Joly et Groupe St-Lambert |
2012 QCCLP 2715 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 1er septembre 2011, monsieur Denis Joly (le travailleur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il demande la révision de la décision rendue le 15 juillet 2011, par la Commission des lésions professionnelles.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 13 juillet 2010, à la suite d’une révision administrative, et déclare irrecevable la demande de révision du travailleur du 26 mai 2010.
[3] Une audience est tenue à Saint-Hyacinthe le 27 janvier 2012. Le travailleur est présent et représenté. Le Procureur général du Québec et la CSST, parties intervenantes, sont absents.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4]
Le travailleur demande de révoquer la décision rendue le 15 juillet 2011
au motif qu’il n’a pu se faire entendre et de déclarer que son indemnité de
remplacement du revenu ne pouvait être réduite en vertu de l’article
L’AVIS DES MEMBRES
[5] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales considèrent que le travailleur n’a pas démontré qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons suffisantes. Ils sont d’avis que sa requête en révocation de la décision du 15 juillet 2011 doit être rejetée.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de révoquer la décision rendue le 15 juillet 2011.
[7]
Le pouvoir de révision et de révocation est prévu à l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[8]
Dans le présent cas, le travailleur demande la révocation de la décision
du 15 juillet 2011, en vertu du deuxième motif de l’article
[9]
Pour obtenir la révocation d'une décision en vertu du deuxième motif prévu
par l'article
[10] La preuve au dossier révèle les éléments suivants :
[11] Le 1er février 2007, alors qu’il est âgé de 69 ans, le travailleur subit une lésion professionnelle. Celle-ci sera consolidée le 21 novembre 2007, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 9,20 % ainsi que des limitations fonctionnelles.
[12] Le 14 février 2008, un avis de paiement établit que l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur doit être réduite de 25 % à compter du 1er février 2008, en fonction de son âge.
[13]
Le 10 juin 2008, la CSST rend une décision selon laquelle le travailleur
ne peut reprendre son emploi de manœuvre. Elle confirme en conséquence
l’application de l’article
[14] Le 12 février 2009, un deuxième avis de paiement établit que l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur doit être réduite de 50 % à compter du 1er février 2009, en fonction de son âge.
[15] Le 11 février 2010, un troisième avis de paiement établit que l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur doit être à nouveau réduite de 75 % à compter du 1er février 2010, en fonction de son âge.
[16]
Le 26 mai 2010, le travailleur demande la révision de ces trois avis de
paiement. Il indique qu’après avoir pris connaissance de la décision rendue par
la Commission des lésions professionnelles le 16 mars 2010, dans l’affaire Côté
et Traverse Rivière-du-Loup St-Siméon[3], il estime que la CSST n’avait pas le droit de réduire ses indemnités. Rappelons que dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles déclare que l’indemnité de remplacement du revenu que
recevait le travailleur ne pouvait être réduite à partir de l’âge de 65 ans parce
que l’article
[17] À la suite de la contestation déposée par le travailleur, la Commission des lésions professionnelles convoque les parties à une audience le 12 mai 2011, à 13 h 30.
[18] Le 3 mai 2011, un représentant syndical avise le travailleur qu’il n’y aura aucune représentation de la part du syndicat étant donné qu’il n’est plus membre en règle de la CSD Construction.
[19] Le 5 mai 2011, le travailleur reçoit de la Commission des lésions professionnelles un avis l’informant que l’audience du 12 mai 2011 est annulée.
[20]
Le 5 mai 2011, le travailleur est informé par la Commission des lésions professionnelles que si, à l’audience remise au 21 juin 2011, il
entend remettre en question la constitutionnalité, la validité ou le caractère
opérant de l’article
[21] Le 9 mai 2011, le représentant syndical dépose à la Commission des lésions professionnelles un avis de « non représentation ».
[22] Le 10 mai 2011, la Commission des lésions professionnelles accuse réception du retrait de représentation
[23] Le 11 mai 2011, le travailleur transmet à la Commission des lésions professionnelles copie de l’avis qu’il a lui-même fait parvenir au Procureur général du Québec en date du 9 mai 2011.
[24] Le 17 juin 2011, une procureure du contentieux du Ministère de la Justice du Québec transmet une argumentation écrite à la Commission des lésions professionnelles, avec copie au travailleur. Il y est précisé que l’audience est prévue le 21 juin 2011, à 9 h 30.
[25]
Le 1er septembre 2011, le travailleur, par l’entremise d’un
représentant, demande la révocation ou la révision de la décision du 15 juillet
2011, en vertu du deuxième paragraphe de l’article
Considérant que le travailleur M. Denis Joly a reçu en date du 5 mai 2011, un avis d’enquête et d’audition.
Considérant qu’une modification fut apportée concernant l’heure de l’audience qui fut déplacée à 13.30 hrs le 21 juin 2011.
Considérant que le 21 juin 2011, M. Joly fut informé vers 11.20 hrs (réception d’un document reçu par Purolator).
Considérant qu’il apprend par téléphone que l’audience du 21 juin 2011 c’est tenue à 9.30 hrs.
Considérant que M. Joly ne fut pas informé de ce changement.
Considérant que dans une lettre du 3 mai 2011 M. Joly reçoit l’information qu’il n’a plus de représentant.
Considérant qu’à partir de cette date, M. Joly n’a plus aucune référence juridique.
Considérant qu’en vertu de la LATMP M. Joly a droit d’être représenté à son audience.
Pour ces motifs nous demandons à la Commission des lésions professionnelles d’être entendu.
[26] Il appert effectivement, du procès-verbal de l’audience tenue 21 juin 2011, que celle-ci était prévue à 9 h 30 et qu’elle s’est tenue de 9 h 51 à 9 h 57, en présence du procureur de la CSST.
[27] Dans la décision du 15 juillet 2011, le premier juge administratif traite de l’absence du travailleur, de la façon suivante :
[4] Le travailleur est absent au moment de l’audience. Il a cependant téléphoné au bureau de la Commission des lésions professionnelles vers 11 h 20 pour dire qu’il avait reçu ce matin même l’avis d’absence du Procureur Général du Québec mentionnant que l’audience était prévue pour 9 h 30. Il argumente ne pas avoir reçu l’avis d’audience alors que tout indique que cet avis lui a été envoyé le 5 mai 2011. La date et l’heure de l’audience ont d’ailleurs été choisies avec son consentement lors d’une première remise d’audience.
[28] Sur le fond du litige, ses motifs sont les suivants :
[22] La Commission des lésions professionnelles doit
maintenant déterminer si la demande de révision du travailleur du 26 mai 2010 a été déposée dans le délai prévu par l’article
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[23] Si la demande de révision n’est pas produite dans les 30 jours de la notification de la décision de la CSST, cette dernière peut prolonger le délai ou relever le travailleur des conséquences de son défaut si celui-ci démontre par une preuve prépondérante un motif raisonnable de ne pas l’avoir respecté.
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
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1997, c. 27, a. 15.
[24] La Commission des lésions professionnelles retient
de la preuve qu’au moment où la CSST a appliqué l’article
56. L'indemnité de remplacement du revenu est réduite de 25 % à compter du soixante-cinquième anniversaire de naissance du travailleur, de 50 % à compter de la deuxième année et de 75 % à compter de la troisième année suivant cette date.
Cependant, l'indemnité de remplacement du revenu du travailleur qui est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans est réduite de 25 % à compter de la deuxième année suivant la date du début de son incapacité, de 50 % à compter de la troisième année et de 75 % à compter de la quatrième année suivant cette date.
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1985, c. 6, a. 56.
[25] Ce n’est que le 26 mai 2010 que le travailleur demande la révision de l’ensemble des réductions de son indemnité de remplacement du revenu. Il indique qu’il a pris connaissance d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 16 mars 2010 et considère que la CSST n’avait pas le droit de réduire son indemnité.
[26] La Commission des lésions professionnelles ne considère pas que la prise de connaissance d’une décision de la Commission des lésions professionnelles dans un autre dossier soit un motif raisonnable pour relever le travailleur de son défaut d’avoir demandé la révision des décisions de la CSST dans le délai de 30 jours prévu par la loi.
[27] Le travailleur n’a pas fait la preuve de son incapacité de demander la révision de chacune des décisions de la CSST au moment où elles ont été rendues.
[28] Pour toutes ces raisons, la Commission des lésions professionnelles conclut que la demande de révision du travailleur du
26 mai 2010 a été déposée en dehors du délai prévu par l’article
[29] À l’audience tenue le 27 janvier 2012 devant le présent tribunal, le travailleur admet qu’il a bien reçu, de la Commission des lésions professionnelles, un avis de convocation pour une audience le 21 juin 2011, à 9 h 30. Il explique que lors de la remise de l’audience qui était prévue le 12 mai 2011, à 13 h 30, il a parlé à une personne au greffe de la Commission des lésions professionnelles afin de donner son consentement sur la prochaine date. Il affirme lui avoir dit : « Même heure, même poste » sans que cette personne ne le corrige à propos de l’heure. Il était donc convaincu que l’audience se tiendrait à 13 h 30, d’autant plus qu’il n’a pas « fait attention » à l’heure indiquée sur l’avis de convocation.
[30] Le travailleur soutient que c’est lorsqu’il a reçu, par Purolator, le 21 juin 2011, vers la fin de la matinée, l’argumentation écrite du 17 juin 2011, qu’il a constaté que l’heure de l’audience était 9 h 30 plutôt que 13 h 30. À ce moment-là, il se préparait à se présenter au tribunal pour 13 h 30. Il a donc immédiatement téléphoné au greffe de la Commission des lésions professionnelles.
[31] Le tribunal constate que le travailleur admet avoir reçu l’avis d’audience, alors qu’il a fait valoir le contraire auprès de la Commission des lésions professionnelles le 21 juin 2011, ce qui affecte la crédibilité de son témoignage. Le tribunal doute également de l’affirmation du travailleur selon laquelle, au moment où il a été joint par téléphone par une agente du greffe de la Commission des lésions professionnelles pour convenir d’un date d’audience, il n’aurait pas été avisé de l’heure de l’audience.
[32] Le tribunal estime que si le travailleur avait réellement l’intention d’être présent à l’audience du 21 juin 2011, il a été imprudent voire insouciant en ne vérifiant pas l’heure de l’audience inscrite sur son avis de convocation, qu’il avait en main depuis plusieurs semaines.
[33] Après considération des explications du travailleur et de la jurisprudence sur la question, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que ce dernier n'a pas démontré qu'il n'a pu se faire entendre pour une raison jugée suffisante. Sa requête doit être rejetée.
[34]
Ceci étant, le tribunal tient à préciser, en ce qui a trait au fond du
litige, que la décision Côté et Traverse Rivière-du-Loup St-Siméon,
selon laquelle l’article
[35] En outre, à la suite de cette décision, plusieurs travailleurs ont contesté sans succès les décisions de la CSST qui appliquent l’article 56 de la loi. [6]
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révocation de monsieur Denis Joly, le travailleur.
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Johanne Landry |
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Me Jaques Fleurent |
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R.A.T.T.A.C.Q. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Lien Trihn |
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BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) |
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Représentant du Procureur général du Québec
Me Pamela Gagnon VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON Représentante de la CSST |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Imbeault et S.E.C.A.L., C.L.P.
[3]
[4] L.R.Q., c. C-25.
[5] CSST c. CLP et Côté,
[6] Voir notamment : Ouellet et Entreprises GNP
inc.,
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