Notre-Dame-du-Laus (Municipalité de) c. Lajeunesse |
2014 QCCM 239 |
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COUR MUNICIPALE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LABELLE |
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N° : |
803989014 |
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DATE : |
23 OCTOBRE 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHEL LALANDE J.C.M. |
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MUNICIPALITÉ DE NOTRE-DAME-DU LAUS |
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Poursuivante |
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c. |
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PATRICK-GUILLAUME LAJEUNESSE |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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INTRODUCTION
[1] Il est reproché au défendeur d’avoir conduit un véhicule routier alors qu’il y avait présence d’alcool dans son organisme, en contravention des dispositions de l’article 202.2 du Code de la sécurité routière.
[2] Le litige porte sur la question de savoir si la seule preuve d’une odeur d’alcool émanant de l’haleine d’un conducteur peut être suffisante à établir la culpabilité du défendeur.
LES FAITS
[3] Les faits ne sont pas contestés, le défendeur n’ayant fait entendre aucun témoin.
[4] Le 17 mai 2014, vers 02h15, les agents Bigras et Boulanger de la Sureté du Québec effectuent une patrouille mobile, avec un véhicule semi-banalisé, sur le territoire de la municipalité de Notre-Dame-du-Laus, lorsqu’ils croisent un véhicule de marque Pontiac.
[5] Ils décident d’effectuer un demi-tour et d’intercepter le véhicule en question afin de vérifier la validité des documents du conducteur et sa sobriété.
[6] Ils suivent donc le véhicule et le perde quelques instants de vue, alors qu’il s’engage dans une courbe.
[7] Lorsqu’ils voient à nouveau le véhicule, il est immobilisé dans la voie de circulation opposée et une Dame se trouve à l’extérieur.
[8] Le défendeur se trouve derrière le volant, a les yeux rouges et dégage une odeur d’alcool.
[9] Questionné sur son état, il dira aux agents de police avoir consommé de l’alcool au courant de la soirée.
[10] L’agent Bigras, soupçonnant la présence d’alcool dans l’organisme du défendeur, lui ordonne de se soumettre à un test de dépistage au moyen d’un appareil de détection approuvé.
[11] Malheureusement il s’avère impossible d’exécuter le test, les batteries de l’appareil de détection étant à plat.
[12] L’agent Bigras décide alors de soumettre le défendeur à une série de quatre tests symptomatiques.
[13] Après l’exécution des trois premiers avec succès, les policiers décident de ne pas poursuivre, la capacité de conduire du défendeur n’étant pas affaiblie par l’effet de l’alcool selon eux.
[14] Toutefois, comme le défendeur est titulaire d’un permis probatoire, ils décident tout de même d’émettre le présent constat, soupçonnant toujours la présence d’alcool dans son organisme.
[15] En contre-interrogatoire, l’agent Boulanger dira que la conduite du véhicule par le défendeur était normale et qu’il n’a constaté la commission d’aucune infraction, la décision de procéder à son interception reposant sur l’article 636 du Code de la sécurité routière.
[16] Il dira également que lorsque l’enquête fut terminée, les agents en étaient toujours au stade des simples soupçons de présence d’alcool dans l’organisme du défendeur.
LA QUESTION EN LITIGE
[17] Est-ce que la preuve en l’instance est suffisante à établir, hors de tout doute raisonnable, la présence d’alcool dans l’organisme du défendeur, conducteur d’un véhicule routier titulaire d’un permis probatoire ?
LES ARGUMENTS
[18] La poursuite répond affirmativement à cette question, s’appuyant sur une décision rendue par le soussigné dans une affaire de «Ville de Mont-Tremblant c. Carolanne Gagné-Saindon»[1].
[19] La défense y répond plutôt négativement, s’appuyant sur une décision rendue par mon collègue le juge Robert Beauséjour dans une affaire de «Municipalité de Notre-Dame-des-Prairies c. Michael Beaudry»[2].
[20] La procureure du défendeur distingue la présente affaire de celle de Mont-Tremblant car il n’y a ici aucune conduite erratique, des tests symptomatiques réussis et surtout l’affirmation de l’agent Boulanger qu’à la fin de leur enquête les policiers n’avaient toujours que de simples soupçons de la présence d’alcool dans l’organisme du défendeur.
[21] Si, compte tenu de leurs observations, les policiers n’avaient rien de plus que de simples soupçons, comment le Tribunal pourrait-il être convaincu hors de tout doute raisonnable de cette présence d’alcool dans l’organisme du conducteur du véhicule puisque les policiers eux-mêmes n’en sont pas certains ? Voilà ce que soulève la procureure du défendeur !
ANALYSE ET DÉCISION
[22] Le législateur ne s’est pas prononcé spécifiquement sur la façon d’établir la présence d’alcool dans l’organisme d’un conducteur visé par l’interdiction de l’article 202.2 C.s.r. .Dans cette perspective, il y a deux façons d’établir cette présence : Le recours aux pouvoirs conférés aux agents de la paix par l’article 202.3, ou autrement.
[23] Le «autrement» signifie que le recours à l’appareil de détection approuvé, mentionné à l’article 202.3 C.s.r. n’est pas obligatoire, la poursuivante pouvant faire la preuve de la présence d’alcool dans l’organisme par tout moyen.[3]
[24] Dans cette perspective, est-ce que la simple constatation d’une haleinée d’alcool est suffisante pour en établir, hors de tout doute raisonnable, la présence dans l’organisme du conducteur ?
[25] La jurisprudence semble partagée sur la question.
[26] Dans l’affaire précitée de Municipalité de Notre-Dame-des-Prairies, mon collègue le juge Beauséjour est d’avis que lorsque la preuve de la poursuivante ne repose que sur l’odeur d’alcool de l’haleine du conducteur cela est insuffisant à en établir hors de tout doute raisonnable la présence dans son organisme car si le législateur a prévu à l’article 202.3 que la preuve peut s’en faire au moyen d’un appareil de détection approuvé, cela signifie que la simple odeur ne serait pas, à elle seule, suffisante à l’établir.
[27] Dans celle de Ville de Mont-Tremblant j’ai plutôt émis l’opinion que la preuve d’une haleiné d’alcool chez le défendeur pouvait constituer une preuve suffisante de la présence d’alcool dans son organisme puisque le terme «haleinée» signifiait la perception par l’organe olfactif d’une substance : Or, on ne peut percevoir une substance que si elle est présente !
[28] Je persiste à croire que la seule haleinée d’alcool est suffisante à établir la présence d’alcool dans l’organisme puisque l’on ne peut percevoir que ce qui existe.
[29] Par ailleurs, en l’instance, il y a un autre facteur qui s’ajoute et qui, joint à la preuve de l’haleinée, me convainc hors de tout doute de la présence d’alcool dans l’organisme du défendeur : Son admission d’avoir consommé de l’alcool.
[30] Suivant la preuve faite on ne sait pas quand dans la soirée ni en quelle quantité le défendeur a consommé de l’alcool mais on ne peut tout de même pas ignorer le fait que la preuve révèle cette consommation.
[31] On peut donc résumer la preuve comme suit : Le défendeur, titulaire d’un permis de conduire probatoire conduit un véhicule après avoir consommé de l’alcool et dégage une telle haleinée au moment de son interception par les policiers.
[32] Une telle preuve ne laisse pas de doute dans mon esprit sur la présence d’alcool dans son organisme au moment de la conduite du véhicule.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
DÉCLARE le défendeur coupable de l’infraction qui lui est reprochée.
CONDAMNE le défendeur à payer une amende au montant de $ 300.00 avec, en plus, les frais et la contribution fixée par la Loi.
ACCORDE au défendeur un délai de trente (30) jours pour procéder au paiement.
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__________________________________ Michel Lalande j.c.m. |
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Pour la poursuivante : |
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Me. Robert Déziel
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Pour le défendeur : |
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Me. Stéphanie Lauzon |
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Date d’audience : |
28 août 2014 |
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AVIS :
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