Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Montacier International inc. et Tardif

2014 QCCLP 1903

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

26 mars 2014

 

Région :

Québec

 

Dossiers :

449296-31-1109                                         450151-31-1109

 

Dossier CSST :

137846739

 

Commissaire :

Monique Lamarre, juge administratif

 

Membres :

Esther East, associations d’employeurs

 

Pierrette Giroux, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

449296

450151

 

 

Montacier International inc.

Serge Tardif

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Serge Tardif

Montacier International inc.

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 11 octobre 2013, monsieur Serge Tardif (le travailleur) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 29 août 2013.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que le diagnostic retenu en relation avec la lésion professionnelle subie le 14 avril 2011 est celui d’entorse dorsolombaire. Elle déclare également que la lésion est consolidée le 18 août 2011, que les soins et traitements ne sont plus nécessaires, qu’il ne subsiste aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles et que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis cette date.

[3]           L’audience sur la présente requête en révision a lieu à Québec, le 19 mars 2014, en présence du travailleur qui n’est pas représenté et d’un avocat de Montacier International inc. (l’employeur). La cause avait été prise en délibéré à la date de l’audience. Cependant, il y a lieu de préciser que le 24 mars 2014, le travailleur est venu déposer des documents auxquels il avait fait référence dans le cadre de son argumentation, soit de la littérature médicale produite par le docteur Nadeau lors de l’audience initiale. Ces documents ne se trouvant pas au dossier, le tribunal a suspendu son délibéré pour en accepter le dépôt. La cause est donc remise en délibéré le 24 mars 2014.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           Le travailleur demande la révision de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 29 août 2013, et de déclarer que les diagnostics en relation avec l’accident du travail survenu le 14 avril 2011, sont ceux d’entorses cervicale et dorsolombaire, que cette lésion est consolidée depuis le 15 décembre 2011 avec une atteinte permanente de 4 % et les limitations fonctionnelles retenues par le docteur Giroux, qui l’empêchent d’exercer son emploi.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           La membre issue des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont toutes les deux d’avis de rejeter la requête. Contrairement à ce qui est allégué par le travailleur, elles considèrent qu’il a eu droit à une défense pleine et entière et ne voient aucunement en quoi son représentant l’a mal représenté. C’est plutôt le fait qu’il ne soit pas d’accord avec les conclusions retenues par le premier juge administratif qui l’amène à soulever qu’il est insatisfait des services de son avocat. Elles retiennent, par ailleurs, que tous les arguments invoqués par le travailleur au regard de nombreuses erreurs commises dans son dossier et de faits nouveaux, correspondent à une demande de réappréciation de la preuve, ce qui ne donne pas ouverture à la révision de la décision.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           Le tribunal siégeant en révision doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 29 août 2013.

[7]           L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

____________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]           Le recours en révision ou en révocation est prévu à l’article 429.56 de la loi :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendue :

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]           Le recours en révision ou en révocation s’inscrit dans le contexte de l’article 429.49 de la loi qui prévoit qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Tel qu’expliqué au travailleur à l’audience, une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 de la loi est établi. Il ne s’agit pas d’un second appel et il ne suffit pas d’être en désaccord avec une décision pour qu’il y ait matière à révision.

[10]        Les trois motifs pouvant donner ouverture à la révision ou à la révocation sont les suivants. Premièrement, lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente. Deuxièmement, lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre. Troisièmement, lorsqu’il est démontré un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision.

[11]        Compte tenu des allégués de la requête du travailleur, celui-ci invoque essentiellement l’application du troisième alinéa du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Il doit donc démontrer que la décision comporte un « vice de fond » qui est de « nature à l’invalider ». Cette notion a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles[2] comme étant une erreur manifeste, de droit ou de faits, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.

[12]        Dans l’affaire C.S.S.T. et Fontaine[3], la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur la notion de « vice de fond ». Elle réitère que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore d’interpréter différemment le droit. Elle établit également que la décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. Dans l’affaire Fontaine, comme elle l’avait déjà fait dans la cause TAQ c. Godin[4], la Cour d’appel invite et incite la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de son pouvoir de révision.

[13]        Ainsi, un juge administratif saisi d'une requête en révision ne peut pas écarter la conclusion à laquelle en vient le premier juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion au motif qu'il n'apprécie pas la preuve de la même manière que celui-ci. Il a été maintes fois réitéré que ce recours ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi.

[14]        Par ailleurs, le travailleur allègue également un manquement aux règles de justice naturelle invoquant ne pas avoir eu droit à une défense pleine et entière. À cet égard, il soutient avoir été mal représenté car son avocat ne connaissait pas son dossier, celui-ci étant intervenu à la dernière minute pour remplacer un collègue. Lorsqu’un tel manquement aux règles de justice naturelle est démontré, la jurisprudence[5] enseigne qu’il s’agit alors d’un vice de fond qui entraîne la révocation de la décision attaquée.

[15]        Cependant, la jurisprudence établit également qu’à moins de circonstances vraiment exceptionnelles, l’erreur, l’incompétence ou les mauvais choix d’un représentant ne donnent pas ouverture à la révision ou à la révocation d’une décision parce que celle-ci a un caractère final et que le recours prévu par l'article 429.56 de la loi n’a pas pour but de permettre à une partie de bonifier sa preuve ou son argumentation[6].

[16]        Dans le présent cas, tel que mentionné aux paragraphes introductifs de la décision, le premier juge administratif devait déterminer quel diagnostic était en relation avec l’accident du travail survenu le 14 avril 2011. La survenance de l’accident du travail n’était pas remise en question par l’employeur. Plus précisément, au cœur du débat, il s’agissait de déterminer si les problèmes cervicaux du travailleur étaient en relation avec l’accident du travail ou si le seul diagnostic à retenir était celui d’entorse dorsolombaire.

[17]        Le premier juge administratif devait également déterminer les conséquences médicales relatives à la lésion professionnelle, à savoir la date de consolidation, la nécessité des soins et traitements, la présence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles et la capacité du travailleur à exercer son emploi.

[18]        Dans le cadre de l’administration de la preuve, le premier juge administratif a entendu le témoignage du travailleur et des docteurs Giroux et Nadeau, chacun témoignant à la demande d’une partie. De plus, hormis la preuve documentaire et médicale déjà présente au dossier incluant différentes expertises médicales, divers documents principalement d’ordre médical sont déposés à l’audience.

[19]        Après avoir pris en considération l’ensemble de la preuve documentaire et médicale et les argumentations, le premier juge administratif retient la thèse soumise par l’employeur. Il écarte le diagnostic d’entorse cervicale et retient uniquement celui d’entorse dorsolombaire. Il considère que cette lésion est consolidée, sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles et que le travailleur est, conséquemment, en mesure d’exercer son emploi.

[20]        Dans le cadre de sa décision, le premier juge administratif résume d’abord l’essentiel de la preuve factuelle et médicale. Puis, au paragraphe [47] de la décision, il introduit les motifs de la décision en indiquant qu’il doit déterminer s’il y a lieu de retenir le diagnostic d’entorse cervicale en relation avec les événements survenus les 13 et 14 avril 2011.

[21]        À partir des paragraphes [48] et suivants, il explique en quoi il considère que la preuve n’établit pas de façon prépondérante que le travailleur a été victime d’une entorse cervicale les 13 et 14 avril 2011. Il retient essentiellement de la preuve médicale soumise que les problèmes cervicaux du travailleur ne sont pas apparus de façon contemporaine aux événements et qu’ils ne peuvent être considérés comme étant en relation avec l’accident du travail. À ce propos, il explique comment il en vient à tirer ces conclusions à partir notamment des notes cliniques initiales.

[22]        Il explique également pourquoi il considère comme non probante la prémisse du docteur Giroux selon laquelle c’est l’importance des douleurs lombaires présentées par le travailleur qui fait en sorte que les médecins ne font pas initialement état de douleurs cervicales. De fait, il considère que cette prémisse du docteur Giroux ne concorde pas avec le témoignage du travailleur qui précise que ses douleurs cervicales étaient aussi intenses que ses douleurs lombaires.

[23]        Le premier juge administratif indique que, dans ces circonstances, il y a lieu de maintenir la conclusion du membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Lacoursière, qui écarte le diagnostic d’entorse cervicale et maintient uniquement celui d’entorse dorsolombaire.

[24]        Par la suite, en analysant l’ensemble de la preuve médicale, le premier juge administratif explique pourquoi il retient que la lésion est consolidée le 18 août 2011 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles et que le travailleur est capable d’exercer son emploi.

[25]        Le travailleur soutient que cette décision comporte des vices de fond de nature à l’invalider.

[26]        Il plaide d’abord avoir été mal représenté lors de l’audience. Il allègue avoir été représenté par maître Richard Guérette pendant deux ans alors qu’à la dernière minute, c’est un autre avocat, maître Dominic Asselin, qui l’a finalement représenté à l’audience, sans vraiment connaître son dossier. Il reproche notamment à son représentant d’avoir omis de s’assurer de la présence du docteur Giroux lors du témoignage du docteur Nadeau afin de pouvoir le contredire. Il lui reproche également d’avoir baissé les bras et d’avoir cessé de poser des questions en contre-interrogatoire au docteur Nadeau, alors qu’il aurait dû chercher à le mettre davantage en contradiction. De plus, comme il ne connaissait pas bien son dossier, il estime qu’en argumentation, son avocat n’a pas fait ressortir les points importants permettant de contrer les arguments de l’autre partie.

[27]        D’abord, tel que précédemment mentionné, la jurisprudence établit clairement qu’à moins de circonstances vraiment exceptionnelles, l’erreur, l’incompétence ou les mauvais choix d’un représentant valablement mandaté par une partie ne constituent pas des motifs de révision ou de révocation[7]. Or, dans le présent cas, le tribunal siégeant en révision est d’avis que de telles circonstances exceptionnelles n’ont pas été démontrées.

[28]        D’abord, il y a lieu de rétablir certains faits au regard des allégations du travailleur. La soussignée a écouté l’enregistrement de l’audience ayant eu lieu devant le premier juge administratif qui s’est déroulée sur une journée et demie.

[29]        Le 13 décembre 2012, lors de la première demie journée d’audience, le travailleur est représenté par maître Guérette. Le travailleur témoigne en interrogatoire principal, mais son interrogatoire est suspendu à la demande de maître Guérette afin d’avoir le temps de faire entendre le docteur Giroux, témoin expert du travailleur, pour éviter qu’il ait à revenir lors de la deuxième journée d’audience. Il est à noter que lors de la première journée d’audience, l’employeur n’est pas accompagné de son témoin expert, le docteur Nadeau, qui est donc absent lors du contre-interrogatoire du docteur Giroux.

[30]        Dans une lettre datée du 18 juin 2013, maître Asselin informe le tribunal qu’il représente dorénavant le travailleur en remplacement de maître Guérette et qu’il désire obtenir une copie de l’enregistrement de la première journée d’audience.

[31]        Le 11 juillet 2013, lors de la deuxième journée d’audience, maître Asselin informe le premier juge administratif avoir pris connaissance du dossier et écouté l’enregistrement de la première journée d’audience et qu’il souhaite compléter l’interrogatoire principal du travailleur avant qu’il puisse être contre-interrogé. C’est ainsi que lors de la deuxième journée d’audience, le travailleur a eu l’occasion de compléter son interrogatoire principal et qu’il a été contre-interrogé. Puis, le docteur Nadeau, est interrogé par l’avocat de l’employeur et contre-interrogé par celui du travailleur. Finalement, les deux avocats ont plaidé en argumentation, cette partie de l’audience se terminant par une réplique du représentant du travailleur.

[32]        Ainsi, le tribunal siégeant en révision retient d’abord que, contrairement aux allégations du travailleur, maître Asselin n’a pas pris le dossier du travailleur à la dernière minute. Non seulement, il a comparu au dossier un mois avant la deuxième journée d’audience, mais il a également pris connaissance du dossier et de l’enregistrement de la première journée. De plus, lors de la deuxième journée d’audience, il a complété l’interrogatoire principal du travailleur et il a contre-interrogé le docteur Nadeau. Il a longuement argumenté et c’est lui qui a terminé l’audience en répliquant à l’argumentation de l’avocat de l’employeur. Ainsi, le tribunal siégeant en révision constate que le travailleur a pleinement eu l’occasion de se faire entendre et de s’expliquer sur les différents éléments en litige. D’ailleurs, en aucun temps, le travailleur n’a manifesté d’insatisfaction à l’égard de ses représentants avant de recevoir la décision du 29 août 2013.

[33]        Quant au fait que maître Asselin a terminé trop rapidement le contre-interrogatoire du docteur Nadeau et que le docteur Giroux n’a pas assisté au témoignage de ce dernier, il ne s’agit pas d’un motif de révision. En effet, tel que mentionné précédemment, les choix stratégiques d’un représentant ne constituent pas un motif de révision. De plus, il s’agit d’une façon de faire que l’on voit régulièrement devant le tribunal, d’autant plus, qu’en l’espèce, le docteur Nadeau n’était pas non plus présent lors du contre-interrogatoire du docteur Giroux.

[34]        Ainsi, le tribunal siégeant en révision constate que tout au long de l’audience initiale, le travailleur ne s’est jamais plaint de la qualité de la représentation de ses avocats. De fait, il s’en plaint aujourd’hui manifestement parce qu’il n’est pas d’accord avec le résultat de la décision. La révision ne doit pas être l’occasion pour une partie d’avoir une seconde chance et de bonifier sa preuve ou son argumentation[8].

[35]        Dans un deuxième temps, tant dans sa lettre datée du 5 mars 2014 précisant ses motifs qu’à l’audience, le travailleur invoque essentiellement que plusieurs erreurs ont été commises dans son dossier par les docteurs Nadeau, Lacoursière et Blanchet.

[36]        Il prétend que l’expertise du docteur Nadeau comporte diverses erreurs et contradictions. À titre d’exemples, il allègue qu’il ne rapporte pas bien les faits, qu’il s’est contredit en ne retenant pas le même diagnostic à l’audience que celui retenu dans son expertise et qu’il s’est mépris sur les raisons pour lesquelles c’est le travailleur qui a demandé à son médecin de passer une résonance magnétique pour l’ensemble de la colonne vertébrale.

[37]        Il insiste également beaucoup sur le fait que le docteur Nadeau commet plusieurs erreurs en interprétant les notes cliniques médicales contemporaines de l’infirmière et des docteurs Berthelot et Packwood. À cet égard, il soutient également qu’au lieu de retenir l’interprétation du docteur Nadeau et de l’avocat de l’employeur, le premier juge administratif aurait dû retenir celle du docteur Giroux selon laquelle, à partir de la note de l’infirmière rapportant des douleurs dorsales irradiant au cou, les médecins auraient dû lui examiner la colonne cervicale.

[38]        Il prétend que les docteurs Blanchet et Lacoursière ont également commis plusieurs erreurs dans l’interprétation des notes médicales au dossier. Le travailleur donne divers exemples d’erreurs que ses médecins ont commis.

[39]        De fait, le travailleur soutient qu’il en aurait pour plusieurs heures à souligner toutes les erreurs commises dans son dossier. Questionné par le tribunal à ce sujet, il reconnaît finalement que c’est après avoir pris connaissance de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 29 août 2013, avec laquelle il n’est pas d’accord, qu’il a trouvé toutes ces erreurs en épluchant son dossier.

[40]        Or, par l’ensemble de ses allégations d’erreurs et de ses arguments, le travailleur recherche clairement une réappréciation de la preuve. Il revient sur la preuve médicale soumise devant le premier juge administratif. Il cherche à nous convaincre que celle supportant la thèse de l’employeur est truffée d’erreurs alors que la preuve qu’il a soumise est celle qui aurait dû être retenue.

[41]        Ce faisant, il ne démontre pas que la décision comporte des erreurs manifestes et déterminantes, mais bien qu’il n’est pas d’accord avec la décision du premier juge administratif.

[42]        Or, tel que répété au travailleur à plusieurs reprises tout au long de son argumentation, un recours en révision n’est pas une nouvelle occasion qui est donnée à une partie, après une nouvelle analyse de la preuve, de reprendre devant un autre juge administratif les arguments déjà soumis ou de les bonifier en soulignant de nombreuses erreurs dans la preuve présentée par la partie adverse, afin d’obtenir de nouvelles conclusions.

[43]        C’est exactement ce que fait le travailleur. Il ne démontre pas que la décision rendue le 29 août 2013 comporte un vice de fond de nature à l’invalider, mais plutôt qu’il est en désaccord avec l’appréciation de la preuve faite par le premier juge administratif. Or, tel que souligné au travailleur à l’audience, le fait de ne pas être d’accord avec la décision du premier juge administratif n’est pas un motif de révision prévu à l’article 429.56 de la loi.

[44]        Finalement, le travailleur évoque avoir découvert des faits nouveaux qui permettent la révision de la décision au sens du premier paragraphe, du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi.

[45]        La jurisprudence[9] enseigne que le « fait nouveau » doit avoir existé avant la décision du premier juge administratif, mais avoir été découvert après celle-ci, alors qu’il était impossible de l’obtenir au moment de l’audience initiale. Il doit également avoir un effet déterminant sur le sort du litige.

[46]        En guise de faits nouveaux, le travailleur fait référence à des textes de littérature médicale produits à l’audience par le docteur Nadeau et soutient que différents éléments de ces documents appuient le fait qu’il a bel et bien subi un traumatisme cervical lors de l’événement accidentel du 13 avril 2011.

[47]        Le tribunal siégeant en révision estime qu’il ne s’agit pas de faits nouveaux, mais de sa propre interprétation de documents déjà discutés lors de l’audience initiale. Par cet argument, le travailleur tente encore ici de bonifier l’argumentation soumise devant le premier juge administratif, ce que ne permet pas le recours en révision. Par ailleurs, même s’il s’agissait de nouveaux textes de littérature médicale découverts par le travailleur après l’audience, on ne pourrait non plus les considérer comme des faits nouveaux, puisque que ces textes existaient au moment de l’audience initiale et qu’il n’était pas impossible de les obtenir et de les produire à ce moment-là.

[48]        Comme faits nouveaux, le travailleur soumet également plusieurs rapports médicaux dont les dates sont postérieures à celle de la décision rendue le 29 août 2013. Ils ne peuvent être considérés comme des faits nouveaux puisqu’ils n’existaient pas avant la décision.

[49]        Pour toutes ces raisons, le tribunal siégeant en révision estime qu’aucun des arguments invoqués par le travailleur ne correspond à un motif de révision prévu à l’article 429.56 de la loi. Ils correspondent tous à une demande de réappréciation de la preuve ce qui ne donne pas ouverture à la révision de la décision.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Serge Tardif, le travailleur.

 

 

__________________________________

 

Monique Lamarre

 

 

 

 

Me Philippe Béliveau

BOURQUE, TÉTREAULT & ASS.

            Représentant de Montacier International inc.

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Voir notamment Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[3]          [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[4]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).

[5]           Casino de Hull et Gascon, [2000] C.L.P. 671; Dallaire et Jeno Neuman & fils inc., [2000] C.L.P. 1146; Poplawski et Université McGill 2009 QCCLP 251; Systèmes de traitement d’air Ventrol et Duguay, C.L.P. 346827-71-0804, 23 septembre 2011, S. Sénéchal.

[6]          Vêtements Peerless inc. et Doan, [2001] C.L.P. 360.

[7]           Vêtements Peerless inc. et Doan, précitée note 6; Centre hospitalier régional de l'Outaouais et Pelletier, 90565-07-9708, 13 mars 2003, M. Zigby; Therrien et Fabrique paroissiale de la purification de la bienheureuse Vierge Marie, 158484-63-0104, 5 décembre 2005, L. Nadeau.

[8]           Vêtements Peerless inc. et Doan, précitée note 6.

[9]           Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque; Roland Bouchard (succession) et Construction Norascon inc. et als, C.L.P. 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau.

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