Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

16 mars 2005

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

231202-62-0404

 

Dossier CSST :

124940149

 

Commissaire :

Me Line Vallières

 

Membres :

Suzanne Blais, associations d’employeurs

 

René Miron, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Christian Harnois

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Gestion Place Victoria inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 5 avril 2004, monsieur Christian Harnois (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), datée du 12 mars 2004, rendue à la suite d’une révision administrative.

[2]                Cette décision confirme une décision antérieure de la CSST, datée du 23 janvier 2004, à l’effet de refuser la réclamation du travailleur pour un accident survenu le 18 décembre 2003.

[3]                Une audience était prévue le 27 juillet 2004 à la Commission des lésions professionnelles de la Montérégie.  Cependant, compte tenu de la nature du dossier, un délai fut plutôt accordé aux parties pour soumettre une argumentation écrite et qu’une décision soit rendue sans audience.

[4]                Le 21 septembre 2004, la Commission des lésions professionnelles a reçu l’argumentation écrite du procureur du travailleur.  Le délai de 30 jours accordé à l’employeur pour répondre à l’argumentation écrite du procureur du travailleur a été prorogé au 30 novembre 2004.  Le 30 novembre 2004, la représentante de l’employeur comparaissait au dossier et soumettait à la même occasion l’argumentation écrite de l’employeur.  C’est à cette date que le dossier fut mis en délibéré.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a été victime d’un accident à l’occasion du travail le 18 décembre 2003 et d’infirmer, en conséquence, la décision de la CSST rendue à la suite d’une révision administrative.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                La membre issue des associations d’employeurs est d’avis que l’activité du souper de Noël, à laquelle le travailleur a participé sur une base purement volontaire, ne correspond à aucun des critères développés par la jurisprudence quant à la notion d’accident à l’occasion du travail.  Le souper de Noël, dans un local loué après les heures de travail, n’est pas en lien avec les tâches ou fonctions ou conditions de travail. Il n’y a aucun lien de subordination d’établi, aucune finalité ou connexité avec le travail. C’est une activité sociale. Elle est d’avis de rejeter la requête.

[7]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le souper de Noël, payé par l’employeur, était à l’avantage de l’employeur. Ce souper avait pour but la création de relations harmonieuses entre les collègues de travail et avait donc un lien direct avec le travail. Selon les critères développés en jurisprudence, la finalité et la connexité entre l’activité du souper de Noël et le travail sont établies. Il est d’avis d’accueillir la requête du travailleur et de déclarer qu’il a été victime d’un accident à l’occasion du travail.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                Les faits suivants, à l’origine du présent litige, ne sont contestés. Le travailleur est à l’emploi de Gestion Place Victoria inc. (l’employeur) à titre de préposé d’entretien depuis 1988. Le 18 décembre 2003, l’employeur finance entièrement un souper de Noël pour ses employés et ses cadres à l’Hôtel Windsor. À l’occasion de ce souper de Noël, des prix de présence sont tirés. Immédiatement après son quart de travail, le travailleur se rend à l’Hôtel Windsor pour assister à ce souper. Au cours du souper, il se rend à la salle des toilettes et à son retour, il manque une marche et se fracture le 5e métacarpien au pied droit.

[9]                C’est dans ce contexte que le travailleur dépose une réclamation à la CSST et demande que cette blessure soit reconnue à titre d’accident à l’occasion du travail.

[10]           Le 23 janvier 2004, la CSST rend une décision à l’effet qu’il ne s’agit pas d’un accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail. Par conséquent, la réclamation est refusée.

[11]           Le 12 mars 2004, à la suite d’une révision administrative, la CSST maintient cette décision, d’où le présent litige.

[12]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’événement survenu le 18 décembre 2003 constitue un accident du travail tel que défini à l’article 2 à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

[13]           Selon cette définition, il ne fait nulle doute que le travailleur n’était pas à son travail lorsqu’il assistait à ce souper de Noël du 18 décembre 2003. La prétention du travailleur est plutôt qu’il s’agissait d’une activité à l’occasion du travail et que, de ce fait, la blessure subie entre dans le cadre d’un accident du travail.

[14]           Comme le soumettait le procureur du travailleur, la notion d’accident survenu à l’occasion du travail n’est pas définie dans la loi. Cependant, la jurisprudence en la matière a identifié certains critères permettant de décider si un accident est survenu à l’occasion du travail. Ainsi, dans l’affaire C.L.S.C. Parc Extension et Margarette Zolotakis[2], la commissaire Santina Di Pasquale s’exprime comme suit :

[16]  La notion d'accident survenu à l'occasion du travail n'est pas définie dans la loi. Toutefois, la jurisprudence a identifié certains éléments susceptibles de permettre de qualifier un accident survenu à l’occasion du travail. Ces éléments sont les suivants :

 

-         le lieu de l’événement;

 

-         le moment de l’événement;

 

-         la rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’événement;

 

-         l’existence et le degré d’autorité ou de subordination de l’employeur lorsque l’événement ne survient ni sur les lieux ni durant les heures de travail;

 

-         la finalité de l’activité exercée au moment de l’événement qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative à ses conditions de travail;

 

-         le caractère de connexité ou d’utilité de l’activité en regard de l’accomplissement du travail.

 

[17]  Par ailleurs, la jurisprudence énonce que ces différents critères ne sont pas limitatifs et ne doivent être pris isolément, chaque cas devant être apprécié au mérite.

 

 

[15]           De fait, ces critères étaient déjà utilisés par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles à laquelle a succédé la Commission des lésions professionnelles. Dans l’affaire Jacques Lapointe et S.E.C.A.L.[3], monsieur le commissaire Pierre Brazeau, rappelant les critères jurisprudentiels développés par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, s’exprimait comme suit quant à la notion d’un accident à l’occasion du travail :

Ces critères ou paramètres généralement utilisés par la Commission d'appel sont la nature des activités exercées au moment de la survenance du fait accidentel, le lieu et le moment de survenance de ce fait accidentel, l'existence ou non d'un lien de subordination employeur-employé lors de l'accomplissement des activités en cause et, enfin,  la situation de ces activités dans le contexte ou non d'une condition de travail  consentie ou autrement assumée par l'employeur.

 

[16]           Le procureur du travailleur soumet que la nature des activités exercées au moment de la survenance du fait accidentel, soit un souper de Noël organisé pour les employés de l’employeur et entièrement payé par l’employeur, dans un lieu réservé par l’employeur, relève d’une activité assumée par l’employeur et que, de ce fait, suffit à faire basculer l’accident survenu dans la notion d’un accident survenu à l’occasion du travail. Il rappelle que le lien de subordination employeur-employé est toujours existant pendant cette activité.

[17]           La représentante de l’employeur soumet plutôt qu’un souper de Noël n’est pas une activité connexe au travail. La soirée se tient à l’extérieur des lieux de travail, à l’extérieur des heures de travail et relève d’une activité purement sociale qui n’est pas tenue dans le cadre d’une activité de l’employeur.  L’accident est survenu dans un local loué par l’employeur pour le déroulement du souper de Noël. Les frais assumés par l’employeur pour la soirée du souper de Noël ne suffisent pas pour créer un lien de subordination ni engager l’application de la loi au présent cas.  Elle rappelle que les employés ne sont pas rémunérés et que la participation à ce souper se fait sur une base purement volontaire. Il n’existe aucune obligation ni aucune exigence de la part de l’employeur pour la participation des employés au souper de Noël.

[18]           À partir des critères et paramètres développés en jurisprudence, chaque cas doit être examiné à son mérite pour décider si on est en présence d’un accident survenu à l’occasion du travail. Ainsi, un accident survenu à l’occasion d’une réunion syndicale pendant une pause-repas, dans des locaux fournis par l’employeur et avec l’approbation de l’employeur, fut considéré comme un accident survenu à l’occasion du travail[4].

[19]           Le tribunal a également reconnu qu’un accident survenu à l’occasion d’un entraînement physique sur les lieux de travail, avec de l’équipement fourni par l’employeur, alors que le travailleur est rémunéré pendant la période d’entraînement physique, est un accident survenu à l’occasion du travail[5].

[20]           Dans ces deux causes, soumises par le procureur du travailleur, la connexité avec le travail et l’activité exercée au moment de l’accident fut reconnue. Dans le premier cas, il s’agissait d’une discussion concernant les conditions de travail et, par conséquent, du contrat de travail existant entre l’employeur et l’employé; dans la deuxième cause, tout le programme d’activités physiques était géré par l’employeur et le travailleur était rémunéré pendant son entraînement.

[21]           Toutefois, la notion d’accident à l’occasion du travail a aussi ses limites. La loi a pour but de couvrir tous les accidents survenus par le fait et à l’occasion du travail en autant que la connexité entre l’accident qui survient et le travail existe. Ainsi, le tribunal a décidé qu’un accident survenu lors d’une activité de patinage, à l’occasion d’un dîner de Noël, n’était pas un accident survenu à l’occasion du travail[6].

[22]           En examinant les faits de la présente cause, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion qu’il ne peut s’agir d’un accident survenu à l’occasion du travail.

[23]           L’activité se déroule en dehors des heures régulières de travail et la participation à cette activité se fait sur une base purement volontaire. Rien dans la preuve soumise ne permet de conclure que les travailleurs et travailleuses, qui participent à cette activité, en retirent un bénéfice direct relié à leur travail ou, au contraire, la non-participation à cette activité amène des mesures de représailles plus ou moins concrètes.

[24]           Aucune preuve n’a été soumise quant à la finalité recherchée par la participation des employés à ce souper de Noël. On ne peut donc conclure que la finalité recherchée par l’employeur, en finançant ce souper de Noël, était d’en retirer un avantage direct ou indirect. La connexité de cette activité sociale avec le travail des travailleurs et des travailleuses qui y ont participé n’est pas établie.

[25]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le souper de Noël s’inscrit dans le cadre d’une activité purement sociale, quoique financé par l’employeur, sans finalité avec les activités économiques de l’employeur ou le travail des travailleurs et travailleuses.

[26]           La présence du personnel cadre et de travailleurs et travailleuses à cette activité sociale ne suffit pas pour établir un lien de subordination à l’occasion du souper de Noël. Chaque activité sociale, de par sa nature, commande un comportement social approprié, sans pour autant que l’on puisse parler d’un lien de subordination.

[27]           Dans la présente cause, le travailleur a participé volontairement au souper de Noël et à l’occasion d’une activité d’aisance, se rendre à la salle des toilettes, il s’est blessé au pied. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, même si l’activité sociale du souper de Noël était entièrement payée par l’employeur, il ne s’agit pas d’un accident survenu à l’occasion du travail.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Christian Harnois;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail datée du 12 mars 2004, rendue à la suite d’une révision administrative;

CONFIRME que monsieur Christian Harnois n’a pas été victime d’un accident du travail le 18 décembre 2003.

 

 

__________________________________

 

Me Line Vallières

 

Commissaire

 

 

 

 

Monsieur Paul-E. Dion

S.C.O.M.M.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Isabelle Cyr

GROUPE AST INC.

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          C.L.P. 227676-61-0402, Laval, 11 juin 2004, S. Di Pasquale

[3]          C.A.L.P. 67763-02-9503, Saguenay-Lac-St-Jean, 24 mars 1997, P. Brazeau

[4]          Op. cite, note 2

[5]          Op. cite, note 3

[6]          Ministère Environnement et Faune et Perron, C.A.L.P. 72896-03-9509, 21 janvier 1997, R. Chartier, révision rejetée, 24 février 1998, B. Roy

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