COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC QUÉBEC, le 8 avril 1988 DISTRICT D'APPEL DE QUÉBEC RÉGION: Bas St-Laurent Gaspésie DEVANT LE COMMISSAIRE: Claude Groleau DOSSIER: 01404-01-8611 DOSSIER CSST: 9253 526 AUDITION TENUE LE: 7 mai 1987 A: Rimouski FRANCIS LAVOIE 262, boul. Dion, app. 4 Matane, QC PARTIE APPELANTE et CEGEP RIMOUSKI 60, rue Evêché Ouest Rimouski, QC PARTIE INTÉRESSÉE et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL 180, rue des Gouverneurs Rimouski, QC PARTIE INTÉRESSÉE 01404-01-8611 2/ D É C I S I O N Le 24 novembre 1986, monsieur Francis Lavoie dépose à la Commission d'appel en matière de lé- sions professionnelles (la Commission d'appel) une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision du bureau de révision de la région du Bas St-Laurent Gaspésie.Cette décision unanime, rendue le 14 novembre 1986, maintient une décision rendue par la Commis- sion de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), à l'effet que l'appelant n'est pas un travailleur au sens de l'article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies profes- sionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) OBJET DE L'APPEL L'appelant demande à la Commission d'appel d'in- firmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'il est un travailleur au sens de l'ar- ticle 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et qu'il a été vic- time d'une lésion professionnelle le 4 avril 1986.
01404-01-86111 3/ Le 19 décembre 1986, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) transmet un avis d'intervention à la Commission d'appel.
LES FAITS Les parties s'en remettent aux faits tels que re- latés à la décision du bureau de révision dans les termes suivants: "HISTORIQUE DES FAITS: Le 4 avril 1986, monsieur Francis Lavoie était victime d'un accident en jouant au ballon-volant dans le cadre d'un cours obligatoire d'éducation physique en techniques policières. Cet événement est survenu à l'Institut de police du Québec, situé à Nicolet.
Cet étudiant et le Cegep de Rimouski ont produit à la Commission une réclamation sur les formulaires prescrits à cette fin.
Après étude, la Commission refusa cette réclamation à l'effet que monsieur La- voie était considéré un étudiant en for- mation et non en stage lors de l'événe- ment du 4 avril 1986.
Monsieur Lavoie contesta cette décision et une audition fut fixée au 22 octobre 1986 par le Bureau de révision pari- taire.
DÉCISION DU BUREAU DE RÉVISION PARITAIRE: De l'étude du dossier, du témoignage du demandeur et des représentations des parties, le Bureau de révision paritaire 01404-01-8611 4/ tient pour avérés de manière prépondé- rante les éléments suivants: 1) le programme de techniques policières comprend six sessions dont la der- nière se déroule principalement à l'Institut de police du Québec à Nicolet; 2) il est possible à un étudiant de cette discipline d'obtenir son di- plôme d'études collégiales en faisant la sixième session dans un autre en- droit que Nicolet. La seule con- trainte qui s'en suit, c'est qu'il ne pourra postuler un emploi dans un corps policiers tant provincial que municipal. Ce dernier exige que tout postulant doit avoir suivi sa sixième session cégépienne à l'Institut de police du Québec obligatoirement; 3) à Nicolet, l'étudiant fait un séjour de 17 semaines au cours desquelles il reçoit une formation théorique (cours de défense, de condition physique, de sécurité routière, de conduite auto- mobile, etc...) échelonnée sur 12 semaines consécutives et le reste (5 semaines) est consacré au travail de policier sur une base de simulation; 4) il est indiqué que tout au long de ces 17 semaines, l'étudiant est ha- billé en policier et est soumis à un régime de vie quasi militaire et ce, afin de lui inculquer un esprit de discipline et de contrôle de soi; 5) il est aussi mentionné que cette ses- sion pourra se donner à Rimouski mais que pour des raisons d'économie et de praticabilité, il est préférable que cela se déroule à Nicolet; 6) Le Cegep de Rimouski cotise pour les étudiants qui doivent faire un stage d'après leur définition à la Commis- sion. Cela comprend notamment les étudiants se rendant à Nicolet dont monsieur Lavoie faisait partie au printemps 1986." 01404-01-8611 5/ Les parties n'ont présenté aucune autre preuve devant la Commission d'appel.
Le Cégep de Rimouski, partie intéressée au présent appel, bien que dûment convoqué, n'est pas présent à l'heure, au temps et au lieu fixés pour l'audi- tion et n'a fait aucune représentation.
ARGUMENTATION DES PARTIES L'appelant soumet que l'Institut de police du Qué- bec est un établissement au sens de la loi et que tout étudiant qui fréquente cet Institut doit être considéré comme un travailleur étant donné que 1e Cégep de Rimouski paie une cotisation à la Commis- sion pour couvrir ces étudiants.
La Commission soutient pour sa part qu'au moment de son accident, l'appelant était toujours en pé- riode de formation et n'effectuait pas "un stage non rémunéré dans un établissement" au sens de la loi.
Selon la Commission, effectuer un stage non rému- néré dans un établissement signifie effectuer un travail qui est normalement exécuté par un tra- vailleur rémunéré dans cet établissement.
01404-01-8611 6/ Or, selon la Commission, la sixième session du programme de techniques policières qui se déroule à l'Institut de police du Québec est une période au cours de laquelle on simule des situations dans lesquelles pourra se trouver l'étudiant lorsqu'il sera policier. Il ne s'agit donc pas d'un travail réel.
MOTIFS DE LA DÉCISION Dans la présente instance, la Commission d'appel doit déterminer si l'appelant a été victime d'une lésion professionnelle le 4 avril 1986 lorsqu'il a subi une blessure au cours d'une partie de ballon- volant disputée dans le cadre d'un cours obliga- toire dispensé par l'Institut de police du Québec.
L'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles définit comme suit la lésion professionnelle: "lésion professionnelle": une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail ou une maladie professionnelle, y com- pris la récidive, la rechute ou l'aggra- vation; 01404-01-8611 7/ Quant à l'accident du travail, ce même article 2 le définit comme suit: "accident du travail": un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion pro- fessionnelle; Par ailleurs, la maladie professionnelle est dé- finie dans les termes suivants à l'article 2 de la loi: "maladie professionnelle" : une maladie contractée par le fait ou a l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou qui est reliée directement aux risques particuliers de ce travail; Il ressort de ce qui précède qu'une lésion profes- sionnelle au sens de la loi est une blessure ou maladie qui survient par le fait ou à l'occasion du travail exécuté par une personne.
Or, dans le contexte de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la notion de travail suppose nécessairement qu'on soit en présence d'un employeur et d'un travail- leur.
01404-01-8611 8/ Ainsi, l'article 7 de cette loi édicte ce qui suit: 7. La présente loi s'applique au tra- vailleur victime d'un accident du tra- vail survenu au Québec ou d'une maladie professionnelle contractée au Québec et dont l'employeur a un établissement au Québec lorsque l'accident survient ou la maladie est contractée.
(...) L'article 2 donne la définition suivante d'employeur: "employeur": une personne qui, en vertu d'un contrat de louage de services per- sonnels ou d'un contrat d'apprentissage, utilise les services d'un travailleur aux fins de son établissement; Le même article donne la définition suivante du travailleur: "travailleur": une personne physique qui exécute un travail pour un emplo- yeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de louage de services per- sonnels ou d'apprentissage, à l'exclu- sion: 10 du domestique; 20 de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une 01404-01-8611 9/ personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier; 30 de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus; On constate, à la lecture de ces définitions, qu'un employeur et un travailleur sont des per- sonnes qui sont liées par un contrat de services personnels ou d'apprentissage, en vertu duquel le travailleur exécute un travail pour l'employeur, moyennant rémunération.
La notion de travail rémunéré effectué par une personne pour le compte d'une autre personne est donc au coeur de cette relation employeur-travail- leur au sens de la loi.
La Loi sur les accidents du travail et les mala- dies professionnelles prévoit cependant que, dans certains cas spécifiques, une personne qui exécute un travail pour le compte d'une autre personne est un travailleur au sens de cette loi même si elle n'est pas rémunérée pour ce travail.
Ainsi, l'article 10 de cette loi édicte ce qui suit: 01404-01-8611 10/ 10. Est considéré un travailleur à l'emploi de l'institution d'enseignement dans laquelle il poursuit ses études ou, si cette institution relève d'une com- mission scolaire, de cette dernière, l'étudiant qui, sous la responsabilité de cette institution, effectue un stage non rémunéré dans un établissement (...) La loi ne précise pas ce qu'on doit entendre par un stage. La Commission d'appel considère toute- fois que cette expression doit être interprétée dans 1e contexte de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et de sa notion centrale, la lésion professionnelle c'est- à-dire la blessure ou la maladie qui survient par le fait ou à l'occasion du travail.
La Commission d'appel conclut donc que le stage, au sens de l'article 10, implique l'exécution d'un travail par un étudiant, pour le compte d'un em- ployeur et sans rémunération, dans le cadre de son programme de formation et sous la responsabilité de l'établissement d'enseignement qu'il fréquente.
Un stage implique donc l'exécution d'un travail pour 1e compte d'un employeur, dans un véritable contexte de travail, par opposition aux exercices pratiques ou simulations effectuées dans le con- texte de la relation enseignant-étudiant.
01404-01-8611 11/ Il en découle que l'étudiant qui effectue des exercices pratiques qui simulent le contexte de travail et les tâches qu'il sera appelé à exécuter lorsqu'il sera sur le marché du travail, n'effec- tue pas un stage au sens de l'article 10 et ne sera pas alors un travailleur, au sens de cet ar- ticle parce qu'il n'exécute pas un travail pour le compte d'un employeur dans un véritable contexte de travail.
Il est en preuve que l'appelant, qui est étudiant en techniques policières au Cégep de Rimouski, a choisi de suivre sa dernière session de cours à l'Institut de police du Québec afin d'avoir accès à un éventail d'emplois plus large lorsqu'il aura terminé ses études.
Il est possible que les étudiants en techniques policières qui optent en faveur de la dernière session de cours à l'Institut de police du Québec qualifient de stage leur séjour à cette institu- tion d'enseignement spécialisé compte tenu de ses particularités.
Cependant, on ne peut conclure, du seul fait de cette qualification par les étudiants, que l'en- seignement qu'ils reçoivent à l'Institut de police 01404-01-8611 12/ du Québec constitue un stage au sens de l'article 10 précité et qu'ils sont des travailleurs au sens de cet article lors de leur séjour à l'Institut de police du Québec.
De plus, le fait que le Cégep de Rimouski paie des cotisations à la Commission pour ses étudiants en techniques policières qui font leur dernière ses- sion de cours à l'Institut de police du Québec, n'est pas un élément déterminant de leur statut de travailleurs au sens de l'article 10.
La Commission d'appel considère que ces étudiants sont alors simplement dans la même situation, face à l'Institut de police du Québec, que tout autre étudiant qui décide, pour une raison ou pour une autre, de suivre un cours dans une autre institu- tion d'enseignement que celle où il a jusque là suivi ses cours ou qui décide de poursuivre ses études dans une autre institution d'enseignement.
Pour qu'on puisse déterminer que ces étudiants sont des travailleurs au sens de l'article 10, on doit nécessairement conclure qu'ils exécutent un travail, sans rémunération, pour le compte de l'Institut de police du Québec ou d'un autre em- ployeur dans le cadre de leur programme de 01404-01-8611 13/ formation et sous la responsabilité du Cégep de Rimouski.
On a mis en preuve qu'à l'Institut de police du Québec, les étudiants doivent être vêtus comme des policiers et que les techniques d'enseignement impliquent notamment des exercices pratiques qui simulent le travail de policier.
Cependant, aucune preuve de nature à permettre de conclure que les étudiants de l'Institut de police du Québec accomplissent, dans le cadre de leur formation, le travail de policier pour le compte d'un employeur, dans un véritable contexte de tra- vail, n'a été soumise à la Commission d'appel.
De plus, aucune preuve de cette nature n'a été soumise en ce qui concerne l'appelant de façon spécifique.
La Commission d'appel conclut en conséquence que l'appelant n'est pas visé par l'article 10 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qu'il n'est pas un travailleur au sens de cet article et de la loi et que la blessure qu'il a subie 1e 4 avril 1986 lors d'une partie de ballon-volant disputée dans le cadre 01404-01-8611 14/ d'un cours obligatoire d'éducation physique dis- pensé par l'Institut de police du Québec n'est pas une lésion professionnelle au sens de cette loi.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel; CONFIRME la décision rendue le 14 novembre 1986 par le bureau de révision de la région du Bas St- Laurent - Gaspésie; et DÉCLARE que monsieur Francis Lavoie n'a pas été victime d'une lésion professionnelle le 4 avril 1986.
Claude Groleau Commissaire Cégep de Rimouski (Monsieur Gilles Bellavance) 60, rue Évêché Ouest Rimouski (Québec) G5L 4G6 Représentant de la partie intéressée (Cégep de Rimouski) Lafontaine, Chayer, Cliche & Ass.
(Me Dorothée Biron) 180, rue des Gouverneurs Rimouski (Québec) G5L 8G1 (Représentant de la partie intéressée (CSST)
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.