Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Montréal

MONTRÉAL, le 7 juin 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

124615-73-9910

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Francine Juteau

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Michel Giroux

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Bertrand Perron

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

115441750

AUDIENCE TENUE LE :

24 mai 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DANIELLE LAFRANCE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHÂTEAU CHAMPLAIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 8 octobre 1999, madame Danielle Lafrance (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 30 octobre 1999 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 9 octobre 1998 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 août 1998.

[3]               La travailleuse est absente de l’audience.  L’employeur et sa procureure sont présents.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               La travailleuse demande de reconnaître qu’elle a subi une lésion professionnelle le 17 août 1998.

LES FAITS

[5]               La travailleuse occupe les fonctions de préposée aux chambres chez l’employeur.  Elle allègue avoir subi une lésion professionnelle le 17 août 1998 ayant entraîné des difficultés respiratoires suite à l’inhalation d’un produit de nettoyage.

[6]               Au formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement » signé par la travailleuse l’événement est ainsi décrit :

« Le 17/08/98 dans une chambre j’ai respiré un produit de nettoyage dans une salle de bain et après j’ai eu des problèmes respiratoire et une bronchite. » [sic]

 

 

[7]               La travailleuse consulte le docteur Rosman les jours suivants.  Le médecin produit deux attestations médicales sur les formulaires CSST.  Le 21 août 1998 il inscrit sur l’attestation médicale que la travailleuse souffre de bronchite chronique (inhalation).  Il lui prescrit du Beclovent et un autre rendez-vous pour le 25 août 1998.  Sur l’attestation du 25 août 1998 il retient le même diagnostic, prescrit le même remède et prévoit une consolidation pour le 31 août 1998 avec retour au travail.

[8]               Même si le docteur Rosman ne produit pas tous les rapports sur des formulaires CSST, ses notes de consultation, parfois difficiles à déchiffrer, nous apprennent que la travailleuse le rencontre pour la première fois le 20 août 1998.  Il note que la travailleuse a été exposé à un produit chimique dans une salle de bain.  Elle rapporte avoir senti l’odeur lorsqu’elle est entrée dans la pièce.  Elle aurait ressenti une douleur à la poitrine sous forme de brûlement.  Sa condition était bonne hier alors qu’elle ne travaillait pas mais elle présente un souffle court depuis son retour au travail.  Il retient que la travailleuse démontre une intolérance au produit dont il ne connaît pas le nom et une dyspnée suite à cette exposition.  Il note que la travailleuse est allergique à la poussière.  Il lui recommande de cesser l’usage du tabac.  Lorsqu’il la revoit le lendemain elle se plaint d’une sensation d’essoufflement et présente une rhinorrhée avec une céphalée.  Il note que la travailleuse fume un demi paquet de cigarettes par jour.  À l’examen il retrouve un bon état général et des sécrétions épaisses surtout lors de la toux.  Il retient un diagnostic de bronchite chronique.  Une radiographie pulmonaire se révèle normale.  Il lui prescrit du Beclovent.

[9]               Le 24 août 1998 il diagnostique plutôt une bronchite aiguë infectieuse car il retrouve à l’examen des sécrétions épaisses diffuses augmentées par la toux.

[10]           Le 25 août 1998 il note un essoufflement important et conclut à une bronchite infectieuse.  Il prévoit un retour au travail pour le 31 août 1998.

[11]           Il revoit la travailleuse une dernière fois le 26 août 1998 pour la rassurer et lui confirmer la date de son retour au travail.

[12]           Dans les notes évolutives du dossier, l’agent de la CSST inscrit que la travailleuse a terminé sa journée de travail le 17 août 1998.  Par la suite elle avait deux jours de congé et a retravaillé le 20 août 1998, date de son arrêt de travail et de la consultation médicale auprès du docteur Rosman.

[13]           Il apparaît également au dossier la fiche signalétique du produit utilisé par la travailleuse le 17 août 1998.  Il s’agit d’un nettoyant à usages multiples.  Selon ce document ce produit peut engendrer des effets s’il y a exposition à des concentrations élevées.  Ce produit dégage une odeur de citron-amoniaque et peut causer une irritation des yeux, de la peau, du nez, de la gorge ou des voies respiratoires de même que des quintes de toux ou des maux de tête s’il y a inhalation des vapeurs.

[14]           Tel qu’il appert des notes évolutives du dossier, après avoir obtenu copie du dossier médical de la travailleuse, l’agent de la CSST soumet le tout au médecin régional, le docteur Fuvel.

[15]           Celui-ci ne retrouve pas d’exposition anormale au produit nettoyant dans l’événement décrit par la travailleuse, la présence d’une odeur faisant partie des caractéristiques de ce produit et ne témoigne pas d’une exposition anormale.  Il retient que le jour de l’exposition la travailleuse a eu des douleurs à la poitrine sous forme de brûlements.  Il estime que ceci ne correspond pas aux symptômes auxquels on devrait s’attendre dans les cas d’exposition aiguë, selon la fiche signalétique du produit nettoyant.  La travailleuse n’a pas présenté d’incommodation immédiate car elle a poursuivi son travail et n’a consulté le médecin que quatre jours plus tard.  De plus il retient que la travailleuse est porteuse de facteurs personnels qui la rendent susceptible de faire des bronchites car elle souffre d’allergie à la poussière et fume la cigarette.  Également, les notes du médecin démontre qu’il y a une composante infectieuse à la base du diagnostic posé.  Le médecin est d’avis qu’il ne peut faire de relation entre le fait allégué et la bronchite développée quelques jours plus tard.

[16]           Puis, l’employeur demande au docteur Paradis de donner son opinion sur l’existence d’une relation entre le diagnostic de bronchite chronique et l’exposition à un nettoyant à usages multiples.  Après étude du dossier et revue de l’ensemble des documents médicaux il conclut à l’absence de relation entre la bronchite aiguë infectieuse diagnostiquée le 24 août 1998 et l’intoxication à un produit de nettoyage.  Son analyse des notes du médecin traitant de la travailleuse lui permet d’établir que la travailleuse était dans une période prodrome de sa bronchite infectieuse du 20 au 24 août 1998.  L’histoire de la maladie confirme son opinion car si la travailleuse avait présenté une bronchite irritative elle aurait eu une aggravation progressive de ses symptômes dans les 72 heures.  Or, la travailleuse a plutôt connu une amélioration de sa condition la journée précédant la visite médicale du 20 août 1998 et par la suite a connu une aggravation jusqu’au 24 août 1998.  Ce tableau est compatible avec une infection et non avec une intoxication à un produit irritant.  Pour renforcer ses conclusions il ajoute qu’il est peu probable que la travailleuse ait connu une exposition importante à ce produit car suivant la fiche signalétique du produit celui-ci affecte les muqueuses immédiatement en contact, soit le nez, les yeux et la gorge.  Or, la travailleuse ne décrit aucun symptôme de ce genre.  Finalement, il soumet que la bronchite chronique peut être attribuable au tabagisme.

L'AVIS DES MEMBRES

[17]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeur sont d’avis que la réclamation de la travailleuse doit être refusée puisqu’elle n’a pas démontré par une preuve prépondérante avoir subi une lésion professionnelle le 17 août 1998.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[18]           La Commission des lésions professionnelles a rendu une décision séance tenante et en voici les motifs.

[19]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 17 août 1998.

[20]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c., A-3.001) (la loi)  définit ainsi ce qu’est une lésion professionnelle :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;

 

[21]           Également, la loi définit ce qu’est un accident du travail et une maladie professionnelle :

«accident du travail» : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail ;

 

[22]           Les autres articles de la loi pertinents à l’étude de la présente réclamation sont les suivants :

28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

 

[23]           Pour conclure à l’existence d’une lésion professionnelle, il appartient à la travailleuse de démontrer par une preuve médicale prépondérante l’existence d’un lien entre la lésion diagnostiquée, soit une bronchite chronique, et l’événement survenu le 17 août 1998.  La travailleuse est absente de l’audience.  La Commission des lésions professionnelles se réfère donc à la preuve au dossier.

[24]           Il ressort que la travailleuse a souffert d’une maladie, soit une bronchite chronique.  De la sorte elle ne peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi.  En effet, l’application de cette disposition exige la présence d’une blessure, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.  Non plus, la travailleuse ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi puisque la maladie dont elle souffre n’est pas énumérée à l’Annexe I de la loi à laquelle réfère cette disposition.

[25]           Reste à déterminer si la travailleuse a subi un accident du travail tel que défini à l’article 2 de la loi ou souffre d’une maladie professionnelle telle que définie à l’article 30 de la loi.

[26]           Dans un cas comme dans l’autre la travailleuse n’a pas fait la démonstration de l’existence d’une  relation médicale entre le diagnostic et l’événement décrit.

[27]           L’opinion du docteur Paradis est éloquente à ce sujet.  Les explications apportées par ce médecin font prépondérance au dossier et sont convaincantes car elles s’articulent avec l’ensemble des éléments médicaux au dossier.

[28]           Même si la travailleuse a effectivement inhalé un produit de nettoyage le 17 août 1998 et que cet événement constitue l’événement imprévu et soudain requis par la loi à la définition de l’accident du travail, aucune relation n’a pu être établie entre cet événement et le diagnostic de bronchite chronique.

[29]           Dans son rapport, le docteur Paradis expose clairement les différents éléments du dossier qui vont à l’encontre de la reconnaissance d’une relation entre la lésion de la travailleuse et l’événement décrit.  Pour l’essentiel, le médecin de la CSST, le docteur Fuvel, arrive aux mêmes conclusions que le docteur Paradis et ne peut conclure à l’existence d’une relation.

[30]           Des analyses réalisées par ces deux médecins, la Commission des lésions professionnelles retient que l’histoire de la maladie de la travailleuse reconstituée avec les notes de son médecin traitant n’est pas compatible avec une intoxication à un produit de nettoyage.  En effet, la travailleuse a connu une aggravation de ses symptômes du 20 au 24 août 1998 alors qu’elle a inhalé le produit le 17 août 1998.   Selon les notes de son médecin, elle était bien le 19 août 1998.  S’il y avait eu intoxication, elle aurait dû présenter des symptômes dès l’exposition avec atténuation graduelle de ceux-ci par la suite.

[31]           La travailleuse présente aussi des problèmes personnels d’allergie et de tabagisme, facteurs pouvant être à l’origine du diagnostic de bronchite qui, en l’espèce, a été associé au qualificatif chronique.  D’ailleurs aucun élément n’a été soumis pouvant expliquer comment un diagnostic avec une composante chronique pourrait être associé à une exposition unique à un produit nettoyant.

[32]           Au surplus, l’histoire de la maladie de la travailleuse ne reflète pas une histoire d’intoxication car elle présente d’abord des symptômes à la poitrine alors qu’elle n’a aucun symptômes au nez, aux yeux et à la gorge, qui sont les premières muqueuses exposées lors d’une intoxication.

[33]           Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse n’a pas subi d’accident du travail et n’a pas souffert d’une maladie professionnelle.  

[34]           La travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 août 1998.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du 8 octobre 1999 de madame Danielle Lafrance;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 août 1999 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 août 1998.

 

 

 

 

Francine Juteau

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MCCARTHY, TETRAULT

(Me Nathalie Gagnon)

1170, rue Peel

Montréal (Québec)

H3B 4S8

 

Représentante de la partie intéressée

 

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