Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

GaspĂ©sie-Îles-de-

la-Madeleine,

Bas-Saint-Laurent et CĂŽte-Nord

QUÉBEC

 

Le

22 août 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

198927-01B-0301

DEVANT le COMMISSAIRE :

Me Jean-François Clément

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Yvon Hubert

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Harold Francoeur

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

108946187

AUDIENCE TENUE LE :

6 août 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Gaspé

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANDRÉ LACASSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PÊCHERIES HERMAN SYNOTT INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU

TRAVAIL

Direction régionale - Gaspésie/Iles-de-la-Madeleine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 31 janvier 2003, monsieur AndrĂ© Lacasse (le travailleur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂȘte par laquelle il conteste une dĂ©cision rendue par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) le 15 janvier 2003 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]               Par cette dĂ©cision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 23 juillet 2002, dĂ©clare que le travailleur est apte Ă  occuper l’emploi convenable de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel (sport), que cet emploi peut procurer un revenu annuel estimĂ© Ă  20 856 $ et que le travailleur est apte Ă  occuper cet emploi depuis le 22 juillet 2002.

[3]               À l’audience, le travailleur est prĂ©sent et reprĂ©sentĂ©.  L’employeur est quant Ă  lui absent.  La CSST a dĂ©lĂ©guĂ© une avocate Ă  l’audience.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               Le travailleur demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de dĂ©clarer que le poste de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel (sport) n’est pas un emploi convenable notamment parce qu’il n’est pas disponible, que le travailleur n’a pas les capacitĂ©s physiques de l’exercer et qu’il ne s’agit pas de la solution la plus Ă©conomique au sens de l’article 181 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

 

LES FAITS

[5]               Le 9 juin 1995, le travailleur subit une lĂ©sion professionnelle alors que son bras gauche reste pris dans l’enrouleur du chalut au moment de la remontĂ©e.  Il en rĂ©sulte une fracture du radius et du cubitus gauches.  Suite Ă  cette lĂ©sion, le travailleur subit une greffe du radius en dĂ©cembre 1995 en plus d’une application de plaque mĂ©tallique.  Il avait aussi Ă©tĂ© opĂ©rĂ© le 9 juin 1995 pour rĂ©duction ouverte et fixation par plaque et vis de la fracture radiale.

[6]               Le 7 octobre 1996, une note Ă©volutive nous apprend que le travailleur a terminĂ© un secondaire III et qu’il a comme expĂ©rience de travail unique la pĂȘche, ayant travaillĂ© seize ans comme homme de pont.

[7]               Le 17 fĂ©vrier 1997, le Dr Roch Banville procĂšde Ă  la rĂ©daction du rapport d’évaluation mĂ©dicale.  Étant donnĂ© les trouvailles objectives Ă  l’examen, il Ă©met les limitations fonctionnelles suivantes :

«Monsieur AndrĂ© Lacasse est porteur d’une pathologie qui impose des limitations fonctionnelles qui se lisent comme suit; il devra Ă©viter :

 

-      d’exĂ©cuter des mouvements rĂ©pĂ©titifs de flexion, d’extension, de latĂ©ralitĂ© ou de rotation au niveau du coude gauche;

-      de garder le bras gauche en position statique d’élĂ©vation, d’abduction ou de rotation;

-      de soulever ou porter des charges dont le poids excÚde 20 livres;

-      de lever les bras plus haut que les épaules;

-      de pousser, presser ou appuyer avec le bras;

-      de tirer ou lancer des objets avec le bras;

-      de s’accrocher ou s’agripper;

-      d’exĂ©cuter des activitĂ©s qui demandent de la prĂ©cision ou de la dextĂ©ritĂ© la l’intĂ©rieur d’un travail qutidien et de façon rĂ©pĂ©titive. »  (Sic)

 

 

[8]               Le Dr Roch Banville estime cette Ă©valuation comme Ă©tant provisoire Ă©tant donnĂ© que l’atrophie importante que prĂ©sente le travailleur l’empĂȘche absolument de retourner Ă  son travail initial.  Il Ă©value l’atteinte permanente Ă  9.5 %.

[9]               Le 19 mars 1997, le travailleur est examinĂ© par le Dr Claude Rouleau Ă  la demande de la CSST.  Au niveau du diagnostic, il mentionne la prĂ©sence d’une « fracture du radius et du cubitus gauches, rĂ©duction ouverte avec ostĂ©osynthĂšse, plaque et vis, non union de la fracture du radius et greffe osseuse et reprise ostĂ©osynthĂšse radius ».  Le Dr Rouleau Ă©met des limitations fonctionnelles temporaires et une atteinte permanente de 10 %.

[10]           Le 30 avril 1997, le travailleur est examinĂ© par le Dr RĂ©jean Cloutier, agissant comme membre du Bureau d’évaluation mĂ©dicale.  Il croit qu’il s’agit d’une Ă©volution atypique pour une fracture du radius gauche qui a nĂ©cessitĂ© une rĂ©duction ouverte.  Une atrophie importante de tout le membre supĂ©rieur aux niveaux du bras et de l’avant-bras est notĂ©e avec douleur au niveau de la plaque.  Il y a Ă©galement un signe de Tinel positif.  Il estime que le travailleur n’est sĂ»rement pas apte Ă  reprendre son travail de pĂȘcheur, mĂ©tier trĂšs exigeant physiquement.  Il croit que la lĂ©sion n’est pas consolidĂ©e et qu’il est trop tĂŽt pour se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.  Il recommande une exĂ©rĂšse de la plaque et vis au niveau du radius.

 

 

[11]           Le 12 fĂ©vrier 1998, le travailleur rencontre le Dr Jacques Garneau, chirurgien orthopĂ©diste, Ă  la demande de la CSST.  Une atrophie importante au niveau de la musculature pĂ©riscapulaire gauche est notĂ©e de mĂȘme que diverses trouvailles objectives.  Il estime qu’il y a atteinte permanente de 12 % et des limitations fonctionnelles qu’il dĂ©crit.

[12]           Le 10 mars 1998, un Ă©lectromyogramme dĂ©montre une minime lenteur au niveau des nerfs mĂ©dian et ulnaire gauches au niveau du poignet avec changement neurogĂ©nique.  Le tout serait suggestif d’une dystrophie sympathique.  Une scintigraphie osseuse du 8 juillet 1997 n’avait cependant pas dĂ©montrĂ© d’algodystrophie sympathique rĂ©flexe au niveau du poignet ou de la main gauche.

[13]           Le 4 aoĂ»t 1998, le travailleur rencontre le Dr Luc Lemire, chirurgien orthopĂ©diste, agissant Ă  titre de membre du Bureau d’évaluation mĂ©dicale.  Il juge que la lĂ©sion n’est pas consolidĂ©e et, bien qu’il juge qu’il soit trop tĂŽt pour dĂ©terminer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, il prĂ©voit qu’il y en aura vraisemblablement.

[14]           Le 27 mai 1999, le Dr Tinco Tran, chirurgien orthopĂ©diste, procĂšde Ă  la prĂ©paration d’un rapport d’évaluation mĂ©dicale faisant suite Ă  son rapport final du mĂȘme jour, consolidant la lĂ©sion au 26 mai 1999 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.  Le diagnostic retenu est celui de fracture de l’avant-bras gauche avec Ă©tirement de l’épaule gauche et lĂ©sion du nerf mĂ©dian.  Il mentionne que la lĂ©sion subie par le travailleur le 9 juin 1995 Ă©tait sĂ©vĂšre puisque non seulement son avant-bras fut Ă©crasĂ© par le treuil mais il est restĂ© suspendu dans les airs pendant quelques minutes avec Ă©tirement important Ă  l’épaule gauche.  Il Ă©value l’atteinte permanente Ă  19 % et Ă©met les limitations fonctionnelles suivantes :

«Éviter de forcer, tirer, pousser ou lever des charges pesant plus de 5 livres avec sa main gauche;

Éviter les mouvements rĂ©pĂ©titifs de flexion, d’extension, d’inclinaison radiale ou cubitale au poignet gauche;

Éviter les mouvements rĂ©pĂ©titifs de flexion ou de rotation Ă  l’épaule gauche;

Éviter de travailler avec le bras gauche Ă©levĂ© au-dessus du niveau des Ă©paules;

Éviter de travailler avec le membre supĂ©rieur en position fixe. »  (PiĂšce I-2)

 

 

[15]           Le 7 octobre 1999, la CSST rend une dĂ©cision admettant le travailleur en rĂ©adaptation.

[16]           Le 13 mars 2000, la CSST rend une dĂ©cision dĂ©terminant l’emploi convenable de capitaine de bateau de pĂȘche.  Les mesures accessoires de rĂ©adaptation, octroyĂ©es au travailleur, sont une formation pour terminer son secondaire V et une formation professionnelle spĂ©cialisĂ©e de l’école des PĂȘches.  Cet emploi convenable est dĂ©terminĂ© par la CSST en collaboration avec le travailleur qui dĂ©sire rester dans le domaine des pĂȘches.  Cependant, la dĂ©cision concernant l’emploi convenable sera contestĂ©e par la suite aprĂšs que le travailleur eut constatĂ© qu’il y avait incompatibilitĂ© entre les limitations fonctionnelles qui l’affectent et ce nouveau travail.

[17]           En octobre 2000, le conseiller en orientation, Maurice Vinet, produit un rapport d’évaluation et d’orientation professionnelle.  Monsieur Vinet croit qu’il serait souhaitable qu’une partie des tĂąches Ă  effectuer dans le nouvel emploi du travailleur se dĂ©roulent Ă  l’extĂ©rieur et lui permettent d’ĂȘtre en contact avec la nature.  Il estime qu’il est primordial d’accorder beaucoup d’importance Ă  ses antĂ©cĂ©dents professionnels si la CSST dĂ©sire dĂ©terminer une occupation convenable qui soit bien adaptĂ©e Ă  la rĂ©alitĂ© du travailleur.  L’administration de diffĂ©rents tests permet de constater que le travailleur manifeste un intĂ©rĂȘt marquĂ© pour les emplois de type investigateur, Ă  savoir ceux qui font appel Ă  son ingĂ©niositĂ©, son sens de l’observation et son souci du dĂ©tail afin de rĂ©soudre certains problĂšmes.  Les rĂ©sultats obtenus sur le test BGTA dĂ©montrent que le travailleur dispose d’habiletĂ© supĂ©rieure Ă  la moyenne en ce qui a trait Ă  la perception des Ă©critures, aptitudes qui s’avĂšrent importantes dans les occupations tel que contrĂŽleur de la qualitĂ©.  Dans la liste des occupations jugĂ©es convenables par le conseiller en orientation suite au test administrĂ©, il retient notamment celles d’inspecteur des normes sanitaires et de commis vendeur dans un magasin d’équipement de pĂȘche commerciale, de vĂȘtements de travail, quincaillerie, produits horticoles, poissonnerie, etc.  En conclusion, il mentionne :

«...  Il jouit d’une mobilitĂ© restreinte.  Toutefois, il semble dĂ©terminĂ© Ă  rĂ©intĂ©grer le marchĂ© du travail dans les plus brefs dĂ©lais.  Il manifeste beaucoup d’enthousiasme pour les occupations de nature "investigatrice". Ses antĂ©cĂ©dents professionnels nous permettent de croire qu’il a un intĂ©rĂȘt marquĂ© pour les occupations "rĂ©alistes".

 

Bref, ces observations nous portent Ă  conclure que le travailleur aurait avantage Ă  se rĂ©orienter dans un mĂ©tier qui comporte une variĂ©tĂ© de tĂąches manuelles et qui nĂ©cessite un certain degrĂ© d’ingĂ©niositĂ©, de curiositĂ© et de minutie.  Il m’apparaĂźtrait souhaitable que ce travail soit en lien avec la flore et la faune et qu’une partie des tĂąches puissent ĂȘtre exĂ©cutĂ©es Ă  l’extĂ©rieur.»

 

 

[18]           Le 2 novembre 2000, le travailleur rencontre son agent de rĂ©adaptation.  Le travailleur convient que les emplois retenus par le conseiller en orientation correspondent bien Ă  ses intĂ©rĂȘts puisque la majoritĂ© d’entre eux sont liĂ©s directement ou indirectement Ă  la pĂȘche commerciale.  Il a identifiĂ©, parmi ces emplois, deux qui sont plus particuliĂšrement intĂ©ressants pour lui, soit inspecteur des pĂȘches et inspecteur des normes sanitaires.  L’agent de rĂ©adaptation explique au travailleur que, dans le contexte de l’approche concentrique, le poste d’inspecteur de la transformation des produits marins, qui intĂ©resse particuliĂšrement le travailleur, serait acceptable.  Il manque cependant certaines donnĂ©es afin d’avoir une meilleure idĂ©e du rĂ©alisme de cette solution.

[19]           Le 22 mai 2001, la CSST infirme sa dĂ©cision initiale concernant l’emploi convenable de capitaine de bateau et retourne le dossier Ă  la CSST afin qu’un nouvel emploi convenable soit dĂ©terminĂ©.

[20]           Le travailleur tĂ©moigne Ă  l’audience.  Il est ĂągĂ© de 40 ans et est devenu pĂȘcheur dĂšs son entrĂ©e sur le marchĂ© du travail.

[21]           Dans le cadre de son programme de rĂ©adaptation, il a complĂ©tĂ© son secondaire V Ă  l’aide du programme de formation aux adultes.  Il a mĂȘme obtenu une attestation d’excellence.  Lorsqu’il a rencontrĂ© monsieur Vinet, le conseiller en orientation rĂ©fĂ©rĂ© par la CSST, ce dernier lui a suggĂ©rĂ© de se recycler dans le contrĂŽle des aliments oĂč il y avait plusieurs dĂ©bouchĂ©s.  La formation en matiĂšre de contrĂŽle de la qualitĂ© des produits marins se donne Ă  Grande-RiviĂšre et nĂ©cessite six Ă  sept mois de cours pour dĂ©boucher sur une attestation d’études collĂ©giales.  Il a fait des dĂ©marches qui lui permettent d’affirmer qu’il dĂ©tient Ă  l’avance la certitude d’occuper deux emplois diffĂ©rents chez Marinard dĂšs le printemps 2004.  Un revenu brut d’environ 25 000 $ est Ă  prĂ©voir.  Le cours coĂ»te 33 800 $ pour les deux sessions.

[22]           Il a comme expĂ©rience de travail unique la pĂȘche qu’il a exercĂ©e pendant seize ou dix-sept ans jusqu’à son accident du travail.

[23]           Quant Ă  l’emploi convenable de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif, il a fait des recherches dans les 100 kilomĂštres de sa rĂ©sidence et a identifiĂ© les employeurs suivants :  golf Ă  Fort PrĂ©vel, Parc de Forillon, GaspĂ© Aventure et un centre de ski.  Il ne peut absolument rien faire avec son bras gauche et il est gaucher.  Il serait donc incapable d’entretenir une bicyclette, de manoeuvrer des canots ou des moteurs de bateaux ou encore de rĂ©parer un monte -pente.

[24]           En contre-interrogatoire, il mentionne qu’il a fait des dĂ©marches Ă  GaspĂ© Aventure et au Parc Forillon.  Tous ces emplois sont saisonniers, ne durant que quelques mois par annĂ©e alors que comme pĂȘcheur il travaillait neuf mois par an Ă  un salaire d’au-dessus de 50 000 $.  Il mentionne de plus qu’il ne se sentirait pas bien dans cet emploi qui ne l’attire aucunement et qui est prĂ©caire, Ă©tant donnĂ© la possibilitĂ© pour un employeur d’embaucher des jeunes pour faire ce travail Ă  meilleur prix.

[25]           Quant au travail de contrĂŽle de la qualitĂ© des aliments, il s’agit d’un travail connexe Ă  la pĂȘche, domaine qu’il connaĂźt bien.  Cet emploi est plus stable et bien payĂ© Ă©tant donnĂ© qu’il demande une formation particuliĂšre tandis que l’emploi de prĂ©posĂ© au matĂ©riel de sport ne requiert aucune spĂ©cialisation de sorte qu’un roulement de personnel peut s’opĂ©rer facilement.

[26]           Quant Ă  un Ă©ventuel emploi chez Fort PrĂ©vel, il estime la distance trop importante, Ă  savoir 90 kilomĂštres.  Quant au Parc Forillon, les employĂ©s s’occupent plutĂŽt de plongĂ©e sous-marine.

 

[27]           La procureure de la CSST dĂ©pose, sous la cote I-4, diffĂ©rentes dĂ©coupures tirĂ©es du guide touristique de la rĂ©gion de la GaspĂ©sie et le travailleur fait ses commentaires sur ces diffĂ©rentes entreprises oeuvrant dans le domaine de la plongĂ©e sous-marine, du kayak de mer, du cyclo-tourisme, etc.  Ses dĂ©marches directes se limitent donc Ă  deux employeurs et il a jugĂ© qu’il ne pouvait occuper les autres emplois par dĂ©duction.

[28]           La CSST dĂ©pose, sous la cote I-3, un extrait du systĂšme « REPÈRES » concernant l’emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location du matĂ©riel sportif.  On voit que les tĂąches inhĂ©rentes Ă  cet emploi nĂ©cessitent la prĂ©paration d’équipement pour les rĂ©servations de groupes et les ajustements nĂ©cessaires selon les caractĂ©ristiques physiques de chaque client.  Un tel prĂ©posĂ© doit Ă©galement effectuer l’entretien ou les rĂ©parations mineures nĂ©cessaires Ă  l’équipement.  Au niveau des capacitĂ©s physiques, un tel prĂ©posĂ© doit ĂȘtre capable de soulever un poids d’environ cinq Ă  dix kilogrammes.  On indique Ă©galement qu’une connaissance de base de l’anglais est exigĂ©e et qu’une expĂ©rience en vente d’équipement sportif constitue un atout.  Les perspectives d’emploi au niveau provincial sont Ă©gales Ă  la moyenne jusqu’en 2005.  Les perspectives du marchĂ© de travail pour la GaspĂ©sie et les Iles-de-la-Madeleine sont cependant faibles avec un  taux de chĂŽmage Ă©levĂ© et des perspectives plus restreintes.

[29]           Le travailleur dĂ©pose pour sa part, sous la cĂŽte T-1, un extrait de la classification nationale des professions 2001 concernant le titre d’emploi d’opĂ©rateur et de prĂ©posĂ© aux sports, aux loisirs et dans les parcs d’attractions.

 

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[30]           Le procureur du travailleur fait remarquer que le systĂšme « REPÈRES » indique que l’emploi convenable, dĂ©terminĂ© par la CSST, nĂ©cessite la prĂ©paration d’équipement pour des rĂ©servations de groupes ce qui va manifestement Ă  l’encontre des limitations fonctionnelles du travailleur.  Quant Ă  GaspĂ© Ranch AcadĂ©mie, comme il s’agit d’une entreprise qui loue des chevaux il est Ă©vident que la manipulation de selles est trop exigeante pour le travailleur.  Il en va de mĂȘme pour l’entreprise Kayak Forillon oĂč la manipulation et l’entretien des kayaks sont impossibles pour le travailleur.  Quant aux entreprises de plongĂ©e sous-marine, le travailleur est sĂ»rement incapable de manipuler des bonbonnes d’air sans contrevenir Ă  ses limitations.  Ce genre d’emploi est au surplus prĂ©caire et il n’est pas disponible dans la rĂ©gion du travailleur.  Une seule boutique existe, soit GaspĂ© Aventure et rien n’indique que des emplois y sont disponibles.  Dans toute la liste d’emplois dĂ©posĂ©e par la CSST, rien n’indique que ces entreprises embauchent rĂ©ellement des gens pour la courte saison des activitĂ©s.  Il estime qu’aucun poste de ce genre n’existe dans un rayon de 50 kilomĂštres de GaspĂ©.  Dans les ZEC, l’équipement consiste essentiellement en des chaloupes et rien n’indique que des postes de prĂ©posĂ© aux Ă©quipements sportifs existent dans ces endroits.

[31]           Se rĂ©fĂ©rant aux articles 1 et 181 de la loi, il croit que la solution la plus Ă©conomique parmi les solutions possibles est celle de contrĂŽleur de la qualitĂ© des produits marins.  L’emploi convenable qui lui a Ă©tĂ© dĂ©terminĂ© ne respecte nullement les intĂ©rĂȘts du travailleur, ni son expĂ©rience passĂ©e.  En tant que contrĂŽleur de la qualitĂ©, un travail l’attend en avril 2004 avec un salaire de dĂ©part de 25 000 $.  Vu le salaire plus important de cet emploi par rapport Ă  l’emploi convenable dĂ©terminĂ© par la CSST, cette solution deviendrait la plus Ă©conomique au sens de l’article 181 de la loi.

[32]           La procureure de la CSST croit que la solution mise de l’avant par le procureur du travailleur est hypothĂ©tique puisque le travailleur n’est pas sĂ»r de rĂ©ussir la formation et que l’emploi qui est disponible maintenant ne le sera peut-ĂȘtre pas Ă  Ă©chĂ©ance.  Elle rappelle les dispositions de l’article 172 de la loi qui mentionnent que la formation est dispensĂ©e par la CSST s’il est impossible de trouver d’autres façons de dĂ©terminer un emploi convenable.  La CSST a dĂ©jĂ  indemnisĂ© le travailleur pour lui permettre d’accĂ©der Ă  un diplĂŽme de secondaire V.  L’indemnisation prĂ©vue Ă  la loi ne doit pas devenir un tremplin pour qu’une personne obtienne Ă  nouveau un diplĂŽme et une promotion dans sa carriĂšre.  Elle convient que le systĂšme «REPÈRES» mentionne que l’emploi convenable nĂ©cessite la manipulation d’objets de cinq Ă  dix kilos alors que les limitations fonctionnelles du travailleur l’empĂȘchent de lever plus de cinq livres.  Cependant, dans la tĂąche de contrĂŽleur de la qualitĂ© dĂ©sirĂ©e par le travailleur, les mĂȘmes limitations s’appliquent.  Le processus de rĂ©adaptation a Ă©tĂ© sĂ©rieux puisque dix-sept rencontres ont Ă©tĂ© tenues avec le travailleur de octobre 1996 jusqu’à juillet 2002 en plus des conversations tĂ©lĂ©phoniques.  Elle fait remarquer que le travailleur a eu un Ă©chec en chimie pendant l’obtention de son diplĂŽme de secondaire V et que la chimie constitue une exigence pour le poste convoitĂ© par le travailleur.  Elle a Ă©galement fait remarquer qu’il a fallu au travailleur deux ans pour terminer son secondaire V plutĂŽt qu’un an tel que prĂ©vu initialement.

[33]           Le travailleur n’a pas fait ses devoirs puisqu’il ne s’est rendu vĂ©rifier la possibilitĂ© d’emploi que chez deux employeurs.  Le travailleur dĂ©montre donc peu d’intĂ©rĂȘt dans sa recherche d’emploi.  Il existe sĂ»rement des emplois qui respectent les limitations fonctionnelles du travailleur dans sa rĂ©gion.

[34]           Elle dĂ©pose au soutien de son argumentation de la jurisprudence[2].

[35]           En rĂ©plique, le procureur du travailleur fait remarquer que le travail qui exige une manipulation de poids de cinq Ă  dix kilos est celui d’inspecteur en produits marins, ce qui n’est pas l’emploi convoitĂ© par le travailleur.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[36]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le mĂȘme avis.  L’emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif n’est pas un emploi convenable parce qu’il ne respecte pas les critĂšres Ă©noncĂ©s par l’article 2 de la loi.

[37]           Notamment, il n’est pas appropriĂ© parce qu’il ne respecte pas les intĂ©rĂȘts et le vĂ©cu du travailleur, il n’y a pas de possibilitĂ© raisonnable d’embauche suivant le systĂšme RepĂšre et il ne respecte pas les limitations fonctionnelles Ă©mises par le Dr Tran.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[38]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©cider si l’emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif constitue un emploi convenable au sens de la loi, que le travailleur est capable d’exercer Ă  compter du 22 juillet 2002.

[39]           La dĂ©finition d’« emploi convenable » se trouve Ă  l’article 2 de la loi :

« emploi convenable Â» : un emploi appropriĂ© qui permet au travailleur victime d'une lĂ©sion professionnelle d'utiliser sa capacitĂ© rĂ©siduelle et ses qualifications professionnelles, qui prĂ©sente une possibilitĂ© raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santĂ©, la sĂ©curitĂ© ou l'intĂ©gritĂ© physique du travailleur compte tenu de sa lĂ©sion ;

 

 

[40]           Cet emploi convenable doit ĂȘtre dĂ©terminĂ© au travailleur par la CSST en tenant compte des dispositions prĂ©vues au titre de la rĂ©adaptation professionnelle dont les articles suivants :

166. La rĂ©adaptation professionnelle a pour but de faciliter la rĂ©intĂ©gration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi Ă©quivalent ou, si ce but ne peut ĂȘtre atteint, l'accĂšs Ă  un emploi convenable.

________

1985, c. 6, a. 166.

 

 

167. Un programme de rĂ©adaptation professionnelle peut comprendre notamment :

 

1 Â  un programme de recyclage;

2 Â  des services d'Ă©valuation des possibilitĂ©s professionnelles;

3 Â  un programme de formation professionnelle;

4 Â  des services de support en recherche d'emploi;

5 Â  le paiement de subventions Ă  un employeur pour favoriser l'embauche du travailleur qui a subi une atteinte permanente Ă  son intĂ©gritĂ© physique ou psychique;

6 Â  l'adaptation d'un poste de travail;

7 Â  le paiement de frais pour explorer un marchĂ© d'emplois ou pour dĂ©mĂ©nager prĂšs d'un nouveau lieu de travail;

8 Â  le paiement de subventions au travailleur.

________

1985, c. 6, a. 167.

 

 

171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

 

  Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

________

1985, c. 6, a. 171.

 

 

172. Le travailleur qui ne peut redevenir capable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle peut bénéficier d'un programme de formation professionnelle s'il lui est impossible d'accéder autrement à un emploi convenable.

 

Ce programme a pour but de permettre au travailleur d'acquĂ©rir les connaissances et l'habiletĂ© requises pour exercer un emploi convenable et il peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©, autant que possible au QuĂ©bec, en Ă©tablissement d'enseignement ou en industrie.

________

1985, c. 6, a. 172; 1992, c. 68, a. 157.

 

 

[41]           Le tribunal constate, tout comme la procureure de la CSST, que le travailleur n’a peut-ĂȘtre pas toujours apportĂ© la collaboration voulue au cours de son processus de rĂ©adaptation.

[42]           En effet, le travailleur avait une seule idĂ©e d’emploi convenable en tĂȘte et il n’a pas voulu en dĂ©roger.  Le tribunal convient, tout comme le commissaire Claude BĂ©rubĂ© dans l’affaire prĂ©citĂ©e, que la CSST a le devoir d’agir conformĂ©ment aux paramĂštres de sa mission mĂȘme lorsqu’elle ne respecte pas le cheminement privilĂ©giĂ© par un travailleur.

[43]           Ainsi, la CSST peut dĂ©terminer un emploi convenable unilatĂ©ralement lorsqu’elle n’a pas la collaboration du travailleur.  Ceci Ă©tant dit, la CSST doit tout de mĂȘme, dans cette dĂ©marche, procĂ©der Ă  la dĂ©termination d’un emploi convenable qui respecte les prescriptions de l’article 2 de la loi, ce qu’elle n’a pas fait en l’espĂšce.

[44]           En effet, l’emploi convenable dĂ©terminĂ© par la CSST n’est pas un emploi appropriĂ©.  À la lecture de certains dictionnaires, on constate que le mot « appropriĂ© » doit s’entendre de quelque chose qui convient, qui est propre, qui est conforme, adaptĂ© et adĂ©quat.  Il est Ă©vident que l’emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif ne respecte pas ces qualificatifs.  Cet emploi ne respecte nullement les goĂ»ts et aptitudes du travailleur[3].

[45]           En plus du tĂ©moignage du travailleur Ă  l’effet qu’il n’a aucun intĂ©rĂȘt pour ce genre d’emploi, cet emploi ne correspond pas aux conclusions retenues dans le rapport dĂ©posĂ© sous la cote I-1.  Ainsi, cet emploi n’apparaĂźt nullement Ă  la liste d’occupations jugĂ©es convenables.

[46]           Les tests passĂ©s par le travailleur ont dĂ©montrĂ© qu’il a beaucoup d’enthousiasme pour les occupations investigatrices, ce que n’est nullement l’emploi convenable.  Contrairement aux suggestions du conseiller en orientation, l’emploi convenable ne nĂ©cessite aucun degrĂ© d’ingĂ©niositĂ©, de curiositĂ© et de minutie et n’a aucun lien avec la flore et la faune. Le conseiller avait de plus mentionnĂ© qu’il Ă©tait nĂ©cessaire de respecter les antĂ©cĂ©dents professionnels du travailleur, ce qui n’a pas Ă©tĂ© fait.

[47]           De plus, la jurisprudence a mentionnĂ© que l’emploi convenable devait respecter en autant que possible les prĂ©fĂ©rences du travailleur[4].  Toutefois, la jurisprudence a Ă©galement mentionnĂ© que les prĂ©fĂ©rences du travailleur ne devaient pas ĂȘtre l’expression de caprices ou rĂ©pondre au dĂ©sir d’un travailleur qui voudrait se lancer dans un domaine tout autre que le sien.  Il suffit donc pour rencontrer ce critĂšre que l’emploi identifiĂ© rĂ©ponde adĂ©quatement au profil du travailleur.

[48]           Or, le tribunal ne croit pas que c’est par caprice que le travailleur ne veut pas exercer un emploi dans un domaine qu’il n’a jamais touchĂ© de prĂšs ou de loin alors que son expĂ©rience unique de travail a Ă©tĂ© acquise dans le domaine de la pĂȘche.  Le travailleur n’a pas non plus mentionnĂ© qu’il voulait se lancer dans un tout nouveau domaine.

[49]           Le tribunal ne croit pas non plus que l’emploi convenable dĂ©terminĂ© respecte la capacitĂ© rĂ©siduelle du travailleur laquelle s’évalue en fonction des limitations fonctionnelles que celui-ci conserve Ă  la suite de sa lĂ©sion professionnelle[5].  Ainsi, l’emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif ne respecte pas, selon la preuve dont le tribunal dispose, les limitations fonctionnelles Ă©mises par le Dr Tran.  Ainsi, dans le cadre de ce travail, le travailleur doit forcer, tirer, pousser ou lever des charges pesant plus de cinq livres puisque selon le systĂšme «REPÈRES» il faut ĂȘtre capable de soulever un poids d’environ cinq Ă  dix kilogrammes pour ĂȘtre prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif.

[50]           On ne peut prĂ©sumer que le travailleur pourrait se servir exclusivement de sa main droite pour ce faire puisque plusieurs Ă©quipements nĂ©cessitent certainement l’utilisation des deux mains (ski, bonbonne d’air, selle, sac de golf, bicyclette, kayak, etc.).  Le systĂšme «REPÈRES» indique Ă©galement que le prĂ©posĂ© doit prĂ©parer l’équipement, y effectuer des ajustements, l’entretien ou les rĂ©parations mineures et montrer aux clients les techniques d’utilisation de cet Ă©quipement.  Le membre dominant du travailleur Ă©tant son bras gauche, soit celui qui a Ă©tĂ© blessĂ©, il est facile d’imaginer par exemple que la rĂ©paration de bicyclettes entraĂźne certains mouvements non conformes pour son membre supĂ©rieur gauche.

[51]           Par consĂ©quent, les conditions d’exercice d’un emploi convenable comportent des dangers pour la santĂ©, la sĂ©curitĂ© et l’intĂ©gritĂ© physique du travailleur puisqu’il n’y a pas respect intĂ©gral de ses limitations fonctionnelles[6].

[52]           Au surplus, l’emploi convenable dĂ©terminĂ© par la CSST ne permet pas au travailleur d’utiliser ses qualifications professionnelles.  En effet, avec le temps le travailleur a acquis une expĂ©rience indĂ©niable dans le domaine de la pĂȘche laquelle peut servir dans des domaines connexes mais aucunement dans l'emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel de sport.

[53]           Le systĂšme «REPÈRES» indique de plus qu’une connaissance de base de l’anglais est exigĂ©e ce qui peut se comprendre encore plus dans la rĂ©gion du travailleur oĂč la clientĂšle touristique est importante et oĂč il y a une importante communautĂ© anglophone.  La preuve n’a pas dĂ©montrĂ© que le travailleur avait une connaissance de base de l’anglais.  Le fait d’avoir fait des Ă©tudes secondaires en anglais ne permet pas de conclure que le travailleur a une connaissance de base de cette langue Ă  dĂ©faut d’avoir fait des stages d’immersion ou de possĂ©der une expĂ©rience pratique de la conversation.  Cette connaissance de base apprise au secondaire ne permet pas de façon probante de conclure que le travailleur serait capable de tenir une conversation avec des clients anglophones se prĂ©sentant chez un Ă©ventuel employeur[7].

[54]           L’emploi convenable dĂ©terminĂ© ne permet donc pas au travailleur d’utiliser l’expertise et l’expĂ©rience dĂ©jĂ  acquises ce que la CSST doit faire dans la mesure du possible[8].

[55]           Le tribunal ne croit pas non plus que l’emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif prĂ©sente une possibilitĂ© raisonnable d’embauche dans la rĂ©gion oĂč habite le travailleur.  Il est important de rappeler que le travailleur a toujours habitĂ© dans la rĂ©gion oĂč il habite prĂ©sentement. Il serait donc dĂ©raisonnable de lui demander de dĂ©mĂ©nager pour se trouver un emploi ou encore d’effectuer un trajet dĂ©raisonnable le matin pour aller au travail et le soir pour en revenir[9].  S’il est vrai qu’à l’occasion un travailleur doit Ă©tendre ses recherches d’emploi Ă  un rayon plus vaste que celui autour duquel se situe son domicile, cela ne constitue pas une rĂšgle ferme[10].

[56]           Or, en l’espĂšce, la preuve n’a nullement dĂ©montrĂ© l’existence de postes de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif disponibles dans la rĂ©gion oĂč habite le travailleur.  Dans un premier temps, le systĂšme «REPÈRES» indique bien que dans la rĂ©gion de la GaspĂ©sie et des Iles-de-la-Madeleine, la demande de main-d’Ɠuvre de 2001 Ă  2005 pour ce type d’emploi est faible, le taux de chĂŽmage estimĂ© en 2001 Ă©levĂ© et les perspectives 2002 Ă  2005 plus restreintes.  Ceci suffit Ă  disposer de cet aspect du litige[11].  Quant au document T-1, le tribunal ne peut le retenir puisque les prĂ©visions sont faites pour le poste beaucoup plus gĂ©nĂ©rique de prĂ©posĂ© dans les amusements, les sports et les loisirs, et non spĂ©cifiquement sur le prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel de sport.

[57]           Quant au document dĂ©posĂ© par la CSST sous la cote I-4, il ne prouve qu’une chose , soit l’existence de certaines entreprises offrant au public des Ă©quipements sportifs.  Rien ne prouve que des postes de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif existent bel et bien dans ces entreprises.  Ainsi, aucune preuve ne dĂ©montre que chez GaspĂ© Ranch AcadĂ©mie le propriĂ©taire a besoin d’employĂ©s pour effectuer la tĂąche de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif, pas plus que chez GaspĂ© Aventure.

[58]           Le travailleur n’a aucune expĂ©rience dans ce domaine et devient donc moins compĂ©titif.  Le tribunal comprend mal comment un employeur ne dĂ©cidera pas plutĂŽt d’engager une personne plus jeune que le travailleur en le payant moins cher pour faire les mĂȘmes activitĂ©s.  En effet, comme cet emploi ne nĂ©cessite pas de spĂ©cialisation, ceci facilite le roulement de personnel et un employeur peut avoir intĂ©rĂȘt Ă  embaucher un jeune ou un Ă©tudiant pour effectuer cette tĂąche plutĂŽt que le travailleur qui, en plus d’ĂȘtre porteur d’une lĂ©sion professionnelle, a 40 ans.  La jurisprudence a Ă©tabli que le travailleur doit ĂȘtre placĂ© sur le mĂȘme pied que les autres travailleurs devant une possibilitĂ© d’embauche sans ĂȘtre forcĂ© de se reprĂ©senter comme quelqu’un qui doit avoir des exigences diffĂ©rentes des autres[12].  Ainsi, en plus de son Ăąge et de son inexpĂ©rience, le travailleur a des limitations fonctionnelles importantes au bras gauche qui font en sorte qu’il pourrait difficilement concurrencer un autre travailleur pour le mĂȘme poste[13].

 

[59]           De plus, les Ă©ventuels emplois Ă©numĂ©rĂ©s Ă  la piĂšce I-4 sont des emplois saisonniers ne durant que quelques mois par annĂ©e (ski, golf, kayak, etc.).  Il ne s’agit donc pas d’emplois convenables pour un travailleur qui pourrait occuper un travail Ă  temps plein sur une base annuelle.  Il faut se rappeler qu’avant sa lĂ©sion, le travailleur effectuait ses tĂąches environ neuf mois par annĂ©e et non pas seulement trois ou quatre.

[60]           En consĂ©quence, le fait que l’emploi convenable puisse difficilement ĂȘtre occupĂ© Ă  temps plein sur une base annuelle peut constituer un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant quant Ă  la validitĂ© de cet emploi, compte tenu de la situation particuliĂšre du travailleur[14].  Il apparaĂźt au tribunal que l’évaluation du salaire que pourrait retirer le travailleur de l’emploi convenable est donc exagĂ©rĂ©e en l’espĂšce puisque basĂ©e sur un emploi annuel et non saisonnier.  Le travailleur se trouverait donc gravement pĂ©nalisĂ© dans le calcul de son indemnitĂ© rĂ©duite de remplacement du revenu.

[61]           Pour tous ces motifs, il est donc Ă©vident que l’emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif n’est pas convenable pour le travailleur dans les circonstances prĂ©cises de ce dossier.  La CSST devra donc Ă©tablir, en collaboration avec le travailleur, un nouvel emploi convenable.  Le travailleur devra comprendre que sa collaboration est essentielle et qu’il doit faire montre de souplesse dans la recherche d’un emploi qui lui est convenable sans se limiter Ă  une seule avenue.  Il devra Ă©galement avoir Ă  l’esprit les dispositions de l’article 172 de la loi qui mentionnent qu’un programme de formation professionnelle est octroyĂ© lorsqu’il est impossible d’accĂ©der autrement Ă  un emploi convenable.  La jurisprudence a bien Ă©tabli que la CSST n’avait pas l’obligation de fournir au travailleur une formation supĂ©rieure Ă  celle qu’il avait quand il exerçait son emploi prĂ© accidentel si le travailleur peut rĂ©intĂ©grer un emploi offrant un statut professionnel comparable Ă  sa situation antĂ©rieure[15].

[62]           La CSST devra, quant Ă  elle, se rappeler que dans la dĂ©termination d’un emploi convenable elle doit Ă©viter la tentation de dĂ©terminer un emploi dans le seul but de diminuer les coĂ»ts du rĂ©gime[16].  Il est vrai que la loi prĂ©voit, Ă  son article 181, ce qui suit :

181. Le coût de la réadaptation est assumé par la Commission.

 

Dans la mise en oeuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.

________

1985, c. 6, a. 181.

 

 

[63]           Cependant, l’aspect Ă©conomique n’est pas le seul Ă  considĂ©rer lorsqu’il s’agit de dĂ©terminer un emploi convenable.  Le critĂšre de la solution la plus Ă©conomique, bien qu’implicite Ă  une saine gestion, ne doit pas l’emporter sur le droit du travailleur Ă  un plan individualisĂ© de rĂ©adaptation qui tienne compte de sa situation particuliĂšre et de tous les critĂšres prĂ©vus Ă  la loi[17].  Comme l’emploi convoitĂ© par le travailleur respecte Ă  premiĂšre vue les critĂšres contenus Ă  la dĂ©finition d’emploi convenable, la CSST devrait refaire ses calculs pour s’assurer que la dĂ©pense additionnelle de 33 000 $ requise par un programme de formation ne serait pas compensĂ©e par la diminution de l’indemnitĂ© rĂ©duite de remplacement du revenu qui en rĂ©sulterait.  Il est vrai que le travailleur a eu un Ă©chec en chimie et qu’il s’agit d’une matiĂšre importante dans la nouvelle formation qu’il aimerait avoir.  Il a cependant reçu une mention d’excellence lors de l’émission de son diplĂŽme de secondaire V et semble trĂšs dĂ©terminĂ© dans son dĂ©sir d’occuper l’emploi qu’il convoite.

[64]           En rĂ©sumĂ©, le tribunal croit que la CSST et le travailleur devront faire montre de souplesse, d’ouverture d’esprit et de bonne foi afin de tenter de trouver finalement un emploi convenable au travailleur dans le respect des prescriptions de la loi et ainsi mettre fin Ă  un processus qui aura durĂ© bien trop longtemps.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requĂȘte de monsieur AndrĂ© Lacasse, le travailleur;

INFIRME la dĂ©cision rendue par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail le 15 janvier 2003 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative;

DÉCLARE que l’emploi de prĂ©posĂ© Ă  la location de matĂ©riel sportif n’est pas convenable pour le travailleur et qu’il n’était pas apte Ă  l’occuper Ă  compter du 22 juillet 2002;

DÉCLARE que le travailleur a droit aux bĂ©nĂ©fices prĂ©vus par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

 

 

 

RETOURNE le dossier Ă  la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du  travail afin qu’un nouvel emploi convenable soit dĂ©terminĂ© dans le respect des prescriptions de la loi;

 

 

 

 

 

 

Me JEAN-FRANÇOIS CLÉMENT

 

Commissaire

 

 

 

 

 

DENIS PARADIS, AVOCAT

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Sonia Grenier)

 

Représentante de la partie intervenante

 

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Roy et Deniso Lebel Inc. (Div. Scierie), C. L.P. 155855-01C-0102, 2 octobre 2001, C. Bérubé

[3]          Provost et Laboratoire Ville-Marie inc., C.A.L.P.33847-04-9111, 27 février 1992, P. Brazeau, révision rejetée le 5 novembre 1992, R. Chartier;  Moreau et C. G. Fortin inc., C.A.L.P. 15553-04-8911, 5 juin 1992, P. Brazeau;  St-Amant et Domtar inc., C.A.L.P. 12788-05-8904, 17 juin 1992, E. Harvey.

[4]          Lapointe et Ateliers de mĂ©canique Lapointe enr., C.A.L.P. 62422-64-9409, 23 janvier 1996, S. Di Pasquale;  Venet et Électrique Haco inc., C.L.P. 105755-61-9810, 25 fĂ©vrier 1999, M. Cuddihy.

[5]          CSST et Fiset, C.A.L.P. 74567-63-9511, 24 janvier 1997, B. Lemay;  Therrien et Stone Consolidated inc., C.L.P. 171496-01C-0110, 1er octobre 2002, R. Arseneau.

[6]          Brault et Produits Forestiers Tembec inc., [1992] C.A.L.P. 558 .

[7]          Perrier et Coopérative Solidarité Bon Ménage,  C.L.P. 161704-64-0105, 2 novembre 2001, R. Daniel.

[8]          CSST et Goyette, C.A.L.P. 48772-63-9301, 9 janvier 1995, L. Thibault;  Lapointe et Industries James McClaren inc., [1996] C.A.L.P. 162 .

[9]          Bouchard et R. Malouin & Fils inc. C.A.L.P. 35934-05-9201, 21 fĂ©vrier 1994, J. Y. Desjardins;  Gaudet et Leblanc et Centre hospitalier de l’Archipel, [1990] C.A.L.P. 655 ;  Poirier et Christopher Poirier Logging, C.A.L.P. 87410-07-9703, 16 novembre 1998, S. Di Pasquale.

[10]         Duguay et Construction du Cap-Rouge inc., [2001] C.L.P. 24

[11]         Provost et Gattola inc., C.A.L.P. 35541-03-9201, 21 février 1994, G. Godin;  Parent et Forge du Lac inc., C.A.L.P. 60646-03-9407, 9 novembre 1995, R. Chartier.

[12]         Caron et Transport Network Québec ltée, C.A.L.P. 44467-63-9209, 19 avril 1994, J.-M. Duranceau.

[13]         Lajoie et SystÚme intérieur Laval inc., [1994] C.A.L.P. 28 .

[14]         Belisle et Eddy inc., C.A.L.P. 13364-64-8906, 26 mars 1991, P. Capriolo;  Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont et Richemond -Frédérique, [1995] C.AL.P. 1133 .

[15]         Gervais et Aliments Maple Leaf, [1996] C.A.L.P. 1169

[16]         Ficara et Marché Bonanza inc., [1997] C.A.L.P. 43 .

[17]         Ganon et 110436 Canada ltée, C.A.L.P. 72310-07-9508, 5 septembre 1997, G. Robichaud.

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