse a contrario est un outil perfectible qui permet d'établir une certaine distinction dans le but de déterminer si nous sommes en présence de revenus d'entreprise.

[53]        Cette utilité est d'autant plus grande lorsqu'il s'agit de déterminer, comme c'est le cas en l'espèce, si des ventes répétées et assez rapprochées dans le temps de leur résidence principale par ses propriétaires constituent la preuve d'une activité au sens de la définition d'une entreprise dans la loi.

[54]        Les demandeurs considèrent qu'il s'agit d'un programme du régime fiscal qui est abstrait et dont les lignes directrices sont vagues et générales.

[55]        Ils soutiennent que chaque individu a son histoire et que la leur ne fut pas niée ni contredite et qu'elle repose sur des situations particulières réellement vécues auxquelles ils ont dû s'ajuster à mesure qu'elles se présentaient.

[56]        Certaines sont plus personnelles que d'autres, mais elles sont presque toutes expliquées comme résultant directement de besoin d'espace et d'utilisation de ces espaces, et ce, pour des raisons personnelles, mais également pour des besoins professionnels de la compagnie qu'exploitait alors Monsieur Ouellette.

[57]        Le fait que ces raisons ne furent pas contredites par la preuve offerte ne signifie pas que ces diverses situations survenues au cours des années d'imposition faisant l'objet du présent litige ne furent pas prises en compte.

[58]        La Cour est d'avis que si certaines des situations vécues par Madame Monzerolle et Monsieur Ouellette de 2003 à 2007 peuvent peut-être justifier un changement de maison, elles ne peuvent pas être justification de tous les changements de leur résidence principale.

[59]        Ainsi, le fait que la vilaine chute subie par Madame Monzerolle lui ait causé une incapacité temporaire et une certaine incapacité permanente est devenu connu en 2003 et si la seule façon d'en atténuer les conséquences était de changer de maison, ce motif ne peut pas être utilisé à nouveau pour un autre déménagement.

[60]        De même, c'est en 2003 que Monsieur Ouellette a perdu son emploi et qu'il a décidé de lancer sa propre entreprise. Qu'il ait choisi de traiter ses affaires à partir de sa résidence principale peut également, peut-être, justifier un déménagement, si tant est qu'il n'y avait pas possibilité de réaménager cette résidence principale pour satisfaire ses besoins, mais on ne peut pas conclure que ce motif justifie plusieurs déménagements.

[61]        Les motifs liés à la situation familiale difficile que les demandeurs ont vécue à cette époque leur sont très personnels. Mais si tant est qu'il faille les prendre en compte puisque les demandeurs y ont fait spécifiquement référence, la preuve offerte oblige à conclure qu'ils ont eu un impact limité dans le temps puisque leur fille aînée a quitté le domicile familial pour aller s'établir à Montréal quelque temps après le déménagement au […].

[62]        Il s'agit de la deuxième des quatrièmes transactions examinées.

[63]        Le fait que Madame Monzerolle ait touché une indemnisation de 65 000 $ en règlement du litige qui l'opposait au propriétaire des lieux où elle avait fait sa vilaine chute ne justifie pas, à lui seul, un déménagement.

[64]        C'est davantage la décision d'en investir une partie importante dans l'immobilier qu'il faut retenir. Et cet investissement se concrétise par l'achat d'un terrain et la construction d'une résidence plus luxueuse, dans un quartier voisin, en bordure d'un terrain de golf.

[65]        Cette nouvelle résidence est à nouveau vendue, un peu plus d'un an plus tard, à cause des activités du club de golf, alors qu'au contrat d'achat de l'immeuble où elle fut érigée, il est précisé que l'acheteur, Madame Monzerolle, dégage de toute responsabilité le Golf Riviera au regard des balles de golf qui pourraient se retrouver sur son terrain et des activités de fonctionnement dudit terrain, ce qui inclut nécessairement les travaux d'entretien.

[66]        La preuve démontre que les quatre transactions analysées par l'Agence et qui ont conduit cette dernière à conclure qu'elles constituaient une activité d'entreprise présentent des caractéristiques communes.

[67]        Tous les terrains où les maisons furent érigées étaient des terrains vacants au moment de leur acquisition, ils étaient tous situés dans le même secteur, lequel était alors en développement.

[68]        Les maisons furent toutes construites par le demandeur Ouellette, suivant la méthode dite de l'autoconstruction et elles furent chacune financées par une hypothèque prise sur la maison que les demandeurs occupaient pendant la construction de la nouvelle.

[69]        Les demandeurs furent toujours les premiers occupants de ces maisons lorsqu'elles étaient complétées et leur vente a toujours généré un profit important.

[70]        Qui plus est, la promotion et la construction de maisons individuelles constituent le premier facteur d'activité déclaré par la compagnie de Monsieur Ouellette incorporée en 2003.

[71]        La Cour conclut, après analyse de la preuve offerte, que l'Agence a eu raison de conclure que les transactions analysées pendant la période d'imposition en litige constituent une activité de la nature d'une entreprise au sens de la loi.

[72]        La décision de l'Agence de cotiser les demandeurs pour les revenus découlant de ces transactions est donc bien fondée.

[73]        Il reste à déterminer si les pénalités imposées sont également justifiées, compte tenu de toutes les circonstances.

[74]        L'article 1049 de la loi prévoit que toute personne (un contribuable) qui sciemment ou dans des circonstances qui équivalent à de la négligence flagrante fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus encoure une pénalité dont la méthode de calcul y est précisée.

[75]        Une conclusion de cette nature ayant un caractère tout à fait arbitraire, les tribunaux ont développé des critères afin de déterminer si un contribuable a fait preuve d'une négligence flagrante.

[76]        La Cour d'appel du Québec nous les rappelle dans l'arrêt Saint-Georges c. Québec[2]  :

« [19] Les critères appliqués par les tribunaux afin de déterminer si le contribuable a fait preuve de « négligence flagrante » au sens de l'article 1049 L.I. sont connus :

·        l'importance des sommes omises, la valeur des justifications fournies par le contribuable et les circonstances dans lesquelles l'omission est survenue;

·        la qualité des registres comptables tenus par le contribuable;

·        l'éducation, les connaissances et l'expérience en affaires du contribuable;

·        le fait que le contribuable ait reconnu ou déclaré volontairement les omissions, ou les faussetés, affectant les déclarations litigieuses;

·        la nature des relations antérieures entre le contribuable et le fisc;

·        la crédibilité du contribuable. »

[77]        La Cour est d'avis que dans la présente affaire, compte tenu de l'ensemble des circonstances, il n'y a pas lieu de maintenir les pénalités imposées aux demandeurs.

[78]        Certes, le demandeur Ouellette est en affaire dans le domaine de la construction de maisons individuelles, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'il possède les connaissances fiscales applicables à ce domaine d'activité pour conclure qu'il a fait preuve de négligence flagrante en omettant de déclarer les revenus qu'il a touchés à la suite des transactions analysées.

[79]        Cette même conclusion s'applique encore davantage au regard de Madame Monzerolle. Elle a fait des profits importants et ils devront être ajoutés à ses revenus, mais on ne peut conclure qu'elle a agi d'une façon qui constitue une négligence flagrante.

[80]        Il ne faut pas oublier que le fardeau de preuve pour justifier une imposition d'une pénalité est à la charge de l'Agence et que la preuve offerte à cet égard doit avoir le caractère prépondérant requis.

[81]        Celle offerte en l'espèce ne permet pas cette conclusion. Le seul fait que Madame Monzerolle ait déclaré à la vérificatrice, lors d'une conversation téléphonique située le 23 septembre 2009, que le but des reventes des immeubles était de profiter du marché ne suffit pas à conclure qu'il y a lieu d'imposer une pénalité. Cet aveu appuie toutefois le bien-fondé de la conclusion tirée qu'il s'agissait d'une activité de la nature d'une entreprise.

[82]        L'impôt dû à la suite de ce ces transactions sera donc établi par de nouveaux avis de cotisation dont l'Agence devra exclure la partie concernant l'imposition d'une pénalité.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Dossier 200-80-004912-117

ACCUEILLE l'appel pour partie;

DÉCLARE que les revenus touchés par le demandeur, Réal Ouellette, à la suite des transactions analysées doivent être ajoutés à son revenu déclaré pour les années d'imposition où ils furent encaissés;

STATUE que le demandeur, Réal Ouellette, ne doit pas encourir la pénalité prévue à l'article 1049 de la Loi sur les impôts;

ANNULE les avis de cotisation portant les numéros MW644925C01 et MR278501C01 émis le 21 juin 2010;

ANNULE l'avis de cotisation portant le numéro MU132576C01 émis le 7 juin 2010;

RÉFÈRE le dossier à l'Agence du revenu du Québec afin qu'elle émette de nouveaux avis de cotisation à l'encontre de Réal Ouellette pour les années d'imposition 2004, 2005 et 2007 sans ajout de la pénalité prévue à l'article 1049 de la Loi sur les impôts;

LE TOUT, sans autres frais que la confiscation du dépôt, si dépôt il y a eu.

 

Dossier 200-80-004913-115

ACCUEILLE l'appel pour partie;

DÉCLARE que les revenus touchés par la demanderesse, Linda Monzerolle, à la suite des transactions analysées doivent être ajoutés à son revenu déclaré pour les années d'imposition où ils furent encaissés;

STATUE que la demanderesse, Linda Monzerolle, ne doit pas encourir la pénalité prévue à l'article 1049 de la Loi sur les impôts;

ANNULE les avis de cotisation portant les numéros MU132577C01 et MU124007C01 émis le 7 juin 2010;

ANNULE les avis de cotisation portant les numéros MW644926C01 et MR328527C01 émis le 21 juin 2010;

RÉFÈRE le dossier à l'Agence du revenu du Québec afin qu'elle émette de nouveaux avis de cotisation à l'encontre de Linda Monzerolle pour les années d'imposition 2004, 2005, 2006 et 2007 sans ajout de la pénalité prévue à l'article 1049 de la Loi sur les impôts;

 

 

LE TOUT, sans autres frais que la confiscation du dépôt, si dépôt il y a eu.

 

 

 

 

 

 

Juge François Godbout, J.c.Q.

 

 

Me Louis Sirois

Sirois Tremblay & Associés (casier #212)

Procureurs des demandeurs

 

Me Louis Riverin et Julie Lemieux, stagiaire

Larivière Meunier  (casier #129)

Procureurs de la défenderesse

 

 

Date d’audience :

23 janvier 2013

 



[1]     Ace Holdings Ltd c. The Deputy Minister of Revenue of the Province of Quebec, AZ-79033013

[2]     Saint-Georges c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCA 1442

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.