Section des affaires immobilières
En matière de fiscalité municipale
Référence neutre : 2017 QCTAQ 07120
Dossier : SAI-Q-220937-1610
ROBERT SANCHE
c.
[1] Par requête déposée en temps utile, la requérante conteste les évaluations municipales déposées pour le rôle triennal 2016, de sa propriété sise au 1145, chemin de la Marquise Nord à Lac-Simon.
[2] Les coordonnés apparaissant au rôle de cette unité se lisent comme suit :
Matricule : |
[…] |
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Rôles d’évaluation contestés : |
Triennal 2016-2017-2018 |
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Terrain : |
454 300 $ |
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Bâtiment : |
44 600 $ |
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Total : |
498 900 $ |
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Proportion médiane : |
100 % |
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Facteur comparatif : |
1,00 |
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Valeur réelle : |
498 900 $ |
[3] Cette requête est présentée devant la Section des affaires immobilières du Tribunal administratif du Québec (le Tribunal) et fait suite à la réponse de l'évaluateur municipal du 16 août 2016 qui recommande le maintien des valeurs déposées.
Preuve de la requérante
[4]
Mme Céline Aubry, copropriétaire de l’unité
d’évaluation, mentionne que la décision du juge Dion de 2012[1]
a déjà réduit la valeur de cette unité d’évaluation de 406 300 $
à 364 000 $.
[5] Elle soumet également un rapport d’évaluation[2], daté du 5 avril 2012, qui conclut à une valeur de 364 000 $.
[6] Mme Aubry spécifie que le chalet[3] est vieux, en mauvais état et qu’il est à démolir. Étant donné qu’elle s’en sert encore, elle estime qu’il a une certaine utilité et elle estime sa valeur à 35 000 $.
[7] Le terrain d’une superficie de 35 502 m2 offre un plateau avec une vue au lac intéressante, mais inclut une superficie inondable d’environ 5 000 m2 alors qu’une autre partie de 11 000 m2 est très abrupte et difficilement utilisable.
[8] Tous ces éléments qui avaient été escomptés dans la décision de 2012 n’ont pas été considérés dans l’évaluation municipale de 2016 qui a augmenté de 134 900 $.
[9] Elle demande que l’évaluation municipale soit fixée à 395 000 $, soit 35 000 $ pour le bâtiment et 360 000 $ pour le terrain.
[10] Elle attire finalement l’attention du Tribunal sur la vente du 332, chemin de la Baie-Yelle survenue en 2010 au prix de 350 000 $. Cette propriété possède une maison importante implantée sur un terrain plat avec une plage.
Preuve des parties intimées
[11] M. Alexandre Leblond, É.A., dépose son rapport d’évaluation[4] dans lequel il détermine la valeur réelle de la propriété par la méthode du coût.
[12] Dans un premier temps M. Leblond mentionne que les éléments considérés dans la décision de 2012 ont été retenus dans l’élaboration de son rapport. Il spécifie que cette décision fait référence au rôle 2010 alors que la présente contestation couvre le rôle 2016 ce qui signifie qu’une période de six ans sépare les différentes valeurs. En ce qui concerne le rapport R-2, il fait remarquer que la valeur est établie en date du 5 avril 2012, qu’aucune donnée ne supporte la valeur du terrain et que celle du bâtiment représente plus du double de celle qu’il a déterminée.
[13] Le terrain à l’étude est en front du lac Simon et est facilement accessible par la route 321. Une bonne partie du terrain est relativement plat alors qu’environ 40 % de celui-ci est accidenté et que 5 000 m2 sont en zone inondable.
[14] Le bâtiment est une résidence saisonnière vétuste qui nécessite beaucoup de travaux.
[15] Afin d’estimer la valeur du terrain, il a relevé cinq ventes de terrains en bordure du lac Simon. Ces dernières sont résumées au tableau de la page 17 alors que le plan de la page 18[5] indique la localisation de chacun des terrains vendus.
[16] Après avoir résumé chacune de ces ventes et dérivé différents taux moyens, il estime la valeur du terrain à 463 300 $[6], sur la base des indications moyennes (taux au mètre carré et au mètre linéaire) des ventes T-2 et T-3.
[17] Ensuite, il ajoute le coût déprécié du bâtiment (39 700 $)[7] pour conclure à une valeur réelle de 503 000 $.
[18] En contre preuve, Mme Aubry indique que son terrain, à cause de la forte dénivellation, n’a pas vraiment accès au lac sauf sur environ 20 mètres de plage, contrairement au terrain des ventes T-2 et T-3 dont la façade au lac est tout en plage.
Considérations du Tribunal
[19] Il convient de rappeler que le Tribunal doit déterminer la valeur réelle selon les règles prescrites par la Loi sur la fiscalité municipale[8] (LFM). Il faut d’abord préciser quelques principes applicables en matière de fiscalité municipale. Ces principes sont exposés aux articles 42 à 46 de la LFM. Au départ, l'article 42 de la LFM signale que le rôle doit indiquer la valeur de chaque unité d'évaluation, sur la base de sa valeur réelle. La valeur réelle est ainsi définie à l'article 43 de la LFM :
« 43. La valeur réelle d'une unité d'évaluation est sa valeur d'échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable qui peut être payé lors d'une vente de gré à gré dans les conditions suivantes :
1o le vendeur et l'acheteur désirent respectivement vendre et acheter l'unité d'évaluation, mais n'y sont pas obligés; et
2o le vendeur et l'acheteur sont raisonnablement informés de l'état de l'unité d'évaluation, de l'utilisation qui peut le plus probablement en être faite et des conditions du marché immobilier. »
[20] Pour établir la valeur réelle d'une unité d'évaluation, l'article 45 de la LFM dicte de tenir notamment compte de l'incidence que ses avantages ou désavantages peuvent avoir sur son prix de vente le plus probable, en les considérant de façon objective.
[21] Selon l'article 46 de la LFM, la valeur réelle qui sert de base à celle inscrite au rôle est la valeur d'échange de l'unité d'évaluation telle qu'elle existe, en tenant compte des conditions du marché au 1er juillet du deuxième exercice qui précède le premier des exercices pour lesquels le rôle est fait.
[22] La partie requérante mentionne que son évaluation a augmenté de façon importante par rapport à la valeur décidée en 2012.
[23] La hausse de valeur d'un rôle à un autre n'est pas vraiment significative pour déterminer la valeur réelle. Lorsque les rôles sont triennaux, il s'écoule une période de trois ans entre la première date de référence aux conditions du marché et la seconde. De plus, dans le cas qui nous occupe les valeurs déposées au rôle 2010 et révisées dans la décision de 2012 ont été reconduites pour le rôle 2013, de sorte que c’est une période de six ans qui sépare les deux valeurs.
[24] Le Tribunal se doit de déterminer la valeur réelle en faisant abstraction de la valeur inscrite aux rôles précédents. Il doit rechercher le prix de vente le plus probable de l'immeuble analysé en tenant compte de son état à une date précise, soit au moment de l'évaluation, et en fonction des conditions du marché à une date donnée, soit la date de référence, qui est en l'occurrence le 1er juillet 2014, puisqu'il s'agit du rôle triennal 2016.
[25] Pour ce faire, l’analyse des données du marché joue un rôle prépondérant.
[26] La partie requérante soumet également un rapport d’évaluation dont la conclusion est de 364 000 $ en avril 2012. Or, cette opinion de valeur n’a été expliquée par aucun expert, la valeur du terrain n’est aucunement supportée et la valeur du bâtiment est de beaucoup supérieure à l’opinion émise par Mme Aubry elle-même.
[27] Mme Aubry a bien tenté d’attirer l’attention du Tribunal sur une des ventes mentionnées à ce rapport, mais elle a avoué rapidement ne pas connaître cette propriété.
[28] Pour l’ensemble de ces raisons, le Tribunal se doit d’écarter ce rapport.
[29] Quoique la partie requérante ait décrit les caractéristiques du terrain à l’étude, elle ne soumet pas vraiment d’analyse du marché au soutien de sa conclusion. Elle se contente d’indiquer qu’à son avis la valeur réelle totale est de 395 000 $.
[30] Ni la valeur du bâtiment, estimée à 35 000 $, ni celle du terrain de 360 000 $, n’est supportée par une quelconque analyse.
[31] De son côté, M. Leblond relève des ventes d’immeubles en front du lac Simon. Après les avoir commentées, il détermine la valeur du terrain selon une première approche au mètre carré et une autre selon le mètre linéaire en front du lac.
[32] Tout comme M. Leblond et considérant les caractéristiques particulières du terrain à l’étude le Tribunal privilégie l’approche au mètre carré.
[33] De par la superficie du terrain à l’étude, c’est avec raison que M. Leblond retient principalement les ventes T-2 et T-3, dont les terrains ont des superficies les plus importantes. C’est ainsi qu’il applique aux premiers 11 822 m2 du terrain à l’étude un taux de 35,25 $ / m2, soit les indications moyennes de ces deux ventes.
[34] L’analyse des ventes[9] nous indique que le terrain de la vente T-2 est plat avec une pente faible et un front au lac caractérisé par une plage de sable. Pour tenir compte de ces avantages, par rapport au terrain à l’étude, le Tribunal applique un ajustement de 10 % à cette transaction et obtient un taux unitaire ajusté de 30,54 $ / m2.
[35] Le taux unitaire moyen des ventes T-2 et T-3 devient donc de 33,59 $ / m2.
[36] En ce qui concerne la superficie excédentaire, M. Leblond retient un taux nominal de 2 $ / m2.
[37] Quoique ce taux soit relativement faible, il apparaît étonnant que M. Leblond applique le même taux, peu importe que cette superficie de terrain excédentaire soit plane (7 263,6 m2), inondée (5 000 m2) ou escarpée (11 000 m2).
[38] Le Tribunal applique plutôt un taux unitaire de 1 $ / m2 pour les parties de terrain inondées et/ou escarpées, soit 50 % de celui du terrain excédentaire plat.
[39] L’indication de la valeur du terrain s’établit donc comme suit :
Superficie (m2) |
|
Taux retenu ($ / m2) |
|
Indice
de |
11 822 |
X |
33,59 $ |
= |
397 101,00 $ |
7 236 |
X |
2,00 $ |
= |
14 527,20 $ |
5 000 |
X |
1,00 $ |
= |
5 000,00 $ |
11 000 |
X |
1,00 $ |
= |
11 000,00 $ |
Valeur du terrain (arrondie) |
|
427 600,00 $ |
[40] En ce qui concerne la valeur du bâtiment, le Tribunal retient celle de 39 700 $ déterminée par M. Leblond, dont la preuve est prépondérante à la simple opinion non motivée de Mme Aubry.
[41] La valeur réelle de l’unité d’évaluation est donc de 467 300 $.
[42] En ce qui a trait aux frais, le Tribunal tient à rappeler qu’en vertu de l’article 148 de la LFM, à moins qu’il n’en décide autrement, il revient à la partie perdante de supporter les frais de la partie adverse.
[43] Étant donné les conclusions retenues dans la présente décision, le Tribunal accorde les frais à la partie requérante, lesquels incluent la somme d’argent exigée pour le dépôt de la requête introductive d’un recours.
[44] Le Tribunal ne considère pas avoir compétence à l’égard des sommes d’argent exigées de la partie requérante lors du dépôt de la demande de révision administrative auprès de l’organisme municipal responsable de l’évaluation, cette somme étant considérée comme un coût relatif à un service rendu plutôt que comme un débours taxable.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE le recours;
DÉTERMINE la valeur réelle
de l’unité d'évaluation, DIVISE par le
facteur comparatif de 1,00 et FIXE la
valeur à inscrire au rôle, avec date de prise d'effet des modifications
au 1er janvier 2016, comme suit :
Terrain : |
427 600 $ |
Bâtiment : |
39 700 $ |
Total : |
467 300 $ |
LE TOUT AVEC DÉPENS, solidairement contre les parties intimées, dont les sommes d’argent exigées pour le dépôt des requêtes introductives des recours.
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ROBERT SANCHE, j.a.t.a.q. |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.