Décision

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176283 Canada inc. c. St-Germain

2010 QCCA 1957

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-021101-100

500-09-021102-108

(500-11-039627-100)

 

DATE :

29 OCTOBRE 2010

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L'HONORABLE

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

N° :      500-09-021101-100

 

176283 CANADA INC.

2316-9147 QUÉBEC INC.

REQUÉRANTES / Mises en cause

c.

 

DORIS ST-GERMAIN

INTIMÉE / Demanderesse

et

NORMAND ST-GERMAIN

RICHARD ST-GERMAIN

LES PROMOTIONS NORMAND ST-GERMAIN INC.

            MIS EN CAUSE - Défendeurs

et

CENTRE DU GOLF U.F.O. INC.

SUZANNE ST-GERMAIN

MISES EN CAUSE - Mises en cause

 

 

N° :      500-09-021102-108

 

 

NORMAND ST-GERMAIN

RICHARD ST-GERMAIN

LES PROMOTIONS NORMAND ST-GERMAIN INC.

REQUÉRANTS / Défendeurs

c.

 

DORIS ST-GERMAIN

INTIMÉE / Demanderesse

et

176283 CANADA INC.

2316-9147 QUÉBEC INC.

CENTRE DU GOLF U.F.O. INC.

SUZANNE ST-GERMAIN

            MIS EN CAUSE - Mis en cause

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]           Le 18 octobre 2010, la Cour supérieure prononce l'ordonnance de sauvegarde suivante dans le cadre du recours en oppression intenté par l'intimée en vertu de diverses dispositions législatives, dont les articles 751 et s. C.p.c. et 241 et s. de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[1] (L.c.s.a.) :

[30]      PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[31]      ÉMET les ordonnances de sauvegarde suivantes pour que celles-ci soient en vigueur jusqu’à ce que jugement ait été rendu sur les demandes d’ordonnances d’injonctions interlocutoires dans le présent dossier judiciaire ou jusqu’à ce qu’elles aient autrement été levées par le Tribunal;

[32]      Ordonne aux défendeurs Normand St-Germain, Richard St-Germain et Les Promotions Normand St-Germain Inc. et aux mises en cause 176283 Canada Inc., 2316-9147 Québec Inc., ainsi qu’à tous leurs représentants, employés, vérificateurs et avocats, de ne détruire, ou modifier tous documents, ayant trait, directement ou indirectement aux faits auxquels il est fait référence dans le présent dossier judiciaire;

[33]      ordonne aux défendeurs Normand St-Germain, Richard St-Germain et Les Promotions Normand St-Germain Inc. ainsi qu’aux mises en cause 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc., de communiquer à la demanderesse tout document reçu dans les cinq précédentes années relatif à des transactions ou offre de transaction hors du cours normal des affaires réalisées ou à être réalisées par 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc.;

[34]      ORDONNE aux défendeurs Normand St-Germain, Richard St-Germain ainsi qu’aux mises en cause 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc. de donner accès et de permettre à la demanderesse Doris St-Germain et/ou à ses procureurs, de tirer copies de tous les états financiers des mises en cause 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc.;

[35]      Ordonne aux défendeurs Normand St-Germain, Richard St-Germain et Les Promotions St-Germain ainsi qu'aux mises en cause 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc., qu’aucune modification ne soit faite à la structure corporative et à l’actionnariat des mises en cause 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc.;

[36]      Ordonner aux défendeurs Normand St-Germain et Richard St-Germain de remettre à la demanderesse Doris St-Germain, dans un délai de dix jours ouvrables de la date du présent jugement, une copie complète des livres de minutes concernant les mises en cause 176283 Canada Inc. et  2316-9147 Québec Inc.;

[37]      Ordonne que la firme d’experts-comptables Ernst & Young soit nommée à titre de vérificateurs des mises en cause 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc.;

[38]      ORDONNE à la mise en cause 176283 Canada Inc. de procéder à des états financiers consolidés et vérifiés pour les états financiers de 2005 à 2009;

[39]      ORDONNE à la demanderesse Doris St-Germain de fournir caution au montant de 5 000 $;

[40]      ORDONNE l'exécution provisoire des ordonnances contenues aux présentes nonobstant appel;

[41]      LE TOUT frais à suivre.

[2]           Les requérants demandent la permission d'appeler de l'ensemble de ces ordonnances et demandent également la suspension de l'exécution provisoire pendant l'instance d'appel, le cas échéant. Ils prétendent — et je résume en mes termes — que les motifs du jugement ne suffisent pas à justifier le prononcé de telles ordonnances, qui ne répondent pas aux conditions applicables, conditions que le jugement n'examine du reste pas véritablement, sauf pour conclure à l'absence d'urgence, ce qui aurait dû être un obstacle dirimant à la demande de sauvegarde présentée par l'intimée.

[3]           Par ailleurs, ils soutiennent que l'ordonnance d'exécution provisoire doit être suspendue : d'une part, le jugement n'explique aucunement ce en quoi s'imposait une telle exécution provisoire et cette absence de motifs justifie la suspension de l'ordonnance; d'autre part, celle-ci n'aurait pas même dû être prononcée en l'absence d'une situation d'urgence et cause un préjudice irréparable aux requérants.

* *

[4]           Il y a lieu d'accorder la permission d'appel et de suspendre pour partie l'exécution provisoire.

* *

[5]           Dans Première nation de Betsiamites c. Kruger inc.[2], le juge Dalphond tient les propos suivants au sujet d'une ordonnance de sauvegarde prononcée en vertu de l'article 754.2 C.p.c., propos qui sont transposables à la situation de l'espèce :

[21]      Ensuite, les requérants s’interrogent sur la compétence de la Cour d’entendre un appel d’une ordonnance de sauvegarde. L'ordonnance de sauvegarde prévue à l'art. 754.2 C.p.c. est, malgré son nom, de la nature d'une injonction interlocutoire émise provisoirement : elle est une mesure judiciaire, discrétionnaire, émise pour des fins conservatoires, dans une situation d'urgence, pour une durée limitée et au regard d'un dossier où l'intimé n'a pu encore introduire tous ses moyens (Procureure générale du Québec c. Lord, REJB 2000-18262 (C.A.)). Il est bien établi qu’il s’agit d’une décision judiciaire interlocutoire au sens de l'art. 29 C.p.c. et qui peut faire l'objet d'un appel sur permission dans un cas exceptionnel si l’intérêt de la justice le requiert (voir à titre d’exemples : Sobeys Québec inc. c. Casot, [2005] J.Q. no 9462 (C.A.); English Montreal School Board c. Boyle, 2005 QCCA 657 , J.E. 2005-1343 (C.A.); Société de l'assurance automobile du Québec c. Durand, J.E. 2004-1141 (C.A.); Gestion Cribert inc. c. H. & R. Block Canada inc., J.E. 2000-29 (C.A.); Bureau c. Fédération des caisses d’économie Desjardins du Québec, J.E. 2000-2155 (C.A.); Québec (Procureure générale) c. Lord, J.E. 2000-886 (C.A.); Bell Mobility Cellular Inc. c. Worthware Systems International Inc., J.E. 97-1439 (C.A.); Québec (Procureur général) c. Mathers, J.E. 97-1015 (C.A.); Québec (Procureur général) c. 1509-8783 Québec inc., [1995] R.D.J. 504 (C.A.); Turmel c. 3092-4484 Québec inc., [1994] R.D.J. 530 (C.A.)).

[22]      J’ajoute que si une injonction interlocutoire, émise alors que le dossier est complet, peut faire l’objet d’un appel, il va de soi qu’une ordonnance dite de sauvegarde au même effet quant à sa durée prolongée, émise avant que le dossier ne soit complet, donc à la lumière d’une preuve partielle et forcément incomplète, ne mérite pas plus de considération.

[23]      En résumé, une telle ordonnance peut faire l’objet d’un appel, sur permission, en vertu des art. 29 et 511 C.p.c., au même titre qu’une injonction interlocutoire. En l'espèce, le juge Rochon écrit : « Considérant que les questions soulevées sont importantes. Elles sont d’intérêt public et méritent d’être soumises à la Cour d’appel ». Dans leur projet de mémoire à la Cour suprême, au paragr. 78, les requérants reconnaissent que l’issue de cette affaire est une question d’une importance capitale pour eux; pourquoi n’en irait-il pas de même pour le gouvernement et Kruger? L’octroi d’une autorisation d’appeler semblait donc dans l’intérêt de la justice au sens de l’art. 511 C.p.c.

[6]           A-t-on affaire en l'espèce à des circonstances exceptionnelles qui justifient que soit accordée la permission d'appeler? J'estime que c'est le cas.

[7]           Comme le souligne le juge Dalphond dans le jugement précité, l'ordonnance de sauvegarde — et c'est certainement le cas de l'ordonnance prononcée dans le présent dossier sur la base de l'article 241 L.c.s.a. « est une mesure judiciaire, discrétionnaire, émise pour des fins conservatoires, dans une situation d'urgence, pour une durée limitée et au regard d'un dossier où l'intimé n'a pu encore introduire tous ses moyens ». Ces caractéristiques expliquent pourquoi la délivrance d'une ordonnance de sauvegarde s'apparente dans la plupart des cas[3] à celle d'une injonction provisoire et répond aux mêmes critères (apparence de droit, préjudice, prépondérance des inconvénients, urgence).

[8]           Ces critères doivent être appliqués de façon rigoureuse, avec prudence, particulièrement dans le cas où la sauvegarde est demandée alors que l'instance vient à peine d'être instituée, que le dossier est fort incomplet et que l'affaire procède forcément de manière sommaire. Comme le rappelle la juge Otis dans 2957-2518 Québec inc. c. Dunkin'Donuts (Canada) Ltd.[4], « [i]l est certes possible que les mesures contenues dans les ordonnances de sauvegarde soient judiciairement opportunes mais, à ce stade du dossier, le véhicule procédural qui les contient n'offre pas les garanties juridiques qui visent à protéger les droits de toutes les parties » (paragr. 26). C'est ce qu'on observe ici, alors que le recours de l'intimée a été entrepris le 10 septembre 2010, que seule sa version (affidavit et pièces à l'appui) figurait au dossier au moment où l'affaire a été entendue et que, forcément, seule une preuve limitée a été administrée.

[9]           Dans pareil contexte, et précisément parce que le véhicule procédural n'offre pas les garanties juridiques usuelles, les critères de l'urgence et du préjudice irréparable revêtent une grande importance, car c'est par eux que se justifie qu'on procède de manière sommaire à la délivrance de l'ordonnance de sauvegarde. Ce n'est pas dire que l'apparence de droit et la prépondérance des inconvénients soient sans intérêt, ce qui n'est évidemment pas le cas, mais l'absence d'urgence ou l'absence de préjudice irréparable (c'est-à-dire grave), à eux seuls, militent ordinairement contre la délivrance d'une telle ordonnance (on renverra alors les parties à l'interlocutoire ou au fond), tout comme l'urgence et la présence d'un préjudice grave militent en faveur d'une telle ordonnance.

[10]        Or, en l'espèce, le jugement de première instance conclut clairement à l'absence d'urgence :

[21]      En l'espèce, la seule allégation pour appuyer la situation d'urgence repose sur une information provenant d'une source gardée confidentielle à l'effet que le golf propriété de Golf UFO sera sur le point d'être vendu.

[22]      Les autres éléments rapportés dans la procédure entreprise par Doris ont débuté en 2005.  Depuis le printemps et l'été 2010, une série de faits sont survenus. Il n'y a pas d'urgence en l'espèce au sens des exigences de l'injonction provisoire.

[11]        Le jugement est par ailleurs muet sur la question du préjudice que subit ou subirait l'intimée du fait de la situation qui l'oppose aux requérants ou du fait de ne pas obtenir la délivrance de l'ordonnance de sauvegarde. L'on ne discerne par ailleurs pas bien de la requête introductive d'instance, au-delà de l'intensité du conflit qu'on y décrit, ce qui est allégué en termes de préjudice irréparable aux fins de la demande de sauvegarde (sauf des prétentions générales), compte tenu du fait que la situation dont se plaint l'intimée dure à bien des égards depuis plusieurs années.

[12]        Le jugement aborde toutefois, encore que succinctement, le critère de l'apparence de droit, qui paraît se ramener ici au fait que, l'intimée étant actionnaire de la requérante 176283 Canada inc., elle « a droit à certaines informations qui lui ont été refusées » (paragr. 24).

[13]        On peut croire que c'est en raison de l'absence d'urgence (et peut-être de préjudice, puisque le jugement ne parle pas de celui-ci) que l'ordonnance de sauvegarde prononcée par la Cour supérieure est beaucoup plus limitée que celle que sollicitait l'intimée, d'où les paragraphes suivants du jugement :

[28]      L'ordonnance de sauvegarde demandée a une portée extrêmement vaste et le Tribunal doit s'assurer d'ordonner seulement les conclusions nécessaires à l'équilibre des forces en présence tout en s'assurant de respecter les limites légales existantes.

[29]      Le Tribunal est donc d'accord d'émettre une ordonnance de conservation de la preuve et de transmission documentaire concernant les activités de 176283 Canada et 2316 Québec, mais pas des affaires de Golf UFO.

[14]        Malgré le caractère somme toute limité des ordonnances prononcées en conséquence, par comparaison à celles que souhaitait l'intimée, les requérants font valoir qu'elles vont tout de même au-delà de ce qu'il était juridiquement possible de faire en l'absence de toute urgence et de tout préjudice.

[15]        Ils soutiennent en outre que même si le jugement prétend n'avoir effet que jusqu'au moment où sera décidée la demande d'injonction interlocutoire, il a en pratique des conséquences permanentes et irrémédiables, qu'il sera impossible d'effacer, notamment au chapitre de la divulgation d'informations. La situation relèvera donc du fait accompli, ce qui paraît bien être le cas, du moins pour une partie des ordonnances.

[16]        Pour toutes ces raisons, je suis d'avis que la situation revêt un caractère exceptionnel et que les fins de la justice requièrent que la permission d'appeler soit accordée.

[17]        Ce n'est pas dire que l'appel réussira forcément ni que l'intimée échouera. Néanmoins, les moyens d'appel, au vu du jugement, paraissent sérieux, suffisamment en tout cas pour mériter qu'une formation de la Cour procède à un examen plus poussé de la question, qui a par ailleurs un aspect de principe : peut-on, en vertu de l'article 241 L.c.s.a., prononcer une ordonnance de sauvegarde qui ne répondrait pas aux critères usuels et hors tout contexte d'urgence?

* *

[18]        Y a-t-il lieu de suspendre l'exécution provisoire du jugement de première instance?

[19]        Ordonnance de sauvegarde et exécution provisoire vont souvent de pair, ce qui est compréhensible dans la mesure où la sauvegarde vise en principe à protéger une partie contre un péril imminent.

[20]        En l'espèce, le jugement conclut à l'absence d'urgence. Cela seul pourrait-il justifier que la suspension de l'exécution provisoire? C'est certainement un des éléments à considérer, mais je pense que cela ne me dispense pas d'examiner les conditions usuelles de la suspension (erreurs apparemment importantes dans le jugement de première instance et préjudice à la partie appelante, tenant compte du poids relatif des inconvénients).

[21]        Par ailleurs, l'ordonnance d'exécution provisoire n'est pas motivée. Comme le signale le juge Hilton dans Wang c. Deng[5], cela est problématique (et l'on parle ici, bien sûr, des ordonnances discrétionnaires prononcées en vertu du deuxième alinéa de l'article 547 C.p.c. ou autre disposition similaire) :

[9]        An order of provisional execution notwithstanding appeal, also being exceptional, should be explicitly justified in the order granting it so that such reasons can be evaluated should an application be made to suspend the order. No such reasons can be found in the judgment. In principle, I should therefore suspend provisional execution. […]

[22]        Complétant immédiatement sa pensée, dans le même paragraphe, le juge Hilton ajoute cependant que :

Given the rapidity with which the appeal will be argued, however, I do not consider that any irreparable harm will be occasioned to the appellants by declining to suspend provisional execution in such circumstances.

[23]        Même en l'absence de motifs expliquant l'exécution provisoire, il est donc préférable d'examiner la question du préjudice dont pourrait souffrir la partie appelante si cette exécution n'est pas suspendue.

[24]        J'estime ici que l'exécution immédiate de certaines des conclusions du jugement serait de nature à causer un préjudice important aux requérants, alors que leur suspension n'en causera pas ou peu à l'intimée. Ainsi, une fois que les renseignements et documents visés aux paragraphes 33, 34 et 36 auront été transmis à l'intimée, on pourra difficilement, voire même aucunement, défaire ce qui aura été fait (et ce, même si l'intimée, par l'entremise de son avocat, s'engage à assurer et préserver la confidentialité de cette information). De même, les requérants me convainquent que l'exécution provisoire des conclusions 37 et 38 leur causerait un préjudice important, parce qu'ils pourraient (tout comme l'intimée d'ailleurs) engager des dépenses considérables alors que le jugement sur le fond de l'affaire pourrait aller dans une tout autre voie.

[25]        D'une certaine façon, c'est donc dire que l'exécution provisoire de ces conclusions rendrait l'appel de facto caduc et inutile ou en réduirait grandement la portée véritable[6].

[26]        Cela répond en l'espèce au critère du préjudice irrémédiable (qui renvoie à la nature du préjudice : voir RJR MacDonald c. Canada (P.G.)[7]; HSBC Bank Canada c. Aliments Infiniti inc.[8]).

[27]        Compte tenu par ailleurs des failles du jugement, du moins en apparence, tel qu'expliqué plus haut, la suspension de l'exécution provisoire est justifiée à cet égard (c'est-à-dire en rapport avec les conclusions 33, 34, 36, 37 et 38 du jugement).

[28]        Par contre, il n’est pas opportun de suspendre l’exécution provisoire des conclusions 32 et 35 du jugement. Je reproduis de nouveau ces deux conclusions, par commodité :

[32]      Ordonne aux défendeurs Normand St-Germain, Richard St-Germain et Les Promotions Normand St-Germain Inc. et aux mises en cause 176283 Canada Inc., 2316-9147 Québec Inc., ainsi qu’à tous leurs représentants, employés, vérificateurs et avocats, de ne détruire, ou modifier tous documents, ayant trait, directement ou indirectement aux faits auxquels il est fait référence dans le présent dossier judiciaire;

[35]      Ordonne aux défendeurs Normand St-Germain, Richard St-Germain et Les Promotions St-Germain ainsi qu'aux mises en cause 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc., qu’aucune modification ne soit faite à la structure corporative et à l’actionnariat des mises en cause 176283 Canada Inc. et 2316-9147 Québec Inc.;

[29]        Les requérants, et particulièrement les requérants Normand St-Germain, Richard St-Germain et Les Promotions Normand St-Germain inc. ont soutenu que ces deux ordonnances ne reposent sur aucun constat de fait et attentent de manière inacceptable à leur liberté. Il n'y aurait au dossier, et en particulier dans les allégations de la requête introductive d'instance, rien qui laisserait entendre que les requérants s'apprêtent à détruire de la preuve ou à faire des opérations corporatives indues ou nuisibles aux intérêts de l'intimée.

[30]        Ils allèguent en outre que ces ordonnances font planer sur eux une épée de Damoclès, l'outrage au tribunal les guettant à tout moment. Cela serait particulièrement vrai dans le cas de l'ordonnance contenue au paragraphe 32 du jugement, qui serait beaucoup trop vaste et imprécise, leur imposant ainsi une contrainte indue.

[31]        Compte tenu cependant de la rapidité relative avec laquelle le pourvoi pourra être entendu, les requérants ne me convainquent pas que ces contraintes constituent en l'espèce un préjudice irrémédiable, plutôt qu'un simple inconvénient. Soit dit avec beaucoup d'égards, le préjudice qu'ils invoquent à ce propos a un caractère plutôt spéculatif.

[32]        Pour ces raisons, l'ordonnance d'exécution provisoire sera suspendue en ce qui concerne les paragraphes 33, 34, 36, 37 et 38 du dispositif du jugement de première instance, mais non en ce qui touche les paragraphes 32 et 35.

* *

[33]        Les requérants ne demandent pas la suspension des procédures de première instance pendant l'appel, suspension qu'il n'y aurait pas lieu d'ordonner puisqu'il est dans l'intérêt des parties de faire cheminer le dossier le plus rapidement possible devant la Cour supérieure, afin d'atteindre au moins l'étape de l'interlocutoire. Les requérants soulignent qu'il est peu probable que la demande d'injonction interlocutoire puisse être entendue avant le pourvoi. De toute façon, l'issue de l'appel n'est pas de nature à influer sur un éventuel jugement interlocutoire, qui reposera sur une preuve complète, bien différente de celle de l'espèce.

* *

[34]        Il y a par ailleurs  lieu de gérer l'instance en fonction des arrangements pris de manière conditionnelle avec les avocats des parties, à l'audience. Comme l'intimée aura à répondre à deux exposés, cependant, et pour assurer à cet égard un certain équilibre, je hausse à 30 pages la longueur maximale de son exposé.

* *

[35]        POUR CES MOTIFS,

[36]        ACCUEILLE les requêtes pour permission d'appeler dans chacun des dossiers 500-09-021101-100 et 500-09-021102-108;

[37]        ORDONNE que ces deux appels soient réunis et entendus en même temps, comme s'ils formaient un seul dossier;

[38]        FIXE la date d'audition des pourvois ainsi réunis au 25 février 2011, en salle Pierre-Basile-Mignault, à 9 h 30, pour une durée de 90 minutes (45 minutes pour les requérants, au total, et 45 minutes pour l'intimée);

[39]        ORDONNE à chacun des groupes de requérants (176283 Canada inc. et 2316-9147 Québec inc., d'une part, et Normand St-Germain, Richard St-Germain et Les Promotions Normand St-Germain inc., d'autre part), après avoir fait signifier copie à la partie intimée, de déposer au greffe au plus tard le 30 novembre 2010, quatre exemplaires d’un exposé n’excédant pas 20 pages, des pièces qui auraient normalement formé les Annexes I, II et III de son mémoire et de ses sources;

[40]        ORDONNE à l'intimée, après avoir fait signifier copie à chacun des groupes de requérants, de déposer au greffe au plus tard le 14 janvier 2011, quatre exemplaires d’un exposé n’excédant pas 30 pages, de son complément de documentation et de ses sources;

[41]        RAPPELLE aux parties les règles 48 et 49 des Règles de la Cour d'appel du Québec en matière civile, qui se lisent :

 

48.

Désertion. Lorsque l'exposé et les documents qui tiennent lieu du mémoire de la partie appelante ne sont pas signifiés et produits dans le délai établi, l'appel est réputé déserté, les dispositions de l'article 503 .l du Code de procédure civile, avec les adaptations nécessaires, trouvant ici application.

 

49.

Forclusion. Lorsque l'exposé et, le cas échéant, les documents qui tiennent lieu du mémoire de la partie intimée ne sont pas signifiés et produits dans le délai établi, elle  est forclose de les produire, les dispositions de l'article 505 du Code de procédure civile, avec les adaptations nécessaires, trouvant ici application.

 

[42]        ORDONNE aux parties de déposer leur exposé sur un format 21,5 cm X 28 cm (8 ½ X 11 pouces), rédigé à au moins un interligne et demi (sauf quant aux citations qui doivent être à interligne simple et en retrait), avec des caractères à l'ordinateur de douze points, le texte ne devant pas compter plus de douze caractères par 2,5 cm;

[43]        ORDONNE que les documents déposés par les parties soient paginés de façon continue ou soient séparés par des onglets et comprennent une page de présentation et une table des matières;

[44]        ORDONNE la suspension de l'exécution provisoire des ordonnances contenues aux paragraphes 33, 34, 36, 37 et 38 du jugement de première instance;

[45]        ORDONNE la continuation des procédures devant la Cour supérieure;

[46]        Frais à suivre.

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

Me Richard Dufour

Dufour, Mottet

Avocat de 176283 Canada inc., 2316-9147 Québec inc., Centre du Golf U.F.O. Inc.

 

Me Yves Robillard

Miller Thomson Pouliot

Avocat de Normand St-Germain, Richard St-Germain, Les Promotions Normand St-Germain inc. et de Suzanne St-Germain

 

Me Guy Paquette

Me Vanessa O’Connell-Chrétien

Paquette Gadler inc.

Avocats de Doris St-Germain

 

Date d’audience :

le 27 octobre 2010

 



[1]     L.R.C., (1985), ch. C-44.

[2]     2005 QCCA 724 , J.E. 2005-1571 (requêtes pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 2005-10-20, 31025).

[3]     Sans parler d'exception, on peut néanmoins parler d'un régime particulier de sauvegarde dans le cas où il s'agit d'assurer l'équilibre entre des parties qui demeurent dans une relation contractuelle pendant une instance judiciaire : voir par exemple Sanimal c. Produits de viande Levinoff ltée, 2005 QCCA 265 , J.E. 2005-587 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 2005-10-11, 30913), où il s'agissait d'une ordonnance de sauvegarde régie par l'article 46 C.p.c.

[4]     J.E. 2002-1108 (C.A.).

[5]     2006 QCCA 1630 , B.E. 2007BE-86 . On notera, dans cette affaire, que la Cour a finalement, sur le fond, rejeté le pourvoi et conclu que le juge de première instance avait eu raison de prononcer une ordonnance de sauvegarde.

[6]     À ce propos, voir Lebeuf c. Groupe S.N.C.-Lavalin inc., [1995] R.D.J. 366 , p. 370.

[7]     [1994] 1 R.C.S 311 , p. 348.

[8]     2010 QCCA 717 , J.E. 2010-749 , paragr. 20 et 21,

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