Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

QUÉBEC, LE 2 JUIN 1998

 

 

RÉGION:  Mauricie-                 DEVANT LA COMMISSAIRE:     Me MICHÈLE CARIGNAN

                 Centre-du-Québec

 

ASSISTÉE DES MEMBRES:          CARL DEVOST,

 Associations demployeurs

 

 YVON MARTEL,

 Associations syndicales

 

 

DOSSIER:  94247-04-9802          ASSISTÉE DE LASSESSEUR:    GUY VALLIÈRES,

 médecin

 

 

DOSSIER CSST:                      AUDIENCE TENUE LE:                 15 MAI 1998

112845367

 

À:                                             SHAWINIGAN

                                                                                                       

PARTIE APPELANTE:                    MONSIEUR ÉGILLES LAPOINTE

 1751, rue Saint-Michel

 SAINTE-THÈCLE (Québec)

 G0X 3G0

 

 

PARTIES INTÉRESSÉES:              BÉTONNIÈRE CRÊTE INC.

 340, Saint-Thomas

 PROULXVILLE (Québec)

 G0X 2B0

 

 GÉRARD CRÊTE & FILS INC.

 380, Route 159

 SAINT-SÉVERIN (Québec)

 G0X 2B0

 

 GROLEAU INC.

 631, rue Notre-Dame

 SAINTE-THÈCLE (Québec)

 G0X 3G0


Le 18 février 1998, M. Égilles Lapointe (le travailleur) interjette appel dune décision unanime rendue par le Bureau de révision le 15 janvier 1998 refusant la demande de révision du travailleur pour le motif que sa réclamation pour maladie professionnelle était irrecevable parce quelle a été produite hors délai.

 

Le présent appel a été logé devant la Commission dappel en matière de lésions professionnelles (la Commission dappel).  Toutefois, le 1er avril 1998 est entrée en vigueur la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives[1].  Cette loi crée la Commission des lésions professionnelles qui remplace la Commission dappel.  En vertu de larticle 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission dappel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.

 

La présente décision est donc rendue par la soussignée en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.

 

 

OBJET DE LAPPEL

 

Le travailleur demande quil soit reconnu que sa réclamation a été produite dans le délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c. A-3.001) (la loi) et quelle est recevable.

 

Les parties ont été convoquées sur la question du hors délai seulement.

 


Bien que dûment convoquées, les parties intéressées n’étaient pas représentées à laudience.

 

À laudience, le travailleur a soumis quil ny avait pas de preuve à offrir et que tout avait dit au Bureau de révision paritaire.

 

Dans la décision du Bureau de révision qui fait lobjet du présent appel, les faits sont rapportés comme suit :

 

«M. Égilles Lapointe, retraité, produit le 21 mai 1997 une réclamation de surdité professionnelle.  Selon les données figurant au document « Annexe à la réclamation du travailleur - Maladie professionnelle - Surdité », il a travaillé à titre de mécanicien de raboteuse chez Bétonnière Crête inc. davril 1993 à octobre 1995.  Il a travaillé de juin 1973 à avril 1993 chez Gérard Crête & Fils inc. À titre de mécanicien de raboteuse, dopérateur de chariot élévateur, de chef d’équipe et de contremaître.  Doctobre 1968 à décembre 1972, il était à lemploi de Groleau inc. À titre dopérateur de raboteuse, dopérateur de chariot élévateur et dopérateur de déligneuse.

 

M. Lapointe déclare que dans ses différents emplois, il travaillait dans le bruit mais quil na jamais fait le lien avant 1997 entre sa surdité et son exposition au bruit au travail.

 

Le 11 avril 1997, le Dr Georges Dufour produit pour la première fois un papier médical CSST faisant étant dune surdité professionnelle déclare-t‑il.

 

Interrogé sur le début de ses problèmes daudition, M. Lapointe déclare que sa surdité est devenue plus marquée en 1994.  Il déclare porter une prothèse auditive à loreille gauche depuis 1995 ou 1996.

 

Selon linformation au dossier, M. Lapointe a consulté le Dr Georges Dufour, oto-rhino-laryngologiste, en juin 1985 et une fiche audiométrique a été produite le 10 juin 1985 faisant apparaître une courbe typique dune baisse daudition attribuable au bruit.  Une deuxième fiche audiométrique a été produite à la demande du Dr Dufour le 17 août 1994.  Une troisième fiche audiométrique a été produite à la demande du Dr Dufour le 4 avril 1997.  Les courbes apparaissant aux fiches audiométriques de 1997 sont du même type que celles de 1985 laissant cependant entrevoir une surdité plus élevée.

 

Le 2 juin 1997, M. Lapointe produit un document portant sa signature où il indique que sa surdité remontre à 1992 et quil savait à ce moment quelle était dorigine industrielle.

 


Aux notes évolutives du 6 juin 1997, lagent de la CSST fait état dune conversation téléphoniques avec M. Lapointe dans les termes suivants :

 

« Le requérant mindique avoir travaillé la dernière fois pour son employeur en octobre 1995.  Il aurait déjà passé des tests auditifs vers 1984 par le CLSC St-Tite!  Il savait tout comme son patron sen doutait quil était atteint de trouble auditif et que sa surdité était probablement compensable par la CSST.  Néanmoins il me dit navoir pas produit sa réclamation pour surdité professionnelle à la CSST car il avait peur de la réaction négative de son employeur à ce propos concernant des représailles.  Il aurait passé avant 1997 dautres audiogrammes chez le Dr Dufour lequel lui aurait confirmé l’étiologie de sa surdité i.e. dorigine industrielle.  Le requérant malgré cela a attendu en avril 1997 pour présenter à la CSST sa demande pour surdité professionnelle. »

 

Confronté à ces propos à laudition, M. Lapointe les déclare juste.  Il précise quil navait pas à ce moment la certitude de lorigine professionnelle de sa surdité.»

 

 

AVIS DES MEMBRES

 

Les membres issus des associations syndicales et demployeurs sont davis que la réclamation du travailleur na pas été soumise dans le délai prévu à larticle 272 de la loi et que les motifs invoqués par le travailleur ne constituent pas un motif raisonnable au sens de la loi pour le relever des conséquences de son défaut.

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission des lésions professionnelles doit décider si la réclamation du travailleur a été déposée dans le délai prévu à la loi et, sil y a lieu, déterminer sil a été démontré un motif raisonnable permettant de relever le travailleur des conséquences de son défaut davoir déposé son appel dans le délai légal.


Les dispositions pertinentes de la loi se lisent comme suit :

 

272.   Le travailleur atteint dune maladie professionnelle ou, sil en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire quelle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint dune maladie professionnelle ou quil en est décédé, selon le cas.

 

Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.

 

La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.

 

352.  La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour lexercice dun droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

 

Le délai prévu à larticle 272 est un délai de rigueur et le non-respect de ce délai peut entraîner la déchéance du droit de bénéficier des dispositions de la loi, à moins quil soit démontré un motif raisonnable.

 

Avec respect pour les prétentions du travailleur, la Commission des lésions professionnelles souscrit entièrement aux motifs exposés par le Bureau de révision dans sa décision.

 

En effet, la preuve révèle de façon prépondérante que le travailleur avait connaissance que sa surdité était reliée à son travail dans le secteur de la construction depuis quelques années avant quil soumette sa réclamation à la CSST le 21 mai 1997.

 

Il suffit de lire les notes évolutives au dossier reprenant la conversation entre lagent dindemnisation et le travailleur le 6 juin 1997 pour sen convaincre.

 


De plus, il ressort des entretiens que la CSST a eus avec le travailleur et son épouse quils ne connaissaient pas lexistence du délai de six mois pour soumettre une réclamation pour maladie professionnelle.

 

La jurisprudence majoritaire de la Commission dappel est à leffet que le délai prévu à larticle 272 commence à courir à partir de la connaissance du travailleur quil peut être atteint dune maladie professionnelle.  Cette connaissance est une question de faits qui doit être appréciée dans chaque cas.  La connaissance a lieu lorsque le travailleur fait une relation possible entre sa maladie et son travail.

 

Considérant ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles estime que la réclamation du travailleur à la CSST pour faire reconnaître quil était atteint dune surdité professionnelle na pas été soumise dans le délai prévu à larticle 272 de la loi.

 

Il reste maintenant à déterminer sil est possible de relever le travailleur des conséquences de son défaut sil démontre un motif raisonnable au sens de larticle 352 de la loi.

 

La preuve prépondérante révèle que, si le travailleur na pas soumis sa réclamation avant, cest principalement parce quil ne savait pas quil avait un délai pour le faire.  Il a été négligent en ne sinformant pas de ses droits et, au surplus, lignorance de la loi ne constitue pas un motif raisonnable.

 


De plus, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas largument du travailleur voulant que son médecin ne se soit pas conformé à larticle 199 en ne transmettant pas à la CSST une attestation médicale en 1994 et quil sagirait là dun motif raisonnable.  En effet, larticle 272 prévoit quil revient au travailleur victime dune maladie professionnelle ou à sa succession dinitier la procédure de réclamation à la CSST en complétant le formulaire prescrit.

 

Cette obligation est celle du travailleur et non pas celle de son médecin.  Le tribunal tient à ajouter que larticle 199 se trouve dans le chapitre portant sur la procédure d’évaluation médicale et non pas sur la procédure de réclamation.

 

Ceci étant dit, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que le travailleur na pas soumis sa réclamation pour surdité professionnelle dans le délai prévu à larticle 272 de la loi et quil na pas démontré un motif raisonnable au sens de larticle 352 de la loi.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSION-NELLES :

 

REJETTE lappel logé le 18 février 1998 par M. Égilles Lapointe;

 

ET

 


CONFIRME la décision rendue par le Bureau de révision le 15 janvier 1998 déclarant irrecevable la réclamation de M. Égilles Lapointe parce que produite hors délai.

 

 

 

 

                                           

    MICHÈLE CARIGNAN

            Commissaire

 

 

 

SOCIÉTÉ CONSEIL L.N.P. INC.

(M. Raphaël Delli Gatti)

3730, rue Crémazie, bureau 205

MONTRÉAL (Québec)

H2A 1B4

 

Représentant de la partie appelante

 



   1 L.Q., c. 27, entrée en vigueur le 1er avril 1998, Décret 334-98.

AVIS :
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