Décision

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Gabarit BDRVM

Autorité des marchés financiers c. Filiatreault

2016 QCTMF 8

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DES MARCHÉS FINANCIERS

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :

2014-043

 

DÉCISION N° :

2014-043-004

 

DATE :

Le 16 août  2016

 

 

EN PRÉSENCE DE :

Me JEAN-PIERRE CRISTEL

 

 

 

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Partie demanderesse

c.

LUC FILIATREAULT

et

BRUNO MARTEL

et

STÉPHANIE BENOIT

et

RAINER BUSCH

et

ANDRÉ COURTEMANCHE

et

PIERRE DONALDSON

et

A. MICHEL LAVIGNE

et

MICHEL LOZEAU

et

COLETTE ROY

et

PIERRE LÉGARÉ

Parties intimées

 

 

 

DÉCISION

Pénalités administratives

[art. 187, 188, 189, 189.1 et 273.1, Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c. V-1.1, art. 93, Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

[1]           Veuillez prendre note que le 18 juillet 2016, certaines dispositions législatives[1] sont entrées en vigueur faisant en sorte de changer le nom du Bureau de décision et de révision pour le Tribunal administratif des marchés financiers (ci-après le « Tribunal »)[2]. La présente décision est rendue avec cette nouvelle appellation.

HISTORIQUE DU DOSSIER

[2]   Le 26 septembre 2014, l’Autorité des marchés financiers (« Autorité ») a saisi le Tribunal d’une demande d’imposition de pénalités administrative à l’encontre des intimés Luc Filiatreault, Bruno Martel, Stéphanie Benoit, Rainer Busch, André Courtemanche, Pierre Donaldson, A. Michel Lavigne, Michel Lozeau, Colette Roy et Pierre Légaré.

[3]   Cette demande est formulée en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[3] ainsi que de l’article 273.1 de la Loi sur les valeurs mobilières[4] pour des contraventions reprochées aux articles 187, 188, 189, 189.1 de cette loi.

[4]   Le 11 novembre 2014, l’Autorité a demandé au Tribunal d’être autorisé à signifier la demande susmentionnée aux intimés Rainer Busch et Michel Lozeau par des modes spéciaux de signification, ce qui fut autorisé le 12 novembre 2014[5].

[5]   Par la suite, des audiences pro forma se sont tenues au siège du Tribunal les 8 et 22 janvier 2015 ainsi que le 12 février 2015.

[6]   À la suite de ces audiences, il fut décidé de procéder à l’audition au mérite de la demande de l’Autorité du 21 au 25 septembre 2015 ainsi que les 28 et 29 septembre 2015.

[7]   Une demande de remise fut toutefois subséquemment présentée avec le consentement de toutes les parties et le Tribunal a reporté l’audition au mérite de la demande de l’Autorité les 4, 7, 8, 9, 10, 14, 18 décembre 2015 tout en ajoutant deux journées d’audience supplémentaires les 14 et 15 janvier 2016.

AUDIENCE

[8]   L’audience des 4, 7, 8, 9, 10, 14, 18 décembre 2015 et 14, 15 janvier 2016 s’est tenue au siège du Tribunal en présence des procureures de l’Autorité et des procureurs des intimés.

[9]   Au cours de l’audience, les procureures de l’Autorité ont fait témoigner deux enquêteurs œuvrant au sein de cet organisme. De plus, elles ont fait témoigner Jane Mowat (une spécialiste en fusion et acquisition mandatée par la compagnie Open Text au moment des faits reprochés aux intimés dans la présente affaire), Peter Scott Munro (le PDG[6] de la banque d’investissement Pagemill dont les services furent retenus par Nstein Technologies inc. (ci-après « NSTEIN ») après la réception d’une offre verbale d’acquisition provenant d’un représentant d’Open Text Corporation (ci-après « Open Text ») de même que l’intimé Pierre Légaré.

[10]        Pour leur part, les procureurs des intimés (hormis l’intimé Pierre Légaré) ont fait témoigner les intimés Luc Filiatreault, Colette Roy, Michel Lavigne, Michel Lozeau, Pierre Donaldson et André Courtemanche.

Entente intervenue entre l’intimé Pierre Légaré et l’Autorité

[11]        Le 4 décembre 2016, les procureures de l’Autorité et celle de l’intimé Pierre Légaré ont informé le Tribunal qu’une entente était intervenue entre ces deux parties.

[12]        Les procureures de l’Autorité ont déposé un affidavit de l’intimé Pierre Légaré[7] ainsi qu’un document intitulé « Entente et proposition commune sur sanction visant l’intimé Pierre Légaré ». Le Tribunal reproduit ci-après le contenu de ce dernier document :

« 

 

ENTENTE ET PROPOSITION COMMUNE SUR SANCTION
VISANT L’INTIMÉ PIERRE LÉGARÉ

 

 

ATTENDU QUE l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’« Autorité ») a pour mandat, notamment, d’assurer la protection des investisseurs, de favoriser le bon fonctionnement du marché des valeurs mobilières et de prendre toute mesure prévue à la Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c V-1.1 (ci-après « LVM »);

ATTENDU QUE Nstein Technologies inc. (ci-après « Nstein ») est un émetteur assujetti dont les titres se transigent, à tout moment pertinent, sur la Bourse TSX-V sous le symbole boursier EIN;

ATTENDU QUE Gestionnaire-Conseil M. L. inc. (ci-après « Gestion ») est une société privée dont Pierre Légaré, intimé au présent dossier, est le président, administrateur, secrétaire et actionnaire unique;

ATTENDU QUE l’intimé Pierre Légaré (ci-après « Légaré ») est comptable et s’occupe de la comptabilité de 9059-8640 Québec inc., la compagnie de gestion de l’intimé Luc Filiatreault;

ATTENDU QUE l’intimé Luc Filiatreault est, à tout moment pertinent, le président et chef de la direction ainsi que membre du conseil d’administration de Nstein;

ATTENDU QUE, entre la fin du mois de janvier 2010 et le 18 février 2010, Luc Filiatreault informe Légaré qu’il se peut bien qu’il retombe encore sur le marché de l’emploi et que la société Nstein est à la recherche d’un acquéreur potentiel (ci-après l’ « Information »);

ATTENDU QUE l’Information constitue une information privilégiée au sens de l’article 5 de la LVM;

ATTENDU QUE les 18 et 19 février 2010, Légaré transige, tant personnellement que via Gestion, sur le titre de Nstein alors qu’il est en possession de l’Information;

ATTENDU QUE le manquement à la LVM reproché à Légaré est d’avoir transigé sur le titre Nstein les 18 et 19 février 2010 alors qu’il est en possession d’information privilégiée concernant un émetteur assujetti, en contravention à l’article 187 de la LVM (le « Manquement »), et que Légaré admet avoir commis le Manquement;

ATTENDU QUE, en lien avec ce Manquement, l’intimé Légaré réalise un profit de l’ordre de 15 765$;

ATTENDU QUE l’Autorité peut, en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c A-33.2 (ci-après « LAMF »), s’adresser au Bureau de décision et de révision (ci-après « BDR ») afin d’exercer les fonctions et pouvoirs prévus par les dispositions de la LVM;

ATTENDU QUE l’Autorité peut s’adresser au BDR, en vertu de l’article 273.1 de la LVM, afin d’obtenir l’imposition d’une pénalité administrative vu le défaut de respecter les dispositions de la LVM;

ATTENDU QUE l’Autorité a signifié à Légaré, le 29 septembre 2014, une Demande d’imposition de pénalités administratives en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, RLRQ, c. A-33.2 et des articles 187, 188, 189 et 273.1 de la Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c. V-1.1 datée du 24 septembre 2014 (la « Demande de l’Autorité des marchés financiers »)

ATTENDU QUE les parties désirent, suite à la signification de la Demande de l’Autorité des marchés financiers, conclure une entente visant le règlement du présent dossier et soumettre une proposition commune sur sanction;

ATTENDU QUE l’intimé Légaré accepte, de son plein gré, sans promesse, sans menace ni pression de qui que ce soit, suite aux explications de son avocat(e) concernant les implications des admissions formulées à la présente Entente et proposition commune sur sanction (ci-après l’ « Entente ») de conclure l’Entente;

LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

1.    Le préambule fait partie des présentes et doit présider à son interprétation;

2.    L’intimé Pierre Légaré admet les faits allégués aux paragraphes 3, 4, 5, 8, 11, 12, 37, 39, 40, 42, 43, 44 et 48 la Demande de l’Autorité des marchés financiers  produite au présent dossier du BDR, ajoutant ce qui suit;

3.    L’intimé Légaré admet avoir reçu l’Information de la part de Luc Filiatreault entre la fin du mois de janvier 2010 et le 18 février 2010 et que l’Information, laquelle était privilégiée au moment de la réception, a influencé de manière déterminante sa décision d’acquérir 51 500 actions (31 500 actions personnellement et 20 000 actions via Gestion) de Nstein les 18 et 19 février 2010 au coût unitaire de 0,33$;

4.    L’intimé Légaré admet avoir transigé les 18 et 19 février 2010, tant personnellement que via Gestion, sur les titres de Nstein alors qu’il est en possession d’information privilégiée, le tout en contravention à l’article 187 de la LVM;

5.    L’intimé Légaré admet avoir vendus, le 22 février, soit personnellement, soit par l’entremise de Gestion, ses 51 500 actions de Nstein à un prix unitaire majoré, soit au prix de 0,64$, réalisant ainsi un profit de 15 765$;

6.    L’intimé Légaré consent, en vertu de l’Entente et dès l’approbation par le BDR des termes et conditions de l’Entente, le cas échéant, à payer à l’Autorité une pénalité administrative de vingt-trois mille cinq cents dollars (23 500 $) et ce, conformément à l’article 273.1 de la Loi sur les valeurs mobilières;

7.    L’intimé Légaré consent à payer à l’Autorité et à transmettre à cette dernière la totalité des sommes dues, soit vingt-trois mille cinq cents dollars (23 500 $), payable dans les dix (10) jours de la date de la décision à rendre par le BDR entérinant l’Entente, le cas échéant; 

8.    L’intimé Légaré consent à ce que le BDR lui impose, par une Décision à être rendue dans le présent dossier, de payer à l’Autorité les pénalités administratives décrites aux présentes;

9.    L’intimé Légaré consent au dépôt devant le BDR de la totalité des pièces communiquées par l’Autorité dans le cadre du présent dossier et en admet l’authenticité et la véracité;

10.  L’intimé Légaré consent au dépôt du document intitulé « Affidavit détaillé de Pierre Légaré », dont copie est annexée aux présentes, dans le cadre de l’audience prévue au présent dossier et en admet l’authenticité et la véracité à titre de témoignage écrit;

11.  L’intimé Légaré et l’Autorité reconnaissent que la présente Entente est conclue conformément à l’intérêt public;

12.  L’intimé est conscient que le BDR n’est pas tenu d’accepter et d’entériner l’Entente;

13.  Les parties reconnaissent que la présente transaction ne peut être utilisée qu’aux fins de la présente instance et à aucune autre fin quelle qu’elle soit, incluant toute procédure pénale;

14.  L’intimé Légaré, reconnait avoir lu les clauses de la présente Entente, reconnait en avoir compris la portée et s’en déclare satisfait;

15.  L’intimé Légaré, reconnait avoir bénéficié des conseils d’un(e) avocat(e) en lien avec la Demande de l’Autorité des marchés financiers et la présente Entente avant de signer l’Entente;

16.  Les parties conviennent de ne faire aucune déclaration publique incompatible avec les termes et conditions de l’Entente;

EN FOI DE QUOI, LES PARTIES ONT SIGNÉ.

                                                          

                                                           Québec, le 3 décembre 2015

                                                                                                                                      

                                                           ___(S) Original signé____________ ______

                                                           Pierre Légaré

 

Montréal, le 4 décembre 2015

                                                                         

                                                           ___(S) Original signé____________ ___

Contentieux de l’Autorité des marchés financiers

(Me Stéphanie Jolin et Me Marianna Ferraro) »

[13]        Les procureures de l’Autorité ont expliqué que l’intimé Pierre Légaré est le comptable de l’intimé Luc Filiatreault de même que de sa compagnie de gestion depuis plus de 22 ans et que les documents susmentionnés font notamment état des admissions suivantes de la part de l’intimé Pierre Légaré:

·        qu’il a obtenu de l’intimé Luc Filiatreault, alors le PDG[8] et un initié[9] de la compagnie Nstein Technologies inc. (ci-après « NSTEIN »)[10], de l’information privilégiée[11] concernant cette compagnie entre la fin du mois de janvier 2010 et le 18 février 2010;

·        que cette information concerne le fait que la compagnie NSTEIN était alors à la recherche d’un acquéreur potentiel et que, par conséquent, l’intimé Luc Filiatreault pourrait se retrouver bientôt sur le marché de l’emploi;

·        que sur la foi de cette information inconnue du public, l’intimé Pierre Légaré a acheté les jeudi 18 février et vendredi 19 février 2010, personnellement et par l’entremise de sa société de gestion Gestionnaire-Conseil M.L. inc., 51 500 actions de NSTEIN au prix de 0.33 $ l’action et a illicitement réalisé un profit de 15 765 $ en vendant ces actions le lundi 22 février 2010, soit peu après l’annonce publique[12] - à cette même date - de l’acquisition de NSTEIN par la compagnie Open Text au prix de 0.65 $ l’action;

·        qu’il a enfreint les articles 187 et 189 de la Loi sur les valeurs mobilières[13] en effectuant les transactions susmentionnées sur le titre de NSTEIN.   

[14]        Les procureures de l’Autorité ont fait part au Tribunal de la collaboration offerte par l’intimé Pierre Légaré durant l’enquête et ont indiqué que celui-ci a accepté, dans le cadre de l’entente susmentionnée, de payer une pénalité administrative de 23 500 $, soit une somme représentant 150% des profits qu’il aurait illégalement réalisés en transigeant sur le titre de NSTEIN alors qu’il était en possession d’information privilégiée concernant cet émetteur assujetti. Les procureures de l’Autorité ont conclu en demandant respectueusement au Tribunal d’imposer, dans l’intérêt public, à l’intimé Pierre Légaré le paiement de cette pénalité administrative.

[15]        La procureure de l’intimé Pierre Légaré a fait part au Tribunal de la bonne foi de son client qui, a-t-elle souligné, regrette son geste et n’a aucun antécédent judiciaire ou disciplinaire. Elle a indiqué au Tribunal que son client lui a demandé de négocier une entente avec l’Autorité dès qu’il a compris qu’il avait commis une infraction à la Loi sur les valeurs mobilières en transigeant sur la base d’information privilégiée.

[16]        La procureure de l’intimé Pierre Légaré a, de plus, mentionné au Tribunal que son client lui a affirmé : (i) qu’il avait la ferme intention de veiller à ce que ses futures transactions en valeurs mobilières respectent la loi, et (ii) que son erreur servirait d’exemple pour tous les autres intervenants sur le marché. Elle a conclu en demandant respectueusement au Tribunal d’imposer à son client la pénalité administrative suggérée, dans l’entente négociée avec l’Autorité, en soulignant son caractère dissuasif tant pour son client que pour l’ensemble des intervenants au sein de la place financière du Québec.   

Position de l’Autorité

[17]        La demande déposée par l’Autorité dans la présente affaire comporte deux volets distincts.


 

Premier volet de la demande de l’Autorité

[18]        Dans le premier volet de sa demande, l’Autorité allègue que l’intimé Luc Filiatreault - alors qu’il était PDG de NSTEIN - a communiqué à son comptable l’intimé Pierre Légaré, entre la fin du mois de janvier 2010 et le 18 février 2010, de l’information privilégiée reliée à cet émetteur assujetti et que, ce faisant, il a enfreint l’article 188[14] de la Loi sur les valeurs mobilières[15]. Pour les procureures de l’Autorité, il s’agit d’un cas classique de « tuyautage », communément appelé « tipping » dans le monde anglophone.

[19]        Quant à l’intimé Pierre Légaré, il aurait transigé sur le titre de NSTEIN alors qu’il était en possession de cette information privilégiée et aurait ainsi enfreint les articles 187 et 189 de la Loi sur les valeurs mobilières[16].

[20]        L’intimé Pierre Légaré ayant avoué dans un affidavit[17], dans l’entente susmentionnée conclue avec l’Autorité et dans son témoignage lors de l’audience tous les faits qui lui sont reprochés dans la présente affaire, il est évident pour les procureures de l’Autorité que le Tribunal doit considérer qu’une preuve prépondérante existe à l’effet que l’intimé Luc Filiatreault a enfreint l’article 188[18] de la Loi sur les valeurs mobilières. À cet égard, elles ont plaidé que l’intimé Pierre Légaré n’a aucun intérêt à mentir quant à ses communications avec l’intimé Luc Filiatreault, un client de longue date, et ce, d’autant plus que l’intimé Pierre Légaré s’expose à une pénalité administrative du Tribunal de même qu’à des sanctions potentielles de la part de son ordre professionnel.

[21]        Les procureures de l’Autorité ont rappelé que l’intimé Luc Filiatreault a admis, lors de son témoignage durant l’audience, avoir transmis à l’intimé Pierre Légaré le 3 février 2010 - alors que NSTEIN avait déjà accepté et dûment signé la lettre d’intention d’Open Text datée du 1er février 2010 [19] - un courriel[20] dans lequel il écrit qu’il « est possible que je devienne disponible à compter du mois de mai… Si tu entends parler de projets du genre que je pourrais aimer…fais moi signe! ».  Le fait que l’intimé Pierre Légaré a fait parvenir à l’intimé Luc Filiatreault les 17 et 18 février 2010 de l’information concernant une opportunité potentielle d’emploi et lui a spécifiquement écrit « Compte tenu de ce que tu m’as dit l’autre jour concernant ta situation chez NSTEIN, est-ce que c’est un dossier qui pourrait t’intéresser? »[21], ne fait que renforcer - selon les procureures de l’Autorité - la valeur probante de son témoignage.

 

Second volet de la demande de l’Autorité

[22]        Dans le second volet de sa demande, l‘Autorité allègue que tous les intimés dans la présente affaire, sauf l’intimé Pierre Légaré, étaient - au moment des faits reprochés - des administrateurs et/ou des dirigeants de NSTEIN, un émetteur assujetti en vertu de l’article 68 de la Loi sur les valeurs mobilières.

[23]        Ces intimés étaient donc des initiés au sens de l’article 89 de cette loi.

[24]        Les procureures de l’Autorité ont ainsi allégué qu’en adoptant et en signant la résolution[22] - datée du 4 janvier 2010 - du Conseil d’administration de NSTEIN émettant 1 200 000 options d’achat d’actions de cette société alors qu’ils étaient en possession d’information privilégiée, les intimés membres de ce Conseil d’administration ont enfreint l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières.

[25]        Cette information privilégiée, inconnue du public, serait reliée au fait que NSTEIN devait alors être vendue au plus offrant et, en particulier, au fait que le PDG de NSTEIN, l’intimé Luc Filiatreault, avait reçu les 27 et 28 novembre 2009 une proposition verbale de la compagnie Open Text[23], un acheteur potentiel très sérieux, visant l’acquisition de toutes les actions de NSTEIN avec une prime établie dans une fourchette de 80% à 100% par rapport au cours de la valeur des actions de NSTEIN à cette date. Selon les procureures de l’Autorité, la preuve démontre que tous les membres du Conseil d’administration de NSTEIN furent informés par l’intimé Luc Filiatreault, le 4 décembre 2009[24], de cette offre verbale d’acquisition. De plus tous les gestes subséquents posés par le Conseil d’administration de NSTEIN démontrent, selon les procureures de l’Autorité, que cette proposition d’Open Text fut très sérieusement considérée, et ce, au point qu’elle fut formellement acceptée le 21 février 2010 et publiquement annoncée le 22 février 2010[25].

[26]        Pour ce qui a trait aux intimés qui ont reçus et acceptés les options d’achat d’actions octroyées et émises par la résolution du 4 janvier 2010 du Conseil d’administration de NSTEIN, les procureures de l’Autorité allèguent qu’ils ont enfreint, à titre d’initiés, les articles 187 et 189.1 de la Loi sur les valeurs mobilières. Ces intimés sont les dirigeants suivants de NSTEIN : (i) Luc Filiatreault[26], le PDG, (ii) Bruno Martel, le Chef de la direction financière, et (iii) Stéphanie Benoit, la Directrice des services juridiques et secrétaire corporative. 

[27]        Les procureures de l’Autorité ont plaidé que ce type d’opération - par laquelle le conseil d’administration d’un émetteur assujetti octroi à des dirigeants des options d’achat d’actions de cette entreprise à un prix d’exercice au marché alors qu’ils savent qu’une offre d’achat impliquant une forte prime pour ces actions et inconnue du public est susceptible à court terme de se concrétiser - constitue une opération classique de « Spring Loading » : une pratique délétère et illégale qui mine gravement la confiance des investisseurs de même que l’intégrité des marchés financiers.

[28]        De plus, les procureures de l’Autorité ont souligné que cette opération s’est déroulée en pleine période d’interdiction d’opération sur les valeurs mobilières de cet émetteur assujetti (« blackout »), et ce, telle que  prévue par l’article 4.7.2 du Code d’éthique de NSTEIN[27]. Elles ont rappelé que durant cette période d’interdiction, aucun initié de NSTEIN ne pouvait transiger sur les titres de cet émetteur assujetti, et ce, parce que ses états financiers pour la période se terminant le 31 décembre 2009 n’avaient pas encore été rendu public et que ceux-ci contenaient des informations importantes, inconnues du public et manifestement reconnues par l’émetteur lui-même comme étant privilégiées au sens de l’article 5 de la Loi sur les valeurs mobilières.

[29]        Pour les procureurs de l’Autorité, le fait que des options d’achat d’actions aient été octroyées à trois intimés dirigeants de NSTEIN au même moment - soit le 4 janvier 2010 - et par la même résolution du Conseil d’administration que des options accordées à d’autres employés de cet émetteur assujetti ne change rien au caractère illégal de cette opération, laquelle ne saurait être considérée comme « nécessaire dans le cours des affaires » au sens du dernier alinéa de l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières.

[30]        À cet, égard, les procureures de l’Autorité ont souligné la distinction importante qui existe entre les mots « nécessaire » et « utile », distinction que le législateur a, selon elles, fait à dessein lorsqu’il a adopté le texte du dernier alinéa de l’article 187. Elles ont plaidé que l’article 187 constitue le pivot de la Loi sur les valeurs mobilières en matière d’usage d’information privilégiée et soutenu qu’une interprétation étroite du mot « nécessaire » est essentielle afin de respecter l’esprit de la loi et empêcher les abus à l’endroit du public investisseur. Les procureures de l’Autorité ont affirmé que si les dirigeants initiés d’émetteurs assujetti pouvaient exploiter une interprétation du mot « nécessaire » leur permettant de bénéficier d’informations privilégiées à travers des opérations de « Spring Loading », la confiance des investisseurs s’en trouverait gravement affectée.

Conclusions recherchées

[31]        Les procureures de l’Autorité ont cité de la jurisprudence à l’appui de leur argumentation et souligné l’absence complète de repentir de la part des intimés, à l’exception de Pierre Légaré. Elles ont conclu en demandant au Tribunal d’imposer - en vertu de l’article 273.1 de la Loi sur les valeurs mobilières et dans l’intérêt public - aux intimés, sauf Pierre Légaré[28], les pénalités administratives réclamées dans la demande de l’Autorité.    

[32]        À cet égard, elles ont précisé que la pénalité administrative de 180 000 $ réclamée à l’encontre de l’intimé Luc Filiatreault - alors PDG de NSTEIN, membre de son Conseil d’administration et bénéficiaire de 200 000 options accordées par la résolution du 4 janvier 2010 de ce Conseil d’administration - se justifiait comme suit : (i) 144 000 $ représentant le double du profit brut de 72 000 $ qu’il a réalisé par la compensation des 200 000 options susmentionnées lors de l’acquisition de NSTEIN par Open Text par voie de fusion[29], (ii) 20 000 $, soit une pénalité administrative réclamée à tous les administrateurs de NSTEIN ayant autorisé l’octroi de 1 200 000 d’options d’achat d’actions le 4 janvier 2010 alors qu’ils étaient en possession d’informations privilégiées, et (iii) 16 000 $, représentant le profit réalisé par l’intimé Pierre Légaré grâce à l’information privilégiée fournie par l’intimé Luc Filiatreault.

[33]        Pour ce qui a trait à la pénalité administrative de 72 000 $ réclamée à l’intimé Bruno Martel, les procureures de l’Autorité ont expliqué que cette pénalité correspond au double du profit brut de 36 000 $ qu’il a réalisé par la compensation des 100 000 options - accordées par le Conseil d’administration de NSTEIN le 4 janvier 2010 - lors de l’acquisition de cette entreprise par Open Text par voie de fusion[30].  Il en est de même pour la pénalité de 36 000 $ réclamée à l’intimée Stéphanie Benoit qui correspond au double du profit brut de 18 000 $ qu’elle a réalisé par la compensation des 50 000 options - accordées par le Conseil d’administration de NSTEIN le 4 janvier 2010 -  lors de l’acquisition de NSTEIN par Open Text par voie de fusion[31].

[34]        Enfin, les procureures de l’Autorité ont indiqué que les pénalités administratives réclamées aux administrateurs de NSTEIN totalisent 150 000 $, soit 20 000 $ pour chacun des 7 administrateurs, à l’exception de l’intimé Pierre Donaldson à qui il est réclamé 30 000 $ à cause de son statut de président du Conseil d’administration et de son implication particulière dans la présente affaire. Cette somme, ont-elles précisé, représente environ 35% de la bonification de 432 000 $[32] illégalement consentie par les administrateurs de NSTEIN aux treize bénéficiaires des 1 200 000 options d’achat d’actions susmentionnées.      

Position des intimés (à l’exception de l’intimé Pierre Légaré)

Argumentation réfutant le second volet de la demande de l’Autorité

[35]        Pour ce qui a trait au second volet de la demande de l’Autorité, les procureurs des intimés ont essentiellement articulé la défense de leurs clients autour de quatre moyens de contestation.

[36]        Ainsi, les procureurs des intimés ont d’abord plaidé que leurs clients n’ont effectué aucune opération sur les titres de NSTEIN.

[37]        À cet égard, ils ont plaidé que l’opération d’octroyer ces options fut réalisée non pas par les intimés administrateurs de NSTEIN mais exclusivement par l’émetteur assujetti NSTEIN, lequel avait une personnalité juridique distincte de celles de ses administrateurs. Quant aux intimés à qui furent octroyés ces options - soit les intimés Luc Filiatreault, Bruno Martel et Stéphanie Benoit - leurs procureurs ont notamment plaidé qu’ils n’ont jamais exercé ces options parce que celles-ci furent annulées dans le cadre de l’acquisition de NSTEIN par Open Text.

[38]        Par la suite, les procureurs des intimés ont plaidé, comme second argument de défense, que la décision d’octroyer des options d’achat d’actions de NSTEIN précédait toute discussion avec Open Text. Ils ont ainsi soutenu que la décision d’octroyer les options d’achat susmentionnées a été prise lors de la réunion du Conseil d’administration de NSTEIN qui s’est tenue le 12 novembre 2009 alors que les intimés ne détenaient aucune information privilégiée.

[39]        Si toutefois le Tribunal en venait à la conclusion que la décision d’octroyer des options d’achat d’actions de NSTEIN n’avait pas eu lieu avant l’expression d’intérêt préliminaire d’Open Text pour l’acquisition de NSTEIN, les procureurs des intimés ont plaidé - subsidiairement et comme troisième moyen de défense - que cet octroi était « nécessaire » dans le cours des affaires de NSTEIN, et ce, tel que prévu au dernier alinéa de l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières.

[40]        À cet égard, les procureurs des intimés ont expliqué que le contrat d’engagement du nouveau vice-président, Marten den Haring, daté du 2 novembre 2009, prévoyait que NSTEIN devait lui octroyer 225 000 options d’achat d’actions de cet émetteur assujetti. Ils ont ainsi soutenu qu’en jumelant l’octroi d’options aux membres de la direction et à certains employés avec l’octroi des 225 000 options accordées à Marten den Haring, la direction de NSTEIN voulait limiter la divulgation publique au nombre total d’options octroyées, soit 1 200 000, sans avoir à fournir le nombre d’options accordées à chaque individu[33]. « Vu les sensibilités de chacun, il n’était évidemment pas souhaitable de divulguer l’octroi individuel reçu»[34].

[41]        Par ailleurs, si le Tribunal en venait à la conclusion que (i) la décision d’octroyer des options d’achat d’actions de NSTEIN n’avait pas eu lieu avant l’expression d’intérêt préliminaire d’Open Text pour l’acquisition de NSTEIN et (ii) que cet octroi n’était pas « nécessaire » dans le cours des affaires de NSTEIN, les procureurs des intimés ont plaidé - subsidiairement et comme quatrième moyen de défense - que le 4 janvier 2010, leurs clients ne détenaient aucune information privilégiée au sens de l’article 5 de la Loi sur les valeurs mobilières.

[42]        À cet égard, les procureurs des intimés ont notamment soutenu que : (i) l’expression verbale et préliminaire d’intérêt de la part d’ Open Text, les 27 et 28 novembre 2009, ne constituait pas une offre verbale d’achat de NSTEIN par Open Text, (ii) les intimés administrateurs n’étaient pas enthousiasmés par l’expression verbale d’intérêt d’Open Text, (iii) l’entente de confidentialité[35] conclue entre NSTEIN et Open Text le 2 décembre 2009 n’était pas un indicateur que les discussions entre les parties étaient sérieuses, (iv) le 4 janvier 2010 - date de la résolution[36] du Conseil d’administration octroyant 1 200 000 d’options d’achat d’actions de NSTEIN à des dirigeants et employés - les discussions entre NSTEIN et Open Text étaient encore au stade embryonnaire, et que (v) le 4 janvier 2010, NSTEIN explorait plusieurs possibilités autre que son acquisition par Open Text.

[43]        Enfin, les procureurs des intimés ont plaidé que les intimés membres du Conseil d’administration n’ont reçu aucun avantage, pécuniaire ou autre, en raison de l’octroi de 1 200 000 d’options d’achat d’actions qui leur est reproché dans le cadre de la présente affaire.

Argumentation réfutant le premier volet de la demande de l’Autorité

[44]        Par ailleurs, pour ce qui a trait au premier volet de la demande de l’Autorité, i.e. l’infraction de « tuyautage » alléguée à l’encontre de l’intimé Luc Filiatreault, ses procureurs ont essentiellement plaidé que l’information transmise par celui-ci à l’intimé Pierre Légaré était trop limitée pour constituer de l’information privilégiée au sens de la Loi sur les valeurs mobilières. Par conséquent, ses procureurs ont soutenu que l’article 188 ne saurait recevoir d’application à son égard, et ce, même s’il est admis que l’intimé Luc Filiatreault était un initié de NSTEIN au moment des faits qui lui sont reprochés dans la présente affaire.

Conclusions recherchées

[45]        Les procureurs des intimés, hormis l’intimé Pierre Légaré, ont cité de la jurisprudence à l’appui de leur argumentation et ont conclu en demandant au Tribunal d’accueillir les moyens de défense présentés par les intimés et de rejeter l’ensemble de la demande de l’Autorité à l’égard de leurs clients.      

ANALYSE

[46]        L’enquête de l’Autorité à l’égard des intimés dans le présent dossier tire son origine[37] de l’affaire reliée aux illicites activités de l’informaticien Dominic Côté, à l’égard de qui le Tribunal a rendu une décision le 1er février 2010[38]. Subséquemment poursuivi en vertu d’infractions de nature pénales, Dominic Côté fut par la suite condamné à verser une amende de plus de 1.3 million de dollars pour usage illégal d’informations privilégiées[39].   

[47]        Afin de donner à la présente affaire une perspective historique appropriée par rapport à l’affaire Dominic Côté, le Tribunal rappelle que:

·        Dominic Côté était un informaticien œuvrant au sein du cabinet juridique Ogilvy Renault. Ce cabinet avait notamment pour client NSTEIN[40] et il a offert à cet émetteur assujetti divers services juridiques, dont certains étaient reliés à la démarche entreprise les 27 et 28 novembre 2009[41] par Open Text en vue de faire l’acquisition de NSTEIN;

·        À l’insu des avocats œuvrant au sein du cabinet juridique susmentionné, Dominic Côté a utilisé pendant plusieurs années des informations privilégiées contenues dans leurs dossiers informatisés, et ce, afin d’effectuer illégalement des transactions boursières reliées aux titres de leurs sociétés clientes. Dominic Côté réalisa ainsi plus de 500 000 $ en gains illicites au dépend du public investisseur;

·        Plus spécifiquement, il appert du témoignage de l’enquêteur de l’Autorité fourni durant l’audience reliée à la présente affaire que Dominic Côté a acquis - entre le 7 décembre 2009 et le 2 février 2010 -  507 500 actions de NSTEIN et qu’il réalisa 163 000 $ de profits illicites lorsque l’acquisition de NSTEIN par Open Text par la voie d’une fusion fut annoncée publiquement le 22 février 2010 et se finalisa en avril 2010[42];

·        Comme Dominic Côté était sous enquête de l’Autorité lorsqu’il effectua les transactions susmentionnées sur le titre de NSTEIN, il s’ensuivit que l’Autorité accorda une attention toute spéciale à l’ensemble des opérations réalisées sur les titres de NSTEIN durant cette période et, en particulier, à l’octroi de 1 200 000 d’options d’achat d’actions à certains dirigeants et employés de NSTEIN qui fut annoncé publiquement le 5 janvier 2010[43];

·        Compte tenu du modus operandi utilisé par Dominic Côté, il appert que l’annonce de l’octroi des 1 200 000 options susmentionnées éveilla les soupçons de l’Autorité et l’incita à ouvrir une enquête spécifique dans le dossier NSTEIN, laquelle a abouti à la demande et aux conclusions recherchées par l’Autorité dans la présente affaire.       

[48]        La demande de l’Autorité dans le cadre de la présente affaire comporte deux volets distincts. 

Premier volet de la demande de l’Autorité

[49]        Dans le premier volet, l’Autorité allègue que l’intimé Luc Filiatreault - alors qu’il était le PGD de NSTEIN et donc un initié[44] de cet émetteur assujetti[45] - a transmis entre la fin janvier 2010 et le 18 février 2010 de l’information privilégiée concernant NSTEIN à son comptable, l’intimé Pierre Légaré, et que celui-ci a par la suite illégalement transigé sur le titre de NSTEIN, le tout en réalisant un illicite profit.  

[50]        Le Tribunal rappelle la séquence particulière des transactions reprochées à l’intimé Pierre Légaré sur le titre de NSTEIN. Il appert de la preuve que celui-ci a d’abord acheté - à la fois personnellement et par l’entremise de sa société de gestion - 51 500 actions[46] de NSTEIN au prix de 0.33 $ l’action les jeudi 18 février et vendredi 19 février 2010, soit les deux derniers jours ouvrables du marché avant l’annonce publique de l’acquisition de NSTEIN par Open Text le lundi 22 février 2010[47]. Par la suite, l’intimé Pierre Légaré a vendu ces 51 500 actions au prix de 0.64 $ l’action le 22 février 2010, soit le jour même où l’acquisition de NSTEIN par Open Text fut publiquement annoncée, et il a ainsi réalisé un bénéfice de 15 765 $ avec une extraordinaire rapidité[48].

[51]        Le Tribunal est d’avis qu’une telle « séquence gagnante » avait, en soi, de quoi faire sourciller l’Autorité. Si on y ajoute les circonstances particulières de l’affaire Dominic Côté, on comprend encore mieux pourquoi l’Autorité, à titre de régulateur de marché, s’est fait un devoir de scruter chacune des transactions effectuées sur les titres de NSTEIN et, en particulier, les transactions mentionnées dans le cadre de la présente affaire.

[52]        Le Tribunal constate que cet examen de l’Autorité s’est notamment conclu par les aveux de l’intimé Pierre Légaré à l’effet que le succès de sa « séquence gagnante » de transactions sur le titre de NSTEIN n’était pas le fruit du hasard mais bien la résultante d’informations privilégiées obtenues de l’intimé Luc Filiatreault.

[53]        Le Tribunal note que les aveux explicites et détaillés de l’intimé Pierre Légaré sont dûment consignés dans un affidavit[49] déposé en preuve, dans une entente avec l’Autorité dont le contenu est reproduit au paragraphe 12 de la présente décision et dans son témoignage, lors de l’audience, le 9 décembre 2015. Ces aveux sont essentiellement à l’effet que :

·         « Entre la fin du mois de janvier 2010 et le 18 février 2010, j’ai discuté avec Luc Filiatreault (« la Conversation »)[50];

·         « Luc Filiatreault m’a alors dit lors de la Conversation qu’il se peut bien qu’il retombe encore sur le marché de l’emploi »[51];

·         « Lors de la Conversation, Luc Filiatreault m’a également dit : « on va tâter le marché pour trouver un acquéreur » pour Nstein »[52].

[Soulignement ajouté]

[54]        Quant à la position de l’intimé Luc Filiatreault, le Tribunal note qu’il a commencé par nier avoir communiqué ces informations inconnues du public à l’intimé Pierre Légaré, et ce, lors deux interrogatoires tenus dans le cadre de l’enquête de l’Autorité sur les transactions reliées aux titres de NSTEIN[53]

[55]        Puis, lors de l’audience, ses procureurs ont informé le Tribunal qu’ils avaient découverts un échange de courriels[54] pertinents et révélateurs entre leur client et l’intimé Pierre Légaré. Ainsi, dans un de ces courriels, daté du 3 février 2010[55] et portant la signature de l’intimé Luc Filiatreault à titre de PDG de NSTEIN, le Tribunal note que celui-ci a écrit à l’intimé Pierre Légaré :

« Je ne suis sûr de rien encore mais il est possible que je devienne disponible à compter du mois de mai… Si tu entends parler de projets du genre que je pourrais aimer…fais moi signe ! »

[Soulignement ajouté]

[56]        Lors du contre-interrogatoire de l’intimé Pierre Légaré, les procureurs de l’intimé Luc Filiatreault ont tenté de lui faire dire que la seule information que Luc Filiatreault lui avait transmise concernant NSTEIN était celle contenue dans le courriel du 3 février 2010 susmentionné et qu’aucun échange verbal n’était survenu entre lui et leur client concernant NSTEIN. Le Tribunal note que l’intimé Pierre Légaré a alors confirmé avoir reçu et écrit les courriels déposés par les procureurs de l’intimé Luc Filiatreault et il a, par la suite, fermement réaffirmé :

« … j’ai vraiment le souvenir, dans le cadre d’une conversation téléphonique d’avoir eu cette information-là. »[56]

[Soulignement ajouté]

[57]        Par ailleurs, le Tribunal note qu’un courriel du 17 février 2010[57] - provenant de l’intimé Pierre Légaré et adressé à l’intimé Luc Filiatreault - confirme les aveux de Pierre Légaré à l’effet qu’il a obtenu de l’information privilégiée concernant NSTEIN dans le cadre d’une conversation téléphonique avec Luc Filiatreault et renforce d’une manière générale le caractère probant de la preuve qu’il a fourni en indiquant, en particulier, ce qui suit:

« Tu as probablement entendu parler de la version PC du IPAD développée par une firme de Rimouski. Les gens en financement de notre bureau ont été mis au courant que ces gens de Rimouski étaient à la recherche d’un investisseur privé (pour la 1ere ronde) à la hauteur de 1M$. Compte tenu de ce que tu m’as dit l’autre jour concernant ta situation chez NStein, est-ce que c’est un dossier qui pourrait t’intéresser ? »

[Soulignement ajouté]    

[58]        Les procureurs des intimés ont par la suite plaidé que l’information transmise par l’intimé Luc Filiatreault à l’intimé Pierre Légaré ne constituait pas de l’information privilégiée au sens de la Loi sur les valeurs mobilières. Le Tribunal n’est pas de cet avis et rappelle d’abord que l’article 5 de cette loi définit l’information privilégiée de la manière suivante :

« Toute information encore inconnue du public et susceptible d’affecter la décision d’un investisseur raisonnable »

[59]        Or, les aveux susmentionnés ont mis en preuve le fait que l’intimé Luc Filiatreault, le PDG de NSTEIN et donc un initié de cet émetteur assujetti[58], a divulgué à l’intimé Pierre Légaré de l’information qui, de l’avis du Tribunal, était inconnue du public et susceptible d’affecter la décision d’un investisseur raisonnable.

[60]        Le Tribunal souligne que la preuve révèle que c’est seulement le 22 février 2010 que le public investisseur fut informé de l’acquisition de NSTEIN par Open Text[59].  Le fait que « entre la fin du mois de janvier 2010 et le 18 février 2010 » la direction de NSTEIN ait été à la recherche d’un acquéreur potentiel[60] et le fait que le PDG de cette entreprise indique alors qu’il croît possible qu’il redevienne disponible en mai 2010, sont des informations stratégiques qui étaient à ce moment inconnues du public. Chacune de ces informations était, de l’avis du Tribunal, susceptible d’affecter la décision d’un investisseur raisonnable. Mises ensemble ces informations étaient, de l’avis du Tribunal, encore plus susceptibles d’affecter la décision d’un investisseur raisonnable.      

[61]        Par ailleurs, le Tribunal constate que l’intimé Pierre Légaré a avoué avoir exécuté les transactions sur le titre de NSTEIN qui lui sont reprochées, sur la seule base de ces informations inconnues du public. Il a aussi admis avoir illégalement réalisé le 22 février 2010 un profit de 15 567 $ - soit un gain de près 100% sur son investissement des 18 et 19 février 2010 dans NSTEIN - le tout au dépend du public investisseur.

[62]        À cet égard, le Tribunal rappelle que les articles 187, 188 et 189 de la Loi sur les valeurs mobilières prévoient que :

« 187. L'initié à l'égard d'un émetteur assujetti qui dispose d'une information privilégiée reliée aux titres de cet émetteur ne peut réaliser aucune opération sur ces titres ni changer un intérêt financier dans un instrument financier lié, sauf dans les cas suivants s'il peut démontrer que:

1° il est fondé à croire l'information connue du public ou de l'autre partie;

2° il se prévaut d'un plan automatique de réinvestissement de dividendes, de souscription d'actions ou d'un autre plan automatique établi par l'émetteur assujetti, selon des modalités arrêtées par écrit avant qu'il n'ait eu connaissance de cette information;

3° il y est tenu en vertu d'un contrat, dont les modalités sont arrêtées par écrit, conclu avant qu'il n'ait eu connaissance de cette information.

Dans le cas prévu au paragraphe 1° du premier alinéa, l'initié ne peut réaliser aucune opération sur les titres si l'autre partie à l'opération est l'émetteur assujetti et que cette opération n'est pas nécessaire dans le cours des affaires de l'émetteur.

188. La personne visée à l'article 187 ne peut non plus communiquer cette information ou recommander à une personne d'effectuer une opération sur les titres de l'émetteur à l'égard duquel elle est initiée, sauf dans les cas suivants:

 1° elle est fondée à croire l'information connue du public ou de l'autre partie;

2° elle doit communiquer l'information dans le cours des affaires, rien ne la fondant à croire qu'elle sera exploitée ou communiquée en infraction aux articles 187, 189 et 189.1 ou au présent article.

189. Les interdictions portées aux articles 187 et 188 sont étendues aux personnes suivantes:

 1° les dirigeants et les administrateurs visés au chapitre IV du titre III ;

 2° les sociétés qui appartiennent au même groupe que l'émetteur assujetti;

 3° le gestionnaire de fonds d'investissement ou la personne chargée de lui fournir des conseils financiers ou de placer ses actions ou parts, ainsi que toute personne qui est initiée à l'égard de l'une de ces personnes ;

 4° toute personne qui dispose d'une information privilégiée à l'occasion des rapports qu'elle entretient avec l'émetteur assujetti ou du travail qu'elle accomplit pour lui, dans ses fonctions ou dans le cadre d'activités commerciales ou professionnelles;

 5° toute personne qui dispose d'une information privilégiée provenant, à sa connaissance, d'un initié ou d'une personne visée au présent article;

 6° toute personne qui dispose d'une information privilégiée, qu'elle connaît comme telle, concernant un émetteur assujetti;

 7° toute personne avec qui l'émetteur assujetti, un initié à l'égard de celui-ci ou une personne visée au présent article a des liens. »

[63]        De plus, l’article 273.1 de la Loi sur les valeurs mobilières prévoit que :

« 273.1. Le Tribunal administratif des marchés financiers, après l'établissement de faits portés à sa connaissance qui démontrent qu'une personne a, par son acte ou son omission, contrevenu ou aidé à l'accomplissement d'une telle contravention à une disposition de la présente loi ou d'un règlement pris en application de celle-ci, peut imposer à cette personne une pénalité administrative et en faire percevoir le paiement par l'Autorité. 

Le montant de cette pénalité ne peut, en aucun cas, excéder 2 000 000 $ pour chaque contravention. »

[64]        Le Tribunal ne réitèrera jamais assez l’importance qu’il accorde à sanctionner l’usage illégal d’informations privilégiées et comme il le soulignait dans AMF c. Cajolet[61]:

« [] ce manquement est assurément une des infractions les plus sérieuses qui sont contenues dans la Loi sur les valeurs mobilières. C’est un manquement contre lequel le Bureau entend sévir sévèrement.

[]

Cet acte est un bris de confiance qui vient saper les fondements sur lesquels reposent les marchés de capitaux. »

[Soulignement ajouté]

[65]        Le Tribunal souligne l’importance fondamentale de maintenir la confiance des investisseurs dans le fonctionnement équitable des marchés et la nécessité d’intervenir fermement pour protéger cet élément essentiel à sa continuité même. Les évènements qui ont affecté les principaux marchés financiers du monde en 2007 et en 2008 interpellent tous ceux qui auraient encore un doute quant à la possibilité que des marchés cessent de fonctionner lorsqu’un bris de confiance survient[62].

[66]        Or, dans la présente affaire, la preuve démontre d’une manière prépondérante que l’intimé Luc Filiatreault - en transmettant de l’information privilégiée à son comptable l’intimé Pierre Légaré - a enfreint les articles 187 et 188 de la Loi sur les valeurs mobilières et a ainsi fait fi de dispositions fondamentales mises en place par le législateur pour protéger les épargnants et assurer l’intégrité des marchés boursiers. 

[67]        Au moment où il a commis l’infraction susmentionnée, l’intimé Luc Filiatreault occupait l’importante fonction de PDG de NSTEIN, un émetteur assujetti. L’intimé Luc Filiatreault n’a fait preuve d’aucun repentir. Par conséquent, le Tribunal considère que la pénalité administrative demandée par l’Autorité à l’encontre de l’intimé Luc Filiatreault pour cette infraction - soit une somme de 16 000 $ représentant essentiellement le profit réalisé par l’intimé Pierre Légaré grâce à l’information privilégie qu’il a reçue - est appropriée, et ce, à titre de mesure dissuasive tant pour lui que par tous les autres intervenants sur le marché.

[68]        Pour ce qui a trait à l’intimé Pierre Légaré, celui-ci a avoué avoir transigé illicitement des actions de NSTEIN sur la base d’informations privilégiées reçues de l’intimé Luc Filiatreault. L’intimé Pierre Légaré a donc enfreint les articles 187 et 189 de la Loi sur les valeurs mobilières[63]. Compte tenu de la franchise dont l’intimé Pierre Légaré a fait preuve et du repentir qu’il a exprimé, le Tribunal est prêt à lui imposer - à titre de mesure dissuasive - la pénalité administrative recommandée dans l’entente qu’il a conclue avec l’Autorité, soit une somme de 23 000 $ représentant 150% des profits qu’il a illégalement réalisés lors des transactions qui lui sont reprochées dans la présente affaire.

Second volet de la demande de l’Autorité

[69]        Dans le second volet de sa demande, l’Autorité allègue d’abord que les membres du Conseil d’administration de NSTEIN - soit les intimés Luc Filiatreault,  Pierre Donaldson, Rainer Busch, André Coutemanche, A. Michel Lavigne, Michel Lozeau et Colette Roy - ont enfreint la Loi sur les valeurs mobilières en autorisant[64] le 4 janvier 2010 l’octroi, à certains dirigeants et employés, de 1 200 000 options d’achat d’actions de NSTEIN au prix d’exercice de 0.29 $ l’action, et ce, alors qu’ils étaient en possession d’information privilégiée, soit que NSTEIN était à vendre au plus offrant et était alors engagé dans un processus de recherche d’offres supérieures à l’offre verbale d’acquisition de NSTEIN par Open Text[65] présentée par le principal dirigeant d’Open Text les 27 et 28 novembre 2009[66]

[70]        L’Autorité allègue ensuite que certains dirigeants de NSTEIN - soit les intimés Luc Filiatreault[67], Bruno Martel[68] et Stéphanie Benoit[69] -  ont accepté de recevoir une partie de ces options d’achat d’actions[70] alors qu’ils étaient en possession de l’information privilégiée susmentionnée et que, de plus, ils ont reçu - à la suite de l’acquisition de NSTEIN par Open Text[71] - une compensation financière en espèces équivalente à l’exercice de leurs options au prix de souscription de 0.29 $ l’action et à la vente de ces actions au prix de 0.65 $ l’action[72]. Cette compensation financière représente donc, selon l’Autorité, un profit net pour ces intimés qui résulte de l’exploitation d’information privilégiée[73].

[71]        Les procureures de l’Autorité ont utilisé l’expression « Spring Loading » pour illustrer le modus operandi dont aurait fait usage les intimés susmentionnés i.e. une opération que la jurisprudence américaine a défini de la manière suivante dans Desimone v. Barrows[74] :

« The practice of « spring loading » stock options involves making market-value options at a time when the company possesses, but has not yet released, favorable, material non-public information that will likely increase the stock price when disclosed.”  

[72]        Dans la langue de Molière, il s’agit essentiellement d’une opération financière « amorcée » par les dirigeants d’un émetteur assujetti en possession d’information privilégiée et qui consiste à émettre des options permettant d’acheter des actions de cet émetteur au prix du marché, et ce, alors qu’ils savent fort bien que le prix de ces actions est susceptible de s’accroître considérablement lorsque cette information privilégiée, sera dans un avenir relativement proche, publiquement divulguée.

[73]        Le Tribunal rappelle que l’esprit et la lettre de la Loi sur les valeurs mobilières consacre le principe fondamental de l’égalité de tous les investisseurs en termes de possession d’information lorsque vient le temps d’effectuer des transactions sur les titres d’émetteurs assujettis. Le Tribunal a souligné dans Autorité des marchés financiers c. Côté[75], que :

« [15] L’usage illégal d’informations privilégiées est une infraction grave qui est grandement réprouvée dans le monde des valeurs mobilières. En commettant ce geste, les contrevenants à la loi viennent court-circuiter le bon fonctionnement du marché en utilisant une ou des informations qui sont connues d’eux seuls. Ces personnes créent un déséquilibre entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas.

[16] Les premiers se servent des informations connues d’eux seuls pour négocier sur des titres alors que les seconds, ignorant tout ce que les premiers connaissent, ne peuvent en profiter et voient d’autres personnes qu’eux empocher des profits ou éviter des pertes, sans toujours comprendre pourquoi les choses se passent comme elles se passent.

[17] Le fonctionnement harmonieux des marchés de valeurs mobilières suppose l’égalité de tous devant ceux-ci. En d’autres mots, les participants du marché devraient pouvoir négocier alors qu’ils sont tous en possession des mêmes informations et qu’ils peuvent alors prendre des décisions d’investissement éclairées.

[18] Négocier des titres en se servant d’une information privilégiée vient rompre le fondement du principe de l’égalité de tous devant les marchés. La personne qui le fait, empoche un profit ou évite de subir une perte parce qu’il a appris des choses sur une société qui sont encore inconnues du public. Mais la loi interdit expressément ce genre de comportement puisqu’il est estimé que le fait d’utiliser une information privilégiée crée un avantage indu pour celui qui en profite.

[19] La pire conséquence d’un tel usage est qu’il mine la confiance dans les marchés financiers. Lorsqu’est apprise la commission d’une infraction de cette nature, le public perd confiance dans les marchés; il sent qu’il a été floué et que les profits qu’il escomptait faire ont plutôt été dirigés vers ceux qui l’ont joué. Cette situation est néfaste et il est important que les autorités financières sévissent adéquatement lorsque ces cas surviennent. »[76]

[Soulignement ajouté]

[74]        Le législateur a établi ce principe d’équité dans l’utilisation de l’information à des fins d’investissement dans des émetteurs assujettis parce qu’il est essentiel au maintien de la confiance du public dans le fonctionnement des marchés financiers. Saper ce principe fondamental en effectuant des opérations visant essentiellement à le contourner équivaut, de l’avis du Tribunal, à rien de moins que de tenter de « scier la branche » sur laquelle repose l’économie de marché contemporaine. À cet égard, le Tribunal rappelle que l’Histoire économique récente nous enseigne que les conséquences de l’affaiblissement de ce principe fondamental peuvent être catastrophiques pour l’intérêt public[77].       

[75]         Dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal retient particulièrement de la preuve qui lui a été présentée les évènements clefs suivants, lesquels sont présentés par ordre chronologique afin d’en faciliter l’analyse :

·        La crise financière affectant les principaux marchés internationaux depuis septembre 2008 a provoqué un ralentissement économique mondial et a entraîné une chute considérable des revenus de NSTEIN, lesquels proviennent principalement de l’industrie des médias[78]. NSTEIN a dès lors éprouvé des difficultés financières importantes qui furent ainsi décrites par l’intimé Luc Filiatreault, alors PDG de NSTEIN[79] :

« …

R-     … en deux mille huit (2008) Lehman Brothers qui ont fait faillite, là ?

Q-     Oui.

R-    On a perdu toutes nos commandes, nous autres, après ça, là. Fait que là, je me suis… t’sais, d’un trimestre à l’autre, les ventes sont tombées à zéro, fait que les actions, y ont… y ont pouf, y ont plongé, O.K. ?

Q-     O.K.

R-    Et ça, c’était le quatrième trimestre deux mille huit (2008), oui, c’est ça, et tous les clients avec qui on était en discussion, parce que nos clients, c’étaient des journaux, les médias, les grands journaux, là, pas les petits journaux locaux, mais les grands journaux, New York Times, Wall Street Journal, Washington Post, Philadelphie Tribune, etc., etc…

Q-     Oui.

R-    … ils nous ont tous, toute la gang, j’ai fait le tour, ils nous ont tous dit « Écoute, tout est gelé, nous autre, là, c’est stop, là. On ne bouge plus, il y a plus aucun projet qui se passe de aucun, nulle part, rien. »

Q-     O.K.

R-    Fait que les ventes ont tombé à nil.  Bon, Dieu merci, on avait un peu d’argent en banque, on a pu survivre un bout de temps, on a congédié des employés. Au début, on sait pas si ça va durer un mois, deux mois ou si ça va vraiment repartir, puis on n’a pas congédié tout le monde du jour au lendemain, mais petit à petit, on s’est aperçu de ça…

Fait que le quatrième trimestre deux mille huit (2008) a été une catastrophe totale.

… »

[Soulignement ajouté]

·        NSTEIN a alors subi des pertes financières significatives et en prévoyait d’autres[80], et ce, tel que décrit dans le rapport confidentiel de NSTEIN intitulé « Stratégie 2009-2011 », daté du 21 janvier 2009[81], que l’intimé Luc Filiatreault, à titre de PDG de NSTEIN, présenta au Conseil d’administration de cette entreprise. Parmi les solutions envisagées dans ce document, on retrouve une liste d’entreprises susceptibles d’être intéressées à faire l’acquisition de NSTEIN[82], dont la société Open Text[83];            

·        Le 9 novembre 2009, le PDG de NSTEIN, l’intimé Luc Filiatreault - dans le but d’organiser une rencontre au plus haut niveau avec Open Text - a communiqué directement avec Jane Mowat[84] qui depuis 2003 travaillait quasi-exclusivement sur les projets de fusion & acquisition d’Open Text. Jane Mowat avait, en particulier, le mandat de conduire des négociations avec les compagnies ciblées par Open Text dans le cadre de ses nombreux projets d’acquisition. Jane Mowat se rapporte alors hiérarchiquement directement à Thomas Jenkins qui occupait les fonctions de « Executive Chairman and Chief Strategy Officer » d’Open Text. Thomas Jenkins était alors le principal dirigeant d’Open Text;

·        Le 12 novembre 2009, le Conseil d’administration de NSTEIN a tenu une réunion. Tous les membres de ce conseil d’administration, soit les intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch, André Courtemanche, A. Michel Lavigne et Colette Roy, étaient présents ou ont participé par téléphone. Les intimés Bruno Martel, Chef de la direction financière, et Stéphanie Benoit, Directrice des affaires juridiques et secrétaire corporatif, étaient aussi présents. L’item 7 du procès-verbal de cette réunion se lit comme suit [85]:

« RAPPORT DU COMITÉ DES RESSOURCES HUMAINES ET DE RÉGIE D’ENTREPRISE ET DE NOMINATION

Le Président du Comité des ressources humaines et de régie d’entreprise et de nomination rapporte que le Comité a tenu une réunion visant notamment à recommander l’embauche de Marten den Haring pour joindre les rangs de la société à titre de vice-président exécutif, marketing et stratégie de produit et l’octroi d’options à ce dernier.

Les membres du Comité ont également tenu une discussion sur une proposition d’octroi d’options d’achat d’actions aux membres de la direction et à certains employés, et il a été convenu que le président et chef de la direction[86] allait soumettre une nouvelle proposition pour approbation au Conseil tenant compte des commentaires apportés par les membres du Comité. »

[Soulignement ajouté]

Le Tribunal note que le Conseil d’administration de NSTEIN ne prend alors ni la décision d’embaucher Marten den Haring, ni la décision d’octroyer des options d’achat d’actions aux membres de la direction et à certains employés de NSTEIN.  

·        Le 27 novembre 2009, l’intimé Luc Filiatreaul et le « Chief of Technology Officer » de NSTEIN[87] ont rencontré plusieurs représentants d’Open Text, dont Jane Mowat et Thomas Jenkins. Dans le cadre de cette rencontre qui se déroule dans les bureaux d’Open Text à Waterloo en Ontario, l’intimé Luc Filiatreault et Thomas Jenkins ont tenu une réunion en tête-à-tête. Le principal dirigeant d’Open Text, Thomas Jenkins, a alors abordé avec le PDG de NSTEIN, l’intimé Luc Filiatreault, le sujet de l’acquisition potentielle de NSTEIN par Open Text. L’intimé Luc Filiatreault a communiqué le jour même par courriel avec l’intimé Pierre Donaldson, Président du Conseil d’administration de NSTEIN, et lui a alors écrit ce qui suit :

« Salut Pierre 

Jean-Michel et moi venons de voir Tom Jenkins + une douzaine de ses principaux gars.

Nous avons fait un hit majeur !

Je crois que nous devrions recevoir une offre d’achat de Tom passablement rapidement (2 à 3 semaines)

Ils viennent la semaine prochaine pour voir Bruno[88] et creuser quelques chiffres.

Comment aimerais tu que je la joue ? »[89]

« Il dit qu’il est prêt a mettre une bonne prime …

Arrangeons cela comme on voudras mais cela ne dépassera pas 50 ou 60 cennes »[90]

« … Au pire ca pourrais faire monter les encheres et créer de la demande pour le stock » [91]

« … Ca serait le fun d’avoir un bid war. » [92]

[Soulignement ajouté]

·       Le 28 novembre 2009, Thomas Jenkins a communiqué avec l’intimé Luc Filiatreault et lui a présenté une proposition verbale visant une acquisition éventuelle de NSTEIN par Open Text en mentionnant une prime probable de 80 à 100% par rapport au cours des actions de NSTEIN alors en vigueur, lequel variait entre 0.30 $ et 0.35 $ l’action[93]. Le jour même, l’intimé Luc Filiatreault a parlé de cette offre verbale à l’intimé Pierre Donaldson, Président du Conseil d’administration de NSTEIN de même qu’aux intimés Bruno Martel, Chef de la direction financière, et Stéphanie Benoit, Directrice des affaires juridiques et secrétaire corporative. De plus, entre le 28 novembre et le 4 décembre 2009, l’intimé Luc Filiatreault a discuté et analysé l’offre verbale d’Open Text à de nombreuse reprises avec les intimés Pierre Donaldson et Bruno Martel afin de couvrir toutes les opportunités et convenir des suites à y donner[94];

·       Le 29 novembre 2009, Jane Mowat a transmis à l’intimé Luc Filiatreault un projet d’entente de confidentialité dans laquelle Open Text s’engage à garder confidentielle toute information divulguée par NSTEIN dans le cadre des discussions et échanges d’informations reliées à une acquisition éventuelle de NSTEIN par Open Text[95] ;

·       Le 1er décembre 2009, Jane Mowat a fait parvenir un courriel à l’intimé Luc Filiatreault contenant une série de questions de nature financière reliées au projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text[96];  

·      Le 2 décembre 2009, une entente de confidentialité entre NSTEIN et Open Text a été conclue. Ce document fut signé par l’intimé Luc Filiatreault, à titre de PDG de NSTEIN. Cette entente de confidentialité fut préalablement révisée par les conseillers juridiques de NSTEIN au sein du cabinet juridique Ogilvy Renaud. Peu après la signature de cette entente de confidentialité, une conférence téléphonique a eu lieu le 2 décembre 2009 entre les intimés Luc Filiatreault et Bruno Martel de NSTEIN et des représentants d’Open Text dont Jane Mowat[97]. Il fut alors décidé d’utiliser le nom de code « Blakes » pour désigner le projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text[98]. Par la suite, soit le 2 décembre 2009 en fin de journée, l’intimé Luc Filiatreault, à titre de PDG de NSTEIN, a convoqué par courriel les membres du conseil d’administration de cette société à une réunion « dans les plus brefs délais »[99];

·      Le 4 décembre 2009, à la suite de la convocation susmentionnée de l’intimé Luc Filiatreault, une conférence téléphonique s’est tenue entre tous les intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN. Une discussion concernant l’offre verbale d’acquisition de NSTEIN par Open Text a alors eu lieu. Toutefois, comme cette conférence téléphonique aurait été considérée par ses participants comme une « discussion informelle », aucune note, ni procès-verbal de cette réunion n’auraient été préparées[100]. Le jour même, l’intimé Pierre Donaldson, Président du Conseil d’administration de NSTEIN, a communiqué avec Scott Monro qui occupait alors le poste de « Managing Director » de la banque d’investissement Pagemill Partners (ci-après « Pagemill »)[101];

·      Le 5 décembre 2009 à 07:57, l’intimé Pierre Donaldson, Président du Conseil d’administration de NSTEIN, a informé par courriel ses partenaires du fonds de capital de risque John Lewis Albright (ci-après « JLA Ventures») - qui possède alors environ 14% des actions de NSTEIN[102] - notamment de ce qui suit :

« We received a verbal offer for Nstein from Opentext (Tom Jenkins) for .60[103]  We are not pleased with the price but it is still a premium of 100% on the current value. I would like to use Scott M.[104] to shop it around. He knows the company and the potential buyers very well. »

[Soulignement ajouté]

·      Le 5 décembre 2009 à 13:21, Scott Munro a transmis à l’intimé Luc Filiatreault un projet de lettre d’entente, concernant les services de Pagemill à titre de conseiller financier de NSTEIN, qui contient le paragraphe suivant :

« Success Fees : Upon consummation of a Sale Transaction with Open Text Corporation, Pagemill shall be due a Success Fee equal to US$ 300,000 plus seven and 1/2 percent (7.5%) of the Aggregate Value of the Sale Transaction above $30 million CND. »[105] 

[Soulignement ajouté]

·      Le 6 décembre 2009 à 07:34:29, l’intimé Pierre Donaldson, Président du Conseil d’administration de NSTEIN, a transmis par courriel[106] ses observations sur le projet de lettre d’entente susmentionnée concernant les services de Pagemill et, dans un courriel envoyé le même jour à 07:46 à ses partenaires de JLA Ventures, il a notamment affirmé que[107]:

« Right now we have an offer at $30M. »[108]

[Soulignement ajouté]

·      Le 7 décembre 2009, NSTEIN a formellement retenu les services de Pagemill en signant une version finale de sa lettre d’engagement. Les signataires de ce document sont l’intimé Pierre Donaldson pour NSTEIN et Scott Monro de Pagemill[109]. Pagemill a résumé comme suit le mandat qui lui avait alors été accordé par NSTEIN[110] :

« Pagemill Partners was engaged on December 7, 2009 to lead a sell side process based on the catalyst event (and fiduciary duties) produced by inbound unsolicited interest from Open Text.

Our mandate was to reach out to the market and determine if there was interest from other parties in acquiring the Company.”

[Soulignement ajouté] 

·       Le 8 décembre 2009, l’intimé Luc Filiatreault et Jane Mowat ont échangé des courriels en vue de planifier pour le 18 décembre 2009 une rencontre additionnelle de travail reliée au projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text[111];

·      Le 9 décembre 2009, l’intimé Luc Filiatreault a transmis un courriel[112] aux intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN dont l’objet est intitulé « Update Nstein vs Blakes… »[113] et qui contient notamment l’information suivante :  

« Nous avons embauché Pagemill pour explorer les autres options »

« La documentation initiale est déjà complétée. Si certains désirent l’obtenir faites-moi signe »  

« Les appels pour valider l’intérêt d’une quinzaine de partie commencent cette semaine (Google, Oracle, Autonomy, EMC, etc…) »

« Nous poursuivons les discussions avec Blakes mais tentons de gagner du temps pour que Pagemill puisse avancer les autres options »

« Je vous ferai un update dès que se présentera quelque chose de significatif »  

[Soulignement ajouté]

·      Le vendredi 11 décembre 2009, Jane Mowat a fait parvenir par courriel à l’intimé Luc Filiatreault un projet d’ordre du jour pour la rencontre de travail prévue le 18 décembre 2009 dans le cadre du projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text[114]. Le jour même, l’intimé Luc Filiatreault, PDG de NSTEIN, a fait parvenir à l’intimée Stéphanie Benoit, Directrice des affaires juridiques et secrétaire corporative de NSTEIN, un courriel[115] intitulé « Pour la résolution pour les options » qui contient un tableau incluant notamment les informations suivantes :

Nouvel octroi

Luc Filiatreault                                                      -

Bruno Martel                                               100 000

Louis Mousseau                                         100 000

Frédéric Brabant                                        120 000

Jean Michel Texier                                        50 000

Marten den Haring                                     225 000

Dave Marcheterre                                         50 000

Isabelle Desjardins                                       50 000

Alexandre Gonthier                                       50 000

Jean François Martin                                    75 000

Stéphanie Benoit                                          50 000

Mathieu Weber                                             50 000

Eric William                                                  75 000

TOTAL                                                     1 000 000

Peu après avoir reçu ce courriel, l’intimée Stéphanie Benoit a fait parvenir le même jour, soit le vendredi 11 décembre 2009, un courriel à l’intimé Pierre Donaldson, Président du Conseil d’administration de NSTEIN, et à l’intimé Michel Lozeau, membre du Conseil d’administration de NSTEIN, dont l’objet était « Nstein - Résolutions (octrois d’options) » et dans lequel elle a notamment écrit [116]:

« Je sollicite des instructions du Conseil en ce qui concerne le nombre d’options à octroyer, le cas échéant, à Luc[117]

Luc souhaite faire circuler les résolutions écrites des administrateurs pour signature dès que possible.» 

[Soulignement ajouté]

·      Le dimanche 13 décembre 2009, l’intimé Luc Filiatreault a transmis un courriel[118] à l’intimé Pierre Donaldson dans lequel il indique notamment ce qui suit :

« Scott[119] m’a fait parvenir un court rapport vendredi[120]. Rien encore. Surtout des boites vocales à ce jour. »

« Pour la questions des options. Je voulais profiter de l’arrivée de Marten[121] ou nous sommes obligés de publier le nombre d’options que nous lui donnons pour faire l’octroi dont nous avions parlé longuement au dernier CA. J’ai demandé à Stéphanie de préparer une résolution pour ce faire.”

[Soulignement ajouté]  

·      Le 16 décembre 2009, Pagemill a - dans le cadre de son mandat susmentionné -présenté son premier rapport hebdomadaire écrit à NSTEIN[122] dans lequel il est notamment indiqué que :

«  Pagemill identified 30 strategic and financial targets with Luc and Bruno and we have contacted all of the identified targets

-  Many targets have confirmed that they are reviewing and 3 targets have declined

-   Pagemill continues to follow up with all the targets »  

Ce rapport indique toutefois que seule la société Open Text  is « In Meetings » avec NSTEIN;

·      La même journée, soit le 16 décembre 2009, Jane Mowat a informé par courriel Thomas Jenkins, « Executive Chairman » de Open Text, que l’intimé Filiatreault avait communiqué avec elle par téléphone à la fin de la journée afin de donner son accord à l’ordre du jour de la rencontre de travail prévue le 18 décembre 2009 mais aussi pour lui demander de reporter cette rencontre « in the New year when they can do a better job for meeting with us »[123];

·        Le 17 décembre 2009, l’intimé Pierre Donaldson a fait parvenir un courriel à l’intimée Stéphanie Benoit dans lequel il indique que lui et l’intimé Michel Lozeau approuvent le tableau d’octroi d’options d’achat d’actions qu’elle leur a fait parvenir en octroyant, en plus, 200 000 options à l’intimé Luc Filiatreault[124]. L’intimé Stéphanie Benoit a demandé la même journée par courriel à l’intimé Bruno Martel quel serait le prix d’exercice de ces options. Celui-ci lui a répondu quelques minutes plus tard, par courriel, qu’il ne le savait pas et qu’il « faut voir quand on veut octroyer/annoncer »[125]. La même journée, soit le 17 décembre 2009, l’intimé Luc Filiatreault a communiqué par courriel avec Jane Mowat pour proposer que la rencontre de travail prévue le 18 décembre 2009 entre NSTEIN et Open Text se tienne plutôt dans la première semaine de janvier 2010. Il a fait parvenir un courriel comportant un message similaire directement à Thomas Jenkins, « Executive Chairman » de Open Text, le vendredi 18 décembre 2009[126];

·        Le 23 décembre 2009, une entente de confidentialité fut signée entre NSTEIN et JMI Management. Peu de temps après la signature de cette entente, un appel conférence aurait eu lieu entre l’intimé Luc Filiatreault et des représentants de cette société[127]. Le même jour, Pagemill a présenté son second rapport hebdomadaire écrit à NSTEIN[128]. Ce rapport indique que seules les sociétés Open Text et JMI Management sont « In Meetings » avec NSTEIN;

·        Le 29 décembre 2009, soit deux jours avant la fin de l’exercice financier de NSTEIN, une période d’interdiction de transactions (« Blackout ») débute en vertu de l’article 4.7.2 du « Code d’éthique » de NSTEIN[129]. Cette période d’interdiction de transactions sur les valeurs mobilières de NSTEIN s’étend aux initiés de cet émetteur assujetti et à « toute Personne ayant une relation spéciale » avec NSTEIN. Cette période d’interdiction devait normalement se terminer 2 jours après la publication des états financiers annuels vérifiés pour la période se terminant le 31 décembre 2009. Ces états financiers ne seront toutefois jamais publiés par NSTEIN en raison de son acquisition par Open Text le ou vers le 1er avril 2010[130];

·        Le lundi 4 janvier 2010, l’intimé Luc Filiatreault et Jane Mowat ont décidé de tenir le 12 janvier 2010 la réunion de travail relié au projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text qui avait été initialement prévue le 18 décembre 2009 [131]. À cet égard, dans un courriel adressé à Jane Mowat le 4 janvier 2010, l’intimé Luc Filiatreault a précisé :

« There will be no need to play games around the objective of the meeting, the team will have been briefed on the situation. »

[Soulignement ajouté]

Par ailleurs, le même jour soit le 4 janvier 2010, l’intimée Stéphanie Benoit a transmis par courriel et pour signature à tous les membres du Conseil d’administration de NSTEIN[132], soit les intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch, André Courtemanche, A. Michel Lavigne et Colette Roy, un document d’une page portant la date du 4 janvier 2010 et intitulé « RÉSOLUTIONS DES ADMINISTRATEURS »[133]. Ce document inclut deux résolutions. La première est intitulé « EMBAUCHE D’UN VICE-PRÉSIDENT » et concerne la décision d’embaucher Marten den Haring. La seconde est intitulée « OCTROIS D’OPTIONS » et octroie les options d’achat d’actions de NSTEIN suivantes au prix d’exercice de 0.29 $ l’action, soit le cours de fermeture de l’action de NSTEIN sur le marché boursier le dernier jour de transactions précédant l’octroi de ces options[134] :

    Nouvel octroi

Luc Filiatreault                                            200 000

Bruno Martel                                               100 000

Louis Mousseau                                         100 000

Frédéric Brabant                                        120 000

Jean Michel Texier                                        50 000

Marten den Haring                                      225 000

Dave Marcheterre                                         50 000

Isabelle Desjardins                                       50 000

Alexandre Gonthier                                       50 000

Jean François Martin                                    75 000

Stéphanie Benoit                                          50 000

Mathieu Weber                                             50 000

Eric William                                                  75 000

TOTAL                                                     1 200 000

L’intimée Stéphanie Benoit a de plus indiqué dans son courriel du 4 janvier 2010 aux intimés membre du Conseil d’administration de NSTEIN : « Nous comptons diffuser le communiqué de presse demain. ». Par ailleurs, le 4 janvier 2010, l’intimé Luc Filiatreault a transmis un courriel à l’intimé Bruno Martel en lui demandant de faire publier ce communiqué de presse le 5 janvier 2010 et en lui indiquant, en particulier :

« …je veux procéder avant que Blakes[135] n’ait trop avancé » 

[Soulignement ajouté]

·        Le 5 janvier 2010, l’intimée Stéphanie Benoit a fait parvenir aux intimés Luc Filiatreault et Bruno Martel un courriel leur confirmant que tous les membres du Conseil d’administration de NSTEIN - soit les intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch, André Courtemanche, A. Michel Lavigne et Colette Roy - lui avaient fait parvenir une copie dûment signée du document incluant les résolutions susmentionnées[136]. Par ailleurs, le 5 janvier 2010, NSTEIN a publié un communiqué de presse[137] dans lequel était notamment annoncé « l’octroi de 1 200 000 options d’achat d’actions en faveur de certains dirigeants et employés de la Société »;

·        Le 6 janvier 2010, Jane Mowat a fait parvenir un courriel à l’intimé Luc Filiatreault relativement à la réunion de travail prévue le 12 janvier 2010 dans le cadre du projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text. Dans ce courriel, elle semble s’interroger sur la légalité de cet octroi d’options d’achat d’actions de NSTEIN en lui demandant spécifiquement s’il était habituel que ce soit fait avant la publication des états financiers vérifiés pour la période se terminant en fin d’année [138]:

« …can you comment on the option grant - is this typical that this would be done before year end results etc…»

[Soulignement ajouté]

L’intimé Luc Filiatreault lui a alors fourni des explications par téléphone et Jane Mowat, le même jour, a transmis un courriel à Thomas Jenkins, « Executive Chairman » d’Open Text, dans lequel elle a notamment écrit ce qui suit:

 « 2. The date to issue stock options was supposedly inked prior to us starting discussions. Nstein decided to fix a date for options and with a new exec coming in it made sense to them as most of the team’s options are under water to issue to all as it could cause some discontent with a new exec getting new options. »

[Soulignement ajouté]

À cet égard, le Tribunal note d’abord que le 4 janvier 2010 - date de la résolution du Conseil d’administration de NSTEIN octroyant 1 200 000 options d’achat d’action de NSTEIN aux intimés Luc Filiatreault, Bruno Martel et Stéphanie Benoit de même qu’à un certain nombre d’employés de cet émetteur assujetti - est une date incluse dans la période d’interdiction de transactions (« Blackout ») sur les valeurs mobilières de NSTEIN établie en vertu du paragraphe 4.7.2 du « Code d’éthique » de cet émetteur assujetti. Cette période de « Blackout » a débuté le 29 décembre 2009, soit deux jours avant la fin de l’exercice financier de NSTEIN et devait normalement se terminer 2 jours après la publication des états financiers annuels vérifiés pour la période se terminant le 31 décembre 2009. Ces états financiers ne seront toutefois jamais publiés par NSTEIN en raison de son acquisition par Open Text le ou vers le 1er avril 2010[139].

Le Tribunal note ensuite que la preuve ne révèle l’existence d’aucune résolution du Conseil d’administration de NSTEIN autorisant l’octroi des options d’achat d’actions susmentionnées avant celle datée du 4 Janvier 2010. De plus, la preuve ne révèle l’existence d’aucune résolution du Conseil d’administration de NSTEIN antérieure au 4 janvier 2010 qui aurait décidé que le 4 janvier 2010 serait la date à laquelle la résolution d’octroi de ces options devait être adoptée.   

·        Le 12 janvier 2010, les représentants de NSTEIN et d’Open Text ont tenu une réunion de travail dans le cadre du projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text. À la suite de cette rencontre, l’intimé Luc Filiatreault a transmis, le jour même, un courriel à Thomas Jenkins et à Jane Mowat d’Open Text dans lequel il a notamment indiqué ce qui suit[140] :

« Your team was in today and I must say that we really felt great mindshare in the room. There was a big WOW as we went through the materials that we had prepared.

The combination of our technology … with your huge client base … creates a huge opportunity…

Our two teams really saw eye to eye and saw that we can be the corner stone of your next billion $ of sales.

I hope now that we can get quickly around the next phase which will be a lot less interesting where we will have to play the “evaluation game”. I know that you have constraints on the multiple you can offer for a company but I truly think that the story around Nstein will definitely be focused on the large growth that we can bring and not on the past sales that we have performed.»

[Soulignement ajouté]

·        Le 20 janvier 2010, Open Text a fait parvenir à la direction de NSTEIN une lettre d’intention[141] visant à acquérir la totalité des actions ordinaires émises et en circulation de NSTEIN au prix de 0.52 $ l’action, ce qui représentait une prime de 73% sur le cours de l’action de NSTEIN qui a clôturé à 0.30 $ le 19 janvier 2010[142]. Durant cette journée Thomas Jenkins s’est aussi entretenu par téléphone avec l’intimé Luc Filiatreault, à la suite de quoi celui-ci a transmis un courriel aux intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN, de même qu’aux intimés Bruno Martel et Stéphanie Benoit, dans lequel il mentionne notamment que Thomas Jenkins lui « a indiqué qu’il y avait de la marge de manœuvre pour augmenter ce prix »[143];

·        Le 27 janvier 2010, Open Text a fait parvenir à la direction de NSTEIN une nouvelle lettre d’intention[144] visant à acquérir la totalité des actions ordinaires émises et en circulation de NSTEIN au prix de 0.65$ l’action, ce qui représentait une prime de 106% sur le cours de l’action de NSTEIN qui a clôturé à 0.32 $ le 26 janvier 2010[145]. Cette lettre d’intention expirait le 29 janvier 2010 à 17:00;

·        Le 29 janvier 2010, les intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN ont approuvé lors d’une réunion spéciale de ce comité[146] une résolution approuvant la lettre d’intention du 27 janvier 2010 d’Open Text et autorisant l’intimé Luc Filiatreault à signer cette lettre d’intention au nom de NSTEIN. Cette résolution autorisait de plus l’intimé Luc Filiatreaul à :

« … poser tout geste nécessaires ou requis pour donner suite à la lettre d’intention signée, incluant la négociation et la préparation d’un contrat d’acquisition, d’un projet de communiqué de presse, ainsi que tout autre document se rapportant à la transaction. »

[Soulignement ajouté]

Pour une raison technique, une nouvelle version de la lettre d’intention du 27 janvier 2010 d’Open Text fut préparée et datée du 1er février 2010 et les deux parties y ont apposé leurs signatures. L’intimé Luc Filiatreault y a apposé sa signature le 2 février 2010 à 09:25 [147].

·        Le 3 février 2010, l’intimé Luc Filiatreault a fait parvenir un courriel[148] à l’intimé Pierre Légaré dans lequel, il lui a notamment écrit :

« Je ne suis sûr de rien encore mais il est possible que je devienne disponible à compter du mois de mai… Si tu entends parler de projets du genre que je pourrais aimer…fais moi signe ! »

[Soulignement ajouté]

·        Le 17 février 2010, l’intimé Pierre Légaré a transmis à l’intimé un courriel[149] à l’intimé Luc Filiatreault un courriel dans lequel il lui a écrit :

« Tu as probablement entendu parler de la version PC du IPAD développée par une firme de Rimouski. Les gens en financement de notre bureau ont été mis au courant que ces gens de Rimouski étaient à la recherche d’un investisseur privé (pour la 1ere ronde) à la hauteur de 1M$. Compte tenu de ce que tu m’as dit l’autre jour concernant ta situation chez NStein, est-ce que c’est un dossier qui pourrait t’intéresser ? »

[Soulignement ajouté]   

·        Le jeudi 18 février 2010, l’intimé Pierre Légaré a fait parvenir par courriel à l’intimé Luc Filiatreault de l’information complémentaire reliée à un emploi potentiel pour l’intimé Luc Filiatreault[150].  Le jeudi 18 février 2010 et le vendredi 19 février 2010, l’intimé Pierre Légaré a acheté - personnellement et par l’entremise de sa société de gestion Gestionnaire-Conseil M.L. inc. - 51 500 actions de NSTEIN au prix de 0.33 $ l’action[151];

·        Le dimanche 21 février 2010, le Conseil d’administration de NSTEIN - composé des intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch, André Courtemanche, A. Michel Lavigne et Colette Roy - s’est réuni[152]. Les intimés Bruno Martel, Chef de la direction financière, et Stéphanie Benoit, Directrice des affaires juridiques et secrétaire corporatif, étaient aussi présents. Lors de cette réunion, le Conseil d’administration fut notamment informé que Pagemill avait présenté un rapport final confidentiel portant la date du 19 février 2010 et concluant que l’offre d’acquisition de NSTEIN présentée par Open Text est équitable[153]. Le Conseil d’administration de NSTEIN a par la suite approuvé le contrat d’acquisition correspondant à cette transaction et a autorisé l’intimé Luc Filiatreault, à titre de PDG, à signer ce contrat au nom de NSTEIN, ce qui fut fait le lendemain[154]. Le Conseil d’administration de NSTEIN a aussi approuvé le communiqué de presse devant être diffusé le lundi 22 février 2010 pour annoncer publiquement l’acquisition de NSTEIN par Open Text[155];    

·        Le lundi 22 février 2010, l’intimé Pierre Légaré a vendu les 51 500 actions de NSTEIN qu’il avait acquises les 18 et 19 février 2010, et ce, peu de temps après la diffusion du communiqué de presse susmentionné. Il a alors réalisé un profit de 15 765 $ [156];

·        Le 4 mars 2010, les actionnaires de NSTEIN furent convoqués à une assemblée générale extraordinaire ayant pour but d’approuver l’acquisition de NSTEIN par Open Text[157];

·        Le 1er avril 2010 les actionnaires de NSTEIN se sont réunis en assemblée générale extraordinaire et ont approuvé l’acquisition de NSTEIN par Open Text, le tout par la voie d’une convention de fusion qui entra en vigueur à cette même date[158];

·        Le ou vers le 1er avril 2010, conformément à l’entente d’acquisition[159] de NSTEIN par Open Text (négociée par l’intimé Luc Filiatreault et approuvée par le Conseil d’administration de NSTEIN[160]), les options d’achat d’actions de NSTEIN au prix d’exercice de 0.29 $ (octroyées le 4 janvier 2010 par le Conseil d’administration de NSTEIN[161] aux intimés Luc Filiatreault, Bruno Martel et Stéphanie Benoit) furent alors effectivement rachetées au prix unitaire de 0.65 $. Ce faisant, l’intimé Luc Filiatreault a réalisé un profit brut de 72 000 $, l’intimé Bruno Martel a fait un profit brut de 36 000 $ et l’intimé Stéphanie Benoit en a réalisé un de 18 000 $[162]

[76]        À la lumière des éléments de preuve présentés par les parties dans le cadre de la présente affaire et, en particulier, de ceux qui sont décrits dans le paragraphe précédent, le Tribunal est d’avis qu’une preuve prépondérante existe à l’effet que les membres du Conseil d’administration de NSTEIN - soit les intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch, André Courtemanche, A. Michel Lavigne et Colette Roy - étaient en possession d’informations privilégiées lorsqu’ils ont signé la résolution de ce conseil d’administration datée du 4 janvier 2010 octroyant 1 200 000 options d’achat d’actions de NSTEIN au prix d’exercice de 0.29 $ l’action aux intimés Luc Filiatreault, Bruno Martel et Stéphanie Benoit - des dirigeants de NSTEIN - de même qu’à certains autres employés de cet émetteur assujetti.

[77]        À cet égard, le Tribunal souligne d’abord: (i) l’importance stratégique de la transaction d’acquisition proposée par Open Text sur les activités et sur l’existence même de NSTEIN, (ii) la grande crédibilité de la société Open Text et de son principal dirigeant Thomas Jenkins sur la place financière, et (iii) le fait qu’Open Text et Thomas Jenkins avaient à leur palmarès depuis plusieurs années de nombreuses acquisitions.

[78]        Le Tribunal souligne aussi que la preuve démontre que c’est l’intimé Luc Filiatreaut, à titre de PDG de NSTEIN, qui a lui-même sollicité une rencontre avec la direction d’Open Text le 9 novembre 2009 et que, dans son propre rapport confidentiel du 21 janvier 2009 au Conseil d’administration de NSTEIN, on retrouve Open Text sur la liste[163] des entreprises jugées suffisamment sérieuses et capables de faire l’acquisition de NSTEIN; « se faire acheter » par une autre société étant alors une des solutions contemplées pour résoudre les difficultés financières importantes rencontrées par NSTEIN.

[79]         Le Tribunal rappelle qu’en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, constitue une information privilégiée « toute information encore inconnue du public et susceptible d’affecter la décision d’un investisseur raisonnable »[164].

[80]        Et, de l’avis du Tribunal, l’ensemble de la preuve démontre d’une manière prépondérante que lorsqu’ils ont signé la résolution du 4 janvier 2010 octroyant les 1 200 000 options d’achat d’actions susmentionnée les intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN étaient en possession de beaucoup d’information de cette nature et, en particulier, d’informations - inconnues du public - reliées à la proposition verbale d’acquisition de NSTEIN par Open Text présentée directement à l’intimé Luc Filiatreault les 27 et 28 novembre 2009 par Thomas Jenkins, alors par le principal dirigeant d’Open Text, et des démarches subséquentes fort sérieuses entreprises par la direction de NSTEIN pour donner suite à cette proposition.

[81]        Les faits mis en preuve démontrent bien que le 4 janvier 2010, le processus d’acquisition de NSTEIN par Open Text, initié les 27 et 28 novembre 2009, était loin d’être encore embryonnaire comme le prétendent les procureurs des intimés. Le Tribunal est d’avis que si les informations privilégiées connues des intimés le 4 janvier 2010[165] - mais inconnues du public - avaient alors été divulguées, elles auraient été susceptibles d’affecter la décision d’un investisseur raisonnable.   

[82]        Par ailleurs, le Tribunal note que la résolution du Conseil d’administration datée du 4 janvier 2010 octroyant 1 200 000 options d’achat d’actions à des dirigeants et employés de NSTEIN, fut signée par tous ses intimés membres[166] alors qu’une période d’interdiction de transactions sur les valeurs mobilières de NSTEIN (« Blackout ») - prévue par le « Code d’éthique »  et le règlement interne de cet émetteur assujetti était en vigueur depuis le 29 décembre 2009 pour tous ses initiés et employés.

[83]        À cet égard, le Tribunal rappelle ce qui suit. Les politiques relatives aux transactions d’initiés, que les émetteurs assujettis adoptent, ont notamment pour but de faire comprendre à leurs initiés ce que représente une information privilégiée et les sensibiliser aux conséquences sévères qui peuvent survenir en cas de manquement aux articles 187, 188, 189 et 189.1 de la Loi sur les valeurs mobilières. Ces politiques relatives aux transactions d’initiés ont aussi pour but de protéger les émetteurs assujettis qui les adoptent. Ainsi, un émetteur assujetti établit une période d’interdiction générale de transaction sur ses valeurs mobilières par ses initiés et employés durant une période où il détient de l’information privilégiée, ce qui est le cas dès la fin d’un exercice financier intermédiaire ou annuel lorsque les états financiers correspondants ne sont pas encore publiquement divulgués.

[84]        NSTEIN étant une personne morale - donc non-physique - elle acquiert de l’information et prend des décisions importantes[167] par l’entremise de l’instance décisionnelle prévue par sa loi constitutive et son règlement interne, en l’occurrence son Conseil d’administration qui était composé des intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch, André Courtemanche, A. Michel Lavigne et Colette Roy au moment des faits reprochés dans la présente affaire.

[85]        Ces intimés sont, en raison de leur statut d’administrateurs, des initiés[168] de NSTEIN qui par ailleurs est un émetteur assujetti[169] aux dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières.  

[86]        Ainsi, lorsque le Conseil d’administration de NSTEIN adopte la résolution datée du 4 janvier 2010 émettant 1 200 000 d’options d’achat d’actions[170] de NSTEIN, le Tribunal est d’avis que ses membres initiés - signataires de cette résolution - réalisent une opération sur les titres de cet émetteur assujetti alors qu’ils sont en possession d’informations privilégiées. Par ailleurs, les intimés Luc Filiatreault, Bruno Martel et Stéphanie Benoit - qui acceptent et reçoivent une partie de ces options d’achat d’actions - sont aussi, de l’avis du Tribunal, des initiés[171] de NSTEIN en possession d’informations privilégiées réalisant des opérations sur les titres de cet émetteur assujetti[172]. Dans les deux cas, le Tribunal est d’avis qu’il s’agit d’infractions aux dispositions de l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières.

[87]        Les procureurs des intimés ont argumenté que l’opération d’octroyer les options susmentionnées fut réalisée non pas par les intimés administrateurs de NSTEIN mais exclusivement par l’émetteur assujetti NSTEIN, lequel a une personnalité juridique distincte de celles de ses administrateurs.

[88]        À cet égard, le Tribunal souligne que l’article 273.1 de la Loi sur les valeurs mobilières  prévoit l’imposition d’une pénalité administrative à l’encontre d’une personne qui a contrevenu à la loi ou aidé l’auteur principal - ici la société NSTEIN - à l’accomplissement d’une telle contravention. De surcroît, le Tribunal indique qu’il tient pour responsables de cette opération sur les titres de NSTEIN les intimés - membres de son Conseil d’administration - et que l’intérêt public ne saurait tolérer un seul instant que des personnes physiques utilisent avec succès le voile corporatif pour contourner les obligations fondamentales de l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières aux fins de bafouer le régime d’usage équitable de l’information que le législateur a établi[173].  

[89]        Les procureurs des intimés ont aussi plaidé que leurs clients Luc Filiatreault, Bruno Martel et Stéphanie Benoit, à qui furent octroyées le 4 janvier 2010 une partie des options d’achat d’actions susmentionnées, ne les ont jamais exercées parce que celles-ci furent annulées dans le cadre de l’acquisition de NSTEIN par Open Text.

[90]        À cet égard, le Tribunal souligne qu’il faut compléter cette simpliste explication par la divulgation qu’en contrepartie de cette annulation, ces intimés ont commodément reçu - en vertu des dispositions de l’accord d’acquisition de NSTEIN par Open Text négociées par l’intimé Luc Filiatreault et approuvées par les intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN[174] - un paiement compensatoire équivalent à ce qu’ils auraient obtenu si ces options d’achat d’actions avaient été exercées au prix de 0.29$ l’action et si les actions ainsi acquises avaient été immédiatement revendues ou rachetées au prix de 0.65 $ l’action[175], le tout en réalisant un gain sur la base d’une plus-value de près de 125% du cours du titre de NSTEIN.

[91]        Le Tribunal constate ainsi que les intimés Luc Filiatreault, Bruno Martel et Stéphanie Benoit (initiés de NSTEIN en possession d’information privilégiée le 4 janvier 2010) ont tiré ensemble un bénéfice financier de 126 000 $[176] des options d’achat d’actions qui leurs furent octroyées le 4 janvier 2010 par les intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN (eux aussi initiés et en possession d’information privilégiée), et ce, sans avoir même eu à faire l’effort de les exercer. Le Tribunal note que l’intimé Luc Filiatreault, qui en plus d’être le PDG de NSTEIN était aussi un membre de son Conseil d’administration, n’a pas hésité à signer la résolution du 4 janvier 2010 qui amorçait cette profitable opération[177], dont il était par ailleurs un important bénéficiaire.

[92]        Le Tribunal rappelle que, pour renforcer le régime d’équité pour tous les investisseurs en matière d’usage d’information qui est établi, en particulier, par les articles 187, 188 et 189 de la Loi sur les valeurs mobilières, le législateur a aussi adopté l’article 189.1 qui stipule clairement que :

 189.1. Toute personne à qui il est interdit de réaliser une opération sur les titres d'un émetteur assujetti ou de changer un intérêt financier dans un instrument financier lié par l'effet des articles 187 ou 189 ne peut exploiter l'information privilégiée d'aucune autre manière, à moins qu'elle ne soit fondée à croire l'information connue du public. Elle ne peut notamment effectuer d'opérations sur des options ou sur d'autres dérivés au sens de la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) portant sur les titres de l'émetteur. Elle ne peut non plus effectuer d'opérations sur les titres d'un autre émetteur, sur des options ou sur d'autres dérivés au sens de la Loi sur les instruments dérivés ou sur des contrats à terme portant sur un indice boursier, dès lors que leur cours est susceptible de répercuter les fluctuations des titres de l'émetteur.

[Soulignement ajouté]                   

[93]        Par conséquent, de l’avis du Tribunal une preuve prépondérante existe que les intimés Luc Filiatreault, Bruno Martel et Stéphanie Benoit, des personnes à qui il était interdit de réaliser des opérations sur les titres de NSTEIN ou de changer un intérêt financier dans un instrument lié par l’effet des articles 187 et 189 de la Loi sur les valeurs mobilières, ont exploité de l’information privilégiée en récoltant les bénéfices financiers susmentionnées[178] et ont ainsi enfreint les dispositions de l’article 189.1 de cette loi.   

[94]        Les procureurs des intimés ont soutenu que la décision d’accorder 1 200 000 options d’achat d’actions de NSTEIN à certains de ses dirigeants et employés avait été prise lors d’une réunion de son Conseil d’administration tenue le 12 novembre 2009, soit avant que le principal dirigeant d’Open Text, Thomas Jenkins, transmette sa proposition verbale d’acquisition de NSTEIN les 27 et 28 novembre 2009 à l’intimé Luc Filiatreault et donc avant que les intimés membres du Conseil d’administration n’acquièrent cette information privilégiée, inconnue du public investisseur. 

[95]        À cet égard, le Tribunal indique qu’il est d’avis qu’une preuve prépondérante existe à l’effet que la décision d’émettre les 1 200 000 options d’achat d’actions susmentionnées fut prise lors de l’adoption de la résolution du 4 janvier 2010 du Conseil d’administration de NSTEIN et non lors de sa réunion du 12 novembre 2009. Le Tribunal rappelle que le procès-verbal de la réunion du Conseil d’administration de NSTEIN qui s’est tenu le 12 novembre 2009 établit clairement à son item 7, ci-après reproduit, que le Conseil d’administration de NSTEIN n’a alors pris, ni la décision d’embaucher Marten den Haring, ni la décision d’octroyer des options d’achat d’actions aux membres de la direction et à certains employés de NSTEIN[179]:

«7.  RAPPORT DU COMITÉ DES RESSOURCES HUMAINES ET DE RÉGIE D’ENTREPRISE ET DE NOMINATION

Le Président du Comité des ressources humaines et de régie d’entreprise et de nomination rapporte que le Comité a tenu une réunion visant notamment à recommander l’embauche de Marten den Haring pour joindre les rangs de la société à titre de vice-président exécutif, marketing et stratégie de produit et l’octroi d’options à ce dernier.

Les membres du Comité ont également tenu une discussion sur une proposition d’octroi d’options d’achat d’actions aux membres de la direction et à certains employés, et il a été convenu que le président de chef de la direction[180] allait soumettre une nouvelle proposition pour approbation au Conseil tenant compte des commentaires apportés par les membres du Comité. »

[Soulignement ajouté]

[96]        De plus, le Tribunal souligne que durant l’audience il a questionné l’intimé Pierre Donaldson, alors Président du Conseil d’administration de NSTEIN, quant à la contradiction flagrante qui existait entre son témoignage et le contenu de l’item 7 du procès-verbal susmentionnée. Le Tribunal a alors reçu l’explication suivante [181]:  

« Q :      La réunion du conseil d’administration du douze (12) novembre deux mille neuf (2009).

R :           Oui.

Q :         Je viens de vous entendre, là, est-ce que j’ai bien compris, vous avez dit que le conseil d’administration aurait approuvé l’émission, l’octroi d’options à des employés ?

R :           Oui.

Q :         Regardez l’item 7, là, paragraphe 2. Je lis ce qui est écrit, et on ne parle pas d’approbation. « Il a été convenu… »  c’est écrit :

Il a été convenu que le président et chef de la direction allait soumettre une nouvelle proposition pour approbation au conseil tenant compte des commentaires apportés par les membres du comité.

C’est ce que je lis. Donc, je ne vois pas, ici, je ne lis pas que le conseil d’administration de Nstein a approuvé quelque option que ce soit.

R :          Oui, oui, mais c’est ça, le douze (12), on approuve l’enveloppe. O.K.? Bien là, selon, là, je vous le dis, là, selon ma…

Q :           Votre compréhension?

R :           Ma compréhension des faits, là.

Q :         Mais vous admettez que ce n’est pas exactement ce qui est écrit là?

R :          Si, je lis comme vous, là, je suis obligé de vous donner raison, là. Mais c’est ça. » 

[Soulignement ajouté]

[97]        Enfin, le Tribunal souligne que le contenu de la résolution du 4 janvier 2010 du Conseil d’administration est explicite[182] et que la preuve ne révèle l’existence d’aucune résolution du Conseil d’administration de NSTEIN autorisant l’octroi des options d’achat d’actions susmentionnées avant celle datée du 4 Janvier 2010. De plus, la preuve ne révèle l’existence d’aucune résolution du Conseil d’administration de NSTEIN antérieure au 4 janvier 2010 qui aurait décidé que le 4 janvier 2010 serait la date à laquelle la résolution d’octroi de ces options devait être adoptée.  

[98]        Les procureurs des intimés ont plaidé que les intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN n’avaient reçu aucun avantage pécuniaire ou autre en raison de l’octroi de ces options d’achat d’actions[183].

[99]        À cet égard, le Tribunal rappelle que l’intimé Luc Filiatreault est un des membres du Conseil d’administration de NSTEIN, qu’il a signé la résolution datée du 4 janvier 2010 octroyant ces 1 2 00 000 options d’achat d’actions et qu’il en a reçues et acceptées 200 000. De plus, c’est le Conseil d’administration qui l’a mandaté, à titre de PDG de NSTEIN, pour négocier l’acquisition de cet émetteur assujetti par Open Text, dans laquelle était prévue le mécanisme qui lui a permis d’encaisser - à titre de compensation pour ses options -  la somme de 72 000 $, le ou vers le 1er avril 2010, lorsque l’acquisition de NSTEIN par Open Text fut complétée.

[100]     Par ailleurs, le Tribunal souligne qu’il n’est pas requis de démontrer qu’un intimé a bénéficié d’une infraction à la Loi sur les valeurs mobilières pour qu’il en soit trouvé responsable. De plus, le Tribunal rappelle que la principale victime d’infractions reliées à l’usage illégal d’informations privilégiées est la crédibilité même du marché lorsque le public investisseur réalise qu’il a été berné en prenant des décisions d’investissements sur la base d’informations qui ne correspondaient pas à la réalité, et ce, alors qu’il constate que des initiés ont réalisés des profits en utilisant des informations stratégiques tenues secrètes du public.

[101]     Les procureurs des intimés ont prétendu que l’octroi de 225 000 options d’achat d’actions de NSTEIN à Marten den Haring, par les intimés membres du Conseil d’administration, était dispensé de l’application des obligations prévues à l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières parce que découlant d’un contrat conclu avant que ces intimés n’aient eu connaissance d’informations privilégiées, et ce, en vertu du sous-paragraphe 187 (3°).

[102]     À cet égard, le Tribunal rappelle que, dans la présente affaire, la preuve démontre d’une manière prépondérante que la décision de NSTEIN d’embaucher Marten den Haring fut prise seulement le 4 janvier 2010 par une résolution du Conseil d’administration à cet effet[184], soit au moment où ses membres[185] disposaient - de l’avis du Tribunal - d’un nombre considérable d’informations privilégiées. L’embauche de Marten den Haring ne fut donc pas conclue avant le 4 janvier 2010 et le Conseil d’administration de NSTEIN aurait pu ne jamais y donner suite, et ce, en dépit de l’existence d’une lettre d’intention ou d’un projet de contrat.

[103]     La preuve démontre l’existence d’une « Letter of Intent of offering to Marten Haring » non-signée datée du 9 octobre 2009[186] et d’un document intitulé « Contract of Employement »[187] portant la date manuscrite du 2 novembre 2009 et uniquement la signature de l’intimé Luc Filiatreault (celle de Marten den Haring est absente du document présenté en preuve). Ces deux documents indiquent que la date du début de l’emploi de Marten den Haring devait être le 1er janvier 2010[188]. Or, dans les faits, ce n’est que le 4 janvier 2010 que le Conseil d’administration de NSTEIN a décidé par l’adoption de deux résolutions : (i) de son embauche et, (ii) de lui octroyer des options d’achat d’actions.

[104]     De plus, le Tribunal souligne que le prix d’exercice (0.29 $ l’action) des options d’achat d’actions accordées à Marten den Haring par la résolution du 4 janvier 2010 du Conseil d’administration de NSTEIN[189] diffère de celui qui était prévu dans la « Letter of Intent of offering to Marten Haring » du 9 octobre 2009[190] et dans le document intitulé « Contract of Employement »[191] portant la date manuscrite du 2 novembre 2009.

[105]     Dans la « Letter of Intent of offering to Marten Haring » susmentionnée, le mécanisme de détermination du prix des options d’achat d’actions se lisait comme suit :

“Award of 225 000 stock options which have a vesting period of 3 years (1/12 of the options are acquired every quarter). The strike price of the options will be determined 2 days after the publications of the quarterly results following the signature of an employment contract.”

[Soulignement ajouté]

[106]     Dans le « Contract of Employement » susmentionné on retrouve ce qui suit :

« 3.3          Options.

Subject to the approval of the Board of Directors, the Employee will be granted the option to buy 225,000 shares of the share capital of the Company at a strike price equal to the closing price of the 2nd day following the release of the quarterly financial statements following the Effective Date, said options vesting 1/12th on the last day of a quarter during a 12-quarter period (3 years).

...

[Soulignement ajouté]

[107]     Or les états financiers de NSTEIN pour la période de référence mentionnée dans ces deux clauses ne furent jamais publiquement divulgués.

[108]     Force est donc pour le Tribunal de constater que le Conseil d’administration a établi, par ses deux résolutions datées du 4 janvier 2010, des conditions d’emploi pour Marten den Haring dont les termes divergeaient au moins de deux manières importantes par rapport à ceux contenus dans la lettre d’intention et le projet de contrat susmentionnés.

[109]     Par conséquent, de l’avis du Tribunal, on ne saurait conclure que le contrat de travail de Marten den Haring, incluant un droit d’obtenir des options d’achat de NSTEIN à des conditions particulières, a été « conclu » - au sens de l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières - avant que les intimés membres du Conseil d’administration de NSTEIN ne soient informés de la proposition verbale d’acquisition de cet émetteur assujetti par Open Text, laquelle fut présentée les 27 et 28 novembre 2009 par le principal dirigeant d’Open Text, et des démarches subséquentes fort sérieuses entreprises par la direction de NSTEIN pour donner suite à cette proposition.

[110]      Le Tribunal est donc d’avis qu’une preuve prépondérante existe à l’effet que l’exception contenue au paragraphe 187 (3°) ne reçoit pas application à l’égard des 225 000 options d’achat d’actions de NSTEIN accordées à Marten den Haring.          

[111]     Les procureurs des intimés ont subsidiairement plaidé que l’octroi de 1 200 000 options d’achat d’actions de NSTEIN était « nécessaire dans le cours des affaires » de cet émetteur assujetti et que, par conséquent, cette opération était dispensée par le biais de l’exception prévue au paragraphe 187 (1°) et par l’effet du dernier alinéa de cet article de la Loi sur les valeurs mobilières.

[112]     À cet égard, les procureurs des intimés ont expliqué qu’en jumelant l’octroi d’options aux membres de la direction et à certains employés clés avec l’octroi des 225 000 options accordées à Marten den Haring, la direction de NSTEIN voulait limiter la divulgation publique au nombre total des options octroyées, soit 1 200 000, donc sans avoir à fournir le nombre d’options accordées à chaque individu[192], et ce, afin de ménager les sensibilités de chacune de ces personnes.

[113]     Dans leur plan d’argumentation, les procureurs des intimés expliquent le cœur de cette argumentation de la manière suivante: « Vu les sensibilités de chacun, il n’était évidemment pas souhaitable de divulguer l’octroi individuel reçu»[193].

[114]     Le Tribunal rappelle d’abord que le législateur a écrit le mot « nécessaire » dans le dernier alinéa de l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières et non le mot « souhaitable » utilisé par les procureurs des intimés pour décrire la nature et le motif de l’opération financière qu’ils considèrent dispensée de l’application d’un des articles les plus fondamentaux de cette loi.

[115]     Le Tribunal indique ensuite que, dans le cadre de l’application de l’article 187 de la Loi sur les valeurs mobilières, il ne considère pas le mot « souhaitable » ni le mot « utile » comme des synonymes du mot « nécessaire ».

[116]     Par ailleurs, dans le cas d’espèce qui nous concerne, le Tribunal ne peut considérer comme « nécessaire » une opération que les procureurs des intimés décrivent et que la preuve révèle, au mieux, comme étant essentiellement un paravent destiné à ménager les égos et les susceptibilités de certains employés de NSTEIN en occultant la divulgation publique du nombre d’options que chacun avait reçues.

[117]     Le ménagement des égos et des sensibilités des employés et des dirigeants d’émetteurs assujettis est-il plus important que le maintien d’un régime d’équité pour tous les investisseurs dans l’usage d’informations reliées aux émetteurs assujettis ? Le Tribunal répond à cette question par la négative en considérant, avant toute chose, l’intérêt public. 

[118]     À cet égard, le Tribunal est d’avis que s’il devait considérer une telle opération « comme nécessaire dans le cours des affaires » d’un émetteur assujetti, il ouvrirait la porte à ce qui pourrait être une multitude de stratagèmes de même nature dont les effets délétères serait de contourner l’application d’une obligation de la Loi sur les valeurs mobilières qui constitue l’assise même du régime d’équité en matière d’utilisation d’information mis en place par le législateur. Les conséquences d’une telle décision serait, de l’avis du Tribunal, rien de moins que désastreuse et le Tribunal n’est donc pas prêt à suivre cette voie.

[119]     Enfin, la preuve ne révèle pas l’existence d’un plan automatique, adopté avant les 27 et 28 novembre 2009[194] et prévoyant l’octroi d’un nombre précis d’options d’achat d’actions de NSTEIN le 4 janvier 2010 à tous les dirigeants et autres employés visés par la résolution du 4 janvier 2010 du Conseil d’administration de NSTEIN. On ne saurait donc, de l’avis du Tribunal, évoquer avec succès dans la présente affaire la dispense prévue au paragraphe 187 (2°) de la Loi sur les valeurs mobilières.

[120]     Le Tribunal a dûment noté que les intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch, André Courtemanche, A. Michel Lavigne, Colette Roy, Bruno Martel et Stéphanie Benoit n’ont fait preuve d’aucun repentir pour ce qui a trait aux infractions qui leur sont reprochées dans la présente affaire, lesquelles sont parmi les plus graves prévues à la Loi sur les valeurs mobilières. Qui plus est, ils ne reconnaissent même pas avoir commis ces infractions ce qui est particulièrement sérieux dans le cas de personnes ayant occupé les fonctions d’administrateurs et de dirigeants au sein d’émetteurs assujettis.

[121]     Le Tribunal est très préoccupé par cette situation, car s’il y a un groupe de personnes qui doit faire preuve d’un grand souci de respecter la Loi sur les valeurs mobilières et, en particulier, ses dispositions concernant l’usage d’information privilégiée, ce sont les administrateurs et dirigeants d’émetteurs assujettis qui, de par la nature stratégique de leurs fonctions, sont au cœur des activités de ces entreprises et ont accès à une quantité considérable d’informations de cette nature.

[122]     Le Tribunal souligne que la performance a une valeur fort relative si elle est dépourvue d’éthique. Pour le système financier, en particulier, l’absence d’éthique est un véritable poison qui mine la confiance des investisseurs.

[123]     Compte tenu de leur rôle phare au sein d’une économie de marché, les administrateurs et dirigeants d’entreprises - en cas de doute concernant la légalité ou même l’éthique d’une opération financière - devraient toujours opter pour la prudence et pour le respect des principes fondamentaux d’équité défendus par la loi, et ce, parce que les conséquences d’une infraction - notamment à la Loi sur les valeurs mobilières - sont souvent très lourdes à de nombreux égard, tant pour eux que pour l’entreprise qui les emploie que pour le public investisseur qui - à force d’entendre parler d’abus répétitifs dans les médias contemporains très efficaces à relayer la nouvelle - finit par douter de l’intégrité même de l’ensemble du système financier.

[124]     Par ailleurs, au-delà du simple respect de la lettre de la loi, ces administrateurs et dirigeants de même que ceux qui les nomment devraient sérieusement réfléchir à ce que serait un environnement financier dans lequel les règles d’éthique se dégraderaient au point où la confiance n’existerait plus à aucun niveau. L’exemple doit venir d’en haut et cet exemple doit être le bon.

[125]      Compte tenu de la nature particulièrement grave des infractions dont le Tribunal tient responsables les intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch, André Courtemanche, A. Michel Lavigne, Colette Roy, Bruno Martel et Stéphanie Benoit, de leur absence complète de repentir et des postes stratégiques de direction qu’ils ont occupés durant la période des faits reprochés, le Tribunal estime qu’il est essentiel de prendre des mesures appropriées pour protéger le public investisseur et assurer l’intégrité des marchés.

[126]     À cet égard, le Tribunal est d’avis que - dans l’intérêt public - des mesures dissuasives doivent être prises afin d’inciter les intimés susmentionnés à ne pas commettre à nouveau les infractions qui leur sont reprochées dans la présente affaire et afin de faire passer un message clair à l’ensemble des intervenants sur la place financière à l’effet que ces infractions sont inacceptables et ne seront pas tolérées.

[127]     Compte tenu de ce qui précède et après avoir tenu compte de l’argumentation et de la jurisprudence présentées par les parties, le Tribunal  est d’avis que les pénalités administratives demandés par l’Autorité[195] - conformément à l’article 273.1 de la Loi sur les valeurs mobilières - sont raisonnables, notamment eu égard à la gravité des gestes posés, à l’ampleur des sommes en jeux et aux responsabilités importantes exercées par les intimés.  

[128]     Par ailleurs, le Tribunal a pris note des aveux de l’intimé Pierre Légaré à l’égard des infractions qui lui sont reprochés, du repentir qu’il a exprimé et de la collaboration dont il a fait preuve dans la présente affaire et, en conséquence, est prêt à lui imposer la pénalité administrative recommandée dans l’entente qu’il a conclue avec l’Autorité[196].

[129]     En résumé,  après avoir dûment considéré l’ensemble de l’argumentation et de la documentation présenté par les parties, le Tribunal considère prépondérante la preuve présentée par l’Autorité et appropriées les mesures demandées par celle-ci à l’encontre des intimés.

DISPOSITIF

POUR CES MOTIFS, dans l’intérêt public, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 187, 188, 189, 189.1 et 273.1 de la Loi sur les valeurs mobilières[197] et de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[198]  :

IMPOSE à l’intimé Luc Filiatreault une pénalité administrative de 180 000 $;

IMPOSE à l’intimé Bruno Martel une pénalité administrative de 72 000 $;

IMPOSE à l’intimée Stéphanie Benoit une pénalité administrative de 36 000 $;

IMPOSE à l’intimé Pierre Donaldson une pénalité administrative de 30 000 $;

IMPOSE à l’intimé Rainer Busch une pénalité administrative de 20 000 $;

IMPOSE à l’intimé Michel Lozeau une pénalité administrative de 20 000 $;

IMPOSE à l’intimé A. Michel Lavigne une pénalité administrative de 20 000 $;

IMPOSE à l’intimée Colette Roy une pénalité administrative de 20 000 $;

IMPOSE à l’intimé André Courtemanche une pénalité administrative de 20 000 $;

IMPOSE à l’intimé Pierre Légaré une pénalité administrative de 23 500 $, payable dans les dix jours de la présente décision;

AUTORISE l’Autorité des marchés financiers à percevoir les pénalités administratives susmentionnées.

 

 

 

 

 

Me Jean-Pierre Cristel, vice-président

 

 

Me Stéphanie Jolin et Me Marianna Ferraro

(Contentieux de l’Autorité des marchés financiers)

Procureur de l’Autorité des marchés financiers, partie demanderesse

 

Me Stéphanie Lapierre et Me Brandon Farber

(Fasken Martineau DuMoulin s.e.n.c.r.l.)

Procureur de Luc Filiatreault, Bruno Martel, Stéphanie Benoit, Rainer Busch, André Courtemanche, Pierre Donaldson, A. Michel Lavigne, Michel Lozeau et Colette Roy, parties intimées

 

Me Audrey Létourneau

(Létourneau Gagné Avocats)

Procureure de Pierre Légaré, partie intimée

 

Dates de l’audience :

4, 7, 8, 9, 10, 14 et 18 décembre 2015 et 14 et 15 janvier 2016

 



[1]     Loi concernant principalement la mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 26 mars 2015, L.Q. 2016, c.7, art. 171 à 180 par le truchement de l’article 225, al. 1, par. 3.

[2]     Dans les paragraphes subséquents, l’expression « Tribunal » est substituée à l’expression « Bureau », et ce, même lorsque l’on réfère à un fait survenu antérieurement au 18 juillet 2016.

[3]     RLRQ, c. A-33.2.

[4]     RLRQ, c. V-1.1.

[5]     Autorité des marchés financiers c. Busch, 2014 QCBDR 147 (rectifiée le 13 novembre 2014 par la décision 2014-043-003); Autorité des marchés financiers c. Lozeau, 2014 QCBDR 148 (rectifiée le 13 novembre 2014 par la décision 2014-043-003).

[6]     Président directeur général.

[7]     Pièce D-95 déposée par l’Autorité.

[8]     Président directeur général

[9]     Au sens de l’article 89 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[10]    Un émetteur assujetti au Québec en vertu de l’article 68 de la Loi sur les valeurs mobilière, préc., note 4. 

[11]    Au sens de l’article 5 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[12]    Pièce D-79 déposée par l’Autorité.

[13]    Préc., note 4.

[14]    Par le truchement de l’article 187.

[15]    Préc., note 4.

[16]    Id.

[17]    Pièce D-95 déposée par l’Autorité.

[18]    Par le truchement de l’article 187.

[19]    Pièce D-68 déposée par l’Autorité.

[20]    Pièce I-57 déposée par les procureurs des intimés (hormis l’intimé Pierre Légaré).

[21]    Pièces I-58 et I-59 déposées par les procureurs des intimés (hormis l’intimé Pierre Légaré).

[22]    Pièce D-47 déposée par l’Autorité.

[23]    Pièces D-18 et D-86 déposées par l’Autorité.

[24]    Pièce D-86 déposée par l’Autorité.

[25]    Pièces D-79, D-83 et D-86 déposées par l’Autorité.

[26]    L’intimé Luc Filiatreault était aussi un membre du Conseil d’administration de NSTEIN.

[27]    Pièce D-84 déposée par l’Autorité.

[28]    Voir le paragraphe 14 de la présente décision pour ce qui a trait à la pénalité administrative demandée par l’Autorité à l’encontre de l’intimé Pierre Légaré.

[29]    Pièce D-83 déposée par l’Autorité (pages 4, 6 et 18).

[30]    Pièce D-83 déposée par l’Autorité (pages 4, 6 et 18).

[31]    Pièce D-83 déposée par l’Autorité (pages 4, 6 et 18).

[32]    0.65 $ (prix offert par Open Text pour les actions de NSTEIN) moins 0.29 $ (prix payé pour les actions de NSTEIN en vertu des options accordées) = 0.36 $ X 1 200 000 options = 432 000 $

[33]    Pièce D-36 déposée par l’Autorité.

[34]    Paragraphe 229 du plan d’argumentation des procureurs des intimés (hormis Pierre Légaré).

[35]    Pièces D-22 et D-86 déposées par l’Autorité, page 3.

[36]    Pièce D-47 déposée par l’Autorité.

[37]    Pages 48 à 55 de la transcription de l’audience du 4 décembre 2015, témoignage de l’enquêteur de l’Autorité Pierre Hamelin.

[38]    Autorité des marchés financiers c. Dominic Côté, 2010 QCBDRVM 8.

[39]    Autorité des marchés financiers c. Dominic Côté, 2012 QCBDRVM 56, paragraphe 6.

[40]    Pièce D-86, page 12, déposée par l’Autorité.

[41]    Pièce D-83, page 11 et pièce D-86, page 2, déposées par l’Autorité.

[42]    Page 50 de la transcription de l’audience du 4 décembre 2015, témoignage de l’enquêteur de l’Autorité Pierre Hamelin et pièce D-83, pages 4 et 13, de même que pièce D-86, page 10, déposées par l’Autorité.

[43]    Pièce D-48 déposée par l’Autorité.

[44]    Article 89 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[45]    Article 68 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[46]    Soit 31500 actions personnellement et 20000 actions via sa société de gestion, paragraphe 3 de l’affidavit de Pierre Légaré, pièce D-95 déposée par l’Autorité.

[47]    Pièce D-79 déposée par l’Autorité.

[48]    Pièces D-76 et D-77 déposées par l’Autorité.

[49]    Pièce D-95 déposée par l’Autorité.

[50]    Pièce D-95 déposée par l’Autorité, paragraphe 4.

[51]    Pièce D-95 déposée par l’Autorité, paragraphe 5.

[52]    Pièce D-95 déposée par l’Autorité, paragraphe 6.

[53]    Pièces D-91 et D-93 déposées par l’Autorité.

[54]    Pièces I-57, I-58 et I-59 déposées par les procureurs de l’intimé Luc Filiatreault.

[55]    Pièce I-57 déposée par les procureurs de l’intimé Luc Filiatreault.

[56]    Transcription de l’audience du 9 décembre 2015, page 84, témoignage de l’intimé Pierre Légaré.

[57]    Pièce I-58 déposée par les procureurs de l’intimé Luc Filiatreault.

[58]    Il n’est pas contesté par les intimés que, durant la période des faits reprochés dans la présente affaire,  NSTEIN était un émetteur assujetti et que l’intimé Luc Filiatreault était un initié au sens des articles 68 et 89 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[59]    Pièce D-79 déposée par l’Autorité.

[60]    La preuve révèle que, durant cette période, NSTEIN a reçu une première lettre d’intention confidentielle d’Open Text le 20 janvier 2010, laquelle fut bonifiée par une seconde lettre d’intention confidentielle d’Open Text reçue le 27 janvier 2010. Cette seconde lettre d’intention fut acceptée par NSTEIN le 29 janvier 2010 et dûment signée par son PDG, l’intimé Luc Filiatreault le même jour. Pour une raison technique, une nouvelle version de la lettre d’intention du 27 février 2010 d’Open Text fut préparée et datée du 1er février 2010 et les deux parties y ont apposé leurs signatures. L’intimé Luc Filiatreault y a apposé sa signature, à titre de PDG de NSTEIN, le 2 février 2010 (Pièces D-55, D-61, D-66 et D-68 déposées par l’Autorité). Le Tribunal rappelle que c’est le 3 février 2010 que l’intimé Luc Filiatreault a transmis à l’intimé Luc Légaré le courriel qui est mentionné au paragraphe 55 de la présente décision (Voir la séquence chronologique des évènements pertinents qui est présentée au paragraphe 75 de la présente décision).

[61]    2010 QCBDRVM 12, p. 11.

[62]    À cet égard, le Tribunal invite les sceptiques et les intéressés à une lecture attentive du Final Report of the National Commission on the Causes of the Financial and Economic Crisis in the United States (The Financial Crisis Inquiry Report, Official Government Edition, January 2011, ISBN 978-0-16-087727-8). Les effets dévastateurs d’une perte de confiance dans certains marchés y sont abondamment décrits. À cet égard, le Tribunal souligne que certains de ces effets se font encore sentir aujourd’hui.

[63]    Préc., note 4.

[64]   Résolution du Conseil d’administration de NSTEIN datée du 4 janvier 2010 (Pièce D-47 déposée par l’Autorité).

[65]    Le 27 novembre 2009, une rencontre s’est tenue entre l’intimée Luc Filiatreault, alors PDG de NSTEIN,  et Thomas Jenkins, principal dirigeant d’Open Text, durant laquelle l’acquisition de NSTEIN par Open Text fut une première fois évoquée par Thomas Jenkins (Pièce D-18 déposée par l’Autorité), Le 28 novembre 2009, Thomas Jenkins a communiqué avec l’intimé Luc Filiatreault et lui a présenté une proposition verbale visant une acquisition éventuelle de NSTEIN par Open Text en mentionnant une prime probable de 80 % à 100% par rapport au cours des actions de NSTEIN qui se situait alors entre 0.30 $ et 0.35 $ l’action (Pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 2).   

[66]    Le 22 février 2010, l’acquisition de toutes les actions de NSTEIN par Open Text fut publiquement annoncée, et ce, au prix de 0,65 $ l’action (Pièce D-79 déposée par l’Autorité).

[67]    Président directeur général (« PDG ») de NSTEIN.

[68]    Chef de la direction financière de NSTEIN.

[69]    Directrice des affaires juridiques et secrétaire corporative de NSTEIN.

[70]    L’intimé Luc Filiatreault a reçu 200 000 options de NSTEIN, l’intimé Bruno martel a reçu 100 000 options de NSTEIN et l’intimée Stéphanie Benoit a reçu 50 000 options de NSTEIN (Pièce D-47 déposée par l’Autorité).

[71]    Pièce D-83 déposée par l’Autorité, pages 4, 6 et 18.

[72]    L’intimé Luc Filiatreaul a donc reçu une compensation financière de 72 000 $, l’intimé Bruno Martel a pour sa part reçu une compensation financière de 36 000 $, et l’intimée Stéphanie Benoit en a reçu une de 18 000 $.

[73]    Le tout contrairement à l’article 189.1 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[74]    Desimone v. Barrows, 924 A.2d 908, 918 (Del. Ch 2007) p. 7 (Onglet 31 des notes et autorités déposées par les procureures de l’Autorité).

[75]    2010 QCBDRVM 8.

[76]    Id., paragraphes 15 à 19.

[77]    Voir la note 62.

[78]    Pièce D-86 présentée par l’Autorité, page 2

[79]    Pièce D-93, pages 12 à 14 (Interrogatoire en cours d’enquête de l’intimé Luc Filiatrault le 31 janvier 2013).

[80]    Le 12 novembre 2009, NSTEIN diffuse d’ailleurs un communiqué de presse annonçant ses résultats financier pour le troisième trimestre de 2009 (Pièce D-101 déposée par l’Autorité). Dans ce document, NSTEIN rapporte notamment que :

      « Les revenus de Nstein pour le troisième trimestre 2009 se sont chiffrés à 4,6M$, en baisse de 17% comparativement à 5,6M$ un an plus tôt. La Société a affiché une perte avant frais financiers, impôts sur les bénéfices, amortissements, perte de change et frais de restructuration (BAllA) de 823 915$, pratiquement inchangée par rapport à un BAllA négatif de $18 202$ pour le troisième trimestre 2008. La perte nette s’est établie à      1 298 145$ ou 0,025$ par action, comparativement à une perte nette de 1 056 073$ ou 0,021$ par action pour la même période de l’année précédente. »

      (Soulignement ajouté)

[81]    Pièce D-16 déposée par l’Autorité (3e document). Il convient de rappeler que la date du 21 janvier 2008 apparaissant sur ce document fut corrigée pour le 21 janvier 2009 avec le consentement des parties.

[82]    Alors que l’action de NSTEIN valait 0.99 $ le 2 avril 2008, son prix ne s’établissait plus qu’à 0.57 $ le 30 septembre 2008 et à 0.315 $ le 9 novembre 2009 (Pièce D-94 déposée par l’Autorité).

[83]    Pièce D-16 déposée par l’Autorité, 3e document (« NSTEIN - Stratégie 2009-2011, page 21).

[84]    Pièce D-96 déposée par l’Autorité et témoignage de Jane Mowat lors de l’audience du 4 décembre 2015.

[85]    Pièce D-17 déposée par l’Autorité.

[86]    L’intimé Luc Filiatreault.

[87]    Jean Michel Texier.

[88]    L’intimé Bruno Martel qui était alors le Chef de la direction financière de NSTEIN.

[89]    Pièce D-18 déposée par l’Autorité (courriel du 27 novembre 2009 à 14:35:37).

[90]    Pièce D-18 déposée par l’Autorité (courriel du 27 novembre 2009 à 14:48:11). Le 27 novembre 2009 le titre de NSTEIN a clôturé à 0.33 $ l’action (Pièce D-94 déposée par l’Autorité). Le prix final offert par Open Text pour l’acquisition de NSTEIN fut de 0.65 $ l’action (Pièce D-83 déposée par l’Autorité).

[91]    Pièce D-18 déposée par l’Autorité (courriel du 27 novembre 2009 à 15:16:57).

[92]    Pièce D-18 déposée par l’Autorité (courriel du 27 novembre 2009 à 16:54).

[93]    Pièces D-83 déposée par l’Autorité, page 11, et Pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 2.

[94]    Pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 2.

[95]    Pièces D-20, D-21 et D-22 déposées par l’Autorité.

[96]    Pièce D-24 déposée par l’Autorité, courriel de Jane Mowat du 1er décembre 2009 à 19:13:08.

[97]    Pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 3.

[98]    Pièce D-24 déposée par l’Autorité, courriel du 2 Décembre 2009  à 08:35 de l’intimé Luc Filiatreault à Jane Mowat.

[99]    Pièce D-23 déposée par l’Autorité (premier document) et pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 3.

[100]   Pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 3.

[101]   Pièce D-26 déposée par l’Autorité, courriel de l’intimé Pierre Donaldson du 4 décembre 2009 à 15:37.

[102]   Dont le coût d’acquisition moyen des actions de NSTEIN était de 0.88$ l’action (Témoignage de l’intimé Pierre Donaldson lors de l’audience du 18 décembre 2015, page 22, et Pièce I-51 déposée par les procureurs des intimés).

[103]   0.60 $ par action de NSTEIN.

[104]   Scott Monro, « Managing Director » de Pagemill.

[105]   Pièce D-27 déposée par l’Autorité, page 2.

[106]   Pièce D-27 déposée par l’Autorité.

[107]   Pièce D-28 déposée par l’Autorité.

[108]   Pièce D-28 déposée par l’Autorité.

[109]   Pièce D-29 déposée par l’Autorité.

[110]   Pièce D-71 déposée par l’Autorité (Rapport confidentiel de Pagemill du 28 janvier 2010 intitulé « Nstein Board of Director’s Update », page 2).

[111]   Pièce D-30 déposée par l’Autorité.

[112]   Pièce D-31 déposée par l’Autorité.

[113]   Le Tribunal rappelle que « Blakes » est le mot de code retenu par NSTEIN et Open Text pour désigner le projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text (voir note 98).

[114]   Pièce D-33 déposée par l’Autorité.

[115]   Pièce D-35 déposée par l’Autorité.

[116]   Pièce D-35 déposée par l’Autorité.

[117]   L’intimé Luc Filiatreault.

[118]   Pièce D-36 déposée par l’Autorité.

[119]   Scott Monro, « Managing Director » de Pagemill.

[120]   Le 11 décembre 2009.

[121]   Marten den Haring.

[122]   Pièce D-71 déposée par l’Autorité.

[123]   Pièce D-97 déposée par l’Autorité.

[124]   Pièce D-40 déposée par l’Autorité.

[125]   Pièce D-41 déposée par l’Autorité.

[126]   Pièce D-42 déposée par l’Autorité.

[127]   Pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 5.

[128]   Pièce D-72 déposée par l’Autorité.

[129]  Pièce D-84 déposée par l’Autorité.

[130]   Pièce D-83 déposée par l’Autorité, page 4.

[131]   Pièce D-45 déposée par l’Autorité.

[132]   Pièce D-47 déposée par l’Autorité.

[133]   Pièce D-47 déposée par l’Autorité.

[134]   Soit le 31 décembre 2009 (Pièce D-94 déposée par l’Autorité).

[135]   Le Tribunal rappelle que « Blakes » est le mot de code retenu par NSTEIN et Open Text pour désigner le projet d’acquisition de NSTEIN par Open Text.(voir note 98).

[136]   Pièce D-47 déposée par l’Autorité.

[137]   Pièce D-48 déposée par l’Autorité.

[138]   Pièce D-51 déposée par l’Autorité.

[139]   Pièce D-83 déposée par l’Autorité, page 4.

[140]   Pièce D-53 déposée par l’Autorité.

[141]   Pièce D-55 déposée par l’Autorité.

[142]   Pièce D-94 déposée par l’Autorité.

[143]   Pièce D-54 déposée par l’Autorité.

[144]   Pièces D-61 et D-67 déposées par l’Autorité.

[145]   Pièce D-94 déposée par l’Autorité.

[146]   Pièce D-66 déposée par L’Autorité, dernier document.

[147]   Pièces D-68 déposée par l’Autorité.

[148]   Pièce I-57 déposée par les procureurs de l’intimé Luc Filiatreault (voir le paragraphe 55 de la présente décision).

[149]   Pièce I-58 déposée par les procureurs de l’intimé Luc Filiatreault.(voir le paragraphe 57 de la présente décision).

[150]   Pièce I-59 déposée par les procureurs de l’intimé Luc Filiatreault.

[151]   Pièce D-95 déposée par l’Autorité.

[152]   Pièce D-78 déposée par l’Autorité (denier document).

[153]   Pièces D-75 et D-78 déposées par l’Autorité.

[154]   Pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 10.

[155]   Pièce D-79 déposée par l’Autorité

[156]   Pièce D-95 déposée par l’Autorité.

[157]   Pièce D-83 déposée par l’Autorité.

[158]   Pièce D-83 déposée par l’Autorité, page 4 de la circulaire de sollicitation de procuration de la direction de NSTEIN.

[159]   Pièce D-83 déposée par l’Autorité, pages 6 (« Régime d’options d’achat d’actions ») et page 18 (notamment les sous-paragraphes ii et iv).

[160]   Pièces D-66 et D-78 déposées par l’Autorité

[161]   Pièce D-47 déposée par l’Autorité.

[162]   Pièces D-80, D-81 et D-82 déposées par l’Autorité.

[163]   Parmi les entreprises incluses sur cette liste : IBM, Microsoft, Oracle, Bloomberg, Dow Jones, Adobe et Standard & Poor’s. Voir la pièce D-16 déposée par l’Autorité, page 21.

[164]   Article 5 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[165]   Voir en particulier le paragraphe 75 de la présente décision.

[166]   Incluant le PDG de NSTEIN, l’intimé Luc Filiatreault, qui était alors aussi membre du Conseil d’administration de cet émetteur assujetti.

[167]   Notamment pour ce qui a trait à l’octroi et émission d’options d’achat de ses actions.

[168]   Article 89 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[169]   Article 68 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[170]   Les options d’achat d’actions sont des valeurs mobilières reconnues comme telle dans le commerce et par conséquent sont assujetties aux dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières (article 1 de cette loi).

[171]   Le Tribunal considère que les intimés Bruno Martel, Chef de la direction financière, et Stéphanie Benoît, Directrice des affaires juridiques et secrétaire corporative, sont des dirigeants de NSTEIN et donc des initiés en vertu de l’article 89 de la Loi sur les valeurs mobilières. Par ailleurs, le Tribunal rappelle que les obligations de l’article 187 sont étendues à toutes les personnes visées par l’article 189 de la Loi sur les valeurs mobilières, préc., note 4.

[172]   Pièce D-86 déposée par l’Autorité, page 11.

[173]   Voir les paragraphes 73 et 74 de la présente décision.

[174]   Pièces D-66 et D-78 déposées par l’Autorité.

[175]   Pièce D-83 déposée par l’Autorité, page 18.

[176]   L’intimé Luc Filiatreault, PDG de NSTEIN, a reçu 72 000 $. L’intimé Bruno Martel, Chef de la direction financière de NSTEIN, a reçu 36 000 $. L’intimée Stéphanie benoit, Directrice des affaires juridiques et secrétaire corporative, a reçu 18 000 $.

[177] Voir les paragraphes 71 et 72 de la présente décision.

 

[178]   Voir les paragraphes 90 et 91 de la présente décision.

[179]   Pièce D-17 déposée par l’Autorité.

[180]   L’intimé Luc Filiatreault.

[181]   Témoignage de l’intimé Pierre Donaldson durant l’audience du 18 décembre 2015, pages 67, 68 et 69 de la transcription.

[182]   Pièce D-47 déposée par l’Autorité et paragraphe 75 de la présente décision.

[183]   Plan d’argumentation des procureurs des intimés, page 87, Section J.

[184]   Pièce D-47 déposée par l’Autorité.

[185]   Soit les intimés Luc Filiatreault, Pierre Donaldson, Michel Lozeau, Rainer Busch,

André Courtemanche, A. Michel Lavigne et Colette Roy.

[186]   Pièce I-42 déposée par les procureurs des intimés, page 8 (laquelle ne porte aucune signature).

[187]   Pièce I-76 déposée par les procureurs des intimés, clause 3.3.

[188]   Pièce I-42 déposée par les procureurs des intimés, page 8, et Pièce I-76 déposée par les procureurs des intimés, clause 1.3.

[189]   Pièce D-47 déposée par l’Autorité.

[190]   Pièce I-42 déposée par les procureurs des intimés, page 8 (laquelle ne porte aucune signature).

[191]   Pièce I-76 déposée par les procureurs des intimés, clause 3.3.

[192]   Pièce D-36 déposée par l’Autorité.

[193]   Paragraphe 229 du plan d’argumentation des procureurs des intimés (hormis Pierre Légaré).

[194]   Dates durant lesquelles Thomas Jenkins, le principal dirigeant d’Open Text, présenta à l’intimé Luc Filiatreault, alors PDG de NSTEIN, son offre verbale reliée à l’acquisition de NSTEIN par Open Text.

[195]   Voir les paragraphes 31 à 34 et 67 de la présente décision.

[196]   Voir le paragraphe 67 de la présente décision.

[197]   Préc., note 4.

[198]   Préc., note 3.

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