Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Desrochers et Centre Bell

2012 QCCLP 2142

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

23 mars 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

428292-71-1101

 

Dossier CSST :

136071164

 

Commissaire :

Sylvie Arcand, juge administratif

 

Membres :

Michel Gauthier, associations d’employeurs

 

Jennifer Smith, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Pierre Desrochers

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre Bell

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 3 janvier 2011, monsieur Pierre Desrochers (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 23 novembre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision en révision, la CSST confirme en partie celle qu’elle a initialement rendue le 7 juillet 2010 à l’effet que des sommes ont été versées en trop au travailleur entre le 10 mai 2010 et le 1er juillet 2010 en raison de son retour au travail progressif.

[3]           À l’audience, le travailleur était présent.  Le Centre Bell (l’employeur) était absent.  Il avait informé le tribunal de son absence et fait parvenir, avant l’audience, un relevé des heures travaillées par le travailleur pour la période en litige

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du 23 novembre 2010 au motif que la CSST doit tenir compte, non pas des heures réellement travaillées, mais d’une journée normale de travail pour la réduction de son indemnité de remplacement du revenu.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que la membre issue des associations syndicales sont d’avis que la requête du travailleur doit être rejetée.  Ils retiennent la jurisprudence majoritaire du tribunal à l’effet que l’article 52 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) doit recevoir application.  Par conséquent, la CSST doit soustraire de l’indemnité de remplacement du revenu qu’elle doit verser au travailleur les heures payées par son employeur alors qu’il est en retour au travail progressif.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST est bien fondée de soustraire de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur les heures qu’il a travaillées en retour au travail progressif.

[7]           Le travailleur occupe un emploi de chef accessoiriste et de technicien chez l’employeur lorsqu’il est victime d’un accident du travail le 7 avril 2010.  À cette date, il fait une chute et se frappe la tête contre le sol.  Sa réclamation est acceptée le 17 mai 2010 en raison d’un diagnostic d’amnésie rétrograde.

[8]           La CSST fut avisée que le travailleur avait repris son travail, en retour au travail progressif, le 10 mai 2010.

[9]           Selon l’information fournie par l’employeur au tribunal, le travailleur a repris le travail dès le 4 mai 2010.

[10]        Le retour au travail est autorisé par le médecin qui prévoit un retour au travail à deux jours par semaine à compter du 10 mai 2010 et à trois jours par semaine, à compter du 17 mai 2010.

[11]        Le 26 mai 2010, le médecin prévoit toujours un retour au travail progressif, mais seulement à deux jours par semaine.  Le 15 juin suivant, il prévoit un retour au travail à trois jours par semaine, mais pour un maximum de huit heures par jour.

[12]        Lors de son témoignage à l’audience, le travailleur considère qu’on a réduit son indemnité de remplacement du revenu de façon excessive puisque la CSST a soustrait toutes les heures réellement travaillées.  Le travailleur explique que son travail prélésionnel est un travail qui l’appelle à travailler parfois jusqu’à 20 heures par jour.  En effet, lorsqu’il a repris le travail en retour progressif, il a travaillé des journées excédant huit heures à plusieurs reprises.  Il soumet un tableau à l’appui de sa position.  Il prétend que la CSST doit réduire son indemnité de remplacement du revenu de deux jours d’indemnité, s’il a travaillé deux jours.  Puisque son indemnité de remplacement du revenu est de 107,94 $ par jour, c’est ce montant, pour chaque journée travaillée, qui doit être soustrait de son indemnité de remplacement du revenu.

[13]        La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la position du travailleur.

[14]        En effet, la jurisprudence du tribunal retient de façon majoritaire que le retour au travail progressif, dans l’emploi prélésionnel, entraîne l’application de l’article 52 de la loi[2].

[15]        Cette jurisprudence est à l’effet qu’un travailleur qui a droit à une indemnité de remplacement du revenu, alors qu’il perçoit un revenu de son emploi qu’il a progressivement réintégré, voit son indemnité réduite en application de l’article 52 de la loi.

[16]        L’application de cet article 52 de la loi a pour objectif d’éviter qu’un travailleur reçoive une double indemnisation en percevant à la fois un revenu de son emploi qu’il reprend progressivement et une indemnité de remplacement du revenu[3].  L’indemnité de remplacement du revenu que le travailleur reçoit suite à sa lésion professionnelle doit être réduite du revenu net retenu qu’il tire de son emploi lors de son retour au travail[4].

[17]        Le travailleur qui est en retour progressif dans son emploi ne doit pas être traité différemment des autres travailleurs qui reçoivent une indemnité de remplacement du revenu.  À ce sujet, le tribunal s’exprime comme suit dans l’affaire Hamel et Sobey’s Québec inc.[5] :

[26]      Aucune disposition de la loi ne prévoit spécifiquement le cas du retour au travail à temps partiel d’un travailleur.  Pourtant dans les faits, il s’agit d’une mesure souvent prescrite par les médecins.  Le législateur ne peut avoir voulu que l’on cumule alors un salaire et une pleine indemnité de remplacement du revenu.  D’ailleurs ce n’est pas ce que le travailleur prétend.  Devant cette situation, il semble ressortir que la seule disposition pouvant recevoir application est l’article 52 de la loi même si cela exige d’interpréter la notion de «nouvel emploi» comme incluant l’exercice de son emploi prélésionnel mais à temps partiel.  Tous les autres travailleurs qui reçoivent une indemnité de remplacement du revenu, qu’ils soient non consolidés, en réadaptation, en recherche d’emploi ou en recherche d’un emploi convenable, et qui perçoivent en même temps un revenu d’emploi, voient leur indemnité réduite de cette somme en vertu de l’article 52.  Rien ne permet de traiter différemment le travailleur qui retourne au travail à temps partiel.

 

[27]      En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur devait être réduite de son revenu net d’emploi et que le calcul effectué par la CSST est conforme.

 

 

[18]        La décision dont est saisi le présent tribunal concerne des sommes qui auraient été versées en trop entre le 10 mai 2010 et le 1er juillet 2010.  Selon un document acheminé par l’employeur au tribunal, le travailleur a exercé son emploi les 4 et 14 mai pour un total de 19 heures au montant de 909,12 $ et le 20 mai pour un total de huit heures, ce qui a représenté 436,40 $.  Le travailleur a ensuite exercé son travail les 27 et 28 mai pour un total de 24 heures et un montant de 1163,66 $.  Le 4 juin, le travailleur a exercé son emploi six heures pour 218,18 $.  Le 11 juin, il a travaillé un total de 18 heures pour 872,75 $.  Du 13 au 19 juin, il a effectué du montage durant trois jours pour un total de 26 heures et un montant de 1036,38 $.  Finalement, du 20 au 26 juin, il a effectué du démontage pendant deux jours pour un total de 18 heures et un montant de 1090,94 $.  Ces montants sont basés sur des relevés de paie produits avec le tableau de l’employeur.

[19]        La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la CSST doit, en application de l’article 52 de la loi, déduire de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle a droit le travailleur le revenu net d’emploi qu’il a reçu suite à son retour au travail progressif.  La CSST doit effectuer ce calcul en tenant compte des heures réellement travaillées, tel que le souligne la révision administrative dans sa décision du 23 novembre 2010.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Pierre Desrochers, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 novembre 2010, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que, pour la période du 10 mai au 1er juillet 2010, la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit déduire de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle a droit le travailleur le revenu net qu’il a reçu suite à son retour au travail progressif.

 

 

__________________________________

 

Sylvie Arcand

 



[1]          L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Hamel et Sobey’s Québec, C.L.P. 146964-61-0009, 25 mars 2001, L. Nadeau; Laporte et Brake Parts Canada inc. Montréal, C.L.P. 195097-72-0211, 11 juillet 2003, P. Perron, requête en révision rejetée, 18 mars 2004; Morin et Service correctionnel du Canada et D.R.H.C. Direction Travail, C.L.P. 245171-64-0410, 24 mai 2005, D. Robert; Lebrasseur et Construction Charles Quesnel inc., C.L.P. 251387-08-0412, 15 juin 2005, P. Prégent; Lemelin et R.T.C. Garage, C.L.P. 404197-31-1003, 21 décembre 2010, G. Tardif; Brouard et Compagnie d’assurance Combined d’Amérique, C.L.P. 354547-03B-0807, 8 décembre 2010, G. Marquis.

[3]           Moreau et Compagnie Systèmes Allied (Canada), C.L.P. 201581-64-0303, 27 octobre 2004, M. Montplaisir; Brouard et Compagnie d’assurance Combined d’Amérique, précitée, note 2.

[4]           Moreau et Compagnie Systèmes Allied (Canada), précitée, note 3; ; Morin et Service correctionnel du Canada et D.R.H.C. Direction Travail, précitée, note 2; Lemelin et R.T.C. Garage, précitée, note 2.

[5]           Précitée, note 2.

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