Décision

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Gabarit EDJ

R. c. Auger

2013 QCCS 2490

JV 0532

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

N° :

500-01-020150-097

 

 

 

DATE :

24 mai 2013

                  (Décision rectifiée: 27 mai 2013)

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MARTIN VAUCLAIR, J.C.S.

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

                                                 Requérante

c.

 

 

AUGER, Mario (002)

BEAULIEU, Daniel (003)

BERGER, Claude (006)

BIBEAU, René (010)

DAVID, Gaétan (036)

DEMERS, Claude (038)

DION, Mario (041)

DUMAIS, Jacques (044)

FORGUES, Simon (055)

GAGNÉ, Sylvain (060)

GAMACHE, Martin (062)

HAMILTON, Pierre (073)

HARTON, Alain (074)

HOUDE, Magella (078)

HUDON, Daniel (079)

MARTIN, Emery (102)

MÉNARD, Christian (106)

PEARSON, René (117)

PELLETIER, Marc (118)

PRUNEAU, Patrick (126)

ROBERT, Jonathan (132)

RUEST, Alain (143)

SOUCY, Maurice (145)

TANGUAY, Yvon (146)

VACHON, François (150)

VACHON, Sylvain (151)

VALLERAND, Ghislain (152)

                                     Intimés

 

DÉCISION SUR UNE REQUÊTE EN OPPOSITION

À UNE ORDONNANCE DE DIVULGATION EN VERTU DE LA COMMON LAW

(requête conjointe des groupes 1 et 2; art. 551.7  C.cr.)

 

 

RECTIFICATION

CONSIDÉRANT qu'il manque une partie de la dernière phrase du paragraphe 114 et qu'il y a lieu de le rectifier, qui est maintenant intégrée, cette phrase doit se lire comme suit:

«Il n'est pas déraisonnable d'envisager qu'un accusé, bien qu'en étant certain de ne pas avoir participé à un événement, ne se souvienne pas de son emploi du temps et veuille obtenir la confirmation par une preuve extrinsèque.»

Le 27 mai 2013,

 

 

__________________________________

MARTIN VAUCLAIR, J.C.S.

 

une ordonnance de non-publication partielle a été prononcée.

LA QUESTION

[1]   Les banques de renseignements criminels sont-elles, en soi, frappées d'un privilège  permettant au ministère public de soustraire son contenu à une obligation de divulgation?

CONTEXTE GÉNÉRAL

[2]   Les requérants doivent répondre à des accusations parmi les plus graves du droit criminel canadien, soit un chef de complot pour commettre plusieurs meurtres et plusieurs chefs de meurtre au premier degré[1]. Ces infractions auraient été perpétrées entre 1994 et 2002. Toutes les accusations découlent d'une opération policière baptisée SHARQc, visant quelque cent cinquante-six (156) personnes. La majorité des arrestations ont eu lieu le 15 avril 2009.

[3]   Le 5 octobre 2009, la poursuivante a déposé un acte d'accusation privilégié et a renvoyé directement les accusés à procès, sans enquête préliminaire.  Les requérants font partie d'un groupe de personnes qui formait le groupe de Québec. Leur procès doit bientôt commencer.

CONTEXTE DE LA REQUÊTE

[4]          Il est ici question de deux banques de renseignements criminels, à savoir la banque G11 et le SARC. La première n'est plus active, les informations qu'on y envoyait sont maintenant envoyées au SARC. Ce sont les informations envoyées dans ces deux banques qui font l'objet de l'opposition et plus particulièrement, les "synthèses" et les "rapports" qui en sont les imprimés. Ainsi, c'est toujours ces réalités très spécifiques qui sont discutées et j'utiliserai indifféremment le vocable de "la banque", les banques", "les banques de renseignements" ou encore "les documents recherchés".

[5]          Cette question de la pertinence des banques de renseignements a été débattue lors d'une première requête qui a abouti à la décision du 4 septembre 2012 (corrigée le 15 octobre) (ci-après: « la décision initiale ») déclarant pertinentes au sens de la divulgation de la preuve, les informations qui s'y retrouvaient. Je crois qu'il vaut de prendre quelques lignes pour rappeler le contexte de ce qui a été ordonné et pourquoi.

Ampleur de la divulgation de la preuve

[6]   Le moins que l'on puisse dire, c'est que le présent procès est particulier. La divulgation de la preuve est démesurée. Voici ce que j'écrivais dans ma décision:

[13] Mentionnons que cette enquête policière a colligé ou a généré une quantité sans précédent de renseignements et de preuve. Dans sa décision du 31 mai 2011, mon collègue le juge Brunton a conclu ce qui suit à propos de la preuve colligée:

[81] Certains chiffres illustrent la quantité de preuve qui a été communiquée à ce jour. Au quantitatif, il y a 4 341 666 fichiers au total; 565 572 fichiers PDF; 3 097 649 pages PDF; 24 446 fichiers audiovisuels; au-delà de 2.3 millions de résumés de conversations interceptées; 74 projets d'enquête recensés. La preuve communiquée lors des mégaprocès créée par l'Opération Printemps 2001 représente seulement 17 % de la preuve communiquée dans le présent dossier.

[82] Un des requérants, Robert Bonomo, qui a acquis une certaine expertise dans le domaine de l'informatique, a avancé quelques observations lors de son témoignage qui n'ont pas été contestées.

§ Si on ne parcourt que la refonte, plus les divulgations 15 à 17, à raison d'une demi-minute par fichier, 24 heures par jour, 7 jours par semaine, le temps de visionnement total sera de 7.21 ans;

§ Si on faisait une copie papier de la preuve, ceci représenterait une pile totalisant 145 km de haut ou l'équivalent de 371 Empire State Buildings.

[83] Qui parle de quantité de preuve parle également des défis pour la communiquer. À ce jour, la Cour a eu à rendre deux décisions ayant trait à la divulgation de la preuve - la première a permis à un nombre restreint de requérants d'avoir accès à des ordinateurs personnels dans leur cellule; la deuxième, à ordonner que des disques durs contenant la preuve soient fournis aux criminalistes qui ne désiraient plus se servir du site Internet qui a été créé par l'intimée pour fins de communication de la preuve.

[14] Mon collègue avait vu juste. Entre les arrestations et le 5 octobre 2009, il y a eu huit divulgations de la preuve. Depuis le 5 octobre 2009, il y a eu vingt (20) nouvelles divulgations de preuve dont la plus récente, au moment des auditions, était le 31 mai 2012.

[15] Si j'ignore l'impact réel de ces divulgations additionnelles sur la somme, il n'est certainement pas à la baisse.

[7]   Dans cette décision initiale, j'ai par la suite noté qu'en date du 5 juillet 2012, une 29e divulgation s'était ajoutée.

[8]   Le 25 octobre 2012, j'ai rejeté une demande des accusés recherchant la communication des enregistrements d'écoute dans les projets touchant les accusations et qui comportent 4,3 millions de résumés de conversations interceptées. En janvier 2013, le ministère public en est à la 35e divulgation. Les intimés ont additionné la taille de tous les fichiers divulgués et cela représente quelque 2,5 téraoctets.  

[9]   Ce rappel est nécessaire puisque le contexte est en lien direct avec la difficulté de statuer sur ce qui est ou n'est pas divulgué d'une part et, d'autre part, sur l'importance relative d'un élément de preuve en particulier. En effet, il ne fait aucun doute que cet amas d'informations pose d'importants défis pour les parties, mais aussi pour le juge qui doit trancher des questions touchant la valeur d'une information.

La pertinence ou ce dont il est question

[10]      Dans l’arrêt Globe and Mail, la Cour suprême rappelait qu’avant de débattre de l’existence du privilège, la partie qui veut obtenir la divulgation doit établir la pertinence minimale du fait qu’elle veut mettre en preuve. À défaut, il est inutile d’examiner la question[2].

[11]            La requête en arrêt des procédures pour défaut de divulgation de la preuve a occupé la Cour sur la période du 1er avril au 31 août 2012 en incluant le délibéré et elle  concernait les groupes de Québec et Sherbrooke dont les procès devaient commencer. Après l'audition d'une requête, j'ai rendu la décision initiale.

[12]      Voici les faits saillants de cette requête et des auditions:

·         Les accusés se plaignaient de nombreux problèmes de communication de la preuve et demandaient l'arrêt des procédures.

·         L'opération SHARQC a été une enquête planifiée où policiers et avocats du Directeur des poursuites criminelles et pénales ont participé conjointement à toutes ses étapes;

·         L'acte d'accusation, outre des meurtres à des dates spécifiques entre 1994 et 2002, reproche aux accusés un complot continu entre les années 1994 et 2002 pour commettre des meurtres;

·         L'enquête était en grande partie constituée d'événements criminels passés impliquant l'un ou l'autre des coconspirateurs, individuellement ou à plusieurs, que le poursuivant estimait pertinents à son dossier d'accusation;

·         Pendant l'enquête SHARQC, les policiers ont eu recours aux banques de données policières pour enquêter et recueillir la preuve nécessaire aux accusations.

·         Entre 1994 et 2002, les Hells Angels et les coconspirateurs ont fait l'objet d'une importante surveillance par les services policiers en général et plus spécifiquement par les services de renseignement criminel.

·         Il est en preuve que des événements impliquant des coconspirateurs, que le poursuivant souhaite mettre en preuve au procès, ont été surveillés par la section du renseignement des services de police. La preuve a révélé que les notes et les rapports de ces policiers étaient détruits après leur saisie dans les banques de renseignements, que les saisies de ces informations étaient validées avant la destruction des documents et que les banques de renseignements contiennent les seules traces de ces opérations. 

·         Entre 1994 et 2002, les Hells Angels et les coconspirateurs ont fait l'objet de plusieurs interventions policières. Les notes des policiers qui sont intervenus à l'époque sont aujourd'hui détruites, de même que plusieurs des dossiers policiers ou judiciaires originaux, le cas échéant.

·         Pour l'enquête SHARQC, le témoin collaborateur Boulanger qui est un ancien membre des Hells Angels dans les années pertinentes, a fourni de nombreuses déclarations qui impliquent ses anciens associés de partout au Québec dans des réunions pertinentes et importantes au chef de complot ou encore dans des activités illégales pertinentes à l'un ou l'autre des chefs d'accusation;

·         Pour l'enquête SHARQC, les policiers ont eu recours aux banques de renseignements afin de réunir des informations qui, à leurs yeux, confirmaient le témoin Boulanger.

·         Le ministère public a divulgué à tous les accusés, entre autres, de nombreux documents provenant des banques de renseignements. Il a également divulgué de nombreux rapports où il est question d'informations provenant de ces banques. La preuve a démontré que les informations d'origine n'ont pas été communiquées et que les policiers qui les rapportent en font une certaine interprétation.

·         Outre une approche théorique, le ministère public n'a jamais tenté de démontrer à la Cour, comme l'exige la jurisprudence, que les informations provenant des banques étaient manifestement non pertinentes au sens de la jurisprudence sur la communication de la preuve. Il s'est contenté de faire une preuve de la confidentialité des banques de données.

·         La décision initiale a conclu que le ministère public devait divulguer plusieurs informations encore non divulguées et présentant un lien de pertinence au sens de la communication de la preuve;

·         En outre, vu l'absence de démonstration prépondérante que la preuve était manifestement non pertinente ou qu'elle était frappée d'un privilège, la Cour a ordonné la divulgation de certaines informations contenues dans les banques de renseignements et plus particulièrement les informations:

·         contenues dans les banques de données à l'appui des rapports évolutifs (par. 508-509),

·         visant les témoins collaborateurs (par. 514)

·         visant deux noms, Alain Gince et Sylvain Gauthier, un prête-nom et une fausse identité du témoin Boulanger. (par. 515)

·         pour une période spécifique, soit de juin à décembre 1994, touchant des coconspirateurs spécifiques; (par. 516)

·         colligées entre les années 1994 et 2002 concernant les requérants et les coconspirateurs de même que celles concernant les témoins collaborateurs (par. 518)

·         de quelques documents spécifiques (par. 560, 587, 590, 599, 610, 615)

[13]      Ces éléments tirés des banques de données s'y retrouvent sous au moins deux types de documents, soit les synthèses et les rapports. Les "synthèses" sont des résumés ou des condensés de renseignements tandis que les "rapports" peuvent reproduire intégralement de plus longs documents. J'utiliserai indifféremment l'appellation "synthèse " pour simplifier.

[14]      La décision initiale comporte une section générale sur les synthèses, où je conclus à leur pertinence générale et à leur nécessaire divulgation sous réserve des privilèges applicables[3].

[15]      Le ministère public a alors déposé un avis d'opposition en vertu de l'article 37 de la Loi sur la preuve. Lors de la présentation de cette requête, après avoir donné l'occasion au ministère public de préciser l'intérêt public déterminé invoqué comme l'exige la jurisprudence[4], il est vite devenu apparent qu'il en était incapable. J'ai donc rejeté l'avis non conforme le 3 octobre 2012. Cette décision fut portée en appel devant la Cour d'appel qui, le 28 février 2013, l'a rejeté aussitôt entendu. Le ministère public a maintenant précisé les motifs précis de son objection à la divulgation.

LA PREUVE ENTENDUE*

[16]      Des auditions ex parte et des auditions en salle de cours ont été tenues[5]. Sept témoins ont été entendus, certains ont été déclarés témoins experts sur divers aspects des banques de renseignements. J'expliquerai ce que je retiens de l'ensemble de la preuve lors de l'analyse des questions soulevées.

LA POSITION DES PARTIES

[17]      Je repends ici les grandes lignes de la position des parties, je reviendrai sur les éléments plus spécifiques dans l'analyse des questions.

[18]       Dans sa requête, le ministère public cherche à faire reconnaître un privilège aux banques de renseignements criminels. Il estime que ces banques sont des communications internes de la police et qu'à ce titre, elles sont privilégiées en raison des critères de Wigmore. Il avance également qu'elles sont privilégiées en raison d'un nouveau privilège d'intérêt public de common law relié à celles-ci.

[19]      Par ailleurs, le ministère public prétend que les informations déjà divulguées provenant des banques constituent soit une renonciation partielle à un privilège dont elle pouvait se prévaloir ou une divulgation par inadvertance.

[20]      Cela dit, un passage souligné de l'arrêt Trang et la position du ministère public en plaidoirie quant à un certain renversement de fardeau ont laissé entendre qu'il demandait que soit reconnu un nouveau privilège générique aux banques. Cette position, défendue sans trop de vigueur oralement et qui ne ressort pas clairement de la requête écrite, a néanmoins été vigoureusement contestée.

[21]      Le ministère public estime que la preuve démontre sans équivoque que la divulgation d'une quantité importante de documents des banques met en péril la sécurité des personnes et le privilège de l'informateur. Ce risque provient des recoupements possibles entre les informations déjà en possession des accusés, leurs connaissances personnelles inévitables du contexte entourant leurs faits et gestes et la sensibilité des informations contenues dans les banques. En effet, les informations contenues aux banques n'ont pas été échangées en ayant à l'esprit qu'elles puissent être communiqué, de sorte qu'un travail de caviardage serait nécessaire, mais impossible dans le contexte. La preuve démontre également que la police, au sens large, a un besoin évident d'échanger l'information en toute confidentialité pour lutter contre la criminalité organisée. Un décret provincial reconnaît d'ailleurs cette réalité. 

[22]      Les intimés contestent que les banques puissent être sujettes à un nouveau privilège d'intérêt public, générique ou non. Ils réfutent également que les banques en soi puissent satisfaire les critères de Wigmore et devenir des communications internes de la police. Ils avancent que l'approche globale utilisée par la poursuite n'est qu'une façon de contourner un travail trop lourd que lui impose le choix des accusations et la divulgation de la preuve pertinente qui s'y rattache. La seule façon d'aborder la question des privilèges est de regarder les documents un à un en fonction des privilèges reconnus par la common law.

[23]      Selon les intimés, la preuve ne supporte pas les prétentions du ministère public. Ils attaquent d'abord l'échantillon non représentatif des cas expliqués à la Cour, lesquels ont également été choisis pour soutenir des conclusions décidées à l'avance. Ils ont longuement insisté sur le fait que les documents ne peuvent pas être considérés comme des communications et encore moins "confidentielles". Ils ont plaidé que les témoins ont exagéré l'impact que pourrait avoir la divulgation de quelques documents sur la collaboration policière et la lutte au crime organisé. À cet égard, ils ont fait valoir que le ministère public a non seulement divulgué une quantité importante de synthèses dans le présent dossier, il l'a aussi fait dans d'autres dossiers et il a continué à le faire même après avoir déposé son premier avis d'opposition. Cela suffit également pour réfuter l'argument de la renonciation et de la divulgation par inadvertance.

LE DROIT

[24]      Avant d'aborder des questions de droit plus spécifiques, il est bon de se rappeler que la perfection n'est pas de ce monde. Cette évidence que tous reconnaissent, a également été reconnu par le droit: il n'y pas de procédures, pas de procès parfait. Le présent procès, plus que tout autre, le démontre.

[25]      Dans l'arrêt Find, la Cour suprême écrivait ce qui suit:

…Un procès équitable ne doit toutefois pas être confondu avec un procès parfait, ni avec le procès le plus avantageux possible du point de vue de l'accusé. Comme je l'ai dit dans R. c. O'Connor, […] "[l]e procès équitable tient compte non seulement du point de vue de l'accusé, mais également des limites pratiques du système de justice et des intérêts légitimes des autres personnes concernées [...]. La loi exige non pas une justice parfaite mais une justice fondamentalement équitable". […] Par ailleurs, une injustice occasionnelle ne saurait être acceptée comme étant le prix à payer pour l'efficacité : […][6]

DISTINCTION ENTRE CONFIDENTIALITÉ ET PRIVILÈGE

[26]      En principe, notre société considère que des communications entre les personnes sont privées[7]. Certaines, en sus d'être privées, sont parfois considérées comme confidentielles. Si le bon sens ne suffit pas pour déterminer que le travail des policiers est en principe confidentiel, la loi le prévoit[8].

[27]      Par contre, le privilège est autre chose. La confidentialité est plus large que le caractère privilégié d'une communication au sens du droit.

[28]      En droit, la confidentialité est toujours un préalable au privilège. Comme nous le rappelle notre Cour d'appel, «il ne peut y avoir de privilège sans confidentialité, mais ce qui est confidentiel n'est pas nécessairement privilégié»[9].

[29]      Le privilège est une règle qui, en dernière analyse, exclut la possibilité de mettre en preuve un renseignement pertinent à un litige en raison d'un intérêt social supérieur à celui de la recherche de la vérité[10].

[30]      La common law a développé la notion de privilège ou d'immunité à la divulgation. Fondamentalement, aujourd'hui, il en existe deux types: le privilège générique ou (quasi) absolu et le privilège circonstancié, déterminé au cas par cas.

LE PRIVILÈGE GÉNÉRIQUE

[31]            La création d'un privilège générique est une question sérieuse. Si tous les privilèges sont une entrave à la recherche de la vérité, celui-ci l'est davantage en raison d'une présomption d'inadmissibilité[11]. Cette présomption est si forte que même en droit criminel, les possibilités d'y déroger sont limitées à des situations somme toute assez exceptionnelles, notamment parce qu'il s'agit du seul moyen de démontrer son innocence[12].

[32]            Ces privilèges sont donc rarissimes et, au Canada, la common law ne reconnaît que le secret professionnel et le privilège de l'informateur[13]. Et encore, à l'intérieur de leurs paramètres respectifs, ces privilèges ne sont pas absolus. Ils sont au contraire bien définis et ils répondent à des exigences précises. Toutefois, ils sont robustes et en principe, ils ne cèderont uniquement que dans les cas où un accusé démontre qu'il s'agit de la seule façon de démontrer son innocence.

[33]            Ainsi, ce ne sont pas toutes les communications entre un avocat et son client qui sont couvertes par le privilège, mais uniquement celles qui sont faites confidentiellement par le client aux fins d'obtenir un avis juridique d'un avocat, en sa qualité d'avocat[14]

[34]            La common law protège également les indicateurs de police, dont on ne peut révéler l'identité ou tout élément d'informations qui pourrait tendre à la révéler. Par contre, les informations données par la source, dans la mesure où cela ne tend pas à l'identifier, doivent être communiquées.

[35]            Depuis le début des années 90, la Cour suprême a systématiquement refusé de reconnaître d'autres privilèges génériques et elle a rejeté tour à tour les demandes visant à protéger: des communications entre un ministre du culte et un fidèle[15], des dossiers psychiatriques[16], des dossiers privés (dossiers médicaux et thérapeutiques de victimes d'agression sexuelle, dossiers scolaires, de journaux intimes ou de notations de travailleurs sociaux)[17] ou encore des sources journalistiques[18].

[36]            Disons que la Cour suprême n'a pas définitivement fermé la porte. La common law étant toujours appelée à se définir en fonction de valeurs contemporaines, il est possible que de nouveaux privilèges voient le jour parce que «la common law permet l’existence d’un privilège dans de nouvelles situations où la raison, l’expérience et l’application des principes qui sous-tendent les privilèges traditionnels le requièrent» et que «le droit en matière de privilèges peut évoluer de manière à refléter la réalité sociale et juridique contemporaine»[19].

[37]            Toutefois, dans l'arrêt National Post, elle a clairement laissé entendre que ce sera probablement le législateur qui interviendra pour accorder de nouveaux privilèges génériques s'il devait en exister d'autres[20]. La Cour suprême privilégie une approche cas par cas qui permet de mieux soupeser les valeurs en cause.

[38]            Le privilège générique que recherche le ministère public sur un type d'information qui serait le "contenu des banques de renseignements" n'a d'ailleurs jamais été formellement demandé, ni reconnu par les tribunaux qui se sont penchés sur la question[21].

LE PRIVILÈGE CIRCONSTANCIÉ OU "CAS PAR CAS"

[39]            Comme le privilège générique, le privilège circonstancié est aussi une règle d'exclusion, mais qui repose sur la présomption que les informations ne sont pas privilégiées et qu'elles sont donc admissibles, à moins de démontrer qu'un intérêt supérieur milite en faveur de ne pas les divulguer dans un cas particulier.

[40]            La common law s'est inspirée de l'approche proposée par le professeur Wigmore[22] pour en arriver à cette détermination, connue aujourd'hui sous le vocable «critères ou test de Wigmore»[23].

[41]            Pour l'application du privilège circonstancié, rappelons d'abord qu'il revient à la partie qui le revendique de démontrer son existence par une preuve prépondérante que les quatre critères de Wigmore sont satisfaits[24], et plus spécifiquement:

(1) que les communications ont été transmises confidentiellement avec l’assurance qu’elles ne seraient pas divulguées;

(2) que le caractère confidentiel est un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties;

(3) que les rapports sont de la nature de ceux qui, selon l’opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment, évoquant ainsi l’idée de l’application constante et la persévérance;

(4) le préjudice permanent causé aux rapports par la divulgation des communications est plus considérable que l’avantage à retirer d’une juste décision[25].

[42]            La Cour suprême a expressément rejeté la proposition voulant qu'une fois les trois premiers démontrés, la partie qui s'objecte au privilège ait l'obligation de démontrer le quatrième et donc de démontrer pourquoi la levée du privilège est nécessaire[26]. Il appartient toujours à la partie qui veut faire valoir un privilège de le prouver et de choisir les moyens pour le faire[27].

[43]            Le privilège revendiqué quant aux communications internes entre policiers doit donc satisfaire les critères de Wigmore ou autrement démontrer qu'elles ne doivent pas être divulguées dans l'intérêt public.[28]

[44]            En effet, l'intérêt public peut justifier, dans certaines circonstances, la non-divulgation en raison d'un privilège. Par ailleurs, certains privilèges de common law se prêtent mal à un examen des quatre volets de Wigmore parce que leur objet n'est pas une "communication"[29]. Cependant, ce test de Wigmore demeure un guide et plus particulièrement le quatrième volet qui existe dans tous les cas, c'est-à-dire que le tribunal doit toujours soupeser l'intérêt de garder secrète des informations et l'intérêt de la découverte de la vérité pour mener à bien une procédure[30].

[45]            Ainsi, il est clairement reconnu que le ministère public peut invoquer le privilège de l'enquête en cours pour soustraire de toute divulgation des informations qui pourraient compromettre une enquête policière qui n'est pas complétée.

[46]            Le ministère public peut invoquer le privilège de la technique d'enquête pour soustraire de toute divulgation des informations qui pourraient compromettre une méthode utilisée par les policiers pour mener leurs enquêtes.

[47]            Le ministère public peut aussi invoquer un privilège d'intérêt public pour assurer la sécurité des personnes[31], un privilège dont l'objectif est évident.

[48]            Généralement parlant, dans le contexte d'un procès criminel, ces privilèges ne s'appliqueront que lorsque l'intérêt de garder l'information secrète l'emporte sur l'intérêt d'une défense pleine et entière. Un tribunal doit soupeser différents facteurs comme l'importance des accusations et la valeur probante des éléments que l’on cherche à obtenir et, de l’autre côté, l’intérêt public à ce que l'information soit gardée secrète. 

ANALYSE

Les banques de renseignements G11 et SARC sont-elles frappées d'un privilège générique?

[49]            J'aborde en premier la question du privilège générique que souhaite le ministère public. Comme je l'ai mentionné, les informations détenues par la police et décrites comme des "renseignements policiers" ("police intelligence") n'ont jamais été frappées d'un privilège générique au Canada. Le ministère public n'a présenté aucun élément permettant de croire que ce serait le cas dans d'autres pays de common law. 

[50]            Il suffit de dire, pour disposer de l'argument, que la preuve lors de la requête a révélé que les banques de renseignements contiennent exactement ce que tous soupçonnent, à savoir des informations: provenant d'informateurs, provenant de citoyens (pour les distinguer de l'informateur comme tel), décrivant des méthodes d'enquête, ce qui peut inclure des connaissances acquises par la police sur des individus des organisations et des réalités criminelles au sens large, ou encore décrivant des éléments d'enquêtes non terminées ou de crimes non résolus.

[51]            Chacun de ces éléments est déjà protégé par un privilège de common law: privilège de l'informateur, privilège de la technique d'enquête, privilège de l'enquête en cours, privilège pour assurer la sécurité des personnes, et voire même un privilège d'intérêt public qui viserait les connaissances policières ou les communications sensibles entre policiers[32].

[52]            Le ministère public s'appuie sur les quelques mots du juge Binder dans l'affaire Trang qui expriment, selon lui, l'hypothèse qu'un jour peut-être, le renseignement criminel sera frappé d'un privilège générique en raison d'un élargissement potentiel des informations qui pourraient être colligées[33].

[53]            Je crois toutefois que le juge Binder tient ces propos à l'égard d'un privilège circonstancié d'intérêt public. Quoi qu'il en soit, le juge Binder avait alors à l'esprit les attentats du 11 septembre 2001 et ses répercussions encore intangibles sur les organismes d'application des lois qui, manifestement selon lui, les amèneraient à colliger des informations qui toucheraient des réalités allant au-delà des privilèges existants. Près de douze (12) ans plus tard, on peut constater que cette nouvelle réalité n'a pas rejoint les banques de renseignements dont il est question ici.

[54]            Outre cela, le ministère public n'a pu référer à aucun passage de jurisprudence ou de doctrine qui appuierait sa position, qu'il a par ailleurs plaidé sans trop de conviction.

[55]            Cela dit, il faut noter, comme l'a souligné les intimés, que la majorité des documents visés se retrouvent dans une banque de renseignements, le G11, qui est contemporaine ou antérieure à cette réflexion du juge Binder. Selon Mme Baril, on ne versait plus d'informations dans cette banque à partir de 2002 ou 2003. Les informations qu'on y retrouve sont donc essentiellement de nature similaire à celles qui préoccupaient le juge Binder.

[56]            Comme lui, je constate que tous les éléments qui composent les banques de renseignements tombent dans une catégorie reconnue de privilèges circonstanciés.

[57]            Dans l'arrêt National Post, la Cour a expliqué, sous la plume du juge Binnie, plusieurs des difficultés reliées à la reconnaissance d'un nouveau privilège générique. Parmi celles-ci, le caractère plus rigide du privilège générique que celui du privilège reconnu au cas par cas et donc «difficile à redéfinir aussi librement pour l’adapter aux circonstances»[34]. Cela présente des questions sérieuses dans le contexte d'une obligation constitutionnelle de divulgation de la preuve lors d'accusations criminelles.

[58]            L'effet évident serait qu'une fois reconnu, ce privilège permettrait aux policiers d'accumuler des renseignements sur des individus alors qu'ils ne seraient jamais tenus, en principe, de les divulguer. Il ne fait pas de doute que cela gênerait à plusieurs égards l'administration de la justice. Comme le rappelait la Cour suprême, le privilège générique «constitue une entrave complète aux renseignements …, peu importe leur pertinence, et le fardeau de preuve pour en contester l'application est onéreux»[35].

[59]            Le ministère public n'a offert aucune proposition sérieuse à cet égard, se contentant de dire que le privilège sera levé si la défense pleine et entière de l'accusé est en jeu. Cependant, contrairement au secret professionnel ou à l'identité d'un informateur où un certain contexte permet une argumentation logique à une demande de lever le privilège, le caractère nécessairement général et disparate du contenu des banques fait en sorte qu'il serait pratiquement impossible pour la défense de soutenir la levée du privilège.

[60]            La Cour suprême a aussi reconnu une difficulté lorsqu'il y a une diversité d'intervenants qui participent à la collecte d'informations, notamment en raison d'une compétence variable de ceux-ci, et du manque d'uniformité dans le traitement de l'information que l'on veut protéger[36]. Cette observation, faite dans le cadre de la réalité des entreprises médias, est applicable aux banques de renseignements. La preuve démontre clairement que seules des normes minimales entouraient la saisie des informations et que même ces normes n'étaient pas appliquées uniformément. Au final, une multitude d'informations se retrouvaient dans les banques, alimentées parfois par la personne qui les possédait de première main et parfois par des personnes qui les avaient entendues de tiers.

[61]            Cela pose également l'autre difficulté soulevée par le juge Binnie qui est de déterminer les critères qui précèderont à l'existence de ce privilège générique[37].  Actuellement, la proposition du ministère public vise, comme la preuve l'a démontré, une variété importante d'informations sans lien précis entre elles sinon qu'elles s'intéressent aux activités criminelles d'organisations ou d'individus. Il s'agit d'une réalité très large aux impacts mal définis. Je suis en accord avec les intimés que cela serait l'équivalent de créer un "lieu privilégié" et non des informations privilégiées.

[62]            Au surplus, attribuer un privilège générique aurait l'effet d'élever à ce rang les privilèges circonstanciés actuels comme, à titre d'exemples, le privilège de la technique d'enquête ou le privilège de l'enquête en cours. Cela aurait également pour effet d'attribuer un privilège à tous les propos ou renseignements d'un indicateur de police indépendamment du fait qu'ils tendent à l'identifier. Cela modifierait considérablement la common law applicable aux privilèges déjà reconnus qui se retrouvent dans les banques.

[63]            À mon avis, les tribunaux devraient hésiter à transformer de façon aussi fondamentale les règles. La proposition générale de reconnaître un privilège générique aux banques concernées est donc rejetée.

[64]            Par ailleurs, le ministère public n'a pas démontré que la situation actuelle était un empêchement aux enquêtes policières et qu'il existe des raisons de principe contraignantes ou, en d'autres mots, un objectif social supérieur à la recherche de la vérité, pour qu'un privilège générique soit reconnu[38].

[65]            Comme l'avait reconnu la juge L'Heureux-Dubé dans un autre contexte où un privilège générique était sollicité, il existe d'autres moyens d'empêcher la production de tels dossiers si cela s'avère nécessaire[39].

Les banques de renseignements G11 et SARC sont-elles frappées d'un privilège circonstancié?

[66]            Sur la question du privilège circonstancié, la proposition du ministère public est de deux ordres. Le premier réclame que soit accordé aux banques un privilège d'intérêt public. Le second est de considérer les banques comme des communications internes entre policiers, un privilège reconnu pour lequel il faut plus spécifiquement appliquer les critères de Wigmore.

[67]            Abordons d'emblée cette dernière proposition que les intimés ont contestée longuement, prétendant que les banques de renseignements, dans le cadre de l'approche globale du ministère public, ne sont pas une "communication" interne entre policiers.

[68]            Je ne crois pas utile de faire l'analyse de chacun des volets du test de Wigmore puisque la preuve révèle que le contenu des banques est touché par un ou l'autre des privilèges reconnus en common law. La poursuite n'a présenté aucun cas "autonome", dirais-je, de "communication entre policiers". Aussi, débattre de ce privilège spécifique me semble assez théorique. J'estime que le ministère public peut toujours faire valoir ce privilège dans un cas particulier, mais il ne m'apparaît ni sage ni utile de doubler la couverture déjà prévue par d'autres privilèges. Par ailleurs, il est difficile dans l'abstrait d'imaginer ce que pourraient être de telles communications. Il se peut bien que la banque contienne des communications privilégiées entre policiers, mais tout ce qu'elle contient ne doit pas être ainsi qualifié.

[69]            J'aborde maintenant la première et la principale proposition du ministère public que je résume comme suit. Dans le cadre de ce procès, il serait contraire à l'intérêt public de divulguer les informations contenues dans les banques de renseignements parce que ces informations sont nécessairement frappées d'un autre type de privilège de common law et que de les mettre en possession d'une organisation criminelle amplifierait un risque que par recoupements, la sécurité de personnes soit compromise ou que des informations sensibles soient divulguées. Au surplus, cela aura un impact sur la capacité des services policiers québécois et canadiens de maintenir un système destiné à colliger des informations sur les activités et les personnes reliées au crime organisé. Ainsi, dans ce procès des Hells Angels, le renseignement criminel doit être frappé d'un privilège circonstancié et il appartiendrait à l'accusé d'indiquer les raisons qui motivent la levée du privilège.

[70]            Tout d'abord, le ministère public a tort de croire qu'un renversement de fardeau opère dans le cadre de la détermination d'un privilège "cas par cas". Cela est contraire à la jurisprudence récente de la Cour suprême. Au surplus, la défense ignorant tout de ce que peuvent révéler ces informations relativement disparates contenues dans les banques, elle ne peut certainement pas, en principe, en réclamer la divulgation pour des motifs spécifiques au-delà de la pertinence générale.

[71]            Au surplus, le fait de reconnaître un privilège circonstancié "aux informations de la banque" plutôt qu'aux informations précises me semble une distinction stérile puisque le processus pour déterminer le privilège est le même.

[72]            Je m'arrête d'abord sur la position de la défense voulant que je sois lié par la décision de la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Dubé[40]. Dans cette affaire, le ministère public opposait un privilège d'intérêt public à la divulgation d'un rapport d'enquête de police que Dubé souhaitait obtenir, prétendant que la divulgation en soi de ce rapport était contraire à l'intérêt public[41]. La Cour d'appel, appliquant la jurisprudence, a conclu que le privilège vise un contenu spécifique et donc des renseignements et parfois des types de renseignements, mais pas le "rapport d'enquête" qui les contient. Plus spécifiquement, elle a écrit qu'«un rapport d'enquête n'est pas en soi un document dont la confidentialité relève de l'intérêt public.»[42]

[73]            Sous la plume du juge Léger, la Cour a aussi rappelé au passage les mots de la Cour suprême dans l'arrêt Carey c. Ontario voulant que « les chances sont minces qu'on puisse prétendre avec succès qu'un document ne devrait pas être communiqué en raison de la catégorie à laquelle il appartient »[43].

[74]            Je crois que les intimés ont raison et que cette décision me lie en ce qu'elle indique clairement qu'un privilège d'intérêt public ne peut pas s'appliquer à ce que l'on glisse dans un contenant, fut-il un "rapport d'enquête" ou une "banque". Il faudrait donc examiner les informations contenues dans les banques pour déterminer si un privilège s'y applique.

[75]            Toutefois, la position du ministère public serait un peu plus nuancée. Il prétend qu'un "document de banque de renseignement" est un type de renseignements qui peut se voir accorder un privilège circonstancié, indépendamment de ce qu'il révèle.

[76]            Encore une fois, la preuve administrée lors de la requête démontre que les privilèges déjà reconnus en common law couvrent en principe les réalités de ce que contient la banque. Il n'est pas exclu, si aucun privilège spécifique de common law ne trouvait application, que le ministère public puisse invoquer un privilège d'intérêt public dans un cas particulier. Enfin, il n'est pas exclu qu'on y retrouve aussi une protection de la vie privée[44].  Encore une fois, il ne m'apparaît ni sage ni utile d'ajouter une deuxième couverture de protection aussi large.

[77]            Au Canada, les services de police fonctionnent très bien avec les obligations de la divulgation de la preuve. Sans surprise, la preuve démontre qu'il s'agit d'une réalité juridique avec laquelle les policiers doivent actuellement composer dans leurs relations avec des partenaires de la banque qui trouvent le droit canadien trop généreux à cet égard. La preuve démontre que cette réalité n'empêche pas la collaboration nécessaire et recherchée entre les services de police, tant au Canada qu'à l'étranger.

[78]            Cela dit, je conclus que si les services de police fonctionnent bien avec les règles actuelles, le refus d'accorder un privilège d'intérêt public général à la banque n'y changera rien. Cela ne fait que confirmer le statu quo en matière d'obligation de divulgation et de privilèges, lesquels qui ne sont levés que lorsque cela est clairement nécessaire[45].

[79]            D'ailleurs, bien avant selon moi, mais définitivement et plus clairement depuis l'arrêt McNeil en 2009, le droit à la communication de la preuve impose aux policiers l'obligation corollaire d'informer la poursuite qu'ils possèdent des informations pertinentes à une accusation afin que cette dernière les communique ou informe la défense qu'elles ne seront pas communiquées en application d'une exception reconnue[46]. Je ne vois pas pourquoi cette obligation n'existerait pas, pour ne prendre qu'un exemple, pour les opérations de surveillance sur des coconspirateurs et dont le résultat se retrouverait dans la banque de renseignements. Cette obligation fait partie de l'ordre constitutionnel canadien et donc  de la réalité policière canadienne.

[80]            Aussi, il est étonnant d'entendre les policiers et le ministère public affirmer de manière si catégorique que les synthèses n'auraient jamais dû être divulguées.  Clairement, depuis le jour 1, le droit exigeait des policiers et du ministère public qu'un débat ait lieu sur l'obligation de les divulguer ou non. Il n'y a pas au Canada une  autorisation de garder complètement secrète des renseignements pertinents à des accusations criminelles mues devant les tribunaux.  Le fait pour la police de se doter d'outils informatiques pour colliger les renseignements ne participe pas à diminuer leurs obligations constitutionnelles.

[81]            L'inquiétude des policiers devrait pourtant se dissiper lorsqu'ils réalisent que la confidentialité est toujours protégée et, pour reprendre l'arrêt Dubé, qu'encore faut-il que la personne qui fait la demande ait droit à la communication du document, que ce soit en vertu de la Charte ou autrement[47].  D'ailleurs, dans un arrêt subséquent, la Cour suprême a confirmé que la pertinence d'une information agit comme rempart additionnel contre les recherches à l'aveuglette[48]. Mais plus fondamentalement, «dans une instance criminelle, le ministère public et la défense n’ont pas d’intérêts divergents quant à la découverte de renseignements pertinents pouvant être avantageux pour l’accusé»[49]. Il en va tout autant, à mon avis, pour les services de police.

[82]            En matière de communication de la preuve, bien que le critère de pertinence soit peu élevé, le ministère public n'a jamais tenté, à aucun moment, de démontrer que les informations recherchées n'avaient manifestement et spécifiquement aucune pertinence. En l'absence d'une telle démonstration, il faut pécher par inclusion lorsque les renseignements touchent les faits et gestes des coconspirateurs dans la période des accusations.

[83]            Je note que le juge Binder était réticent à accorder un privilège d'intérêt public à une banque d'informations qui regroupe une variété d'informations qui sont, le cas échéant, protégées par les privilèges reconnus[50]. De plus, en reprenant à mon compte les propos de la juge L'Heureux-Dubé voulant qu'il existe d'autres moyens d'empêcher la production d'informations sensibles si cela s'avère nécessaire et en y ajoutant les observations faites dans l'arrêt Dubé reprises ci-haut, je conclus que la preuve n'a pas démontré la nécessité de reconnaître un privilège d'intérêt public aux renseignements de la banque sans égard à leur contenu spécifique.

[84]            Reconnaître un privilège autonome aurait pour effet de possiblement soustraire de la divulgation des informations que la common law n'a pas jugé à propos de protéger jusqu'à ce jour. Dans l'abstrait, il est difficile de saisir ce que cherche à protéger le ministère public de ce qui ne l'est pas déjà. Je ne vois aucun motif, et le ministère public n'en a démontré aucun, pour étendre ce privilège.

[85]            La question de savoir si les informations demandées sont visées par un privilège est donc répondue par l'affirmative, mais individuellement et non de façon générale. Il n'y a donc pas lieu de reconnaître un privilège circonstancié aux banques de renseignements puisque les informations confidentielles qu'elles contiennent sont potentiellement protégées par l'un ou l'autre des privilèges génériques ou circonstanciés de common law.

[86]            La protection globale n'étant pas reconnue, je ne crois pas devoir me prononcer sur la renonciation invoquée ou la divulgation par inadvertance. Qu'il suffise de dire que le ministère public peut toujours, sauf pour les privilèges génériques, renoncer à un privilège.

L'application des privilèges en l'espèce

[87]            Même si je rejette l'existence d'un privilège aux renseignements de la banque en soi, il demeure que la preuve révèle que les informations qui y sont contenues sont frappées par un privilège ou un autre et cela dans un contexte bien particulier.

[88]            La proposition avancée par le ministère public et soutenue par sa preuve veut qu'il soit impossible en raison du volume de documents de garantir la sécurité des personnes qui ont fourni des informations puisque elles révèlent leur identité ou le contexte dans lequel ces personnes se sont manifestées, ce qui peut tendre à les identifier.

[89]            En clair, j'accepte que  la preuve ait établi de façon prépondérante que ces informations mettaient en cause le privilège de l'informateur et la sécurité des personnes. Elles mettent également en cause les privilèges de l'enquête en cours et des techniques d'enquête. L'identification précise de chacun des privilèges n'est pas une chose simple dans le contexte particulier, surtout pour le privilège de l'informateur.

[90]            À ce stade, il vaut de clarifier certaines choses. Les intimés ont fait grand cas du fait que le ministère public s'inquiétait de protéger l'identité de personnes qui ne sont pas des indicateurs de police au sens de la jurisprudence[51]. Pourtant, affirment-ils, le ministère public semble leur prêter une "couverture" équivalente. À cela, ils ajoutent et rappellent la décision de  Construction de Castel inc. c. Bélisle où mon collègue le juge Blanchard a précisé avec raison qu'un «Tribunal ne doit pas tenir pour acquis que l'intimidation ou la subornation de témoins constituent la norme ou une réalité incontournable. Le Tribunal doit évaluer une preuve tangible qui lui permet de raisonnablement conclure à un risque potentiel à ce sujet [52] Tous conviendront qu'il en va de même pour les risques de violences plus graves.

[91]            Il est vrai qu'en audition ex parte, les témoins ayant commenté les documents retirés des banques n'ont pas toujours été en mesure de confirmer qu'il était en présence d'indicateur de police au sens de la jurisprudence ou simplement d'une personne qui a fourni de l'information aux policiers. J'ai d'ailleurs fait cette distinction dans les résumés judiciaires fournis aux intimés. Il est vrai également que les témoins ne semblaient pas faire la différence entre un indicateur qui bénéficie d'un privilège et les autres personnes qui donnent des informations.

[92]            Toutefois, dans le contexte, cette distinction a peu d'impact sur la prudence évidente qu'il faut avoir dans la divulgation de l'identité de personnes qui donnent des informations aux policiers. Avec égards pour l'argument des intimés, je crois que le dossier révèle une preuve tangible que la sécurité de ces personnes est à risque, tout comme le tarissement des sources. Cela s'infère de la preuve et du bon sens. J'y reviendrai.

[93]            Je constate tout d'abord qu'à lui seul, le privilège de l'informateur donne du fil à retordre dans la présente affaire. Tant le ministère public, les avocats, les policiers et le juge ont l'obligation de protéger l'identité des informateurs[53]. La preuve démontre ici que cette tâche pourrait être impossible en raison du grand nombre d'informations en cause, de la nature sensible de ces informations et de la fragmentation de ces dernières dans les banques de renseignements. À cela s'ajoute la démonstration que la saisie des informations entre 1994 et 2002 n'est pas faite de manière uniforme et encore moins avec la préoccupation que les informations seraient un jour divulguées. Le résultat est donc que l'information est rédigée sans retenue et sans trop d'avertissements sur la nature de la source à son origine. Au surplus, elle est parfois alimentée par du personnel qui ignore tout du contexte dans lequel elle a été recueillie. Au final, l'information qui apparaît sur une synthèse peut être un fragment d'une réalité. Celui-ci peut être complété par d'autres synthèses et une fois les contenus réunis et analysés, on déduit aisément qu'un informateur est à la source des informations.  Pour toute sorte de raisons, il est parfois possible de reconnaître qu'il s'agit bien d'un informateur au sens de la jurisprudence.

[94]            Comme je l'ai mentionné à l'audience, la démonstration ne demandait guère d'expertise particulière tout comme le fait de déduire qu'une personne décapitée lors d'un accident d'automobile est morte sur le coup. On peut bien faire témoigner des experts, mais il y a des évidences. 

[95]            Il est vrai que la banque a été conçue avec des codes de confidentialité afin de réduire l'accès à certaines informations plus sensibles, comme celles provenant d'un informateur. Le problème, tel qu'expliqué par les témoins, est que des renseignements d'informateurs se retrouvent accessibles à tous. Pour ces mêmes raisons, cela explique pourquoi il est raisonnable de croire que la difficulté expliquée sera nécessairement récurrente.

[96]            Une partie de l'explication veut que des informations d'informateurs aient été placées sous un code de sécurité permettant l'accès à tous en raison du fait que le personnel qui a procédé à l'alimentation ne savait pas qu'il s'agissait d'informations de source. Aussi, comme une observation d'un informateur partage souvent les mêmes caractéristiques qu'une observation faite par un policier, la confusion est possible. Une synthèse individuelle n'a donc pas nécessairement une indication qu'elle contient des renseignements d'une source. L'autre partie de l'explication veut que les banques étant dédiées au partage d'informations, la diffusion était maximisée au détriment de leur  protection.

[97]            La preuve indique qu'à compter de ce moment, trois choses peuvent se produire. La première, un impliqué peut reconnaître la situation décrite et savoir, parce qu'il l'a vécue, que l'information ne peut provenir que d'une source et peut-être même connaître précisément son identité ou soupçonner un nombre réduit de personnes. La deuxième est que d'autres informations, apparaissant sur d'autres synthèses, viennent compléter ou donner un éclairage additionnel qui permet alors d'identifier l'informateur ou, pour quelqu'un de l'extérieur à la situation, l'identité d'un petit nombre de personnes. La troisième est un mélange des deux. En outre, alors que la personne extérieure hésitera à identifier laquelle d'entre quelques personnes est un informateur, l'impliqué aura plus aisément découvert son identité en raison de ses connaissances intimes, soit de la situation générale ou spécifique, soit des personnes impliquées.

[98]            Au surplus, il faut ajouter qu'il est possible de faire des recoupements avec les informations qui se retrouvent dans la communication de la preuve régulière. Cette dernière comporte en effet des informations caviardées et non caviardées qui peuvent aussi, par des recoupements, apporter un éclairage tout aussi révélateur.

[99]            Bref, dans ce contexte, le ministère public affirme que l'exercice de caviardage devient impossible. J'accepte que la preuve révèle que l'exercice de caviardage est hautement problématique afin de protéger adéquatement l'identité des informateurs.

[100]        Je conclus que la situation s'apparente à celle décrite dans l'arrêt Leipert dans le cas d'informateurs anonymes, c'est-à-dire que le flou entourant soit l'identité et la «situation de l’indicateur que le privilège vise à protéger, [rend] difficile de prédire avec certitude quel renseignement pourra permettre à l’accusé de l’identifier[54]

[101]        Quant aux personnes qui ne sont pas des informateurs confirmés, j'estime que la situation est similaire. À leur égard, je rejette la prétention des intimés voulant que leur identité n'ait pas à être protégée. Il faut retenir de la jurisprudence que si le privilège  naît de la promesse de confidentialité en échange d'informations, cette promesse peut être implicite selon les circonstances[55]. La Cour suprême a même laissé entendre qu’en cas de danger important pour la source, ce privilège pourrait s’appliquer en l’absence d’entente[56]. Je ne peux concevoir que l'on puisse dévoiler l'identité d'une personne qui fournit de l'information aux policiers lorsqu'il existe un danger pour sa sécurité ou pour le tarissement des sources.

[102]        Je rejette donc également la prétention des intimés que la preuve ne démontre ce danger. Le ministère public a présenté une certaine preuve sur cet aspect en tentant de démontrer que les Hells Angels ont, par le passé, assassiné des personnes qui dérangeaient l'organisation.

[103]        Je conviens avec les intimés que cette preuve a été bien maladroitement présentée par un témoin dit "expert" qui n'avait même pas pris la peine d'étudier véritablement les cas et qui se fondait uniquement sur les documents, limités et incomplets par ailleurs, que lui avait remis le ministère public. Difficile de ne pas voir, pour cette partie du témoignage, une position convenue. La valeur de cette preuve est très discutable.

[104]        Toutefois, le contexte demeure. Je veux être également très clair sur le fait qu'individuellement, aucun des accusés ne peut être identifié comme une menace dans ce contexte. Cela dit, c'est collectivement que le problème surgit.

[105]        La preuve et, dans le contexte de cette requête, la connaissance judiciaire démontrent que l'entité des "Hells Angels" est une organisation criminelle bien structurée dont l'objectif est de commettre des crimes pour s'enrichir. Il est vrai que cela n'implique pas, en soi, une dangerosité pour la sécurité physique d'autrui, bien que, ne serait-ce qu'en considération du présent dossier, la violence fasse partie de la vie de cette organisation.  Ce n'est pas tant l'identification d'un accusé comme tel qui suscite une crainte, mais c'est plutôt le fait de l'organisation criminelle en cause, le fait qu'elle ait certainement les moyens et la volonté d'utiliser la violence et que les personnes qui donnent à la police des informations sur cette organisation ou ses membres, peu importe l'information, sont une nuisance pour son fonctionnement. Tout cela fait en sorte que ces personnes sont en droit de s'attendre, sauf exception, à ce que leurs identités ne soient pas divulguées.

[106]        Il faut ajouter à cela l'importance des sources de renseignements pour le travail policier et pas uniquement les renseignements provenant des informateurs. S'il était su que les tribunaux dévoilent l'identité des personnes qui donnent des informations sur les Hells Angels, le bon sens veut que s'ensuive rapidement le tarissement de ces sources. Or, les problèmes évoqués quant à la protection de l'identité des informateurs se répètent ici.

[107]        À mon sens, la protection de l'identité des informateurs et la sécurité des personnes se rejoignent pour créer le problème fondamental en l'espèce que j'estime  dirimant pour la divulgation.

[108]        Il y a aussi le fait que les documents peuvent révéler des informations sur des enquêtes en cours ou des techniques d'enquêtes. Bien que les informations recherchées soient anciennes, le crime ne se prescrit pas et les efforts d'enquête demeurent, à plus forte raison pour des crimes graves comme le meurtre. Les enquêtes ne sont pas toujours faciles pour toute sorte de raisons, mais encore plus lorsqu'ils surviennent dans le monde du crime organisé. Les enquêtes stagnent parfois dans l'attente de nouvelles pistes. Le ministère public estime qu'il serait périlleux de révéler les sujets et les démarches d'enquêtes. Il en va de même pour les techniques d'enquête.

L'utilité pour les intimés

[109]        Ceci m'amène à commenter les motifs qui poussent les intimés à demander la divulgation de ces documents.

[110]        Les intimés sont en possession d'une décision initiale voulant que les documents qu'ils recherchent soient globalement pertinents au sens de la divulgation de la preuve. Il s'agit d'informations contemporaines aux accusations, impliquant les coconspirateurs (incluant les témoins délateurs) dans leurs faits et gestes au cours d'une période où il est allégué un complot continu pour tuer les ennemis de l'organisation, ces informations sont en possession de la police qui a fait enquête sur les accusés et certaines ont été utilisées par la police.

[111]        Je le répète, ni lors de la procédure ayant précédé à cette décision, ni lors de la présente requête, le ministère public n'a pris l'initiative d'attaquer spécifiquement les éléments recherchés sur la base de la pertinence. 

[112]        Comme je l'avais alors écrit dans la décision initiale, et que je l'ai répété à l'audience, une preuve pertinente au sens de la communication de la preuve n'est pas toujours une preuve importante sur le plan de la défense pleine et entière.

[113]        Les intimés ont exprimé vouloir poursuivre deux objectifs. Ceux-ci sont forcément généraux à ce stade-ci puisqu'ils n'ont pas les détails de ce que contiennent les informations.

[114]        Dans un premier temps, ils ont la ferme intention de vérifier s'il n'y pas quoi que ce soit pour attaquer la crédibilité du principal témoin délateur Boulanger.  En second lieu, ils ont plaidé que les synthèses pouvaient les aider à se souvenir de leurs allées et venues pendant la période de 1994 à 2002 et d'établir, pour un moment déterminé, où ils étaient. Cette position n'est pas déraisonnable dans le cas des meurtres spécifiques. Il n'est pas déraisonnable d'envisager qu'un accusé, bien qu'en étant certain de ne pas avoir participé à un événement, ne se souvienne pas de son emploi du temps et veuille obtenir la confirmation par une preuve extrinsèque.

[115]        Exemple à l'appui, ils précisent que le témoin délateur place l'accusé Pelletier comme participant à une réunion pertinente au complot alors qu'une synthèse révèlerait qu'il était dans la région de la Gaspésie (pièce I-21). Le ministère public n'a pas été contredit que cet exemple existe, mais il en contestera le bien-fondé (P-16). Au procès, cette preuve doit en principe être introduite par les témoins idoines, mais il possible qu'un débat légitime ait lieu sur le sujet.

[116]        Les intimés sont également persuadés que l'agence des services frontaliers de l'époque fournissait toutes les informations sur les voyages hors du pays de chaque coconspirateur qui passait les contrôles douaniers. Les intimés ont déposé en preuve un document qui expose l'impossibilité pour l'agence de fournir ces renseignements, et par voie de conséquence pour les intimés de les obtenir, puisqu'elle ne détient aucune information sur les départs du Canada, que les cartes de déclarations douanières ne sont disponibles que depuis le 1er janvier 2000 et qu'elles sont gardées sept ans (pièce I-39a).

[117]        Il faut replacer ces objectifs dans le contexte. Tant pour ce qui est de la crédibilité du délateur Boulanger que pour connaître leurs allées et venues, il s'agit d'une recherche d'informations ponctuelles parmi les synthèses. Or, prenant l'accusation de complot, il est allégué avoir une durée de huit ans.

[118]        Je ne nie pas le droit de M. Pelletier de contester sa présence à une réunion, mais je n'ai pas compris que cette synthèse est déterminante quant à sa participation au complot.  Je ne nie pas le droit de M. Pelletier d'attaquer la crédibilité du témoin qui le dit présent à cette réunion, mais la crédibilité de Boulanger ne reposera pas, il me semble, uniquement sur cet élément. Sans nier l'importance de tout cela, il y a lieu néanmoins de relativiser.

[119]        Au surplus, il ne faut pas oublier qu'en l'espèce, ces demandes se heurtent principalement au privilège de l'informateur. Je ne crois pas que nous sommes ici dans la démonstration de l'innocence. Enfin, il est particulièrement difficile, sinon impossible, de faire l'exercice en considérant les accusés collectivement.

[120]        Prenant maintenant les accusations de meurtre, le problème est à la fois différent et plus précis. Évidemment, si l'État dispose d'une information qui indique qu'un des participants allégués est à l'extérieur du pays ou à un endroit si éloigné que cela soulève un doute quant à sa participation à un meurtre, je crois que tous ont un intérêt à le savoir, pour paraphraser la Cour suprême dans l'arrêt McNeil. Il s'agirait alors d'une information qui s'apparente à ou qui est carrément un alibi et alors, l'innocence est en jeu.

[121]        Aussi, je rappelle que le ministère public a réitéré à plus d'une reprise, tant à l'audience que devant mon collègue le juge Brunton[57], qu'il pourrait mieux gérer des demandes ponctuelles car il est alors plus facile de contrôler le contenu de ce qui est transmis.

L'examen des documents

[122]        Pour cette requête, le ministère public n'a pas déposé les 23 000 synthèses pour procéder à un examen un par un des documents. On m'a dit que cela cumulait à quelque 56 000 pages, ce qu'il faut tempérer. En effet, la preuve a également révélé que la banque G11 n'autorisait que des synthèses qui comportaient un maximum d'une dizaine de lignes. Bien qu'une telle limitation n'existait pas pour la catégorie "rapport" de la banque, le volume que représentent 56 000 pages, bien que toujours importantes, doit être évaluer en prenant cela en considération.

[123]        Cela dit, les témoins qui ont une connaissance des documents contenus dans la banque confirment que la démonstration faite à petite échelle devant moi ne ferait que se confirmer davantage en ajoutant autant de documents. J'accepte cet état des choses.

[124]        Bien que dans une affaire civile où les enjeux ne sont pas ceux d'une affaire criminelle comme en l'espèce, la Cour suprême a reconnu dans l'arrêt M.(A.) c. Ryan  que le juge n'a pas l'obligation d'examiner chacun des documents, ni pour déterminer le privilège, ni pour déterminer les conditions de divulgation le cas échéant. Voici ce qu'écrit la juge McLachlin:

Pour déterminer si un privilège devrait être accordé relativement à un document ou à une catégorie de documents et, le cas échéant, à quelles conditions, le juge doit examiner les circonstances dans lesquelles le privilège est invoqué, les documents en cause et l’ensemble de l’affaire.  Bien que, dans une affaire civile comme celle dont nous sommes saisis en l’espèce, il ne soit pas essentiel que le juge examine chaque document, il peut le faire si cela est nécessaire à la recherche de renseignements.  Par ailleurs, un juge ne commet pas nécessairement une erreur en procédant au moyen d’affidavits indiquant la nature de l’information et sa pertinence escomptée, sans examiner chaque document individuellement.  L’exigence que la cour examine minutieusement des documents longs ou nombreux peut s’avérer coûteuse en temps et en argent et retarder le règlement du litige.  Il faut y satisfaire si cela est nécessaire pour bien trancher la revendication de privilège.  Cependant, je ne poserais pas comme règle absolue que, sur le plan du droit, le juge doit examiner personnellement tous les documents en cause dans chaque affaire.  Lorsque le juge est convaincu, pour des motifs raisonnables, qu’il est possible de bien soupeser les droits en jeu sans examiner chaque document en cause, l’omission de le faire ne constitue pas une erreur de droit.[58]

[125]        Des inquiétudes ont également été manifestées dans le cadre de procédures criminelles. Dans l'arrêt Pires; Lising, la Cour suprême fait état des préoccupations touchant l’utilisation judicieuse des ressources judiciaires et la longueur des procédures judiciaires[59].

[126]        Dans cette affaire, la Cour a confirmé le pouvoir du juge de ne pas autoriser le contre-interrogatoire de l'affiant dans une contestation de mandat. Ce faisant, la juge Charron a expliqué qu'à défaut de démontrer que ce type de contre-interrogatoire apportera des éléments probants, le juge peut le refuser puisqu'il risque de ne pas apporter d'éléments pertinents et substantiels en plus de prolonger les procédures et également en raison, dans bien des cas, de la nécessité de protéger l'identité des informateurs[60]. Elle a rappelé qu'il «n'existe aucun droit constitutionnel de produire des éléments de preuve non pertinents ou non substantiels[61]

[127]        J'y vois des similitudes avec la présente requête où inéluctablement, la preuve devra discuter ce qui touche au privilège de l'informateur, risquant ainsi de l'éroder. L'examen exhaustif des 23 000 synthèses est un exercice long qui met en cause principalement la sécurité des personnes et le privilège de l'informateur. Bien que le premier ne soit pas reconnu comme un privilège générique, j'estime que dans le contexte, il faut néanmoins lui donner une sérieuse protection.

[128]        Quant au second, il s'agit d'un privilège «d’application extrêmement large» qui offre «une protection très étendue» touchant «tous les renseignements susceptibles de servir à l’identifier» et qui ne sera écarté que dans une «seule exception» soit qu'il s'agit du «seul moyen» de «faire la preuve de son innocence» et non en raison du «droit à une défense pleine et entière, ni [du] droit à la communication de la preuve au titre de l’arrêt R. c. Stinchcombe»[62]. Dans ce cas, l’accusé doit démontrer qu’il existe un motif de conclure à la divulgation et il faut plus qu’une simple supposition que cela sera utile à la défense[63].

Remarques finales

[129]        Ayant rejeté la prétention du ministère public que les banques de renseignements, en soi, ne peuvent faire l'objet d'un nouveau privilège, l'ordonnance de divulgation est maintenue.

[130]        Toutefois,  en raison de la preuve entendue, j'estime que la protection des personnes et la protection du privilège de l'informateur, dans le contexte, lui opposent un problème déterminant dans sa forme actuelle. Il y a donc lieu de la modifier.

[131]        Le ministère public s'étant déclaré prêt à répondre à des demandes ciblées, il y a lieu de donner suite à cette proposition.

[132]        Je crois toutefois qu'il peut être utile, avant que les accusés ne formulent des demandes, de leur révéler la liste des dates pour lesquelles il existe une synthèse dans le cas de chaque accusé. Il me semble qu'il est peu probable que cela porte atteinte à un privilège, et dans le cas contraire, le ministère public pourra divulguer ses informations précises sous scellée au juge du procès. Cette liste peut toutefois répondre aux préoccupations générales de la défense et elle évitera, souhaitons-le, des demandes inutiles. Si demande il y a, on peut penser qu'elle recherchera alors une information pertinente et utile.

[133]        Dans tous les cas, un accusé s'adressera au juge du procès, dans le cadre d'une requête circonstanciée, pour expliquer la valeur de l'information recherchée selon le privilège en jeu. Il sera définitivement plus simple pour le juge du procès d'évaluer la situation et notamment de soupeser les enjeux dans le cadre de la preuve spécifique.

[134]        Par ailleurs, si la forme ou le support de la divulgation pose problème, il serait même possible, je le suggère, que le ministère public puisse obvier à une telle requête en formulant une admission formelle sur l'information recherchée.

CONCLUSION

POUR TOUS CES MOTIFS, LA COUR:

REJETTE la proposition du ministère public que les renseignements provenant des banques criminelles sont des communications internes de la police privilégiées.

REJETTE la proposition du ministère public que les renseignements provenant des banques criminelles font l'objet d'un privilège d'intérêt public déterminé relié à la protection du renseignement criminel.

ET PROCÉDANT À RENDRE toute autre ordonnance appropriée dans l'intérêt de la justice:

DÉCLARE que l'ordonnance générale de communication de la preuve rendue le 4 septembre 2012 visant les renseignements provenant des banques de renseignements criminels G11 et SARC met en jeu la sécurité des personnes et le privilège de l'informateur;

ANNULE l'ordonnance générale visant les renseignements contenus aux banques concernées;

ORDONNE au ministère public de déposer intégralement au dossier de la Cour, sous scellé, sur support informatique ou autrement, les synthèses qui étaient visées par l'ordonnance générale du 4 septembre 2012;

ORDONNE au ministère public de divulguer aux intimés parmi les synthèses visées par l'ordonnance de communication de la preuve rendue le 4 septembre 2012, celles qui à son avis, individuellement et en relation avec d'autres, ne sont manifestement pas frappées d'un privilège et de déposer cette liste, le cas échéant, au dossier de la Cour;

ORDONNE au ministère public de fournir pour chaque accusé qui doit subir un procès dans les groupes 1 et 2, une liste des dates où il existe une synthèse les concernant et d'indiquer, le cas échéant, pourquoi il ne peut pas révéler une telle information en déposant sous scellé au dossier conjoint et au dossier du juge du procès un document explicatif;

RÉSERVE au ministère public le droit d'invoquer les privilèges reconnus pour s'opposer à la divulgation des informations visées par la présente;

RÉSERVE aux accusés le droit de présenter des demandes circonstanciées et motivées aux juges des procès 1 et 2 respectivement, selon leur groupe d'appartenance pour le procès;

La Cour, après avoir donné l'opportunité aux parties de s'exprimer, déterminera le délai pour la communication et le dépôt des documents.

 

 

 

 

__________________________________

MARTIN VAUCLAIR, J.C.S.

 

 

 

Maître Éric DeChamplain

 

Maître Julien Tardif

 

Maître Robert Rouleau

 

Directeur des poursuites criminelles et pénales

 

Procureurs de la requérante

 

 

 

Me Annie-Sophie Bédard

Me Mylène Lareau

 

Me Nellie Benoît

Me Annick Magri

 

Me Gaétan Bourassa

Me Ronnie MacDonald

 

Me Michel Croteau

Me Michel Marchand

 

Me Rudi Daelman

Me Gary Martin

 

Me Richard Dubé

Me Vincent Montminy

 

Maître Annie Émond

Me Cristina Nedelcu

 

Me Chantale Gariepy

Me Jacques Normandeau

 

Me Christian Gauthier

Me Lida Nouraie

 

Me Walid Hijazi

Me Michel Pelletier

 

Me Joseph La Leggia

Me Daniel Rock

 

Me André Lapointe

Me Marc-Antoine Rock

 

 

Me Danièle Roy

 

Procureurs des intimés

 

 

 

 

M. Claude Berger

 

Pour lui-même

 

 

 

 

 

Date d’audience : 15, 21, 22, 25, 26, 28 mars, 8, 9, 11, 12, 15, 17, 18, 19, 23, 24, 25, 26 avril, 6, 7, 8, 9, 10, 13, 14, 15 mai 2013.

 

 

 

 



[1]      Le chef de complot est commun à tous les coaccusés, mais le nombre de chefs de meurtre au premier degré varie selon les individus.

[2] Globe and Mail c. Canada (Procureur général), [2010] 2 R.C.S. 592, par. 56, 65.

[3] Berger c. R., C.S. 2012-10-15, no. 500-01-020150-097, par. 67 (j. Vauclair).

[4] Carey c. Ontario, [1986] 2 R.C.S. 637, 654; R. c. Meuckon (1990) 57 C.C.C. (3d)  193, 199 (C.A.C.-B.).

* Cette brève section a été ajoutée après la lecture orale de la décision à la Cour.

[5] Dans une décision sur l'opportunité de désigner un amicus curiae, j'ai plus amplement décrit la procédure suivie: voir R. c. Auger et al. C.S. 2013-04-24 no. 500-01-020150-097 (j. Vauclair).

[6] R. c. Find, [2001] 1 R.C.S. 863, par. 28 (références omises).

[7] Voir notamment l'article 185  C.cr.

[8] Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, L.R.Q., c A-2.1, art 28 à 29. R. c. McNeil, [2009] 1 R.C.S. 66, par. 19.

[9] R. c. Charron (2001), 47 C.R. (5th) 162 (C.A.Q.) appel accueilli pour d'autres motifs à Maranda c. Richer [2003] 3 R.C.S. 193. Voir également HUBBART, R.W., MAGOTIAUX, S. DUNCAN, S.M., The Law of Privilege in Canada, Aurora, Ontario : Canada Law Book, c2006- (v. feuilles mobiles), ¶ 1.20.

[10] R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263, 282.

[11] A.(L.L.) c. B.(A.), [1995] 4 R.C.S. 536, par. 37; R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445, par. 28; R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263, 282.

[12] Personne désignée c. Vancouver Sun, [2007] 3 R.C.S. 253, par. 27-30; R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445, par. 64.

[13] Le privilège des communications entre conjoints est maintenant codifié à la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, c C-5, art 4; A.(L.L.) c. B.(A.), [1995] 4 R.C.S. 536, par. 37-38.

[14] Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, 872-873.

[15] R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263.

[16] M.(A.) c.  Ryan, [1997] 1 R.C.S. 157.

[17] A.(L.L.) c. B.(A.), [1995] 4 R.C.S. 536, par. 31.

[18] R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477, par. 43.

[19] M.(A.) c.  Ryan, [1997] 1 R.C.S. 157, par. 20-21.

[20] R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477, par. 42.

[21] R. c. Trang (2003), 168 C.C.C. (3d) 145, par. 63 (C.B.R.A.); R. c. Chan 2002 ABQB 287.

[22] WIGMORE J.H., Evidence in Trials at Common Law, vol. 9, Toronto, Little & Brown, 1961, par. 2285.

[23] R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263, 282.

[24] R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477, 2010 CSC 16, par. 64.

[25] R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477, par. 53. Voir aussi Slavutych c. Baker, [1976] 1 R.C.S. 254; R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263, et R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445, par. 29.

[26] R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477, 2010 CSC 16, par. 60.

[27] R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263, 293.

[28] R. c. Trang (2003), 168 C.C.C. (3d) 145, par. 56-59 (C.B.R.A.).

[29] R. c. Trang (2003), 168 C.C.C. (3d) 145, par. 31 (C.B.R.A.). Au paragraphe 55, le juge Binder les distingue en les désignant comme un "qualified privilege"; R. c. Chan (2002) 164 C.C.C. (3d)  24, par. 48, 52 (C.B.R.A.).

[30] R. c. Chan (2002) 164 C.C.C. (3d)  24, par. 48 (C.B.R.A.).

[31] R. c. Taylor, 2010 ONSC 5448; R. c. Trang (2003), 168 C.C.C. (3d) 145 (C.B.R.A.).

[32] R. c. Trang (2003), 168 C.C.C. (3d) 145 (C.B.R.A.).

[33] R. c. Trang (2003), 168 C.C.C. (3d) 145, par. 63 (C.B.R.A.).

[34] R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477, par. 46.

[35] A.(L.L.) c. B.(A.), [1995] 4 R.C.S. 536, par. 65.

[36] R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477, par. 43; A.(L.L.) c. B.(A.), [1995] 4 R.C.S. 536, par. 70-71.

[37] R. c. National Post, [2010] 1 R.C.S. 477, par. 44.

[38] R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263.

[39] A.(L.L.) c. B.(A.), [1995] 4 R.C.S. 536, par. 65.

[40] R. c. Dubé, 2010 QCCA 1377.

[41] R. c. Dubé 2010 QCCA 1377, par. 11.

[42] R. c. Dubé 2010 QCCA 1377, par. 21-27.

[43] Carey c. Ontario, [1986] 2 R.C.S. 637, p. 655

[44] R. c. McNeil, [2009] 1 R.C.S. 66, par. 12.

[45] M.(A.) c. Ryan, [1997] 1 R.C.S. 157, par. 35.

[46] R. c. McNeil, [2009] 1 R.C.S. 66, par. 14.

[47] R. c. Dubé, 2010 QCCA 1377, par. 28.

[48] Globe and Mail c. Canada (Procureur général), [2010] 2 R.C.S. 592, par. 56.

[49] R. c. McNeil, [2009] 1 R.C.S. 66, par. 13.

[50] Voir supra, par. [52] et [53].

[51] Voir notamment: R. c. Personne désignée B, 2013 CSC 9 et R. c. Barros, [2011] 3 R.C.S. 368, par. 31 et 38.

[52] Construction de Castel Inc. c. Bélisle et al., C.S. 2013-03-05, no 505-36-001558-123, au par. 81, j. Marc-André Blanchard. Pour être complet, cette décision fait présentement l'objet d'un appel et son exécution est suspendue, sauf pour le paragraphe 120 de la décision. Voir R. c. Construction De Castel inc., 2013 QCCA 865.

[53] Personne désignée c. Vancouver Sun, [2007] 3 R.C.S. 253, par. 26

[54] R. c. Liepert, [1997] 1 R.C.S. 281, par. 16.

[55] R. c. Barros, [2011] 3 R.C.S. 368, par. 31; Bisaillon c. Keable, [1983] 2 R.C.S. 60.

[56] R. c. Barros, [2011] 3 R.C.S. 368, par. 32.

[57] Pièce I-33.

[58] M.(A.) c. Ryan, [1997] 1 R.C.S. 157, par. 39.

[59] R. c. Pires; R. c. Lising, [2005] 3 R.C.S. 343, par. 35.

[60] R. c. Pires; R. c. Lising, [2005] 3 R.C.S. 343, par. 3 et 33.

[61] R. c. Pires; R. c. Lising, [2005] 3 R.C.S. 343, par. 3.

[62] Personne désignée c. Vancouver Sun, [2007] 3 R.C.S. 253, par. 26.

[63] R. c. Leipert, [1997] 1 R.C.S. 281, par. 21; R. c. Barros, [2011] 3 R.C.S. 368, par. 34.

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