Décision

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VX5 Technologies inc. c. Ambassade Bitcoin

2016 QCCS 5765

JG-1462

 
COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N° :

500-17-082627-145

 

 

 

 

DATE :

le 9 décembre 2016

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE PIERRE-C. GAGNON, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

VX5 TECHNOLOGIES INC.

Demanderesse

c.

AMBASSADE BITCOIN

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT RECTIFICATIF[1] D’UN JUGEMENT RENDU

LE 23 NOVEMBRE 2016

______________________________________________________________________

 

[1]                  VX5 Technologies inc. ( « VX5 » ) poursuit Ambassade Bitcoin, entité constituée en vertu de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif [2] (ce qui étonne, compte tenu des faits résumés ci-après).

[2]                  Après un chassé-croisé intense parsemé d’injonctions dès l’ouverture du dossier, à l’été 2014, l’affaire procède au fond en octobre 2016. À ce stade, Ambassade Bitcoin ne prend pas part au procès, bien que dûment convoquée[3]. Ceci entraîne inévitablement le rejet de sa demande reconventionnelle (28 août 2014).

 

[3]                  Dans ses actes de procédure, VX5 réclame :

·        une injonction permanente à Ambassade Bitcoin de se conformer à l’Agreement[4] jusqu’à son terme le 5 février 2019, et de cesser de nuire aux activités de VX5 prévues à ce « bail »;

·        une condamnation d’Ambassade Bitcoin à des dommages-intérêts (compensatoires) de 10 000 $;

·        une condamnation d’Ambassade Bitcoin à des dommages-intérêts exemplaires de 25 000 $.

[4]                  À l’audience, et donc en l’absence d’Ambassade Bitcoin, VX5 demande successivement des modifications à ses conclusions recherchées, comme suit :

·        compte tenu de la tournure des évènements (relatés ci-après), elle renonce à sa demande d’injonction permanente et réclame plutôt une déclaration judiciaire de résiliation de l’Agreement en date du présent jugement;

·        VX5 demande, si les revenus dont Ambassade Bitcoin l’a privée dépassent 10 000 $, qu’alors la réclamation soit haussée jusqu’à ce montant supérieur;

·        VX5 demande que la demande de 25 000 $ compense des dommages moraux plutôt que des dommages exemplaires ou punitifs;

·        VX5 demande que le jugement soit prononcé contre Mathieu Gagnon, Jean-Marc Jacobson et Guillaume Boivin-Tremblay personnellement, en plus d’Ambassade Bitcoin;

·        VX5 demande aussi d’appliquer l’article 342 du Code de procédure civile              ( « C.p.c. » ) en ajoutant aux frais de justice les honoraires professionnels de Me Sheitoyan.

[5]                  Cependant, bien que Me Sheitoyan ait disposé d’un délai jusqu’au 2 novembre 2016 pour transmettre copie de ses notes d’honoraires, le Tribunal n’a rien reçu de tel en date du jugement.

[6]                  Le droit de modifier de la sorte certaines des conclusions des actes de procédure, pose problème procédural.

A.           LES FAITS PERTINENTS

[7]                  Il est question ici de bitcoins, une monnaie virtuelle et électronique qui s’échange par le réseau internet. Cette monnaie n’est pas émise par une entité étatique ou bancaire. Au départ en 2009, son concepteur a mis en circulation 21 millions de bitcoins, qui s’échangent depuis sans égard aux frontières. La valeur d’un bitcoin fluctue en fonction de l’offre et de la demande. Il n’existe pas de billets ou de pièces de monnaie, mais plutôt des certificats de détention d’un certain nombre de bitcoins.

[8]                  L’âme dirigeante de VX5[5] est M. Fadi Azzouz, un homme d’affaires oeuvrant principalement dans le domaine de l’immobilier, faut-il comprendre.

[9]                  En 2013, M. Azzouz entend parler du tout nouveau bitcoin, qui suscite un engouement planétaire. Surtout, il apprend que des ingénieurs d’Ottawa (regroupés sous la dénomination Bit Access) ont conçu la toute première machine distributrice de bitcoins, qui permettra de gérer efficacement l’échange ou transfert des certificats de bitcoins.

[10]               M. Azzouz décide, autant par défi que par plaisir, de lancer une petite entreprise, VX5, pour veiller l’exploitation d’une première machine distributrice, puis d’autres qui suivront. L’objectif de faire des profits n’est pas primordial.

[11]               Ce faisant, M. Azzouz reconnaît être un « outsider » et non un membre à part entière de la « communauté bitcoin », un assortiment de mordus qui passent la journée devant leur ordinateur à partager leur passion pour les algorithmes (selon M. Azzouz).

[12]               En négociant l’acquisition de la première machine distributrice, M. Azzouz apprend des ingénieurs de Bit Access qu’il aurait intérêt à contacter Ambassade Bitcoin, qui regroupe des enthousiastes montréalais du Bitcoin. Un premier contact a lieu à la mi-janvier 2014.

[13]               Il faut faire vite en vue d’être les premiers sur le marché avec une machine distributrice. Les négociations entre VX5 et Ambassade Bitcoin mènent rapidement à la conclusion de l’Agreement  du 4 février 2014.

[14]               La formule d’affaires est simple : la machine distributrice de VX5 doit être installée et mise en service à l’intérieur du local d’Ambassade Bitcoin, sur le boulevard Saint-Laurent, à Montréal. La présence de la machine attirera plein de gens auprès de qui Ambassade Bitcoin réalisera son objectif en tant qu’organisme sans but lucratif, soit « the promotion of the adoption of Bitcoin » [6].

[15]               Les utilisateurs de la machine devront payer des commissions variant de 5 % à  9 % sur leurs transactions de bitcoins. Ces commissions constitueront les recettes.

[16]               Les recettes seront partagées comme suit :

·        20 % à Bit Access, à titre de redevances pour la machine;

·        40 % à VX5;

·        40 % à Ambassade Bitcoin.

[17]               Une course contre la montre permet à VX5 de brancher sa machine distributrice un mois seulement après une autre à Vancouver, la toute première au Canada. Les médias rapportent cette initiative[7].

[18]               Ainsi lancées au début de février 2014, les activités se déroulent sans anicroche jusqu’à la fin d’avril 2014.

[19]               M. Azzouz constate le 27 avril 2014 une chute dramatique des recettes. Par contre, quand il se rend sur place surveiller ce qui se passe, les transactions sur la machine vont bon train, jusqu’à ce qu’il quitte le local et qu’alors les transactions diminuent de nouveau.

[20]               M. Azzouz dépêche sur les lieux M. Donald Michelot, un faux acheteur. Dès qu’il se présente devant la machine distributrice, M. Michelot est abordé par Mathieu Gagnon d’Ambassade Bitcoin, qui l’attire plus loin dans le local pour lui offrir une transaction sans machine à un meilleur taux. M. Azzouz conclut à détournement de clientèle en contravention de l’Agreement.

[21]               En mai 2014, VX5 entreprend des démarches dans le présent dossier et se procure diverses ordonnances injonctives qu’Ambassade Bitcoin a tôt fait de déjouer.

[22]               Notamment :

·        Ambassade Bitcoin sollicite des utilisateurs de la machine distributrice grâce aux coordonnées captées par la machine lors de transactions antérieures, et offre à ces utilisateurs de transiger directement avec elle, sans utiliser la machine;

·        Ambassade Bitcoin verrouille les portes d’accès du local, coupe l’alimentation électrique de la machine ou le lien internet de celle-ci, la mettant délibérément hors d’usage;

·        au début de janvier 2015, Ambassade Bitcoin reçoit livraison d’une autre machine distributrice, sans lien avec VX5, et commandée de longue date. Dès alors, Ambassade Bitcoin verrouille la porte donnant accès direct à la machine de VX5, coupe l’éclairage de cette section du local et aménage une autre section bien éclairée avec une deuxième porte donnant accès direct à « sa » nouvelle machine.

[23]               À la fin de l’été 2014, Ambassade Bitcoin accepte la présence quasi-continuelle dans le local d’un observateur de VX5 (et de Bit Access), M. Fawad Mueed. Mais celui-ci se retrouve progressivement entravé et intimidé.

[24]               De guerre lasse, VX5 cesse d’exploiter sa machine distributrice à la fin de février 2015.

[25]               M. Azzouz produit un relevé des recettes réalisées[8] qui permet, selon lui, de comparer des périodes dites « normales » avec d’autres durant lesquelles Ambassade Bitcoin a délibérément fait diminuer le nombre de transactions. Le voici intégralement reproduit :

Revenues for the period of February 5, 2014 to February 25, 2015

     From                    To                       Amount            Days       $/day

1.   5-Feb-14             12-Feb-14     $ 36,710.00              8          $ 4,588.75

2.   13-Feb-14           20-Feb-14     $ 21,330.00              8          $ 2,666.25

3.   21-Feb-14           28-Feb-14     $ 18,880.00              8          $ 2,360.00

4.   1-Mar-14             8-Mar-14        $ 23,850.00              8          $ 2,981.25

5.   9-Mar-14             16-Mar-14     $ 15,535.00              8          $ 1,941.88

6.  17-Mar-14            24-Mar-14     $ 14,630.00              8          $ 1,828.75

7.  25-Mar-14            1-Apr-14        $ 25,820.00              7          $ 3,688.57

8.  2-Apr 14               9-Apr-14        $ 20,840.00              8          $ 2,605.00

9. 10-Apr-14             17-Apr-14      $ 18,660.00              8          $ 2,332.50

10. 18-Apr-14           25-Apr-14      $ 12,445.00              8          $ 1,555,63

11. 26-Apr-14           3-May-14       $   9,765.00              8          $ 1,220.63

12. 4-May-14            11-May-14     $ 13,495.00              8          $ 1,686.88

13. 12-May-14          19-May-14     $ 16,940.00              8          $ 2,117.50

14. 20-May-14          27-May-14     $ 11,380.00              8          $ 1,422.50

15. 28-May-14          3-Jun-14        $   7,410.00              8          $    926.25

16. 4-Jun-14              7-Jun-14        $   9,425.00              4          $ 2,356.25

17. 8-Jun-14              18-Jun-14      $ 28,780.00 ‘                        11       $ 2,616.36

18. 19-jun-14             29-Jun-14      $ 21,010.00              11       $ 1,910.00

19. 30-Jun-14           10-Jul-14       $ 38,930.00              11       $ 3,539.09

20. 11-Jul-14             21-Jul-14       $ 43,875.00              11       $ 3,988.64

21. 22-Jul-14             1-Aug-14       $ 53,850.00              11       $ 4,895.45

22. 2-Aug-14             12-Aug-14     $ 43,710.00              11       $ 3,973.64

23. 13-Aug-14          23-Aug-14     $ 41,160.00              11       $ 3,741.82

24. 24-Aug-14          3-Sep-14       $ 43,090.00             11       $ 3,917.27

25. 4-Sep-14            15-Sep-14     $ 40,885.00              12        $ 3,407.08

26. 24-Sep-14          7-Oct-14        $ 45,110.00              14       $ 3,222.14

27. 8-Oct-14              24-Oct-14      $ 42,130.00              17       $ 2,478.24

28. 22-Oct-14           4-Nov-14        $ 35,065.00              14       $ 2,504.64

29. 5-Nov-14             18-Nov-14     $ 36,780.00              14       $ 2,627.14

30. 3-Dec-14            16-Dec-14     $ 28,825.00              14       $ 2,058.93

31. 17-Dec-14          13-Jan-15      $ 18,650.00              28       $    666.07

32. 14-Jan-15           28-Jan-15      $ 11,925.00              15       $    795.00

33. 29-Jan-15           11-Feb-15     $ 13,975.00              14       $    998.21

34. 12-Feb-15          25-Feb-15     $ 13,215.00              14       $   943.93

 

 

B.           LES DEMANDES DE MODIFICATION DES CONCLUSIONS

[26]               Faire un procès hors la présence de son adversaire comporte un net avantage : le tribunal n’entend qu’un point de vue, sans contradiction. Habituellement, le récit des faits est beaucoup moins complexe.

[27]               Mais faire un procès hors la présence de l’adversaire comporte au moins un net inconvénient : la marge de manœuvre pour modifier les allégations et conclusions des actes de procédure, est considérablement restreinte.

[28]               C’est en raison du principe directeur de la contradiction, énoncé à l’article 17 C.p.c. :

17.  Le tribunal ne peut se prononcer sur une demande ou, s’il agit d’office, prendre une mesure qui touche les droits d’une partie sans que celle-ci ait été entendue ou dûment appelée.

Dans toute affaire contentieuse, les tribunaux doivent, même d’office, respecter le principe de la contradiction et veiller à le faire observer jusqu’à jugement et pendant l’exécution. Ils ne peuvent fonder leur décision sur des moyens que les parties n’ont pas été à même de débattre.

[29]               Ce principe directeur est l’énoncé contemporain de l’adage classique « audi alteram partem » (écoute l’autre partie).

[30]               Dans l’arrêt Robillard[9], la Cour suprême a identifié ce principe fondamental, garant de l’équité du processus judiciaire, dont la transgression menace la légalité de toutes les procédures subséquentes, et donc du jugement qui en résulte.

[31]               Dans l’arrêt Zhang c. Jian[10], rendu le 24 octobre 2016, la Cour d’appel insiste sur les précautions qui auraient dû être prises, alors que la demanderesse a majoré sa réclamation de 500 000 $ à 2 326 400 $, sans accomplir toutes les procédures appropriées pour notifier adéquatement cette modification au défendeur.

[32]               Clairement, jugement ne peut être rendu contre une personne qui n’a pas été assignée dans le dossier concerné[11].

[33]               Par contre, la partie qui procède par défaut peut déclarer au tribunal qu’elle réclame moins que ce qu’énoncent ses actes de procédure (retraxit, dans l’ancien jargon). Ou encore, elle peut modifier sa position pour réclamer une conclusion ni plus onéreuse ni moins, mais équivalente. En principe, de telles modifications ne transgresseront pas le principe de la contradiction.

[34]               Sur le plan pratique, le défendeur doit savoir à quelle condamnation il s’expose selon l’énoncé des actes de procédure qui lui sont notifiées. Il peut alors décider de ne pas se défendre et de laisser le demandeur procéder en son absence.

[35]               Le demandeur ne peut ensuite profiter que le défendeur a choisi de ne pas participer au procès, pour modifier ses conclusions et réclamer à l’insu du défendeur plus que ce dont il a été informé.

[36]               Du moins, si le demandeur considère devoir modifier ses conclusions pour les rendre plus onéreuses pour le défendeur, alors il doit faire ajourner le procès et notifier ses modifications au défendeur avant la reprise du procès.

[37]               En application du principe directeur de la contradiction, le Tribunal ne peut prononcer aucune conclusion contre Mathieu Gagnon, Marc Jacobson et Guillaume Babin-Tremblay, qui n’ont jamais été assignés.

[38]               Le Tribunal ne croit pas comment il aurait pu majorer les dommages-intérêts compensatoires au-delà des 10 000 $ auxquels Ambassade Bitcoin se savait exposée. Toutefois, il n’est pas nécessaire de statuer sur ce point, car le Tribunal établit des dommages-intérêts compensatoires à 6 258,55 $, comme on le verra plus loin.

[39]               Par contre, le Tribunal autorise VX5 de ne plus réclamer l’exécution en nature de l’Agreement et d’opter plutôt pour la résiliation judiciaire. Il s’agit d’une démarche réaliste et pratique qui ne cause aucun préjudice réel à Ambassade Bitcoin.

[40]               De même, le Tribunal autorise la modification afin que les 25 000 $ soient réclamés pour dommages moraux plutôt que pour dommages punitifs ou exemplaires. La quotité de cette réclamation est inchangée. On reste dans la même problématique factuelle et juridique[12].

[41]               Avant de décider de ne pas venir au procès, Ambassade Bitcoin savait être exposée à une condamnation de 35 000 $ en dommages-intérêts. Ce total est inchangé. La qualification précise de  telle  indemnisation est une question de droit. Une fois encore, Ambassade Bitcoin ne saurait se plaindre d’un préjudice réel si cette modification est autorisée.

[42]               En résumé, le Tribunal :

·        accepte la modification consistant à remplacer la demande d’injonction permanente par une déclaration judiciaire de résiliation de l’Agreement;

·        considère sans objet la demande de majorer la conclusion concernant les dommages-intérêts compensatoires;

·        accepte la modification de sorte que la réclamation de 25 000 $ soit pour dommages-intérêts moraux plutôt que pour dommages-intérêts exemplaires;

·        refuse la modification visant à ce que jugement soit aussi prononcé contre Mathieu Gagnon, Marc Jacobson et Guillaume Babin-Tremblay personnellement.

C.           DÉCISION DU TRIBUNAL FACE AUX CONCLUSIONS

C.1.     Une déclaration judiciaire de résiliation

[43]               Le Tribunal fait droit à cette demande qui reflète la réalité concrète : les parties ont toutes deux cessé d’exécuter l’Agreement et n’en réclament plus l’exécution.

C.2.     Une réclamation de 10 000 $ en dommages-intérêts compensatoires

[44]               La preuve consiste dans le témoignage de M. Azzouz, et dans les données compilées au relevé de recettes P-4.

[45]               Selon M. Azzouz, la période du 5 février 2014 au 25 avril 2014 (lignes 1 à 10) en est une d’activités normales avec des recettes fluctuant de 1 555,63 $ par jour à 4 588,75 $ par jour (soit une moyenne de 2 608,75 $ par jour durant la période).

[46]               Toujours selon M. Azzouz, une autre période à considérer normale est celle se déroulant du 8 juin 2014 au 18 novembre 2014 (lignes 17 à 29). D’une part, Ambassade Bitcoin a momentanément respecté les injonctions sans chercher à les déjouer. D’autre part, VX5 et Bit Access ont mandaté M. Mueed pour surveiller sur place le fonctionnement de la machine distributrice, ce qui a dissuadé Ambassade Bitcoin de certaines initiatives malveillantes.

[47]               Pendant cette deuxième période dite « normale », les recettes moyennes ont été de 3 136,43 $ par jour.

[48]               Par comparaison, entre ces deux périodes normales, soit du 25 avril 2014 au 7 juin 2014 (lignes 11 à 16), les recettes moyennes ont chuté à 1 554,89 $ par jour.

[49]               Si la moyenne de 2 608,75 $ s’était prolongée durant les 44 jours de cette période anormale, les recettes totales auraient été supérieures de :

[44 jours X 2 608,75 $]  -  [44 jours » X 1 554,89 $]  =   46 370 $                                                                    ou

    114 785 $                  -               68 415 $              =   46 370 $

[50]               L’autre période anormale sur le relevé des recettes P-4 est celle s’écoulant du 3 décembre 2014 au 25 février 2015.

[51]               Durant cette dernière période de 85 jours, les recettes ont diminué à 86 590 $ au total soit une moyenne de 1 018,71 $ par jour.

[52]               Si la moyenne quotidienne de 3 136,43 $ avait été préservée, les recettes totales auraient été de :

3 136,43 $    X  85 jours   =   266 596,55 $

 

[53]               Les recettes perdues durant cette période s’établissent à :

266 596,55 $  -  86 590 $  =  180 006,75 $

[54]               Les recettes perdues durant les deux périodes anormales sont de :

46 370 $  +  180 006,75 $  =  226 376,75 $

[55]               Le Tribunal applique un taux de commission moyen  de 7 % sur les transactions soit :

226 376,75 $    X    7 %      =  15 646,37 $

[56]               Ce montant représente les profits bruts que se seraient partagés Bit Access, VX5 et Ambassade Bitcoin, 40 % revenant à VX5 soit :

15 646,37 $     X  40 %       =    6 258,55 $

[57]               Le Tribunal statue que VX5 a établi son droit à des dommages-intérêts compensatoires de 6 258,55 $.

C.3      Une réclamation de 25 000 $ en dommages-intérêts moraux

[58]               L’article 1607 du Code civil du Québec donne à la victime d’une faute (contractuelle, en l’espèce) droit à réparation de son préjudice moral (non pécuniaire).

[59]               Ici, VX5 reproche à Ambassade Bitcoin d’avoir saboté le décollage et l’essor d’une petite entreprise qui entendait déployer une première machine distributrice de bitcoins, puis plusieurs autres ensuite.

[60]               M. Azzouz témoigne que le désastre de la relation commerciale avec Ambassade Bitcoin a détruit la crédibilité de VX5.

[61]               La preuve ne révèle rien sur de possibles démarches par VX5 pour relancer ses activités ailleurs et différemment, avec la première machine distributrice ou en s’en procurant d’autres.

[62]               Ce qu’on sait par contre, c’est que VX5 était une petite entreprise en démarrage, sans feuille de route déjà établie, que M. Azzouz a décidé d’exploiter sous forme de hobby, et sans pour autant renoncer à ses principales activités lucratives.

[63]               Mais il est vrai qu’en plus de priver VX5 de sa part des profits, Ambassade Bitcoin a agi avec malveillance, en profitant de la machine distributrice de VX5 pour attirer des clients, puis en se débarrassant d’un concurrent gênant quand sa propre machine a enfin été livrée.

[64]               Dans les circonstances, le Tribunal considère que VX5 a droit à des dommages-intérêts moraux de 5 000 $.

C.4      Frais de justice

[65]               VX5 a droit aux frais de justice, selon la règle édictée à l’article 340 C.p.c.

[66]               Cependant, il n’y a pas lieu d’ajouter une compensation pour le paiement des honoraires de Me Sheitoyan.

[67]               L’article 342 C.p.c. sert à sanctionner des manquements importants dans le déroulement de l’instance. Ici, preuve est faite du comportement inacceptable d’Ambassade Bitcoin dans le cadre de l’exécution de l’Agreement P-3. Mais il n’est pas démontré qu’Ambassade Bitcoin a eu un comportement répréhensible en tant que justiciable engagée dans les présentes procédures judiciaires.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[68]               ACCUEILLE en partie la demande introductive d’instance;

[69]               PRONONCE la résiliation de l’Agreement P-3 du 4 février 2014, en date du présent jugement;

[70]               CONDAMNE Ambassade Bitcoin à payer à VX5 Technologies inc. des dommages-intérêts de 11 258,55 $ avec intérêts au taux légal de 5 % plus l’indemnité additionnelle édictée à l’article 1619 du Code civil du Québec, à partir du 29 mai 2014[13];

[71]               REJETTE la demande reconventionnelle d’Ambassade Bitcoin;

[72]               AVEC FRAIS DE JUSTICE.

 

 

_____________________________

L’Honorable Pierre-C. Gagnon, j.c.s.

 

Me Richard Sheitoyan

Pour la demanderesse

 

 

Date d’audience : le 25 octobre 2016

 

 



[1]     Pour insérer le tableau au paragraphe [25] et corriger une coquille au paragraphe [34].

[2]     L.C. 2009, ch. 23. Voir le relevé CIDREQ P-2.

[3]     L’avocat d’Ambassade Bitcoin a cessé d’occuper le 25 mai 2016. Ambassade Bitcoin n’a pas donné suite à la mise en demeure de mandater un nouvel avocat, notifiée le 1er septembre 2016.

[4]     Pièce P-3.

[5]     Dont la dénomination sociale était initialement 7807317 Canada inc. (signataire de l’Agreement P-3). Voir le relevé CIDREQ D-1.

[6]     Préambule de l’Agreement P-3.

[7]     Liasse P-1.

[8]     Pièce P-4. Pour les fins du jugement, le Tribunal a numéroté chaque ligne de ce relevé.

[9]     Robillard c. Commission hydroélectrique de Québec, [1954] R.C.S. 695; également, Alliance des professeurs catholiques de Montréal c. Commission des relations ouvrières du Québec, [1953] R.C.S. 140.

[10]    2016 QCCA 1713.

[11]    780500 Ontario Limited c. Baillargeon Entreprises inc., (1990) R.D.J. 619 (C.A.); Restaurant Febo c. Slodovnick, (1986) R.D.J. 418 (C.A.).

[12]    Développement Olymbec inc. c. Avanti Spa de jour, 2016 QCCS 4320.

[13] Date du timbre judiciaire.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.