Westboro Mortgage Investment c. 9080-9013 Québec inc. |
2018 QCCS 1 |
COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
GATINEAU |
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N° : |
550-17-009405-166 |
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DATE : |
Le 4 janvier 2018
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MARIE-JOSÉE BÉDARD, J.C.S. |
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WESTBORO MORTGAGE INVESTMENT LIMITED PARTNERSHIP |
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Demanderesse |
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c.
9080-9013 QUÉBEC INC. |
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Défenderesse et
RAYMONDE CHARTRAND et JEAN-PIERRE MILLER
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Mis en cause |
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JUGEMENT (Recours hypothécaire - prise en paiement) |
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[1] Le Tribunal est saisi d’une demande en délaissement forcé et en prise en paiement.
[2] En décembre 2006, 9080-9013 Québec inc. (ci-après la Société) achète une terre de 250 acres à Bristol dans la région du Pontiac. Il s’agit d’une terre sur laquelle les dirigeants de la Société prévoient faire l’élevage de chèvres et construire une laiterie/fromagerie.
[3] La Société transige avec le Centre local de développement de la région du Pontiac (ci-après le CLD) pour obtenir des fonds en vue de construire la laiterie/fromagerie et de produire du fromage de chèvre. Le représentant de la CLD appuie la Société à toutes les étapes du processus de financement et les recherches de financement sont faites par le biais d’un courtier hypothécaire.
[4] En juillet 2013, la Société contracte un premier prêt auprès de Westboro Mortgage Investment Corp. (ci-après Westboro), qui offre des services de prêts privés. Il s’agit d’un prêt de 52 000 $ garanti par une hypothèque de deuxième rang. La Société avait déjà un prêt hypothécaire de premier rang d’un montant de 175 000 $ auprès de la CIBC.
[5] Le 28 novembre 2013, la défenderesse contracte un second prêt de 525 000 $ auprès de Westboro. Ce prêt est garanti par une hypothèque sur l’immeuble de la Société ainsi qu’une hypothèque mobilière qui porte sur l’ensemble des biens et des droits de la Société et notamment sur la machinerie, l’équipement et l’inventaire.
[6] L’acte hypothécaire est passé devant la notaire Mireille Alary et il est publié au registre foncier[1] et au Registre des droits personnels et réels mobiliers[2] (ci-après le RDPRM). L’hypothèque de premier rang de la CIBC et l’hypothèque de second rang de Westboro sont alors remboursées et radiées. Les mis en cause, Raymonde Chartrand et Jean-Pierre Miller, se portent cautions des obligations de la Société.
[7] Le prêt est conclu pour un terme de deux ans. La Société doit faire des versements mensuels de 4 346,88 $ et le solde du prêt devient exigible le 28 novembre 2015. Le prêt porte un taux d’intérêt de 9% par année calculé semi annuellement.
[8] Le projet n’évolue pas comme prévu notamment parce que des difficultés surviennent entre la Société et l’entrepreneur retenu pour construire la laiterie/fromagerie, laquelle n’a d’ailleurs jamais été construite.
[9] À partir d’octobre 2014, la Société éprouve des difficultés à faire ses versements hypothécaires mensuels. Elle cesse de faire ses versements mensuels à partir de juin 2015 et un dernier versement partiel est fait le 29 août 2015.
[10] Le 30 novembre 2015, Westboro signifie à la Société et aux mis en cause un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire de prise en paiement à l’égard de l’hypothèque immobilière. Ce préavis est publié au registre foncier le 11 décembre 2015[3].
[11] Le défaut est énoncé comme suit dans le préavis :
1. La débitrice est en défaut d’effectuer les versements mensuels depuis le mois de juin 2015 au montant de 4 346,88 $ chacun, en capital et intérêts seulement, pour un montant de 17 387,52 $ en sus des intérêts accrus;
2. La débitrice est en défaut d’effectuer les paiements pour les taxes foncières municipales pour un total de 1 123,11 $.
[12] Le 31 mai 2016, Westboro cède toutes les créances hypothécaires qu’elle détient sur des biens meubles et immeubles au Québec à Westboro Mortgage Investment Limited Partnership (ci-après Westboro LP), dont les hypothèques qui garantissent le prêt contracté par la Société. Cette cession est publiée au registre foncier le 3 juin 2016[4] et au RDPRM le 22 août 2016[5].
[13] Le 28 novembre 2015, le prêt consenti à la Société vient à échéance et la totalité du solde devient exigible.
[14] Le 13 octobre 2016, Westboro LP inscrit au RDPRM[6] un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire concernant l’hypothèque mobilière.
[15] Les délais impartis dans les deux préavis d’exercice d’un droit hypothécaire sont expirés. Aucune partie n’a payé les montants dus pour remédier aux défauts invoqués et la Société n’a pas délaissé l’immeuble et les meubles. En principe, Westboro LP est donc bien fondée de demander le délaissement forcé et la prise en paiement des biens meubles et immeubles qui ont été hypothéqués.
[16] La Société reconnaît être endettée envers Westboro LP. Elle invoque toutefois, à titre de défense, que le prêt est lésionnaire et que le Tribunal devrait exercer sa discrétion pour en modifier les modalités. Elle invoque un ensemble de circonstances au soutien de son allégation de lésion. Elle suggère au Tribunal de modifier le terme du prêt de deux ans à dix ans et de modifier le taux d’intérêt pour le faire passer de 9% à 4% par année.
II. ENCADREMENT JURIDIQUE
[17] L’article 2332 C.c.Q. prévoit que le Tribunal peut prononcer la nullité ou ordonner la réduction des obligations qui découlent d’un prêt lésionnaire :
2332. Lorsque le prêt porte sur une somme d’argent, le tribunal peut prononcer la nullité du contrat, ordonner la réduction des obligations qui en découlent, ou, encore, réviser les modalités de leur exécution dans la mesure où il juge, eu égard au risque et à toutes les circonstances, qu’il y a lieu lésion à l’égard de l’une des parties.
[18] L’article 1406 C.c.Q. traite comme suit du concept de lésion :
1406. La lésion résulte de l’exploitation de l’une des parties par l’autre, qui entraîne une disproportion importante entre les prestations des parties; le fait même qu’il y ait disproportion importante fait présumer l’exploitation.
[…]
[19] Les auteurs Baudoin, Jobin et Vézina discutent comme suit du critère relatif à la disproportion importante entre les prestations :
271- Disproportion importante - À l’article 1406, alinéa 1, le Code exige une disproportion importante entre les prestations. Comme l’écrivent des auteurs, il doit exister une déficience importante d’équivalence entre l’avantage que procure le contrat à la victime et le sacrifice consenti par elle pour obtenir cet avantage. On conçoit aisément comment faire cette appréciation dans un contrat bilatéral et même dans un contrat unilatéral onéreux (par exemple dans le prêt d’argent, la lésion résulte du coût excessif, dans les circonstances, payé par l’emprunteur pour obtenir du crédit). Pour des biens et des services qui ne sont pas uniques, mais sont généralement disponibles, le tribunal comparera le prix de la convention au prix du marché[7].
[emphase ajoutée]
[20] Lorsqu’un taux élevé d’intérêt est invoqué comme élément de disproportion, la partie qui allègue la lésion doit démontrer que le taux prévu au contrat de prêt est beaucoup trop élevé lorsque comparé aux taux du marché dans un contexte comparable. Cette disproportion ne peut s’inférer sur la base d’un simple comparatif des taux offerts par les institutions. Dans Gosselin c. Carruthers[8], la Cour d’appel s’est exprimé comme suit à cet égard :
[22] Les conditions du marché des prêts hypothécaires de second rang dans la région de Lanaudière pour des emprunteurs présentant le profil de l'intimée ne constituent pas des faits « dont la notoriété rend [leur] existence raisonnablement incontestable »[1].
[23] Il est acquis au débat que l'intimée n'avait plus accès au marché bancaire pour l'obtention d'un prêt garanti par une hypothèque de second rang. Dès lors, quel prêteur privé ou quelle institution financière aurait été susceptible de lui prêter? Quel aurait été le taux raisonnable du marché dans les circonstances? Y aurait-il eu d’autres conditions? Voilà autant de questions auxquelles la preuve n'apporte aucune réponse.
[24] L'exercice purement théorique auquel le juge s'est livré en comparant le taux fixé dans le contrat avec celui d'un prêt hypothécaire de premier rang consenti par une institution bancaire n’entretient pas de rapport avec la réalité et ne permet certainement pas d'atteindre le degré de certitude requis par l'article 2808 C.c.Q.
[25] L'article 1406 C.c.Q. crée une présomption de lésion lorsqu'il est établi une « disproportion importante entre les prestations des parties ». Dans un cas de la nature de celui à l'étude, la disproportion ne peut s'inférer du seul constat que le taux déterminé conventionnellement atteint 30%. Encore aurait-il fallu pouvoir déduire que ce taux était hors marché dans les circonstances de l'espèce. Cette preuve, en soi, ne nécessitait pas le déploiement de moyens extraordinaires. Un simple exercice comparatif avec les institutions offrant des prêts à risque dans la région aurait pu suffire.
[26] Pour ma part, et bien que je sois, comme le juge, impressionné à première vue par la hauteur des intérêts exigés, je ne puis, sans preuve, conclure à l'existence d'une lésion.
[27] Dans leur ouvrage portant sur la théorie des obligations, les auteurs Pineau et Gaudet écrivent [2] :
Ainsi, dans le cadre d'un contrat de prêt portant sur une somme d'argent, l'emprunteur doit établir que le taux d'intérêt ou autres obligations résultant du contrat conclu dépassent largement les conditions normales ou habituelles d'un prêt du même montant et du même type. Cette preuve étant faite, il appartiendra au prêteur de prouver qu'il n'a pas exploité son cocontractant, compte tenu des circonstances de l'espèce, compte tenu des montants engagés, des conditions économiques du moment, des risques courus, etc.
[21] Le risque pris par le prêteur est également un facteur qui doit être pris en compte dans l’évaluation des circonstances ayant mené à la conclusion du prêt et dans l’appréciation des conditions rattachées au prêt[9].
[22] En l’espèce, la Société invoque divers éléments au soutien de son allégation de lésion. Elle demande au Tribunal de prendre en considération l’ensemble des circonstances suivantes.
Ø Le taux d’intérêt et les frais du prêt
[23] Le prêt prévoit un taux d’intérêt de 9% par année calculé semi annuellement et non à l’avance. Un montant de 10 500 $ de frais au prêteur a aussi été payé à Westboro lors du déboursé.
[24] La Société n’a pas établi que ce taux est un taux d’intérêt exagéré pour le type de prêt consenti. Il ne faut pas oublier que Westboro est un prêteur privé qui se spécialise dans les prêts qui présentent un certain risque et qui s’adressent à des emprunteurs qui n’ont pas été en mesure d’obtenir un prêt auprès d’une institution financière. En l’espèce, il s’agit d’un prêt consenti dans un contexte commercial et la Société s’est adressée à Westboro parce qu’elle ne réussissait pas à obtenir le financement requis pour construire la laiterie/fromagerie auprès d’une institution financière.
[25] La Société a déposé en preuve un document qui énonce les taux d’intérêt exigés de la Banque Nationale en date du 12 mars 2017 pour des prêts hypothécaires.
[26] Cette preuve est insuffisante et ne respecte pas les exigences développées par la jurisprudence. Ce document, qui date du mois de mars 2017, ne mentionne pas le type de prêts auxquels les taux d’intérêt mentionnés s’appliquent ni les conditions qui s’y rattachent. Il ne permet aucunement de faire une comparaison relativement aux taux offerts pour un prêt commercial comportant certains risques au moment où le prêt a été consenti, soit en décembre 2013. Il n’y a aucune preuve des conditions du marché relativement à un prêt qui aurait été consenti dans des conditions similaires à celles prévues au prêt intervenu entre la Société et Westboro.
[27] La Société n’a donc pas établi qu’un taux de 9% et des frais d’emprunt de 10 500 $ constituent, en l’espèce, un taux disproportionné qui excède les conditions du marché pour ce type de prêts à risque.
[28] Il est également utile de noter que la Société ne s’est jamais plainte auprès de Westboro des conditions du prêt ni du taux d’intérêt avant de produire son énoncé des moyens de défense.
Ø Les circonstances entourant la signature de l’engagement hypothécaire et du contrat de prêt
[29] La Société n’allègue pas un vice de consentement. Elle soulève toutefois que les circonstances entourant la conclusion du prêt, ajoutées au taux d’intérêt et à d’autres éléments qui seront traités, devraient mener le Tribunal à conclure que le contrat de prêt est lésionnaire.
[30] La Société reproche notamment à Westboro de ne pas avoir eu de communication directe avec elle pour s’assurer qu’elle comprenait bien toutes les conditions rattachées au prêt.
[31] Avec égard, cet argument n’a pas de mérite. La preuve révèle que la Société recherchait du financement dans un contexte commercial; elle était accompagnée dans ses démarches par le CLD et les conditions du prêt ont été négociées par l’entremise d’un courtier hypothécaire.
[32] La preuve ne permet pas de conclure que le processus suivi était inapproprié ou déraisonnable ou encore que Westboro avait l’obligation de communiquer directement avec la représentante de la Société avant de signer l’acte hypothécaire.
[33] La Société invoque aussi que Mme Chartrand, qui agissait comme représentante de la Société et comme caution, ne parle pas bien l’anglais alors que les documents qu’elle a signés ont été rédigés en anglais. Elle affirme qu’elle s’est fiée sur ce que le représentant de la CLD lui a donné comme explications.
[34] Madame Chartrand et son conjoint Jean-Pierre Miller, qui s’est lui aussi porté caution des obligations de la Société à l’égard du prêt, ont signé deux documents.
[35] Ils ont d’abord signé un engagement hypothécaire intitulé « Mortgage Commitment ». Ce document a été préparé par le courtier hypothécaire et il est rédigé en anglais. Il énonce les conditions rattachées au prêt, notamment le taux d’intérêt, le terme de deux ans et le montant des versements mensuels. Il y est également indiqué que le prêt sera garanti par une hypothèque immobilière et une hypothèque mobilière sur l’ensemble des biens meubles, y incluant les équipements, la machinerie et l’inventaire, et que Mme Chartrand et M. Miller se portent cautions du prêt.
[36] L’acte hypothécaire a ensuite été passé devant la notaire Alary. Cet acte hypothécaire énonce toutes les conditions rattachées au prêt ainsi que les biens meubles et immeubles qui sont garantis par une hypothèque.
[37] L’acte contient une clause mentionnant que l’acte est rédigé en anglais à la demande des parties. Il contient également une mention indiquant que les parties ont signé l’acte en présence de la notaire et après qu’il eût été lu.
[38] Mme Chartrand affirme qu’elle n’a pas compris tous les tenants et aboutissants de l’acte hypothécaire. Elle affirme, entre autres, ne pas avoir réalisé que l’acte contenait une hypothèque mobilière en plus de l’hypothèque immobilière. Elle allègue également que la notaire ne lui a pas expliqué l’ensemble des clauses contenues dans l’acte et qu’elle ne lui a pas lu l’acte hypothécaire avant qu’elle ne le signe.
[39] Mme Chartrand soutient de plus qu’elle n’a pas bien compris la portée de la clause relative au terme du prêt. Elle reconnaît qu’elle savait que le prêt était consenti pour un terme de deux ans mais affirme qu’elle pensait que le prêt serait renouvelé de façon automatique à son échéance.
[40] L’acte hypothécaire est un acte authentique qui fait preuve à l’égard de tous[10].
[41] La Société n’a pas suivi le processus prévu au Code de procédure civile pour demander que l’acte hypothécaire soit déclaré faux et la présomption d’authenticité de l’acte n’a pas été repoussée. Le procureur de la Société a d’ailleurs réitéré à l’audition que sa cliente ne réclamait pas la nullité de l’acte mais qu’elle faisait plutôt appel à la discrétion du Tribunal pour en moduler les conditions si elles étaient jugées lésionnaires.
[42] La notaire Alary a quand même témoigné à la demande de Westboro. Elle a expliqué que le document intitulé « Mortgage Commitment », qui contenait les conditions du prêt, lui a été acheminé par le courtier hypothécaire. Ce document, qui était rédigé en anglais, était signé par Mme Chartrand et M. Miller. Elle a d’ailleurs annexé ce document à l’acte hypothécaire et elle l’a fait contresigner par Mme Chartrand et M. Miller.
[43] La notaire Alary a préparé l’acte hypothécaire conformément aux conditions prévues dans le « Mortgage Commitment ». L’acte hypothécaire a été rédigé en anglais comme le sont tous les actes hypothécaires qu’elle instrumente pour Westboro.
[44] La notaire Alary n’a aucune note à son dossier ni aucun souvenir que Mme Chartrand et/ou M. Miller se sont plaints de la langue de rédaction de l’acte ni des conditions rattachées au prêt.
[45] La notaire Alary ne se souvient pas si elle a lu à Mme Chartrand et M. Miller l’entièreté de l’acte hypothécaire mais elle affirme qu’elle leur a expliqué, comme elle le fait à chaque fois qu’elle instrumente un acte hypothécaire, la portée de chacune des clauses incluses dans celui-ci.
[46] La preuve ne permet pas de conclure que la notaire Alary n’a pas expliqué à Mme Chartrand et M. Miller les conditions rattachées à l’acte hypothécaire. Il serait d’ailleurs extrêmement surprenant que la notaire Alary ait omis d’expliquer à Mme Chartrand et à M. Miller que le prêt était non seulement garanti par une hypothèque immobilière mais également par une hypothèque mobilière sur l’ensemble des biens de la Société. Il s’agissait là d’un des éléments centraux de l’acte hypothécaire et le Tribunal n’a aucune raison de douter de la crédibilité du témoignage de la notaire Alary.
[47] Quant au renouvellement automatique du prêt soulevé par la Société, le Tribunal considère qu’il est invraisemblable que Mme Chartrand ait pu penser que le bail serait renouvelé à son terme même si la Société n’avait pas respecté les obligations qu’elle a contractées dans le cadre du prêt. Il est clairement indiqué dans le « Mortgage Commitment » et à l’acte hypothécaire que le prêt a un terme de deux ans, à l’échéance duquel le solde en capital devenait exigible. Le renouvellement d’un prêt n’est jamais assuré et Mme Chartrand et M. Miller devaient en être conscients.
[48] Quant au fait que l’acte a été rédigé en anglais, la preuve ne permet pas de conclure qu’à une quelconque étape ayant mené à la signature de l’acte hypothécaire, Mme Chartrand et/ou M. Miller se sont plaints relativement à la langue dans laquelle les documents étaient rédigés ou encore qu’ils ont informé le courtier hypothécaire ou Me Alary qu’ils ne comprenaient pas bien l’anglais.
[49] La Société invoque l’article 55 de la Charte de la langue française[11] qui exige que les contrats d’adhésion dans lesquels figurent des clauses types imprimées et les documents qui s’y rattachent soient rédigés en français, sauf si les parties demandent expressément qu’ils soient rédigés dans une autre langue.
[50] Le Tribunal considère que cette disposition ne s’applique pas en l’espèce. L’acte hypothécaire contient des clauses usuelles mais il ne s’agit pas d’un contrat d’adhésion. En effet les modalités essentielles du prêt, notamment le montant prêté, le taux d’intérêt et les modalités de remboursement, ont été négociées entre les parties par l’entremise du courtier hypothécaire; elles n’ont pas été imposées par le prêteur.
Ø Irrégularités corporatives
[51] La Société invoque que le Tribunal devrait considérer certaines irrégularités dans son appréciation de l’ensemble des circonstances.
[52] Elle invoque entre autres que Westboro n’était pas enregistrée au registre des entreprises tel que l’exige l’article 21 de la Loi sur la publicité légale des entreprises[12].
[53] Westboro s’est immatriculée au registre des entreprises le 6 juin 2016, soit bien après avoir conclu le prêt hypothécaire avec la Société. Cette omission est toutefois sans conséquence en l’espèce; elle n’invalide pas l’acte de prêt et elle n’a aucun impact sur les modalités du prêt consenti.
[54] La Société invoque également que la demanderesse, Westboro LP, n’est pas la véritable entité à qui Westboro a cédé ses créances hypothécaires. Elle invoque le « Purchase agreement » auquel renvoie l’acte de cession et dans lequel Westboro management LTD intervient en sa qualité de commandité de l’acheteur qui est Westboro LP. La Société prétend que comme Westboro Management LTD est le seul commandité de Westboro LP, c’est elle qui est la véritable cessionnaire des droits de Westboro dans l’acte de cession de la créance hypothécaire.
[55] Le Tribunal ne retient pas cet argument. Dans l’acte de cession, Westboro Management LTD agit à titre de commandité de Westboro LP et à ce titre, elle agit comme représentante autorisée de Westboro LP. L’acheteur, et donc la cessionnaire, est bien la société en commandite au nom de laquelle son commandité agit. Le Tribunal n’y voit rien d’irrégulier. L’acte de cession des créances hypothécaires est intervenu entre les bonnes parties, soit Westboro à titre de cédante et Westboro LP à titre de cessionnaire.
IV. CONCLUSIONS
[56] Le Tribunal conclut de l’ensemble de la preuve que la Société n’a pas établi que les prestations de chaque partie aux termes du contrat de prêt garanti par des hypothèques mobilières et immobilières étaient disproportionnées.
[57] De plus, les circonstances ayant entouré la signature de l’acte hypothécaire ne constituent pas des éléments qui permettent d’inférer que Westboro a exploité la Société et que cette exploitation aurait entraîné une disproportion importante entre les prestations des parties.
[58] Il n’y a donc pas eu de lésion et la Société n’a aucune défense qui permettrait de faire échec au recours hypothécaire de prise en paiement institué par Westboro LP.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
EN CE QUI CONCERNE L’HYPOTHÈQUE IMMOBILIÈRE
[59] ORDONNE à la défenderesse, en sa qualité de propriétaire et possesseur de l’immeuble, et tout autre occupant, de délaisser l’immeuble en faveur de la demanderesse au plus tard dans les dix (10) jours de la signification du présent jugement, faute de quoi, ORDONNE qu’elle soit expulsée par voie de justice;
[60] DÉCLARE que le jugement en délaissement forcé et prise en paiement à intervenir constitue un titre de propriété en faveur de la demanderesse à compter du 11 décembre 2015, date de la publication du préavis, relativement à l’immeuble ci-après décrit :
DESCRIPTION
An immovable property described as being lot NINE “A” (9A) Range FIVE (Range 5) according to the official cadastre of the “TOWNSHIP OF BRISTOL”, Registration Division of Pontiac;
An immovable property described as being lot TEN “A” (10A) Range FIVE (Range 5) according to the official cadastre of the “TOWNSHIP OF BRISTOL”, Registration Division of Pontiac;
An immovable property described as being lot TEN “B” (10B) Range FIVE (Range 5) according to the official cadastre of the “TOWNSHIP OF BRISTOL”, Registration Division of Pontiac;
An immovable property described as being part of lot TEN “B” (Pt. 10B) Range FOUR (Range 4) according to the official cadastre of the “TOWNSHIP OF BRISTOL”, Registration Division of Pontiac;
Pouvant être plus particulièrement décrite comme suit : Mesurant approximativement huit cent cinquante pieds (850’) de largeur dans ses limites nord-est et sud-ouest sur une profondeur d’approximativement deux mille huit cent quatre-vingt-cinq pieds (2 885’) dans ses limites nord-ouest et sud-est, mesures anglaises, et bornée comme suit : vers le nord-est par le Chemin de Concession entre les rangs 5 et 4 dudit canton de Bristol; vers le sud-est, par le lot 10C, rang 5, dudit canton; vers le sud-ouest, par la route 148; et vers le nord-ouest, par le chemin public séparant les lots 10B et 9B, dudit rang 5, canton de Bristol. Ladite partie du lot contient une superficie d’environ cinquante (50) acres.
With all buildings thereon erected, members and appurtenances bearing civic number 5 and 7, chemin A, Bristol, Québec, […].
With all that is or will be incorporated into, united with, or attached or joined to this immovable and is or will be considered immovable by law.
EN CE QUI CONCERNE L’HYPOTHÈQUE MOBILIÈRE
[61] ORDONNE à la défenderesse, en sa qualité de propriétaire et possesseur de l’immeuble, et tout autre occupant, de délaisser lesdits biens en faveur de la demanderesse au plus tard dans les dix (10) jours de la signification du présent jugement, faute de quoi, ORDONNE qu’ils soient repris par voie de justice;
[62] DÉCLARE que le jugement en délaissement forcé et prise en paiement à intervenir constitue un titre de propriété en faveur de la demanderesse à compter du 13 octobre 2016, date de la publication du préavis, relativement aux biens ci-après décrits :
DESCRIPTION OF MOVABLE PROPERTY
All present and future movable property of the Borrower, both corporeal and incorporeal, now owned or hereafter acquired by the Borrower, and more specifically:
1. All present and future machinery and equipment of the Borrower, including, without limitation, all tools, implements, furniture and vehicles;
2. All present and future inventory of the Borrower including, without limitation, all property in stock, movable property in reserve, raw materials, goods in process, finished products, animals, wares as well as any other property held for sale, lease or processing in the manufacture or transformation of property intended for sale, for lease, or for use in providing a service by the Borrower in the ordinary course of operation of its enterprise.
3. All present and future claims of the Borrower including, without limitation, all Borrower accounts, accounts receivable, rights of action, demands, judgments, contract rights, amount on deposit, proceeds of sale, assignment or lease of any property, rights or titles, any indemnities payable under any contract of insurance whether or not such insurance is on property forming part of the Hypothecated Property, the whole which are now due or which may become due to the Borrower, together with all judgments and all other rights, benefits, guarantees and securities for the said claims which are now or may hereafter exist in favour of the Borrower, and together with all books and accounts, client lists, client records, client files, titles, letters, invoices, papers and documents in any way evidencing or relating to all or any of the claims;
4. All present and future goodwill, trademarks, patents and patent rights, copyrights, inventions, other intangible property, monies, agreements and rights under agreements of the Borrower, and all its present and future undertaking.
[63] LE TOUT, avec les frais de justice contre la défenderesse.
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MARIE-JOSÉE BÉDARD, j.c.s. |
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Me Pierre Leduc |
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Leduc Isabelle |
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Procureurs de la demanderesse |
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Me Stéphane Harvey Me Djamila Smail |
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Harvey, Jean Avocats |
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Procureurs de la défenderesse et des mis en cause |
Date d’audience : 24 novembre 2017
[1] Publication au registre foncier de la circonscription foncière de Pontiac le 2 décembre 2013 sous le numéro 20 434 332.
[2] Publication le 12 décembre 2013 sous le numéro 13-1102158-0001.
[3] Numéro de publication 22 025 208.
[4] Numéro de publication 22 364 909.
[5] Numéro d’inscription 16-0851070-0001.
[6] Numéro d’inscription 16-1008019-0001.
[7] Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e éd., par P.-G. JOBIN et Nathalie VÉZINA, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, par. 271, p.379.
[8] 2006 QCCA 1489, par. 22-27; Voir aussi 136327 Canada inc. c. Canadian Asset Based Lending Entreprise (Cable) Inc., 2017 QCCA 1468, par. 3.
[9] St-Pierre c. Lotfi, 2012 QCCA 1436, par. 47.
[10] Articles 2818 et 2819 C.c.Q; Himbeault c. Civic Contruction inc., 2001 CanLII 2528 (QCCA), par. 18; Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 5e éd., par Catherine PICHÉ, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2016, par. 302-304, p.224-226.
[11] RLRQ, c. C-11.
[12] RLRQ, c. P-44.1.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.