CSST — Soutien à l'imputation |
2008 QCCLP 3279 |
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[1] Le 19 juin 2007, l’employeur, Commission de la santé et de la sécurité du travail, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 4 juin 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST en maintient une autre rendue initialement le 3 mai 2007 et statue que la reconsidération d’une décision rendue le 15 mars 2007 est bien fondée, que l’employeur du travailleur, monsieur Normand Gervais, est la Commission de la santé et de la sécurité du travail au moment où il se blesse le 15 février 2007 et que les sommes versées en raison de cet accident sont imputées à l’employeur-CSST.
[3] Une audience est tenue à Montréal le 25 avril 2008. Un représentant de l’employeur et son procureur sont présents. Un délai est accordé à l’employeur jusqu’au 12 mai 2008 pour lui permettre de produire de la jurisprudence sur l’article 5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). La Commission des lésions professionnelles reçoit ces documents le 4 juin 2008. Elle tient alors son délibéré.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] L’employeur, Commission de la santé et de la sécurité du travail, demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la reconsidération faite le 3 mai 2007 de la décision rendue le 15 mars 2007 est illégale.
[5] Subsidiairement, l’employeur, Commission de la santé et de la sécurité du travail, demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il n’est pas l’employeur de monsieur Gervais lorsque celui-ci est victime d’un accident du travail le 15 février 2007.
[6] Subsidiairement, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’imputation à l’employeur des coûts reliés à la lésion subie le 15 février 2007 par monsieur Gervais l’obère injustement et de transférer ces coûts à l’ensemble des employeurs.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Monsieur Gervais est à l’emploi de la Commission de la santé et de la sécurité du travail depuis plusieurs années à titre de technicien en administration. Il est aussi président de la section locale du syndicat auquel il appartient.
[8] Le témoin que fait entendre l’employeur est conseiller en relations de travail depuis septembre 1986, pour l’employeur.
[9] Il dépose sous la cote A-1 un exemplaire de la convention collective liant l’employeur et le syndicat auquel appartient monsieur Gervais. Cette convention est valable de 2003 à 2010, donc en vigueur au moment où monsieur Gervais se blesse en 2007.
[10] L’article 2-8.01 de cette convention prévoit qu’un employé peut obtenir la permission de s’absenter pour participer à des activités syndicales.
[11] L’article 2-8.12 prévoit que la durée d’une telle absence inclut le temps de déplacement requis pour effectuer la distance entre le port d’attache du travailleur et le lieu de la rencontre, avant et après la rencontre.
[12] L’employeur réfère la Commission des lésions professionnelles au dossier de monsieur Gervais à un document intitulé « Autorisation d’absence pour activité ou représentation syndicale » émis au nom de monsieur Gervais pour la période du 15 février 2007 de 13 h à 16 h 30.
[13] L’employeur produit sous la cote A-2 le même formulaire, en blanc, qui contient deux pages. La deuxième page indique que certaines absences, codées 610, sont remboursées par le syndicat, et d’autres, codées 612, ne le sont pas.
[14] L’autorisation émise au nom de monsieur Gervais est codée 610. Il s’agit donc d’une absence remboursée par le syndicat; la sous-catégorie 90 identifie l’activité « comité de coordination ».
[15] Le représentant de l’employeur explique que certaines rencontres syndicales ne concernent que le syndicat alors que d’autres concernent autant l’employeur que le syndicat. Dans ce dernier cas, l’employeur participe à ces rencontres avec le syndicat.
[16] C’est pourquoi, le syndicat rembourse uniquement les absences qui le concernent.
[17] Le 15 février 2007, monsieur Gervais est convoqué à une réunion de l’exécutif régional de son syndicat où il est président de section; son absence a été préalablement autorisée par l’employeur tel que démontré précédemment.
[18] À son arrivée à l’endroit où se tient la réunion, monsieur Gervais trébuche dans un tapis recouvrant l’escalier et tombe. En se protégeant, il se blesse à l’épaule droite. Une contusion et un étirement ligamentaire à l’épaule droite sont diagnostiqués.
[19] Sur les formulaires Avis de l’employeur et demande de remboursement et Réclamation du travailleur, l’employeur identifié est le Syndicat de la fonction publique. Il en est de même lorsque monsieur Gervais donne à l’agent responsable de son dossier des informations sur l’événement survenu le 15 février 2007.
[20] Le 6 mars 2007, le syndicat écrit ce qui suit à la CSST :
Nous n’avons pas signé le formulaire car notre prétention est à l’effet que nous ne sommes pas l’employeur de M. Gervais. De plus, nous contestons le fait que le Syndicat de la fonction publique du Québec puisse être imputé pour l’accident subi le 15 février 2007 alors que M. Gervais était en libération syndicale. Nous vous référons dans un cas semblable, dont copie est jointe à la présente.
[sic]
[21] Selon le dossier, la CSST reçoit cette lettre le 15 mars 2007. Le même jour, la CSST impute malgré tout au syndicat la totalité des coûts reliés à la lésion subie le 15 février 2007 par monsieur Gervais.
[22] Le 20 mars 2007, la CSST transmet au syndicat un accusé réception de la lettre du 6 mars 2007. Elle écrit :
Nous ne pouvons y donner suite immédiatement. Le délai à prévoir dépend de l’évolution de la lésion.
[sic]
[23] Le 3 mai 2007, la CSST reconsidère la décision du 15 mars 2007 et impute à la Commission de la santé et de la sécurité du travail les coûts reliés à la lésion subie le 15 février 2007 par monsieur Gervais pour les motifs suivants :
En vertu de l’article 365 , 1 er alinéa de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il y a lieu de reconsidérer la décision du 15 mars 2007 concernant l’imputation des sommes versées pour l’événement d’origine du 15 février 2007.
En conséquence, nous reconsidérons la décision imputant les sommes versées pour l’événement du 15 février 2007 au Syndicat de la fonction publique du Québec. La Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec étant l’employeur de la personne mentionnée en rubrique au moment de l’événement, les sommes versées au présent dossier sont donc imputées à son dossier d’expérience.
[sic]
[24] Le 17 mai 2007, l’employeur-CSST conteste cette décision.
[25] Le 4 juin 2007, la CSST à la suite d’une révision administrative rejette cette contestation et maintient que la CSST est l’employeur et lui impute les sommes dues en raison de l’accident survenu le 15 février 2007.
[26] L’employeur-CSST conteste cette décision. À l’audience, il plaide que la reconsidération est illégale puisqu’il n’y a pas de fait nouveau.
[27] L’article 365 de la loi prévoit :
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
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1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.
[28] Le chapitre IX auquel se réfère le dernier alinéa de l’article 365 est celui du financement en vertu duquel la décision du 15 mars 2007 est rendue.
[29] La CSST ne peut donc baser sa décision d’imputation du 3 mai 2007, rendue en vertu du chapitre IX de la loi, sur l’article 365 de la loi.
[30] Toutefois, le Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation du coût des prestations[2] prévoit à son article 3 la possibilité de déterminer à nouveau une imputation :
3. La Commission peut également, de sa propre initiative ou à la demande de l’employeur, déterminer à nouveau cette classification ou cette imputation si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel.
Toute demande présentée par un employeur en vertu du premier alinéa doit parvenir à la Commission dans les six mois de la connaissance par ce dernier d’un tel fait essentiel mais avant l’expiration des délais prévus aux paragraphes 1 et 2 de l’article 2.
[31] D’emblée, la Commission des lésions professionnelles constate que la demande faite par le syndicat est produite le 6 mars 2007 et reçue par la CSST le 15 mars 2007. La première décision d’imputation est rendue le 15 mars 2007.
[32] La demande du syndicat formulée le 6 mars 2007 ne peut donc être une nouvelle demande de détermination d’imputation puisqu’aucune décision n’a encore été rendue lorsqu’il la fait.
[33] Cette lettre est plutôt une lettre d’informations transmises à la CSST en vue d’une décision d’imputation à être rendue.
[34] L’article 3 du règlement ne s’applique donc pas.
[35] La CSST lorsqu’elle détermine une nouvelle imputation le 3 mai 2007 le fait de sa propre initiative, à partir des informations qu’elle possède.
[36] L’article 2 du règlement précité prévoit :
2. La Commission peut, de sa propre initiative et pour corriger toute erreur, déterminer à nouveau la classification d’un employeur attribuée conformément à la section III du chapitre IX de la loi, ou l’imputation du coût des prestations effectuée conformément à la section VI de ce chapitre, dans les 6 mois de sa décision, si celle-ci n’a pas elle-même fait l’objet d’une décision en vertu de l’article 358.3 de cette loi. Une telle détermination doit toutefois s’effectuer :
1° en regard de sa classification, au plus tard le 31 décembre de la cinquième année qui suit l’année de cotisation à laquelle elle se rapporte;
2° en regard de l’imputation du coût des prestations, au plus tard le 31 décembre de la cinquième année qui suit celle pendant laquelle l’accident est survenu ou la maladie est déclarée.
[37] La décision rendue le 15 mars 2007 n’a pas été contestée en vertu de l’article 358.3 de la loi, selon le dossier de la CSST.
[38] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la CSST pouvait rendre la décision du 3 mai 2007 parce qu’elle peut. de sa propre initiative et pour corriger toute erreur, déterminer à nouveau l’imputation.
[39] C’est exactement ce qu’elle fait le 3 mai 2007; elle corrige une erreur, c’est-à-dire, elle modifie l’employeur à qui les sommes doivent être imputées. Le délai prescrit est respecté.
[40] La nouvelle détermination d’imputation du 3 mai 2007 est donc valide.
[41] Est-elle bien fondée?
[42] L’employeur-CSST plaide qu’il n’était pas l’employeur de monsieur Gervais lorsque celui-ci se blesse puisque son absence était motivée par des activités syndicales et remboursée par le syndicat.
[43] Le premier alinéa de l’article 5 de la loi prévoit :
5. L'employeur qui loue ou prête les services d'un travailleur à son emploi demeure l'employeur de ce travailleur aux fins de la présente loi.
[44] Cet article a été appliqué dans les dossiers impliquant des agences de personnel, ce qui ne signifie pas que son usage doit être restreint à ces agences[3].
[45] Qu’en est-il dans le présent dossier?
[46] La convention collective régit les règles en vertu desquelles un travailleur peut être libéré pour activités syndicales. Ces activités syndicales peuvent bénéficier uniquement au syndicat ou autant au syndicat qu’à l’employeur.
[47] Cette libération signifie pour l’employeur qu’il accepte de prêter les services d’un de ses employés à des fins syndicales; ce prêt peut être gratuit ou non.
[48] Il s’agit d’une absence que l’employeur doit autoriser, dont les mécanismes sont négociés et régis par la convention collective. Si le travailleur n’en respecte pas les conditions, c’est l’employeur, Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui sévit en tant qu’employeur, et non le syndicat.
[49] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette libération est un prêt des services de monsieur Gervais au syndicat pour une période déterminée, que l’absence soit remboursée ou non par le syndicat parce que ce prêt doit être autorisé par l’employeur.
[50] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que l’employeur de monsieur Gervais reste la Commission de la santé et de la sécurité du travail pendant cette libération.
[51] Subsidiairement, l’employeur plaide qu’il n’avait aucun moyen de prévenir cet accident qui survient alors que monsieur Gervais n’est pas dans l’exercice de ses fonctions de technicien en administration.
[52] Lui imputer le coût des prestations reliées à la lésion subie a donc pour effet de l’obérer injustement. Il demande le transfert des indemnités versées à l’ensemble des employeurs de toutes les unités.
[53] La jurisprudence[4] interprète l’expression « obérer injustement » comme signifiant imposer à l’employeur un fardeau financier injuste à l’employeur.
[54] La jurisprudence[5] considère, dans son interprétation du mot injustement, que lorsque l’employeur n’a aucun contrôle sur les circonstances entourant la survenance d’un accident, qu’il est totalement impuissant, il est injuste de lui imputer les coûts reliés à un tel accident. Tel est le cas si l’accident survient à la suite du non-respect par un des employés des règles de sécurité, ou d’un comportement négligent, ou d’un jeu dangereux ou d’une mauvaise blague entre les employés.
[55] Le critère qui sous-tend toutes ces décisions est le pouvoir, ou le contrôle, que l’employeur peut exercer pour prévenir l’accident.
[56] Dans le dossier de monsieur Gervais, l’employeur n’avait aucun contrôle sur les circonstances de l’accident.
[57] Lui imputer le coût des prestations dues en raison de cet accident est donc injuste. Serait-ce l’obérer injustement? En d’autres mots, une fois l’injustice démontrée, le transfert doit-il être accordé dans tous les cas?
[58] Le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi prévoit deux exceptions et utilise l’expression « faire supporter injustement » dans le premier cas et « obérer injustement » dans le deuxième cas :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
(Notre soulignement)
[59] Toutefois, les termes « obérer » et « supporter » ne sont pas synonyme. Obérer implique une notion de fardeau. Littéralement, obérer signifie accabler, grever de dettes alors que supporter signifie assumer, subir.
[60] Il faut conclure que le législateur prévoit deux exceptions puisqu’il utilise deux expressions différentes.
[61] On retrouve à la Loi annotée sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, les commentaires suivants relatifs à l’article 326 de la loi qui a remplacé l’article 99 de la Loi sur les accidents du travail :
Loi sur les accidents du travail :
99. 5. Lorsqu’un travailleur est victime d’un accident du travail survenu par la faute totale ou partielle d’un employeur dont l’industrie est assujettie à la présente loi, d’un travailleur, préposé ou mandataire d’un tel employeur ou d’une personne conduisant une automobile (chapitre A-25), la Commission peut imputer, pour le tout ou pour partie, à un fonds spécial, à l’employeur, à une ou plusieurs unités, ou à toutes les classes d’unités, le coût des dépenses et des prestations relatives à cet accident.
Lorsque l’employeur visé dans l’alinéa précédent est un employeur mentionné dans l’annexe B, la Commission lui réclame, pour le tout ou pour partie, le coût des dépenses et des prestations relatives à cet accident.
(L.R.Q. c.A-3)
Commentaire :
Cette disposition établit la règle générale selon laquelle l’imputation se fait au dossier de l’employeur en précisant l’établissement concerné.
L’imputation des coûts de la réparation au dossier d’un employeur lorsqu’il y a un accident du travail chez lui contribue à déterminer le taux de cotisation applicable à l’unité économique dans laquelle il est classé. Afin de fixer le taux de cotisation applicable à une unité, la Commission considère les coûts de réparation imputés aux dossiers d’employeurs classés dans une même unité d’activités économiques.
Par ailleurs, l’analyse des coûts imputés au dossier d’un employeur pendant un certain nombre d’années constitue la base du système de mérite-démérite (voir article 314).
Il peut arriver que l’imputation de coûts au dossier de l’employeur crée des injustices, soit parce que l’accident est attribuable à un tiers, soit parce qu’elle aurait pour effet de charger ou accabler de dettes l’employeur d’une manière inéquitable. C’est pourquoi, le deuxième alinéa de cet article permet à la Commission d’imputer, dans ces circonstances, le coût des prestations aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités.
[62] Ce commentaire confirme que le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi vise deux exceptions, pour éviter qu’un employeur soit imputé injustement.
[63] L’employeur a donc un double fardeau à remplir : celui de prouver une injustice et celui de prouver qu’il est obéré, c’est-à-dire qu’il est chargé ou accablé de manière inéquitable.
[64] L’imputation des coûts reliés à la lésion subie par monsieur Gervais obère-t-elle l’employeur ou l’accable-t-elle de dettes de manière inéquitable?
[65] La loi n’établit pas de critère pour déterminer quand un employeur est obéré par l’imputation des coûts reliés à un accident du travail.
[66] La jurisprudence[6] a statué que l’importance des conséquences monétaires de l’injustice par rapport aux coûts découlant de l’accident du travail lui-même est étudiée pour déterminer si l’employeur est obéré ou non.
[67] Dans Location Pro-Cam[7], le décès du travailleur est causé par un accident du travail survenu en raison de la négligence de celui-ci : vitesse excessive, conduite pendant plus de 22 heures, défaut de boucler sa ceinture de sécurité. Le décès du travailleur entraîne le paiement à sa veuve et ses enfants d’indemnités très élevées. L’imputation des coûts reliés à cet accident obère l’employeur et il est injuste que ces coûts lui soient imputés parce qu’il n’avait pas de contrôle sur les circonstances de cet accident.
[68] La négligence grossière du travailleur constitue une situation étrangère aux risques que l’employeur peut contrôler; il est donc injuste qu’il supporte les conséquences de l’accident qui en résulte.
[69] Cette situation est tout à fait différente de celle discutée dans Benoit et Ministère des Transports[8] où un accident de la route survient sans négligence de la part du travailleur.
[70] Dans Emballages Consumers,[9] à la suite d’une glissade sur un morceau de verre, sans chute au sol, le travailleur devient inapte à occuper tout emploi en raison de complications à une cellulite subie initialement.
[71] Les conséquences de la lésion subie dépassent largement celles qui découlent normalement d’une cellulite au coude. L’imputation des coûts reliés à cette lésion obère l’employeur, parce que ces complications sont hors-norme et inhabituelles et entraînent un fardeau financier, et cette imputation est injuste parce que l’employeur n’a aucun contrôle sur la survenance de ces complications.
[72] Ces deux causes démontrent des cas où il est évident que l’importance des conséquences financières d’un accident du travail dépasse largement la norme et que, en conséquence, l’employeur est obéré et qu’il l’est injustement.
[73] L’accident dont monsieur Gervais est victime le 17 février 2007 n’est pas majeur et la lésion subie à cette occasion n’est pas majeure : contusion et étirement ligamentaire à l’épaule droite.
[74] La preuve dans le présent dossier ne permet pas de déterminer si les conséquences de cette lésion constituent une charge financière importante.
[75] L’employeur a le fardeau de cette preuve; il ne l’a pas rempli. La Commission des lésions professionnelles conclut donc que l’employeur n’est pas obéré, c’est-à-dire accablé de dettes.
[76] La Commission des lésions professionnelles souligne que la jurisprudence[10] refuse de considérer qu’un employeur est obéré injustement chaque fois qu’une lésion professionnelle entraîne une consolidation plus longue ou une incapacité plus importante que celles prévisibles car cela équivaudrait à imputer continuellement aux autres employeurs les conséquences d’une lésion professionnelle, ce qui n’inciterait pas les employeurs à prendre des mesures préventives.
[77] En conclusion, l’employeur ne bénéficie pas de l’exception prévue au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi puisque la preuve qu’il est obéré n’est pas faite.
[78] La requête de l’employeur est rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de l’employeur, CSST - soutien à l’imputation;
CONFIRME la décision rendue le 4 juin 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE bien fondée la reconsidération de la décision rendue le 15 mars 2007;
DÉCLARE que l’employeur de monsieur Gervais lorsqu’il se blesse le 15 février 2007 est la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
DÉCLARE que l’employeur n’a pas droit au transfert des coûts reliés à la lésion subie le 15 février 2007 par monsieur Normand Gervais.
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Me Yolande Lemire |
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Commissaire |
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Me Hugo Sigouin-Plasse |
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Fasken Martineau Dumoulin avocats |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q. c.A-3.001
[2] (1998) 180 G.O. II, 6435
[3] Super Marché aux puces Rimouski inc. et Location Québec, 69408-01-9505, 4 décembre 1995, D. Beaulieu; J. Brisson et Recyclage Camco inc et Thomson Tremblay inc., CLP 107008-62-9811, 28 mars 2000, H. Marchand
[4] C.S. Brooks Canada inc. (1998) CLP 195 ; Logan Canada inc. (division Leadyi) et Mendicino, 107156-71-9811, 14 juin 1999, A. Suicco
[5] Commission scolaire Abitibi, 150651-08-0011, 15 août 2001, P. Prégent, (01LP-82); Forages Genest et frères inc., 172692-08-0111, 27 janvier 2003, P. Prégent
[6] Location Pro-Cam inc. et CSST, 114354-32-9904, 18 octobre 2002, M-A Jobidon;, (02LP-121); Emballage Consumers inc., 176974-64-0201, 27 janvier 2003, R. Daniel
[7] Précité, note 6
[8] Marcel Benoit 1985 inc. et Ministère des Transports, 180134-61-0203, 22 octobre 2002, L. Nadeau
[9] Précité, note 6
[10] Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont et Boudrias, (1996) CALP 1498 ;
AVIS :
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