Décision

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Entreprises MTY Tiki Ming inc

Entreprises MTY Tiki Ming inc. c. McDuff

2008 QCCS 4898

JM2232

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-031750-063

 

 

 

DATE :

Le 22 octobre 2008

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

PAUL MAYER, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

LES ENTREPRISES MTY TIKI MING INC.

Demanderesse

 

c.

 

JEANNE MCDUFF

et

9081-8840 QUÉBEC INC.

Défenderesses

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                             Les Entreprises MTY Tiki Ming Inc. (« MTY ») réclame la somme de 166,278.89 $, solidairement à 9081-8840 Québec Inc. (« 9081 ») et Madame Jeanne McDuff (« McDuff »), aux termes d'une offre d'achat d'une franchise d'un bar laitier « La Crémière » (la « franchise »), d'une convention de franchise et d'une convention de sous-location pour des lieux situés dans un centre commercial à Pointe-aux-Trembles (les « contrats »).

[2]                9081 et McDuff contestent cette réclamation.  Elles demandent à cette Cour de:

a)                 résilier les contrats;

b)                 rembourser les sommes payées pour l'achat de la franchise, soit 59 256,25 $;

c)                  rembourser les investissements qu'elles ont faits pour instaurer la franchise qui s'élève à 10 000 $;

d)                 condamner MTY à leur verser 25 000 $ à titre de dommages et intérêts; et

e)                 condamner MTY de prendre faits et causes pour elles et de les tenir indemnes de toute réclamation qui pourrait survenir de la part des fournisseurs relativement à la franchise.

1-         LES FAITS

[3]                Chacune des parties a sa propre version des faits.  Voici celle que le Tribunal retient.

[4]                En 2001, McDuff a 33 ans.  Elle est mariée et a des enfants.

[5]                Elle est propriétaire depuis deux ans d'un commerce comportant un dépanneur Boni-Soir, un comptoir postal, un salon de bronzage et un centre de location de jeux et films vidéo, situé dans un centre commercial à Châteauguay.  McDuff gère 27 employés.  Les choses vont bien.

[6]                Tragiquement, le 2 mai 2001, elle est victime d'un grave accident de la route lors duquel, elle perd son mari et un fils.

[7]                Elle a le thorax écrasé et perd la mémoire pour un certain temps.  Elle se dit « coupée de la réalité ».  Sa période de convalescence est longue et pénible.

[8]                McDuff se remet de son deuil et de ses blessures.  C'est une femme de caractère.

[9]                Elle vend son commerce et obtient une indemnité de remplacement de revenus qui lui ait versé toutes les deux semaines par la Société de l'assurance automobile du Québec (« SAAQ. »).  Elle se bat pour refaire sa vie.

[10]           Quatre ans après ce malheureux accident, en novembre 2005, elle rencontre un psychiatre mandaté par la SAAQ afin d'évaluer si elle est capable d'exercer un emploi et ce, afin de faciliter son retour à une vie normale.

[11]           Ce dernier détermine que les symptômes psychologiques en relation avec les blessures subies lors de l'accident ont encore un impact sur le fonctionnement personnel, familial et social de McDuff.  Il note qu'il y a de la tristesse ou perte d'intérêt, de l'asthénie, des troubles de concentration et une estime de soi diminuée.

[12]           Il recommande le maintien de la nombreuse médication en cours afin de « poursuivre et de maintenir les gains récemment apparus et favoriser la rémission complète ».

[13]           Le psychiatre note dans son rapport qu'après avoir pris connaissance des exigences et contraintes mentionnées dans une telle description de tâches, il est d'avis que McDuff ne peut exercer un emploi comme auparavant en tant que propriétaire, gérante et gestionnaire et ce, de façon permanente, à cause des limitations fonctionnelles qu'il a notées.

[14]           Il recommande que McDuff ait accès à des services de conseillers en réorientation professionnelle afin de l'aider à se trouver un emploi qui respecterait ses limitations fonctionnelles.

[15]           Il note qu'un emploi, comme entraîneur professionnel en conditionnement physique, apparaît comme un emploi qui respecterait ses limitations.

[16]           En décembre, un conseiller en réadaptation est nommé pour traiter son dossier et afin de l'aider à se trouver un emploi qui respecterait ses limitations fonctionnelles.

[17]           Au mois de mars 2006, il est déterminé que McDuff pourra dorénavant occuper un emploi de « commis-bibliothécaire à demi-temps ».

[18]           On l'avise que son indemnité de revenus continuera de lui être versée pendant encore une année.  Conséquemment, à compter de mars 2007, son indemnité sera diminuée par le revenu net que McDuff obtiendra d'un emploi ou qu'elle pourrait retirer de l'emploi à demi-temps mentionné ci-avant.

[19]           Selon McDuff, elle s'ennuie à la maison.  Elle désire retourner au travail et reprendre la vie qu'elle avait avant l'accident qui a tout changé son existence.

[20]           Elle voit sur Internet une annonce portant sur la franchise.

1.1       Signature des contrats

[21]           Sur les circonstances qui ont mené les parties à signer les contrats, les versions sont contradictoires et il y a lieu de les relater distinctement.

1.1.1   La version de MTY

[22]           Monsieur André Casavant (« Casavant »), directeur général de « La Crémière » pour MTY, relate qu'il a reçu un appel téléphonique de McDuff le 9 février 2006 lui manifestant son intérêt d'acquérir une franchise, en précisant qu'elle cherche un site saisonnier.

[23]           On lui explique qu'il existe un projet en cours situé à Pointe-aux-Trembles.  McDuff lui fait part de ses antécédents comme femme d'affaires.  Elle explique qu'elle veut engager un gérant, quelqu'un qui a travaillé pour elle auparavant.

[24]           Casavant exprime une réserve concernant le fait que McDuff habite à St-Hubert et que le site est situé à Pointe-aux-Trembles.

[25]           Elle lui explique que ce n'est pas un problème puisqu'elle a mis sa maison en vente.

[26]           On lui fait parvenir un portfolio décrivant les différentes bannières du groupe MTY ainsi qu'un pro forma sur le site en question et un formulaire de renseignements personnels afin que MTY puisse déterminer si McDuff a l'expérience et la capacité financière pour acheter la franchise.

[27]           McDuff remet le formulaire de renseignements personnels dûment complété à Casavant, en mains propres, le 16 février.   Elle lui confirme avoir visité les lieux de la franchise et qu'elle est enchantée par le site.

[28]           À ce moment-là, Casavant lui explique les différentes étapes à suivre ainsi que les particularités de la franchise, incluant notamment, le système de royauté payable sur les produits achetés auprès du fournisseur indépendant, Multi Plus DM Inc. (« Multi Plus ».

[29]           Il lui remet, pour sa lecture, un bottin de commandes de produits, un projet d'offre d'achat, un contrat de franchise (incluant un cautionnement personnel) et un contrat de convention de sous-location.  On lui suggère de consulter un avocat ou un notaire.

[30]           On lui parle des exigences d'assurances, de la possibilité de financer l'achat avec la Banque Toronto Dominion et de la réunion des franchisés prévue à la mi-mars.  Elle offre de faire un dépôt.  McDuff demande à Casavant si elle peut amener son gérant à l'assemblée des franchisés?  « Bien sûr, bonne idée ».

[31]           On lui explique la nature d'un projet « clés en main ».

[32]           Casavant trouve que McDuff et une femme en forme, « peppy » et plein d'enthousiasme.

[33]           Une rencontre est prévue pour le 21 février afin de procéder à la signature des projets des contrats.

[34]           Effectivement, le 21 février chaque page est paraphée et les contrats sont signés.  McDuff signe « tel quel ».  Les documents ne sont pas négociés.  Il n'y a eu aucun changement apporté, même pas une virgule.

[35]           Une autre réunion a lieu le 1er mars, à laquelle les documents maintenant signés par le cosignataire et le président de MTY lui sont remis.  « Bienvenue dans la famille! ».

1.1.2   La version de McDuff

[36]           Quant à McDuff elle a une tout autre version des faits.

[37]           McDuff témoigne qu'elle a téléphoné Casavant le 14 février.  Elle s'en souvient, car Casavant lui a dit qu'il avait rendez-vous pour fêter l'occasion.

[38]           Suite à cette conversation téléphonique, Casavant lui télécopie le document de renseignements personnels qu'il lui demande de compléter et de lui retourner le ou avant le 17 février.

[39]           Elle complète le document et le transmet par télécopieur à Casavant le 16 février.

[40]           Elle annexe au document une série de documents relatifs à son bilan financier personnel démontrant un avoir net approximatif de 600 000 $.  Elle annexe aussi son contrat de courtage relativement à la vente de sa maison et une copie du contrat notarié pour la vente de son commerce, daté de 2001, lequel indique le nom de sa compagnie.

[41]           Elle visite le site qu'elle trouve très intéressant.  Elle relate qu'elle fut probablement « trop emballée ».  C'est une chance pour refaire sa vie.

[42]           Selon elle, lors de la rencontre du 21 février, elle reparle à Casavant de son accident et lui remet le rapport émanant de son psychiatre qui établit ses limitations fonctionnelles.  Elle dit qu'il le feuillette mais ne s'en fait pas de copie.

[43]           Casavant lui indique que la franchise sera idéale pour elle étant donné ses limitations fonctionnelles puisque c'est un projet « clés en main », ce qui veut dire qu'elle n'aura pas « à lever une cuillère ».

[44]           De plus, il l'informe qu'elle sera formée et prête à travailler pour l'ouverture et qu'elle aura tout le soutien nécessaire à la bonne gestion de l'entreprise d'un bar laitier.

[45]           Casavant lui dit que le bar laitier sera livré pour l'ouverture le 1er avril.

[46]           McDuff témoigne également qu'elle est seule dans le bureau avec Casavant et que la porte est fermée.  Sur une table ronde, il y a quatre piles de documents.

[47]           Elle remarque que son nom et celui-ci de sa compagnie sont déjà complétés.  Casavant lui décrit brièvement les documents.

[48]           Elle relate aujourd'hui qu'elle n'était qu'au début de ses recherches et qu'elle avait encore un an pour se trouver un emploi.

[49]           Casavant lui dit que si elle ne profite pas cette chance, il pourrait s'écouler cinq années avant qu'il puisse lui offrir une autre franchise.  Elle lui demande si elle pouvait voir un autre site et il lui répond par la négative.  Il lui dit qu'il faut prendre l'opportunité maintenant.  Elle témoigne qu'elle sent une pression « fortement importante ».  Selon elle, Casavant lui dit qu'il faut signer immédiatement pour pouvoir ouvrir le 1er avril.

[50]           Elle dit qu'elle a été imprudente.  « Ça presse ».  Casavant tourne les pages rapidement.  Elle signe et paraphe chaque page de tous les documents.

[51]           Elle reconnaît avoir signé le cautionnement.  Elle dit que c'est tout à fait normal dans les circonstances.

[52]           Une fois les quatre copies exécutées, Casavant est reparti avec celles-ci.  Il fixe un rendez-vous avec McDuff pour le 1er mars et lui rappelle ne pas oublier d'apporter son premier dépôt de 10 000 $.

[53]           L'offre d'achat de la franchise stipule un prix d'achat de 188 756,25 $.  Elle est conditionnelle à l'obtention d'un prêt bancaire à être confirmé avant le 10 mars.  Un deuxième dépôt de 49 256,25 $ est payable à l'acceptation du prêt.  La balance est due à la prise de possession des locaux vers le 30 mars.

[54]           L'offre stipule que si jamais McDuff désire annuler ou résilier l'offre d'achat, MTY a le droit de retenir le dépôt à titre de dommages.

[55]           Le premier dépôt fût remis le 1er mars.  À ce moment-là, on lui remet une copie des documents signés.

[56]           Une fois qu'elle reçoit les documents signés, McDuff consulte son comptable pour obtenir des explications concernant la convention de sous-location puisque certains termes lui sont nébuleux.

[57]           Entre le 10 et le 15 mars McDuff obtient le financement requis auprès de sa propre institution financière puisque, selon son témoignage, elle était « préapprouvée » pour un prêt.

[58]           Elle remet le deuxième dépôt le 22 mars.  À ce moment, McDuff dit qu'elle était confiante.  En fait, « j'étais emballée ».

[59]           Le 30 mars, une conseillère en formation de « La Crémière », Madame Linda Desjardins (« Desjardins »), transmet une série de documents à McDuff, incluant un manuel d'opérations, une liste de tâches à faire et un horaire de formation en blanc.

[60]           Entre-temps, MTY fait face à des problèmes pour obtenir possession des lieux loués.  Le bailleur éprouve des difficultés à finaliser une entente de départ avec les anciens locataires et à obtenir un permis de démolition.

[61]           Finalement, le 12 avril MTY obtient possession des lieux loués.  Elle commence les améliorations locatives le lendemain.

1.2       Formation

[62]           Tout comme les événements autour de la signature des contrats, les parties ont chacune leur version, tout à fait contradictoire, de ce qui s'est passé pour former McDuff et ses employés.  Il y a lieu de les relater distinctivement.

1.2.1   La version de MTY

[63]           Casavant explique que selon son expérience avec les 98 autres franchisés « La Crémière », la durée raisonnablement nécessaire pour former un franchisé sur les divers aspects de la franchise et de l'opération d'un bar laitier se situe entre 10 et 15 jours pour un total d'environ 140 heures.

[64]           La formation consiste en partie d'une visite chez le fournisseur des équipements, Basinet Taylor, afin d'apprendre les différents équipements nécessaires pour l'opération d'une franchise.  De la formation est également donnée à différents bars laitiers existants, tels que ceux situés aux Centre Laval et Complexe Les Ailes, pendant que les améliorations locatives sont complétées. Par la suite, une fois que le site est prêt, la fin de la formation est donnée sur place.

[65]           Selon Casavant, la formation de ce franchisé a été difficile.

[66]           Il relate que son personnel lui parle presque tous les jours de différents inconvénients survenant avec McDuff soit des retards, de visites le mardi matin chez un psychiatre, une blessure à la jambe, la nécessité d'avoir un congé d'une semaine selon les instructions de son médecin et le roulement de personnel important (deux gérants et plusieurs employés formés ayant été congédiés).  De plus, McDuff ne veut pas être formée en même temps que ses employés.  Le tout a requis plusieurs ajustements de l'horaire de formation.

[67]           Selon les témoignages de Desjardins et Dario Collela (« Dario »), McDuff était souvent en retard.  Elle avait « beaucoup de contraintes ».

[68]           Voici quelques exemples notés par Desjardins:

·                    le 17 avril, McDuff part trois heures suite à une frustration vécue avec la représentante de MTY pour le marketing;

·                    le 20 avril, McDuff arrive à 14h00 puisqu'elle avait une migraine;

·                    le 21 avril, elle a été absente;

·                    le 22 avril, McDuff quitte à 12h00;

·                    le 25 avril, elle arrive à 14h00;

·                    le 26 avril, McDuff arrive à 16h00;

·                    le 30 avril, McDuff arrive à 18h00.

[69]           Desjardins témoigne qu'elle a participé à la formation de 18 franchisés avant celle de McDuff.  Desjardins travaille fort pour former la franchisée.

[70]           McDuff en est consciente.  Elle lui offre comme cadeau des crèmes pour faire désenfler ses pieds pour un mariage auquel elle a été invitée.

[71]           Desjardins témoigne qu'elle a travaillé les heures suivantes dans les lieux loués pour former la franchisée et ses employés:

·                    le 9 mai de 11h30 à 21h00;

·                    le 10 mai de 14h00 à 19h00;

·                    le 11 mai de 7h00 à 16h00;

·                    le 12 mai de 7h00 à 21h30;

·                    le 13 mai de 10h00 à 22h00;

·                    le 15 mai de 7h00 à 22h30;

·                    le 16 mai de 13h30 à 22h30;

·                    le 17 mai de 11h30 à 23h00;

·                    le 18 mai de 13h00 à 23h00;

·                    le 19 mai de 9h30 à 22h00;

·                    le 20 mai de 9h30 à 22h45;

·                    le 21 mai de 10h00 à 23h00;

·                    le 22 mai de 11h00 à 21h00;

·                    le 23 mai de 13h00 à 3h30 le 24 mai dans la nuit;

·                    le 24 mai de 14h00 à 2h30 le 25 mai dans la nuit;

·                    le 25 mai de 12h00 à 23h00;

·                    le 26 mai de 13h00 à 21h15;

·                    le 27 mai, absente (témoin à un mariage);

·                    le 28 mai de 14h00 à 22h45;

·                    le 29 mai de 12h05 à 19h15; et

·                    le 30 mai de 13h15 à 21h15.

[72]           Desjardins relate que chaque fois que McDuff parle à Casavant, elle devient enragée.

[73]           Le climat de travail est difficile.  McDuff est souvent imprévisible.  Une journée elle est heureuse et le lendemain elle est mécontente.

[74]           Desjardins essaie de comprendre la nature du problème et des appréhensions de McDuff.  McDuff lui dit qu'elle est déçue de son équipe et de ses employés.  Un jour McDuff lui dit qu'ensemble Desjardins et McDuff forment une bonne équipe.  Par la suite elle se fâche et la condamne d'hypocrisie.

[75]           Elle dit souvent « vous allez entendre parler de mes avocats ».

[76]           Selon Desjardins, McDuff blasphème fréquemment.

[77]           Desjardins a un sentiment que la panique s'installe et elle essaie de trouver quoi faire pour aider McDuff.

[78]           Normalement, la formation cesse suite à l'ouverture d'une franchise.  Pas dans ce cas.  Il fût décidé le 25 mai que la franchise nécessite encore de l'encadrement.  McDuff demande que Desjardins continue la formation.  Elle accepte de le faire.

[79]           McDuff demande à Desjardins de quitter le 30 mai et de ne plus revenir.

[80]           En tout et partout selon MTY, McDuff et son équipe ont obtenu 22 jours de formation, représentant au-delà de 200 heures.

1.2.2   La version de McDuff

[81]           La version des faits relatés par McDuff est tout à fait différente.

[82]           Premièrement, comme l'a si bien dit l'avocat de McDuff, « le nombre d'heures de formation n'est pas garant du résultat. »

[83]           McDuff dit qu'elle n'a pas congédié son premier gérant.  Il a quitté étant donné le retard de livraison des lieux loués ainsi que l'arrogance et le manque de politesse de Desjardins.

[84]           Elle relate de plus qu'elle ne blasphème pas et que la vulgarité ne fait pas partie de son existence.

[85]           Deux de ses ex-employés sont venus témoigner pour relater qu'elle était gentille et qu'elle ne jurait pas.

[86]           Elle témoigne qu'en mars après la signature des contrats et la remise des dépôts, on l'ignore.  Elle téléphone pour obtenir de l'information sans succès.  La seule personne qui lui fournit des réponses est la secrétaire de Casavant, qui lui indique que la date de livraison des lieux loués sera repoussée de 10 jours … « Sans elle je n’avais aucune nouvelle ».

[87]           À l'assemblée annuelle des franchisés du mois de mars, il n'y a pas d'accueil: « on ne m'a même pas dit bonjour ».

[88]           La première formation a lieu le 18 avril chez Basinet Taylor.  Il n'y a pas d'équipement, ni de produits nécessaires à la formation et on ne lui donne pas d'horaire de formation pour qu'elle puisse planifier son propre horaire.

[89]           La prochaine formation a lieu dans un site existant à la Place des Cathédrales.  Il fait 280.  Il y a un achalandage important.  L'employé de MTY lui explique les contenants.  Aucun manuel ne lui est remis.  Elle considère que c'est une formation ratée.  Elle n'a fait que deux cornets.  Dario lui mentionne que ça va mal et il termine la formation.

[90]           Elle relate qu'elle n'est jamais en retard et qu'elle est une personne ponctuelle.

[91]           Elle indique plutôt que c'est Desjardins qui est en retard.  Elle arrive à 10h00.  Elle n'a pas déjeuné.  Après son déjeuner, la formation commence vers 11h30.  Son cellulaire sonne constamment et elle doit sortir pour répondre aux appels entrants de différents franchisés, sa mère et Casavant.  La formation est mal organisée.  McDuff a le sentiment qu'on lui fait perdre son temps.

[92]           Le 5 ou 6 mai, l'entrepreneur en construction des améliorations locatives téléphone McDuff pour lui dire qu'il a terminé ses travaux dans les lieux loués, à l'exception de quelques travaux de plomberie et d'ébénisterie.  On lui demande d'aller chercher les clés « au Subway à côté ».

[93]           Elle trouve que le local est vide et sale.  Le travail des améliorations locatives n'est pas terminé.  Il n'y a pas de poignées de porte.  Il n'y a pas d'affiches, d'enseignes ou d'annonces. Elle communique avec Casavant.

[94]           Le 9 mai, Desjardins visite les locaux.  Elle lui dit: « va chez Jean Coutu pour acheter des produits pour nettoyer ».  Alors, McDuff se met à nettoyer les locaux avec Desjardins.  Elle doit gratter de la glace épaisse dans les congélateurs ce qui lui donne mal au coude et à l'épaule.

[95]           Elle ne comprend pas pourquoi elle paye un service « clés en main » et c'est elle qui doit accomplir tout ce travail.

[96]           Ensuite, on lui impose d'installer tous les petits équipements (vaisselle, bols, poubelle, chaudière, vadrouilles, affiches, etc.).  Elle se déplace avec Desjardins au siège social de MTY à Ville Saint-Laurent afin d'aller les chercher.  Elles remplissent les deux voitures mais c'est McDuff qui doit par la suite les vider vu que Desjardins doit se concentrer sur la formation des employés.

[97]           Elle relate qu'elle doit déballer 30 boîtes et mettre en place leur contenu respectif, ce qu'il lui prend plusieurs jours.

[98]           Elle mentionne que du 6 au 20 mai, elle n'a pas pris une journée de congé. Elle est occupée à soit emballer, déballer, nettoyer, ramasser et ranger.

[99]           Elle indique qu'elle travaille régulièrement jusqu'aux petites heures du matin.

[100]       Elle est épuisée.  Un soir, elle s'endort tout habillée.  Quand elle se réveille, elle a un gros mal de tête.  Sa situation physique se détériore.  Elle a de la difficulté à se lever le matin.

[101]       Elle témoigne que les employés n'ont pas eu une formation adéquate.  Desjardins montre comment faire chaque recette mais ne donne pas l'occasion à chaque employé de pratiquer les recettes.

[102]       McDuff explique qu'elle a tellement de choses à faire pour la mise en place du bar laitier, qu'elle ne peut assister de façon efficace à la formation.

[103]       Elle témoigne que Desjardins est impatiente et désagréable avec les employés.  La tension monte.

[104]       Finalement, le bar laitier ouvre le 20 mai.

[105]       Selon elle, l'ouverture fut une catastrophe.  Gros achalandage, mais les employés ne parviennent même pas à effectuer un parfait au caramel ou un Banana-Split.  Il y a approximativement 75,00 $ de retour parce que les produits n'étaient pas bien préparés.

[106]       Quant à Desjardins, elle indique que c'est normal que tout n'aille pas à la perfection la première journée et c'est la raison pour laquelle MTY suggère ne pas faire de publicité avant l'ouverture.  Elle dit que d'avoir 100 $ de retour dans une première journée est tout à fait normal.  Ce sont des conséquences minimes.

[107]       McDuff dit que le roulement élevé de personnel est dû au fait qu'elle a dû congédier plus de la moitié de ces employés parce que selon elle il est fortement plausible d'avoir un bar laitier avec uniquement 6 employés.

[108]       Lors d'une rencontre le 25 mai avec Casavant qui insistait pour que la balance du prix de vente soit payée, elle demande d'avoir encore plus de formation et de soutien.

[109]       À contrecœur, Desjardins accepte de continuer.

[110]       Le 30 mai, elle ordonne Desjardins de partir parce qu'elle faisait signer des documents aux employés derrière son dos.

[111]       Selon elle, Desjardins foulait dans ses papiers et cachait les documents qu'elle faisait signer dans son coffre d'automobile.

1.3       Paiement de la balance du prix de vente

[112]       Il existe également deux versions contradictoires relativement au non-paiement de la balance de prix de vente de 129 500 $ qui selon l'offre d'achat de la franchise était due à la prise de possession des locaux.  Il est préférable de présenter les deux versions distinctement.

1.3.1   La version de MTY

[113]       Casavant témoigne qu'il téléphone McDuff le 19 mai pour l'aviser qu'elle doit payer le solde de prix de vente le 23 mai.  MTY lui a fourni les locaux, les améliorations locatives, les équipements, plus de 200 heures de formation et d'encadrement.    C'est le temps de payer le montant prévu à l'offre d'achat de la franchise.

[114]       Il la rappelle le 23 mai et McDuff lui indique qu'elle n'est pas contente.

[115]       Il la rappelle le 24 mai et selon lui « elle pète les plombs ».  Elle lui raccroche le téléphone au nez.

[116]       Il appelle Desjardins qui est sur les lieux afin de comprendre ce qui se passe.  Un rendez-vous est fixé pour midi le 25 mai.

[117]       Il se rend aux locaux à midi comme prévu.  McDuff est absente.  On l'avise qu'elle va avoir environ 1h00 de retard.  Elle arrive à 14h00.

[118]       Il lui remet des factures de commandes de Multi Plus pour les produits qui ont été livrés.

[119]       Il demande une liste écrite de ses plaintes.  Elle lui dit qu'elle n'est pas prête.  Elle veut quelques journées de congé.

[120]       Il est convenu que Desjardins va rester pour former les employés jusqu'au 2 juin, sauf le samedi où elle a un mariage.

[121]       McDuff lui mentionne qu'elle va téléphoner à la banque pour faire le déboursé.

[122]       Le 30 mai, Casavant téléphone McDuff.  Elle lui dit qu'elle a contacté un avocat et lui raccroche le téléphone au nez.  Ce fut leur dernière conversation.

[123]       Effectivement, le 2 juin 2006 Casavant reçoit une mise en demeure des avocats de McDuff.

[124]       La mise en demeure relate:

a)                 les retards importants pour l'installation de la franchise;

b)                 le fait que McDuff a dû « viser, clouer, frotter, laver, placer, lever, pousser, etc. » afin de s'assurer que sa franchise soit prête le plus tôt possible;

c)                  que de nombreux équipements sont toujours manquants;

d)                 que la formation de son personnel ne lui a pas permis de maîtriser tous les aspects de la gestion et l'exploitation de la franchise;

e)                 que des droits de royautés ont été facturés sur des produits commandés aux fins de la formation et que la publicité lui aurait été facturée pour des périodes avant l'ouverture.

[125]       La mise en demeure conclut que McDuff désire informer MTY de « sa ferme intention d'exploiter sa franchise de la façon la plus diligente et la plus professionnelle possible.  Afin d'arriver à cette fin, nous sommes d'avis qu'il est important de retrouver une confiance mutuelle et un esprit de collaboration entre vous. ».

[126]       Casavant engage différentes conversations avec l'avocat de McDuff pour essayer de se faire payer la balance de prix de vente et répondre aux plaintes de McDuff.  Il explique, entre autres, que les « nombreux » équipements manquants totalisent une valeur d'environ 47,00 $.

[127]       Ils arrivent à une entente.

[128]       Le 12 juin, l'avocate de MTY répond point par point [Pièce P-10] à la lettre du 2 juin.

[129]       La lettre conclut que MTY veut également retrouver un esprit de collaboration.  MTY souligne qu'il est important de régler dans les meilleurs délais et propose une solution qui semble déjà avoir été convenue «… sans préjudice ni admission, nous attendons le montant promis de cent mille dollars (100 000,00 $) en paiement partiel du solde de cent vingt-neuf mille cinq cent dollars (129 500,00 $) du projet clé en main, ainsi que votre lettre énonçant la position de votre cliente, au plus tard ce vendredi 16 juin 2006. »

[130]       Le 19 juin, l'avocat de McDuff écrit à MTY et relate qu'il est « convenu qu'un versement de 100 000 $ serait fait sans délai et qu'un montant d'un peu moins de 29 500 $ serait retenu … un versement …, vous sera fait sans délai. ».

[131]       Casavant souligne durant le procès «qu'il attend toujours …! ».

1.3.2   La version de McDuff

[132]       La version de McDuff est tout à fait différente.

[133]       Elle admet que le 18 mai, elle consulte un avocat afin de comprendre ses droits.

[134]       Elle relate que le ou vers le 23 mai, Casavant l'appelle et lui demande que le versement de la balance du prix de vente pour la franchise soit fait sans délai.

[135]       Elle lui manifeste alors son mécontentement et sa déception.

[136]       Elle lui indique sommairement les points où elle croit que MTY a manqué à ses obligations et demande un rendez-vous afin d'en discuter.

[137]       Casavant refuse et exige le paiement.

[138]       Le 25 mai, Casavant arrive au bar laitier sans rendez-vous.  Elle le fait attendre jusqu'à 14h00.

[139]       McDuff relate qu'elle a l'intention de payer la balance du prix de vente mais elle veut que ses droits soient respectés, qu'on la paye pour les 52 jours de retard et pour le travail qu'elle a effectué afin que la franchise démarre malgré le fait qu'on lui avait promis un projet « clés en main ».

[140]       Elle cherche un dédommagement pour les retards de livraison, certains items qui manquaient, les travaux qu'elle avait effectués, etc.

[141]       Elle témoigne qu'elle n'a pas vu la lettre du 19 juin de son avocat.

[142]       Elle indique toutefois qu'elle n'a pas fait le paiement de 129 500 $ étant donné que son avocat de l'époque (qu'elle poursuit aujourd'hui) lui a dit que l'offre du paiement partiel n'avait pas été acceptée par MTY.

[143]       À l'étude des factures remises par Casavant pour les produits provenant de Multi Plus, McDuff se rend compte qu'elle a été facturée pour de la marchandise qu'elle croyait faire partie du projet « clés en main ».

[144]       De plus, elle note qu'elle a été chargée à deux et parfois à trois reprises pour de la marchandise qu'elle n'a reçue qu'une seule fois.

[145]       Elle refuse également de payer pour des droits de royauté sur du matériel et des accessoires qui ne font pas l'objet de tels droits.

[146]       Le 15 juin, elle écrit une lettre à la main de trois pages à Multi Plus dans laquelle elle conteste neuf factures et indique les raisons pour lesquelles elle les conteste.  Elle recalcule les montants, déduit la somme d'environ 4 000 $ et émet un chèque « en paiement final » des factures.

[147]       Les représentants de Multi Plus veulent un paiement intégral.  Le 23 juin, ils refusent de lui livrer de la marchandise si elle ne paye pas.

[148]       Elle décide de ne pas payer.  Fini les livraisons.

[149]       En vertu de la convention de franchise, McDuff ne peut pas commander auprès d'autres fournisseurs sans être en défaut.

[150]       Elle trouve des produits ici et là.  Entre autres, elle se lie d'amitié avec le livreur de Multi Plus qui lui donne un coup de main.

[151]       L'inventaire du bar laitier diminue.  Elle se dit intimidée par des personnes dans une voiture située fréquemment devant les locaux.

[152]       Le 30 juin McDuff ferme ses portes.

[153]       Le 9 août, les avocats de MTY écrivent à l'avocat de McDuff pour les informer que McDuff est en défaut en vertu de la convention de franchise puisqu'elle a cessé ses activités commerciales à l'intérieur des lieux loués.

[154]       En avril 2007 et mars 2008, les parties ont convenu des ententes d'occupation temporaires des lieux loués par lesquelles MTY occupe les lieux et opère le bar laitier pour la période estivale.  Elle ne réclame pas de loyer pour ses périodes.

2-         QUESTIONS EN LITIGE

[155]       Il y a sept questions en litige:

a)                 est-ce que MTY a manqué à une obligation de s'informer adéquatement sur l'état de santé de McDuff et sur ces limitations fonctionnelles?

b)                 est-ce que les contrats entre les parties sont des contrats d'adhésion?

c)                  dans l'affirmative, est-ce que les contrats peuvent être résiliés?

d)                 est-ce que McDuff avait raison de ne pas payer les montants réclamés par Multi Plus?

e)                 est-ce que McDuff a respecté son obligation de bonne foi?

f)                    est-ce que MTY a manqué à ses obligations à titre de franchiseur? et

g)                 dans l'affirmative, quelles en sont les conséquences?

3-         DISCUSSION

3.1       Est-ce que MTY a manqué à une obligation de s'informer adéquatement sur l'état de santé de McDuff et sur ces limitations fonctionnelles?

[156]       L'avocat de McDuff plaide que tous les dommages qui découlent de cette cause résultent du refus de Casavant de donner suite à l'état de santé de McDuff et de s'informer adéquatement de ses capacités limitées.

[157]       Selon lui, MTY a choisi d'ignorer l'état de santé de McDuff.  Par contre, elle n'a pas ignoré ses états financiers qui « la qualifiaient amplement ».

[158]       Revenons aux faits.  Au moment de la signature des contrats, McDuff était prestataire de la SAAQ.  Elle avait des restrictions relativement importantes, à la fois physiques et psychiques.

[159]       McDuff veut retourner au travail et est tentée par l'aventure d'une franchise « La Crémière » qui selon elle a « une excellente réputation ».

[160]       Elle dit aujourd'hui qu'elle n'avait pas la capacité de conclure une telle entente à ce moment-là.

[161]       La preuve révèle que suite à l'échec de la franchise, sa situation s'est aggravée.

[162]       Elle témoigne qu'elle a subi une dépression majeure.  Sans fournir de preuve documentaire à cet égard, elle dit qu'elle a souffert d'un grave choc post-traumatique.  Elle est maintenant déclarée « invalidité totale numéro 3 ».  Elle dit qu'elle « n'a même plus la permission de faire du bénévolat ».

[163]       Qui blâmer pour cet échec?

[164]       Elle témoigne qu'elle a avisé Casavant de ses problèmes de santé les 14, 16, 17 et 21 février, avant la signature des contrats.

[165]       Elle témoigne également qu'elle a remis le document de son psychiatre à Casavant le 21 février, puisqu'elle a selon elle « l'obligation de le remettre ce document à tout employeur tel qu'exigé par la SAAQ. »  Elle indique que Casavant feuillette le document mais n'en a pas conservé de copie.

[166]       Elle relate que Casavant lui mentionne que le projet « clés en main » de la franchise est idéal pour elle étant donné qu'elle n'aura pas « à lever une cuillère ».

[167]       Pour sa part, Casavant témoigne que la première fois qu'il a vu le document du psychiatre, c'était lors du procès.  Selon lui, McDuff lui avait dit qu'elle avait eu un accident d'automobile mais que maintenant elle était bien.  Elle donnait l'impression d'une femme dynamique et « peppy ».

[168]       Le Tribunal est d'avis que la responsabilité première de s'assurer que McDuff trouve un emploi ou une opportunité d'affaires qui correspond à ses limitations fonctionnelles revient à McDuff.  Nul autre qu'elle connaît mieux sa situation.

[169]       Elle est au courant que la SAAQ lui suggère un emploi à demi-temps de commis bibliothécaire.

[170]       Elle a également été avisée qu'un travail comme propriétaire et gestionnaire n'est pas recommandé.  Le psychiatre de la SAAQ l'écrit noir sur blanc.  Selon lui, McDuff ne peut pas exercer un emploi de propriétaire, gérante ou gestionnaire de façon permanente à cause des limitations fonctionnelles.

[171]       Pourquoi avoir ignoré un tel bon conseil?

[172]       Cette aventure a été une catastrophe dont McDuff est malheureusement l'architecte puisqu'elle n'a pas suivi la recommandation du psychiatre à la lettre.

[173]       Il n'a pas été mis en preuve, autre que le témoigne de McDuff, qu'elle a remis le document du psychiatre à Casavant.

[174]       De plus, il faut noter que dans la défense et la demande reconventionnelle de McDuff, il n'y a pas d'allégation qu'elle a remis un tel document à Casavant.  Aucune allégation n'est faite que MTY était au courant de son état de santé avant la signature des contrats.

[175]       Le document du psychiatre déposé avec son action est daté du 15 mars.  Évidemment, Casavant n'aurait pas pu le lire le 21 février.

[176]       Interrogée à cet égard lors du procès, McDuff dépose un autre document antécédent à cette date.

[177]       Le 16 février, McDuff remplit le formulaire de renseignements personnels que Casavant lui a transmis.

[178]       Dans ce document, elle certifie que tous les renseignements fournis dans le formulaire sont véridiques et exacts et qu'à sa connaissance, aucune information défavorable ou demandée dans le formulaire n'a été omise.

[179]       À la première page, dans la section intitulée « Renseignements Personnels », il y a un endroit où l'on doit choisir entre quatre cases afin d'indiquer son état de santé actuel.

[180]       McDuff a le choix d'indiquer que son état de santé est soit excellent, bon, passable ou faible.  Elle remplit la case « bon ».  En dessous de cette case, il y a une ligne où il est indiqué « expliquez si faible ou passable ».  Elle ne remplit rien.

[181]       Dans la section intitulée « Revenus Annuels », elle n'indique pas qu'elle est prestataire du revenu de la SAAQ.

[182]       Quand elle transmet le formulaire à Casavant, elle annexe divers documents relativement à ses états financiers mais elle ne lui transmet pas le rapport du psychiatre.

[183]       La preuve relève maintenant que son état de santé n'était pas si bon que cela.

[184]       Si son état de santé n'est pas « bon », est-ce qu'elle a fait une fausse représentation?

[185]       Les faits relatent et elle admet qu'elle était emballée d'exploiter une franchise.  Aurait-elle choisi de minimiser ou de dissimuler son vrai état de santé afin d'augmenter ses chances d'obtenir la franchise? Il est fort probable.

[186]       Néanmoins, le Tribunal conclut que McDuff n'a pas surmonté son fardeau de preuve qu'elle a adéquatement dévoilé son état de santé à MTY pour rendre MTY responsable des dommages que McDuff a subis.

3.2       Est-ce que les contrats entre les parties sont des contrats d'adhésion?

[187]       Le Code civil du Québec (« C.c.Q. ») crée un certain nombre de règles qui s'appliquent aux contrats d'adhésion qui permettent à un tribunal de réduire ou même d'annuler les obligations découlant de tels contrats dans certaines circonstances.

[188]       Le C.c.Q. stipule qu'un contrat est d'adhésion «  … lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées. ».[1]

[189]       Le contrat d'adhésion comporte donc deux éléments:

a)                 l'imposition et la rédaction des stipulations essentielles du contrat par l'une des parties; et

b)                 l'impossibilité pour l'autre partie de discuter ou de négocier librement le contrat.

[190]       Le premier élément est rempli.  Il reste le deuxième à examiner.  Est-ce qu'il était impossible pour McDuff de discuter et négocier les contrats?

[191]       Il y a-t-il eu une rencontre entre McDuff et Casavant le 16 durant laquelle Casavant aurait remis des documents à McDuff pour consultation, discussion et négociation?

[192]       Le Tribunal n'a pas pu établir la vérité sur cette question.

[193]       McDuff témoigne qu'il n'y a pas eu de réunion le 16 février.  À cet égard, il est noté que l'agenda de McDuff pour cette année-là n'indique aucune réunion le 16.  L'agenda de Casavant indique une réunion avec McDuff à 1h30 au même moment qu'il avait un rendez-vous dans le Vieux Port de Montréal.  L'encre utilisée pour indiquer cette réunion diffère de celle utilisée pour le reste de la page.

[194]       McDuff dépose en preuve deux jugements antérieurs de cette Cour qui jettent des doutes concernant la crédibilité de Casavant dans le passé.[2]

[195]       Elle fait remarquer qu'il n'est pas plausible que McDuff soit venue porter les documents en mains propres le 16 février, deux heures après les avoir télécopiés comme indiqué par le récépissé sur la télécopie déposée en preuve.

[196]       Selon McDuff, elle n'a pas reçu les projets de documents le 16 février.  Elle l'est voit la première fois le 21 février.

[197]       Elle relate que Casavant lui explique très brièvement le contenu de ces documents qu'elle signe et paraphe.  Elle n'a pas lu les documents avant de les signer.  Elle se sent sous pression.  « Ça presse, il faut signer! ».  Casavant tourne les pages.  Il faut aller encore plus vite.

[198]       Rappelons que McDuff aurait eu avantages de lire les contrats qu'on lui propose et a bien en comprendre les implications avant d'y apposer sa signature.

[199]       La Cour d'appel souligne que nos tribunaux seraient malvenus d'encourager les parties contractantes à fermer les yeux en ne lisant pas les contrats puis à tenter de profiter de cet aveuglement volontaire.[3]

[200]       Il est évident qu'avant de signer un contrat, chacune des parties devrait au moins le lire ou avoir l'occasion de consulter un conseiller qui pourrait les aviser sur tout sujet qu'il juge nécessaire sans entrave par l'autre partie.

[201]       C'est bien possible qu'il n'y ait pas eu de réunion le 16 février et que McDuff ait signé les documents le jour où elle les a vus pour la première fois le 21 février.

[202]       La qualification d'un contrat comme étant ou non un contrat d'adhésion est une question de faits.  Cette qualification doit être appréciée d'après la situation existante lors de la signature du contrat.

[203]       Ainsi, l'insuccès d'une transaction (surtout mal calculé) ne saurait faire d'un contrat un contrat d'adhésion.

[204]       Revenons à la question, a-t-il été impossible pour McDuff de librement discuter et négocier les contrats?

[205]       La détermination du fait qu'un contrat a été « négocié librement » dépend essentiellement des circonstances particulières à une situation donnée.

[206]       Le fait que le contrat soit qualifié de contrat d'adhésion ne le rend pas non-exécutoire ou les obligations qui en découlent réductibles pour autant.  Il devra néanmoins s'interpréter en faveur de l'adhérent.[4]

[207]       La Cour Supérieure, dans la cause Groupe Commerce (Le), compagnie d'assurance c. Bokobza[5] est venue confirmer ce principe.  Dans cette cause, le tribunal est venu à la conclusion qu'il s'agissait d'un contrat d'adhésion.  Il était tout de même parfaitement normal dans le cadre obligatoire général établi par le C.c.Q. et il ne contenait rien de déraisonnable qui aurait pu désavantager l'une des parties d'une manière indue.

[208]       Le contrat qui peut être discuté entre des parties contractantes ne peut être interprété comme un contrat d'adhésion si ces dernières omettent de négocier.  Il doit absolument y avoir une impossibilité de discuter et non seulement une opportunité manquée.

[209]       À cet effet, le Tribunal rappelle que les dispositions du C.c.Q. en matière de contrat d'adhésion n'entendent pas favoriser l'insouciance d'une partie qui se devait d'être vigilante quant à ses intérêts.[6]

[210]       Pascale Cloutier, Marie-Hélène Gay et Vanessa Leblanc soulignent l'obligation d'un franchiseur d'informer adéquatement le franchisé de façon complète et juste et que le franchisé a également l'obligation de s'informer.[7]

[211]       Elles notent qu'un franchisé peut s'informer de différentes façons:

« … soit en faisant un examen soigné de la documentation remise par le franchiseur, y inclus la convention de franchise que lui présente le franchiseur, en consultant des professionnels, en posant des questions, en faisant un examen attentif des équipements qui lui sont vendus accessoirement à la signature de la convention, en demandant de rencontrer des franchisés du réseau, etc. »

[212]       Selon ces auteures, quand un franchisé se plaint de ne pas avoir été informé, il doit démontrer qu'il a rempli sa propre obligation de s'informer.

[213]       Il apparaît des faits qu'un comptable ou un avocat s'y connaissant dans le domaine de la franchise aurait pu aider McDuff à mieux comprendre les documents.

[214]       Est-ce que McDuff a agi de façon prudente avant et après avoir signé afin de s'informer de ses droits et obligations?  Évidemment pas.

[215]       Elle-même admet qu'elle était emballée par l'idée d'exploiter une franchise.

[216]       Elle s'empresse à signer.  Le Tribunal est d'avis que personne la forcer à signer, parce qu'elle voulait signer.

[217]       Le Tribunal conclut que McDuff a manqué à son obligation de se renseigner de façon raisonnable.

[218]       Il est à noter que dans les procédures prises par McDuff, il n'y a aucune allégation de pression qui aurait été faite sur elle et que MTY aurait pris avantage d'elle. De plus, elle n'allègue pas l'omission du franchiseur de la renseigner adéquatement.

[219]       Huit jours après la signature des documents, elle arrive avec un chèque de dépôt de 10 000 $.

[220]       Entre-temps, elle a eu l'opportunité de poser des questions et de consulter si elle avait des doutes.  Mais elle ne le prend pas.

[221]       McDuff témoigne que le 15 mars, elle consulte un comptable par rapport à la convention de sous-location, ce qui démontre qu'elle a l'opportunité de consulter.

[222]       McDuff n'est pas naïve en affaire.  Elle a de l'expérience.  Elle n'est pas gênée de consulter des professionnels pour l'aider.

[223]       Notons que McDuff est une femme déterminée, disons même entêtée. Elle n'a pas, selon l'expression, « froid aux yeux ».  McDuff a l'habitude d'aller devant les tribunaux quand les choses ne lui conviennent pas.  Elle est étonnamment très litigieuse.

[224]       Ce n'est pas une, deux ou trois actions où l'on retrouve son nom au plumitif, mais à 24 reprises.  McDuff poursuit, entre autres, la Société canadienne des postes, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, Centre Canin International, le Centre Jeunesse de la Montérégie et ses deux anciens cabinets d'avocats.

[225]       Après la signature des contrats, McDuff fait une demande d'emprunt.  L'offre d'achat est conditionnelle à l'obtention d'un prêt à être confirmé.

[226]       Le 22 mars, le prêt est déboursé et McDuff remet un deuxième dépôt de 49 256,25 $.

[227]       McDuff a eu le temps de s'informer de ses droits.

3.3       Est-ce que les contrats peuvent être résiliés?

[228]       Le C.c.Q. stipule que les clauses abusives d'un contrat d'adhésion peuvent être déclarées nulles ou l'obligation qui en découle réduite.

[229]       Le C.c.Q. définit comme « abusive » « … toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci. ».[8]

[230]       Aucune preuve n'est faite que les contrats sont déraisonnables.  Le Tribunal conclut que rien dans la preuve ne démontre que les contrats signés étaient abusifs et donc résiliables.

[231]       Le Tribunal note également qu'au creux de l'action, en juin, McDuff ne demande pas l'annulation ou la résiliation des contrats.  Son avocat indique qu'elle veut exploiter le commerce.  Elle demande seulement une compensation à ce moment-là.  Elle ne plaide aucunement que les contrats sont abusifs.

3.4       Est-ce que McDuff avait raison de ne pas payer les montants réclamés par Multi Plus?

[232]       Rappelons-nous, qu'à la même époque que McDuff retient le paiement du solde de prix de vente, elle retient également le paiement de certaines factures de Multi Plus.

[233]       Elle décide de faire des ajustements elle-même.  Elle explique ses rétentions sur les factures par écrit et indique sur le chèque que c'est un paiement final.

[234]       Au procès, nous avons passé presque qu'une demi-journée à regarder et étudier de nombreuses factures.  Aux fins des présentes, le Tribunal sera bref.  McDuff:

a)                 exclut des royautés malgré le fait que la convention de franchise prévoit ces paiements;

b)                 fait des erreurs mathématiques grossières;

c)                  ne paie pas les bons montants ayant mal pris connaissance de plusieurs factures.

[235]       Elle plaide qu'elle a dû payer des factures deux ou trois fois.  Le Tribunal n'a pas reconnu de telles erreurs.  Il n'y a pas été porté à la connaissance du Tribunal de duplications pour lesquelles elle n'a pas reçu de crédit.

[236]       Aux yeux du Tribunal, elle retient au-delà de 4 000 $ pour des motifs non légitimes.

3.5       Est-ce que McDuff a respecté son obligation de bonne foi?

[237]       Selon le Tribunal, McDuff avait le droit de poser des questions et d'obtenir des réponses mais ce n'est pas ce qu'elle fait.

[238]       Vis-à-vis Multi Plus, elle décide unilatéralement de déduire des montants dus et d'en écarter d'autres, doubler des crédits, recalculer le tout et déclarer que son paiement est final.

[239]       La preuve révèle que sa logique est fausse.  Elle se trompe dans le paiement des factures de Multi Plus.

[240]       En conséquence, Multi Plus refuse de continuer à lui livrer de la marchandise.  Elle doit donc fermer.

[241]       Avec MTY, elle a le même comportement.  Elle retient le plein montant dû, met Desjardins à la porte et raccroche au nez de Casavant.

[242]       Le C.c.Q. stipule que « La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction. ».[9]

[243]       On entend par ceci que les parties à un contrat doivent s'acquitter en toute bonne foi des obligations stipulées au contrat.

[244]       Il se dégage du droit, que l'obligation d'agir de manière juste et de bonne foi signifie que les parties contractantes doivent collaborer entre elles.

[245]       Elles ont l'obligation de se comporter de manière à faciliter l'exécution du contrat. À cette fin, elles doivent se parler et discuter des problèmes dès leur survenance et tenter de trouver des solutions.

[246]       Il appert au Tribunal que McDuff a manqué à l'obligation de bonne foi.  Elle a refusé de communiquer avec MTY et Multi Plus pour essayer de résoudre les problèmes.

[247]       Si McDuff avait maintenu un dialogue avec MTY et Multi Plus, les questionnements qu'elle avait et les plaintes qu'elle formulait, auraient pu fort probablement être résolus.

3.6       Est-ce que MTY a manqué à ses obligations de franchiseur?

[248]       Un franchiseur doit respecter ses engagements contractuels envers un franchisé et il doit notamment, lui fournir « tous les outils disponibles pour lui permettre l'ouverture et le développement de son commerce ».[10]

[249]       McDuff reproche les défauts suivants à MTY:

a)                 ne pas avoir livré les locaux à la date prévue;

b)                 ne pas avoir livré la franchise « clés en main »; et

c)                  ne pas avoir adéquatement formé la franchisée et ses employés.

[250]       Le Tribunal va maintenant examiner chacune de ces plaintes.

3.6.1   Livraison tardive

[251]       L'offre d'achat de la franchise prévoit que la prise de possession du « projet clés en main » serait « vers le 30-03-2006 ».

[252]       Il apparaît évident au Tribunal que l'objectif des parties était bel et bien de commencer l'exploitation du bar laitier vers le 1er avril afin de pouvoir tirer avantage de la meilleure période de l'année, c'est-à-dire l'été.

[253]       Donc, vers cette date, le commerce aurait dû être livré, McDuff et ses employés formés et l'ouverture au public du bar laitier auraient dû avoir eu lieu.  Ce ne fut pas le cas.

[254]       Selon MTY, l'obligation de livrer la franchise « clés en main » le ou vers le 1er avril n'était pas une obligation de résultat.  Il y a des « aléas » de construction.  Elle n'a pas fait de garantie.  Le fait qu'elle n'ait pas livré les locaux avant le 12 avril est une situation hors de son contrôle.

[255]       Le Tribunal ne partage pas cette position.  Le délai de livraison était peut-être hors de son contrôle, mais elle a quand même une responsabilité à cet égard.

[256]       L'obligation de délivrance prévue au C.c.Q. en matière de baux commerciaux s'applique à la présente cause du moins pour l'obligation de livrer les locaux à la date stipulée puisque MTY a sous-loué les locaux à McDuff.

[257]       L'obligation de délivrance du C.c.Q. impose à un locateur le devoir de permettre au locataire de prendre possession des lieux loués le premier jour du bail ou à une date sur laquelle les parties se sont entendues.[11]

[258]       Ceci implique que toutes les réparations, modifications et améliorations nécessaires ou convenues doivent être complétées avant que le locataire n'occupe les lieux.

[259]       Même s'il existe quelques hésitations en jurisprudence et en doctrine, l'obligation de délivrance est généralement qualifiée d'obligation de résultat.[12]

[260]       L'obligation de délivrance n'est pas une obligation que l'on peut remplir en soutenant avoir fait de son mieux.

[261]       Un locateur ne peut s'exonérer des conséquences de son défaut de délivrance en raison d'un délai causé par des circonstances hors de son contrôle, à moins que les documents entre les parties contiennent une disposition à cet effet, ce qui n'est pas notre cas.

[262]       Ce principe apparaît pleinement dans la cause ancestrale Larivière c. Vinet[13], dans laquelle un locataire avait loué des lieux pour une période devant débuter le 1er mai.  Lorsque le locataire voulut au premier jour du bail prendre possession des lieux loués, il ne peut entrer étant donné que le locataire précédent n'avait pas encore quitté les lieux.  Le locataire ne put prendre possession des lieux avant le 23e jour du mois.  Il intenta une action contre le locateur en dommages et demanda la résiliation du bail.  Le locateur plaida qu'il n'était pas en faute ayant fait tout ce qui était en son pouvoir pour évincer l'ancien locataire.  La Cour sympathisa avec le locateur mais constata néanmoins son incapacité à remplir son obligation de délivrance.  Elle résilia le bail et condamna le locateur à des dommages et intérêts.

[263]       Le Tribunal conclut que McDuff a le droit d'être dédommagée pour le délai de délivrer les locaux et la franchise le ou vers le 30 mars.

[264]       Le Tribunal constate une cinquantaine de jours de délai.

3.6.2   Clés en main

[265]       L'offre d'achat stipule que la franchise vendue à McDuff était un « projet clés en main ».

[266]       Qu'est-ce que cette expression veut dire?

[267]       McDuff témoigne que Casavant lui a mentionné qu'elle n'aurait même pas à « lever une cuillère ».

[268]       Elle témoigne également qu'elle croit que le prix d'achat de la franchise incluait tous les produits nécessaires à l'exploitation de la franchise, tels que les cornets, les garnitures, les sirops, la crème glacée, les fruits congelés, etc.

[269]       Le Tribunal est d'avis que McDuff se trompe sur ce dernier point.

[270]       Le Tribunal conclut que le « projet clés en main » est tout à fait bien défini dans l'offre d'achat de la franchise, c'est-à-dire que MTY devait installer dans le local les améliorations locatives et les équipements stipulés en annexe l'offre d'achat.

[271]       Il en résulte également qu'à cette date les lieux auraient dû être équipés de tous les aménagements faisant l'objet de l'entente et que les locaux soient propres et en bon état de fonctionnement, prêts à ouvrir au public, le ou vers le 30 mars.

[272]       Ça ne fut pas le cas.

[273]       Lorsque les locaux furent remis à McDuff au début mai, ceux-ci étaient sales.  Il restait de l'ébénisterie et de la plomberie à effectuer.  De plus, il manquait plusieurs petits équipements listés en annexe à l'offre d'achat que McDuff et Desjardins sont allés chercher.

[274]       MTY admet que les locaux n'avaient pas été livrés parachevés à la date prévue.

[275]       Elle fait remarquer, toutefois, qu'elle fait tout en son pouvoir pour ouvrir le plus rapidement possible.  La saison estivale a commencé et l'objectif convenu par les deux parties au début mai est de travailler ensemble afin d'ouvrir le plus rapidement possible.

[276]       MTY prétend également que McDuff n'était pas obligée de nettoyer les locaux le 7 et 8 mai.  Elle l'a fait volontairement sachant que c'était dans son propre intérêt.

[277]       Étant donné les circonstances que ce travail a eues sur la santé de McDuff, le Tribunal ne partage pas l'opinion de MTY que tout ce travail a été fait dans le meilleur intérêt de McDuff.

[278]       MTY dit qu'un « projet clés en main » ne veut pas dire qu'on n’a rien à faire.

[279]       MTY souligne que McDuff a perdu deux gérants.

[280]       Elle dit que si McDuff ne voulait pas exploiter son commerce à temps plein, elle aurait dû engager un gérant.  Elle plaide que c'est son défaut si elle ne l'a pas fait.

[281]       Le Tribunal est d'accord.  Étant donné ses limitations, McDuff aurait dû engager quelqu'un pour gérer le bar laitier et l'aider à uniquement travailler à mi-temps tel que requis par le psychiatre de la SAAQ.

[282]       Effectivement, le Tribunal constate qu'un propriétaire doit être présent sur les lieux pour s'assurer qu'un nouveau commerce fonctionne.  Exploiter une franchise, ce n'est pas un travail facile. On doit être debout et il y a une exigence physique certaine.

[283]       MTY a fait remarquer qu'elle a agi de bonne foi puisque pour compenser les dommages causés par le délai du bailleur à fournir les lieux loués, MTY a obtenu trois semaines de loyer gratuit du 20 mai au 11 juin.

[284]       Le Tribunal convient toutefois que McDuff a travaillé d'arrache-pied pour l'ouverture de la franchise pour s'assurer que l'ouverture ait bien lieu le 20 mai.

[285]       Elle devrait être dédommagée pour le travail qu'elle a accompli pendant les deux semaines suite à la prise de possession.

3.6.3   Formation

[286]       McDuff se plaint que MTY a failli à son obligation de former la franchisée et ses employés.

[287]       L'article 15.01, alinéa a), de la convention de franchise prévoit que le franchiseur s'engage à:

« rendre disponible au Franchisé au siège social et/ou à tel autre endroit désigné par le Franchiseur, avant l'ouverture au public du commerce, un cours de formation de telle durée que le Franchiseur jugera raisonnablement nécessaire, portant sur les divers aspects du Concept et de l'opération du Bar Laitier. ».

[288]       Il était donc nécessaire pour MTY de s'assurer que la franchisée reçoive une formation adéquate.

[289]       Cette obligation ne doit pas s'apprécier dans l'abstrait.  Il faut regarder quels sont les faits.

[290]       La preuve relève, à ce sujet, que MTY offre diverses formations à McDuff.

[291]       Casavant et Desjardins témoignent qu'une formation raisonnable s'échelonne habituellement sur 10 à 15 jours, pour un total de 140 heures.  De plus, pour une franchise comparable, MTY forme habituellement 8 à 10 employés.

[292]       Desjardins témoigne avoir formé 18 franchisés avant McDuff.

[293]       Elle constate avoir formé 12 à 15 employés dans ce cas-ci étant donné le roulement important de personnel.  Environ 207 heures de formation ont été données dit-elle.

[294]       MTY plaide qu'à un certain moment donné c'est au propriétaire ou au gérant d'une franchise de former ses employés.  Le franchisé devient habituellement responsable de son commerce après son ouverture.

[295]       Le rapport de formation déposé en liasse au dossier [Pièce P-9] de 29 pages, est impressionnant pour son détail et démontre une formation presque complète.

[296]       Il n'y a pas de doute que le 25 mai, MTY démontre sa bonne foi et s'engage de continuer à parfaire la formation.

[297]       La preuve révèle également que ce fut en fait McDuff qui a renvoyé Desjardins à la fin de la journée le 30 mai et a ainsi terminé la formation qui devait continuer encore jusqu'au 2 juin.

[298]       Pourquoi?

[299]       Parce que selon Desjardins elle faisait signer des « formulaires de pesés » aux employés dans lesquels ils reconnaissaient avoir obtenu des formations spécifiques (c.-à-d. sur tous les différents éléments d'un bar laitier).

[300]       MTY plaide que le fait de faire reconnaître par les employés qu'ils ont obtenu la formation, allait à l'encontre des plaintes et réclamations que McDuff commençait à formuler suite à sa rencontre avec son avocat le 18 mai.

[301]       Quand Desjardins demande de remplir un document dans lequel elle doit indiquer les éléments à être poursuivis pour sa propre formation, elle ne le fait pas.

[302]       Dans les circonstances, le Tribunal ne voit pas très bien ce que MTY aurait pu faire de plus pour s'acquitter de son obligation de former McDuff et ses employés.

3.7       Est-ce que McDuff a droit de demander la résiliation des contrats étant donné les défauts de MTY constatés?

[303]       Pour donner ouverture à la résiliation des contrats, il faut qu'il y ait un manquement important des obligations de MTY.

[304]       Dans les circonstances, le Tribunal est d'avis que les défenderesses n'ont pas droit à l'action résolutoire.  Les défauts de MTY ont peu d'importance.

[305]       La Cour d'appel rappelle dans la cause Lucien Dahmé c. Marie-France Dahmé[14] que:

« … le créancier qui invoque l'exception d'inexécution ne peut utiliser le prétexte de l'inexécution d'une obligation secondaire ou accessoire pour refuser d'exécuter la sienne, et que l'exception d'inexécution doit présenter un double caractère de nécessité et de proportionnalité entre la prestation refusée et celle dont on sanctionne l'inexécution. »

4-         DÉCISION:

[306]       Le Tribunal est d'avis que MTY est responsable des dommages subis par McDuff vu que les locaux n'ont pas été livrés à la date prévue.

[307]       De plus, McDuff a droit d'être dédommagée pour le travail qu'elle a dû entreprendre entre le 6 et 20 mai, puisque la franchise n'a pas été livrée «clés en main ».

[308]       Les défenderesses réclament un montant de 25 000 $ à titre de dommages et intérêts.

[309]       Le Tribunal est d'avis que dans les circonstances ce montant est raisonnable.

[310]       Le non-respect de la date de délivrance et les travaux occasionnés à McDuff lui ont occasionné des inconvénients, du stress, de l'anxiété et de la fatigue.  Elle a dû consacrer temps et énergie.

[311]       Pour indemniser les défenderesses, le Tribunal est d'avis qu'un montant de 25 000 $ doit leur être accordé pour ce chef de réclamation.  C'est un chiffre qui a avantage d'être près du montant de 29 000 $ que les parties avaient convenu de garder en fidéicommis en juin 2006.

[312]       Toutefois, le Tribunal conclut également que le 23 mai, la balance de prix de vente aurait dû être payée.

[313]       Avoir retenu 129 000 $ pour les dommages subis par McDuff était disproportionné dans les circonstances.  À cette date:

·                    McDuff exploite son commerce;

·                    elle a accepté les lieux loués;

·                    elle est propriétaire des équipements;

·                    MTY a fait les améliorations locatives;

·                    MTY a payé pour les équipements et la construction des locaux; et

·                    McDuff et ses employés ont reçu environ 200 heures de formation.

[314]       McDuff a choisi de prendre des moyens draconiens.  Pour se faire justice, elle:

·                    ne paye pas le solde du prix de vente;

·                    ne paye pas les factures complètes du fournisseur;

·                    ne parle plus à MTY, sauf par son avocat;

·                    ne parle plus à Multi Plus;

·                    elle cherche à obtenir des produits ailleurs; et

·                    finalement, elle ferme boutique.

[315]       Dans les circonstances, il n'y a pas lieu de résilier les contrats.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[316]       ACCORDE la requête introductive d'instance ré-amendée du demandeur.

[317]       CONDAMNE  les défenderesses solidairement à payer à la demanderesse la somme de 166,278.89 $ plus les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du C.c.Q. et ce, depuis la date de mise en demeure, soit le 2 juin 2006.

[318]       ACCORDE la demande reconventionnelle en partie.

[319]       CONDAMNE la demanderesse à verser aux défenderesses la somme de 25 000 $ à titre de dommages et intérêts plus les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., et ce, à compter de l'assignation.

[320]       OPÈRE COMPENSATION entre les deux montants.

[321]       ORDONNE les défenderesses solidairement à payer la somme de 141 278,89 $ à la Demanderesse, plus les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du C.c.Q. et ce, depuis la date de mise en demeure, soit le 2 juin 2006.

[322]       LE TOUT SANS DÉPENS.

 

 

__________________________________

PAUL MAYER, J.C.S.

 




 

Me Philippe Colivas

Holmested & Associés, s.e.n.c.r.l.

Avocat de la demanderesse

 

Me Denis O'Reilly

Avocat des défenderesses

 

 

Date d’audience :

Les 8, 9, 10 et 11 septembre 2008

 



[1]     Article 1379 C.c.Q.

[2]     André Casavant c. Agropur Coopérative et Natrel Inc., 505-17-001182-023 (C.S.), 27 février 2004.

      Agropur, Coopérative agro-alimentaire c. Réjean Boulet Inc. et al., 500-05-034880-979 (C.S.), 21 février 2001.

[3]     Achilles (U.S.A.) c. Plastics Dura Plastics (1997) Ltée et al., 2006 QCCA 1523 , jj. Dalphond, Hilton & Bich, 23 novembre 2006.

[4]     Article 1432 C.c.Q..

[5]     J.E. 98-297 (C.S.), p.9.

[6]     Huel c. Décalcomanie Beaver inc., J.E. 97-727 (C.S.).; Placements Étinvest Ltée c. Beignes R.S.D., [1998] 98-606 (C.S.).

[7]     Pascale Cloutier, Marie-Hélène Gay et Vanessa Leblanc, « La responsabilité contractuelle et extracontractuelle du franchiseur à l'égard des franchisés et des tiers », Développements récents en droit de la franchise et des groupements (2008), Service de la formation du Barreau du Québec, 2008.

[8]     Article 1437 C.c.Q.

[9]     Article 1375 C.c.Q.

[10]    Précités , note 6, page 7.

[11]    Article 1854 C.c.Q.

[12]    Pierre-Gabriel Jobin, « Le Louage de choses », Traité de droit civil, Les Éditions Yvon Blais Inc., paragraphe 180, page 443.

[13]    (C.S.), j. Curran, le 2 juin 1904.

[14]    EYB 2007-120768 , 500-09-016062-051 (C.A.), 30 mai 2007.

AVIS :
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