DÉCISION
[1] Le 24 mars 1999, madame Rollande Duchesne (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 12 mars 1999, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 21 août 1998 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 18 juin 1998. La CSST demande également le remboursement d’une somme de 410 $, représentant les indemnités de remplacement du revenu versées pour la période du 19 juin 1998 au 2 juillet 1998.
[3] Dans le présent dossier, une ordonnance du président fut rendue en vertu de l’article 429.41 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le 28 septembre 2000 et qui se lit comme suit:
«ATTENDU les dispositions de l’article 429.41 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001 LATMP;
"Lorsque, par suite d’un empêchement, un membre ne peut poursuivre une audition, un autre membre désigné par le président peut, avec le consentement des parties, poursuivre cette audition et s’en tenir, quant à la preuve testimoniale déjà produite, aux notes et au procès-verbal de l’audience ou, le cas échéant, aux notes sténographiques ou à l’enregistrement de l’audition.
La même règle s’applique pour la poursuite d’une audition après la cessation de fonction d’un membre siégeant à l’audience."
ATTENDU que le présent dossier a été entendu le 22 novembre 1999 par la commissaire Louise Turcotte qui a pris l’affaire en délibéré le même jour;
ATTENDU qu’une décision au mérite doit être rendue dans ce dossier;
ATTENDU que la commissaire Louise Turcotte ne peut exercer ses fonctions depuis vers le 2 juin 2000. Elle est depuis dans l’impossibilité de poursuivre le délibéré dans le présent dossier;
ATTENDU que le retour en fonction de la commissaire demeure encore indéterminé;
ATTENDU que les parties au présent recours peuvent consentir à ce qu’un autre commissaire rende une décision à la place de Mme Louise Turcotte en s’en remettant à la preuve documentaire au dossier et à l’enregistrement sonore de l’audience.
EN FOI DE QUOI, je désigne Me Manon Gauthier, commissaire, afin qu’elle entende à nouveau l’affaire, s’il y a lieu et rende une décision dans le présent dossier. Les membres issus des associations désignés au dossier demeurent inchangés.»
[4] La Commission des lésions professionnelles a reçu les consentements de la partie requérante, de la partie intéressée ainsi que de la partie intervenante autorisant la commissaire soussignée à rendre une décision sans convoquer une nouvelle audience et en se basant sur le dossier tel que constitué, y compris les notes sténographiques de l’enregistrement de l’audience qui a été tenue devant la commissaire Louise Turcotte.
[5] La commissaire soussignée a pris connaissance des notes sténographies de l’audience qui s’est tenue le 22 novembre 1999 et a rencontré, le 15 janvier 2001, le membre issu des associations d’employeurs, madame Francine Melanson, et le membre issu des associations syndicales, monsieur Paul Gervais, afin de délibérer dans le présent dossier.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[6] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a subi une lésion professionnelle le 18 juin 1998, soit une dépression situationnelle.
LES FAITS
[7] La Commission des lésions professionnelles retient les faits suivants.
[8] Madame Rollande Duchesne était à l’emploi de M.M. Muffins inc. depuis le 28 avril 1994 à titre de commis de service. Dans le cadre de ses fonctions, elle travaillait à un comptoir où on vendait des muffins, des croissants et des breuvages et qui était situé au centre commercial Les Galeries d’Anjou.
[9] La travailleuse fut tout d’abord victime d’une lésion professionnelle au niveau cervical, le 31 août 1996, laquelle fut reconnue et indemnisée par la CSST. Madame Duchesne a repris son travail avec des limitations fonctionnelles le 26 novembre 1997.
[10] Le 18 juin 1998, madame Duchesne présente une autre réclamation pour une lésion professionnelle:
«Dépression situationnelle suite à plusieurs mois de stress. Harcèlement de la part de mon employeur. Symptômes: manque de goût à la vie, manque de confiance en moi. Je maigris, je ne mange presque pas, pleure très souvent, etc.»
[11] Le 3 juin 1998, madame Duchesne consulte le docteur Ziad Subai, au Centre Médical Urgence Anjou. Aux notes de consultation du docteur Subai, il est noté ceci:
«Travaille chez M.M. Muffins
Stress +++ →état anxio-dépressif
↓humeur
pleurs
perte d’appétit et amaigrissement
Tr. de sommeil
Tr. de concentration
N’a plus le goût de voir fam.» (sic)
[12] Le docteur Subai prescrit de l’Effixor mais il ne recommande pas d’arrêt de travail.
[13] Le 8 juin 1998, madame Duchesne revoit le docteur Subai qui, cette fois, lui remet un billet médical indiquant qu’elle devait cesser de travailler pour une période indéterminée et que sa condition serait réévaluée périodiquement.
[14] Le 17 juin 1998, madame Duchesne revoit le docteur Subai. Celui-ci indique, à ses notes de consultation, ce qui suit:
«état dépressif +++
idées suicidaires
dit souhaiter mourir (ceci a été répété à plusieurs reprises)
pleure (…)
Urgence Hôpital Louis H. Lafontaine
Effixor (échantillon fourni)»
[15] Cependant, le lendemain, la travailleuse rencontre le docteur Galipeau. Ce dernier complète alors une attestation médicale initiale dans laquelle il indique que la travailleuse, suite au harcèlement pratiqué par son employeur, présente des signes de dépression. Le docteur Galipeau prescrit de l’Effixor, recommande un arrêt de travail et réfère la travailleuse en psychiatrie.
[16] Aux notes de consultation initiales du docteur Galipeau, il est indiqué ce qui suit :
«perte de poids 30 lbs
-anxiété
-insomnie
-tristesse
-vue dans une clinique: Dépression
-harcèlement
-son patron veut intégrer sa femme à temps plein
-pas d’idée suicidaire 156 lbs
Dépression: -psychiatrie
-Effixor 37.5
-CSST
-AT»
[17] Aux notes évolutives présentes au dossier et datées du 20 juillet 1998, une conversation entre la travailleuse et madame Line Francoeur, agente d’indemnisation, révèle que, selon la travailleuse, son patron, monsieur Normand Séguin, avait l’intention de la congédier depuis l’événement survenu le 31 août 1996, car il n’aurait pas aimé qu’elle se soit blessée au travail. Elle indiquait également que le personnel du restaurant changeait constamment, que le patron leur enlevait leurs pourboires et qu’il lui en voulait particulièrement parce qu’elle n’était pas d’accord avec cette pratique. Elle indique aussi qu’il ne l’avait pas crue lorsqu’elle lui a dit qu’une employée volait de l’argent, que tout le monde se sentait soupçonné, qu’il n’y avait pas de reconnaissance de la part des supérieurs envers leurs employés et que l’ambiance de travail était malsaine; elle indiquait également qu’elle ne s’entendait pas avec la fille du propriétaire, Marie-Claude, qui était gentille lorsque monsieur Séguin était présent mais ne l’était plus dès qu’il n’était plus là. La travailleuse ne relate avoir subi aucun événement dangereux, menaçant ou anormal dans le cadre de ses fonctions.
[18] Le 11 août 1998, le docteur Galipeau revoit madame Duchesne. Il indique que madame Duchesne présente une détérioration de sa condition dépressive et contacte alors les services psychiatriques du Centre Hospitalier Le Gardeur. Madame Duchesne fut effectivement hospitalisée du 21 août 1998 au 30 août 1998 pour une dépression majeure et fut sous les soins du docteur Vary, psychiatre.
[19] Le 10 février 1999, madame Duchesne rencontre le docteur Lionel Béliveau, psychiatre, dans le cadre d’une expertise médicale.
[20] Le docteur Béliveau rapporte que le début des symptômes remonte au mois de décembre 1997 mais surtout à compter du printemps 1998, en relation avec le harcèlement dont la travailleuse aurait été l’objet de la part de son employeur suite à son retour au travail en novembre 1997. Après avoir fait l’historique du dossier à partir des faits apportés par madame Duchesne, le docteur Béliveau procède à l’examen mental. Il rapporte d’ailleurs ce qui suit:
«(…)
Madame Duchesne s’est présentée à l’examen un peu négligée dans son apparence extérieure, avec un état général paraissant satisfaisant en dépit de son amaigrissement. Elle ne paraissait pas abattue, mais fatiguée, triste, pleurant à plusieurs reprises au cours de l’entrevue et très anxieuse au point d’avoir à certains moments de la difficulté à s’exprimer en racontant les difficultés qu’elle avait expérimentées chez son employeur avant son arrêt de travail. Il lui arrivait de chercher ses mots. Elle coopérait volontiers à l’examen, sans réticence ni méfiance, sans tendance à dramatiser ou à exagérer l’importance de ses symptômes ou de ses problèmes. Elle ne présentait pas de ralentissement psychomoteur. Elle était en bon contact avec la réalité et bien orientée dans le temps et l’espace. Elle ne présentait pas de trouble de l’attention, mais présentait un déficit marqué de sa capacité de concentration qui se reflétait sur sa mémoire de fixation. Son jugement était bien conservé de même que sa capacité de compréhension et d’abstraction. Elle ne présentait pas de trouble du cours de la pensée ni d’activité psychotique.
Elle présentait comme contenu dépressif des sentiments d’auto-dépréciation, d’anhédonie, de pessimisme et de découragement ainsi que des verbalisations d’idées morbides, mais sans intentionnalité suicidaire au moment de l’examen. L’affect était adéquat et caractérisé par l’anxiété ainsi que par une humeur dépressive. Elle ne verbalisait pas de phobie ou d’obsession, ni d’autre crainte ou préoccupation pathologique que ce qui a été rapporté plus haut.»
[21] Dans ses conclusions, le docteur Béliveau indique ceci:
«Madame Rollande Duchesne continue à présenter, bien qu’améliorée, un Trouble de l’adaptation avec en plus de l’anxiété une humeur dépressive d’intensité modérément sévère.
Sous réserve de l’authenticité des informations fournies par madame Duchesne et de la preuve qui en serait faite, je suis d’avis qu’il existe une relation entre le diagnostic psychiatrique de madame Duchesne et le stress chronique expérimenté par madame Duchesne par ses conditions de travail depuis son retour d’accident de travail chez l’employeur en novembre 1997.
Sur la base des informations fournies par madame Duchesne, cette dernière n’aurait été l’objet d’aucun facteur de stress significatif dans sa vie personnelle entre novembre 1997 et juin 1998. Il n’existerait également aucune condition personnelle préexistante si ce n’est que madame Duchesne avait comme trait de personnalité une difficulté à dire non en raison de son besoin de se faire apprécier et accepter, ce qui pourrait expliquer l’importance de sa réaction au fait d’être rejetée et même «harcelée» par un patron pour lequel elle s’était beaucoup dévouée depuis quatre ans.
Le suivi médical et le traitement psychopharmacologique dont madame Duchesne a bénéficié m’apparaissent adéquats, mais cette dernière bénéficierait également dans les meilleurs délais d’une psychothérapie pour l’aider à faire le deuil de ses pertes et à s’adapter à sa situation.
Étant donné ce qui précède, il n’y a pas lieu de consolider pour l’instant la condition psychique de madame Duchesne qui pourra être réévaluée à cet effet dans environ six mois.
Il est probable que madame Duchesne conservera une atteinte permanente à l’intégrité psychique qu’il y aura lieu d’évaluer lors de la prochaine évaluation. Il est possible, quoique improbable, que madame Duchesne conserve des limitations fonctionnelles sur le plan psychique.
En raison de la sévérité de la symptomatologie qu’elle présente, madame Duchesne est actuellement tout à fait incapable de reprendre un emploi de préposée dans un comptoir alimentaire. Il y aurait lieu de réévaluer cette capacité après la consolidation de la condition psychique de madame Duchesne.
Espérant que cette opinion vous sera utile, je demeure à votre disposition pour en discuter éventuellement davantage s’il y avait lieu.»
[22] Lors de l’audience qui s’est tenue le 22 novembre 1999, la Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage de madame Duchesne. Elle indique qu’avant la survenance de l’événement du 31 août 1996 où elle s’est blessé au cou à la suite d’une chute survenue au travail, son employeur, monsieur Normand Séguin, était tout à fait gentil avec elle et que son comportement était tout à fait adéquat. Elle indique d’ailleurs qu’elle mentionnait à tout le monde qu’elle avait un bon patron.
[23] Madame Duchesne précise que c’est suite à son retour au travail, le 26 novembre 1997, que son patron a commencé à la harceler parce qu’elle a bénéficié d’indemnités de la CSST. Lors de son retour au travail, monsieur Séguin lui aurait manifesté son mécontentement et aurait proféré des jurons à l’encontre de la CSST.
[24] Selon la travailleuse, il cherchait toujours à la "piquer"; elle sentait que chaque difficulté qui survenait au travail était de sa faute. Elle indique également que monsieur Séguin a été violent verbalement à son endroit et ce, devant témoins.
[25] Madame Duchesne mentionne aussi qu’elle éprouvait beaucoup de pression lorsqu’elle travaillait le soir et qu’elle fermait le commerce; elle devait balancer la caisse car c’était elle qui, habituellement, procédait à la fermeture; elle indique avoir déjà demandé à son patron de changer son quart de travail et il a refusé. Elle indique qu’il lui arrivait fréquemment de travailler en temps supplémentaire, car il lui arrivait également de procéder à l’ouverture le lendemain matin.
[26] Elle accumulait tout sans dire un mot et le soir, lorsqu’elle arrivait chez elle, elle pleurait jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus; elle s’est finalement décidée à consulter le 3 juin 1998.
[27] Relativement au fait que l’employeur lui ait crié après, madame Duchesne relate qu’en rentrant au travail, après avoir bénéficié de quelques jours de congé, monsieur Séguin était furieux et criait parce qu’il manquait un dépôt.
[28] Un autre épisode est survenu un dimanche matin. Contrairement à son habitude, monsieur Séguin était présent et il procédait à l’ouverture du commerce. Alors qu’elle avait disposé les chaises dans l’aire réservée à cet effet, dans le mail du centre commercial, monsieur Séguin s’est mis à lui crier après parce qu’elle avait mal disposé les chaises. Une cliente, à qui elle venait de servir un café, était alors au comptoir et attendait pour payer. Madame Duchesne indique avoir été très humiliée de cet épisode et avoir dit à son patron que lorsqu’il avait reproche à lui faire, de le faire en privé et non pas devant les clients.
[29] Madame Duchesne indique qu’après avoir quitté le travail, en raison d’un congé de maladie en juin 1998, monsieur Séguin a communiqué avec elle et lui a demandé de venir le voir à son bureau afin de rapporter les clés du restaurant. Elle est allée le rencontrer à la mi-juin 1998. C’est alors que l’employeur l’a incité à donner sa démission, valable à compter du début octobre 1998. Il lui indiquait alors qu’elle pourrait bénéficier de l’assurance-chômage pendant un an et qu’elle pourrait se trouver un autre emploi. Madame Duchesne indique avoir refusé de signer cette démission mais qu’il l’a forcée à le faire. Elle a effectivement signé cette démission en pleurant.
[30] Madame Duchesne indique avoir toujours eu à cœur les intérêts de son employeur et avoir toujours donné un bon rendement au travail. Elle indique également qu’elle était très appréciée de la clientèle du centre commercial, dont plusieurs clients étaient des habitués.
[31] La travailleuse dit aussi avoir beaucoup souffert de l’injustice commise à son endroit par rapport aux membres de la famille de son employeur. Elle donne l’exemple où monsieur Séguin a engagé la copine de son fils comme préposée au service au comptoir; comme elle était mécontente de son salaire, elle est allée parlementer quelque peu avec lui et ce dernier lui a alors accordé une augmentation substantielle de son taux horaire. Madame Duchesne relate également que lorsque le fils du patron venait manger avec sa copine, celle-ci outrepassait largement le temps qui était alloué pour sa pause repas. Elle indique également que la fille de monsieur Séguin, Marie-Claude, travaillait avec elle; celle-ci était souvent très impolie avec elle et avec les clients et elle quittait son poste pour aller magasiner alors qu’elle devait être au travail.
[32] Elle indique cependant qu’elle n’éprouvait aucune difficulté avec l’épouse de monsieur Séguin, qui l’appréciait beaucoup et qui lui avait même offert, pour Noël, un cadeau.
[33] Lors de son témoignage, madame Duchesne admet que son employeur lui avait donné un coup de main sur le plan financier. Cependant, madame Duchesne précise qu’avant la survenance de sa lésion du 31 août 1996, elle n’a jamais éprouvé de problème avec son employeur, qui lui a effectivement prêté de l’argent pour l’achat d’une voiture, pour l’achat de pneus d’hiver et prodigué des conseils.
[34] Interrogée à cet effet par le représentant de l’employeur, madame Duchesne confirme avoir effectivement éprouvé des difficultés financières en 1996 et 1997. Madame Duchesne confirme avoir fait une faillite personnelle, le 14 juin 1996, et en fut libérée le 14 mars 1997. Et en juillet 1997, elle a reçu une requête en délaissement forcé du condominium dont elle était propriétaire.
[35] La travailleuse dit ne plus être suivie médicalement par le docteur Vary pour sa condition dépressive. Cependant, elle indique ne pas être complètement guérie et qu’elle se sent encore très fragile.
[36] La Commission des lésions professionnelles a également entendu le témoignage de monsieur Normand Séguin, propriétaire de l’entreprise M.M. Muffins inc. Lors de son témoignage, monsieur Séguin indique qu’il a ouvert son commerce au centre commercial Les Galeries d’Anjou en avril 1994. Il indique avoir embauché madame Duchesne dès l’ouverture du restaurant.
[37] Monsieur Séguin indique que les lundi, mardi et mercredi, c’est lui qui procédait à l’ouverture du commerce et qu’habituellement, il demeurait sur les lieux jusqu’à environ midi. Une première employée arrivait alors vers 9 h 45 et une seconde employée arrivait vers 11 h 30; c’est cette personne qui procédait à la fermeture du commerce à 18 h 15. Le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche, il n’était jamais présent, à l’exception du mois de décembre, qui est une période très occupée.
[38] Concernant le fait que madame Duchesne effectuait la fermeture du commerce à chaque soir, monsieur Séguin précise qu’en ce qui concerne les jeudi et vendredi, l’ouverture et la fermeture du commerce se faisait en alternance avec madame Marie-Claude Séguin, sa fille, et que, d’après l’horaire de travail, tel que déposé à l’audience, il apparaît que madame Duchesne effectuait en moyenne 37 heures de travail. Ses jours de congé étaient le dimanche et le lundi.
[39] Monsieur Séguin indique que madame Duchesne lui avait déjà demandé de changer de quart de travail parce qu’elle trouvait le sien peu avantageux mais, après lui en avoir offert un autre, elle avait refusé.
[40] Questionné sur le fait qu’il aurait crié devant madame Duchesne, monsieur Séguin précise ne pas avoir crié mais avoir peut-être haussé le ton, comme un employeur qui s’attend à être respecté après avoir émis des consignes et qui ne sont pas mises en pratique après plusieurs directives en ce sens. Il se rappelle l’avoir fait, entre autres, alors qu’il manquait un dépôt d’argent et qu’il s’adressait alors à la personne qui avait effectué les dépôts. Il indique ne pas avoir crié après madame Duchesne puisque le commerce est installé en plein milieu du mail de la cour C du centre commercial Les Galeries d’Anjou et que le commerce est à aire ouverte. Il indique d’ailleurs qu’il a toujours considéré que madame Duchesne était une personne honnête; il précise que la travailleuse lui a posé plusieurs fois cette question et lui avoir répondu que s’il ne la considérait pas comme telle, elle ne serait pas à son emploi.
[41] Concernant le fait qu’il n’appréciait pas la CSST et qu’il aurait proféré des jurons à son endroit, monsieur Séguin précise n’avoir jamais proféré de jurons à l’encontre de madame Duchesne, ni de la CSST. Il précise cependant le contexte dans lequel des paroles plus dures ont pu être prononcées. Il indique avoir reçu une lettre de la CSST concernant le retour au travail de madame Duchesne en novembre 1997. Comme madame Duchesne conservait certaines limitations fonctionnelles, il a dû faire une réunion avec tous les employés présents afin de leur indiquer que madame Duchesne ne devait plus soulever de chaises, lors de la fermeture du commerce, ni soulever de poids lourds lorsqu’elle allait chercher les fournitures à l’entrepôt ou à la chambre froide. Il indique que madame Duchesne avait pris cette démarche comme lui étant défavorable et qu’elle s’était sentie diminuée alors qu’elle visait, au contraire, à la protéger.
[42] Il indique également que suite au retour au travail de madame Duchesne, en novembre 1997, il a remarqué que cette dernière n’était jamais satisfaite, qu’elle avait régulièrement des sautes d’humeur et qu’elle ne parlait plus aux autres employés.
[43] Monsieur Séguin indique avoir même aidé la travailleuse sur le plan financier et qu’elle avait recherché auprès de lui des conseils. Il relate que suite à la crise du verglas, survenue en janvier 1998, madame Duchesne s’était plainte du fait que les pneus de sa voiture étaient usés et qu’il lui avait prêté de l’argent afin que celle-ci puisse acheter des pneus, qu’elle lui a d’ailleurs remboursé. Il a aussi conseillé la travailleuse quant à la location d’une voiture puisque cette dernière avait des problèmes avec la sienne. Il indique également lui avoir prodigué des conseils relativement au condominium dont elle était propriétaire et qu’elle avait loué.
[44] Relativement à l’exigence d’une démission qu’il aurait requise de madame Duchesne, en juin 1998, il précise que le tout est absolument faux. Il précise les circonstances suivantes. Alors que l’horaire de travail de madame Duchesne indiquait qu’elle devait fermer le commerce les jeudi et vendredi, 4 et 5 juin, madame Duchesne s’est déplacée de son domicile pour venir le voir et lui dire qu’elle ne désirait pas travailler une soirée supplémentaire en raison d’un rendez-vous. Monsieur Séguin indique lui avoir alors mentionné que Marie-Claude était en vacances et qu’elle devrait le faire. Madame Duchesne est donc entrée au travail le mercredi 3 juin et, le jeudi, elle lui a téléphoné afin de lui dire qu’à partir de ce jour, elle était en arrêt de travail indéfini en raison d’un congé de maladie.
[45] Compte tenu de ce fait, lorsqu’il a émis la paie de la semaine, il a préparé un formulaire d’assurance emploi-maladie pour la travailleuse. Madame Duchesne est venue le rencontrer à la mi-juin; il lui avait demandé de lui apporter les clés afin qu’il puisse les remettre à une autre dame qui procéderait à la fermeture à sa place. C’est alors que madame Duchesne lui a remis le papier médical provenant du docteur Subai et qu’il lui a remis en échange le formulaire d’assurance-emploi maladie. En discutant avec elle, il lui a mentionné que, quelques semaines auparavant, il avait reçu des appels de référence d’autres employeurs où madame Duchesne avait déposé des demandes d’emploi. C’est alors qu’il lui a dit qu’elle pourrait bénéficier de 17 semaines d’assurance-emploi maladie et que si elle avait une chance de pouvoir se trouver un autre travail, d’en profiter puisqu’elle n’était plus heureuse à son emploi. C’est alors qu’elle lui a demandé comment procéder pour terminer le lien d’emploi; il lui a alors suggéré de rédiger une lettre de démission qu’elle devait postdater. Elle a refusé en pleurant et elle a quitté. Par la suite, environ une heure et demie plus tard, madame Duchesne l’a rappelé pour lui dire qu’elle ne voulait pas démissionner et qu’elle n’était pas en état de signer un document de cette nature. C’est alors qu’il lui a répondu qu’il considérait la démission comme étant nulle.
[46] Il indique que madame Duchesne avait déposé des plaintes à la Commission des normes du travail pour congédiement illégal et que, suite à une conciliation, madame Duchesne a retiré ses plaintes et il lui a confirmé, par lettre, qu’elle était toujours à l’emploi de l’entreprise.
[47] Quant au fait que madame Duchesne a craint que son épouse ait pu prendre sa place, monsieur Séguin indique que son épouse est une enseignante à la retraite. Il confirme que celle-ci va occasionnellement au commerce afin de remplacer une personne en maladie ou en congé. Il ne comprend pas pourquoi madame Duchesne ait pu éprouver de l’insécurité vis-à-vis son épouse qui, si elle avait désiré des revenus plus substantiels, aurait pu continuer à enseigner.
[48] La Commission des lésions professionnelles a également entendu Madame Francine Laurin, qui a témoigné pour le compte de l’employeur. Madame Laurin indique qu’elle était cuisinière et commis au comptoir chez M.M. Muffins inc., de février 1997 au 20 octobre 1997; elle a dû cesser de travailler à cet endroit après avoir été victime d’un accident du travail et qu’elle est porteuse de limitations fonctionnelles. Elle indique avoir travaillé avec madame Duchesne lorsqu’elle était employée chez M.M. Muffins inc. Elle indique que madame Duchesne avait alors un tempérament variable et que, certaines journées, celle-ci démontrait beaucoup d’agressivité ou au contraire ne parlait pas du tout à aucun employé.
L'AVIS DES MEMBRES
[49] Conformément à la loi, la commissaire soussignée a recueilli l’avis des membres issus des associations d’employeurs et syndicales sur l’objet du litige.
[50] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête de madame Duchesne devrait être rejetée. En effet, bien que madame Duchesne ait pu souffrir d’une dépression, ils estiment que cette dépression n’est pas en relation avec le travail qu’elle a exercé chez l’employeur. En effet, de la preuve entendue, il n’y avait aucune preuve pouvant expliquer une réaction psychologique à partir d’événements survenus dans le cadre des relations de travail entre un travailleur et son employeur. Ils indiquent que les problèmes de madame Duchesne sont donc reliés à une condition personnelle.
[51] La Commission des lésions professionnelles doit décider si madame Rollande Duchesne a été victime d’une lésion professionnelle le 18 juin 1998.
[52] Après avoir analysé les témoignages et examiné le dossier, la Commission des lésions professionnelles rend donc la décision suivante.
[53] La loi définit, à son article 2, la lésion professionnelle:
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;
________
1985, c. 6, a. 2.
[54] À l’article 2 de la loi également, on retrouve les définitions d’accident du travail et de maladie professionnelle:
«accident du travail»: un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
«maladie professionnelle»: une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
[55] Le législateur a également prévu des présomptions favorables au travailleur dans la démonstration d’une lésion professionnelle ou d’une maladie professionnelle aux articles 28 et 29 de la loi. Elles s’énoncent de la façon suivante:
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 28.
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
________
1985, c. 6, a. 29.
[56] Enfin, lorsque la présomption de l’article 29 ne peut s’appliquer, l’article 30 de la loi établit que les conditions suivantes doivent être satisfaites pour pouvoir reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle:
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
________
1985, c. 6, a. 30.
[57] Concernant tout d’abord l’application de la présomption prévue à l’article 28 de la loi, il est clairement établi, dans la jurisprudence, que cette présomption ne peut être invoquée lorsqu’un travailleur est victime d’une lésion de nature psychique puisqu’un tel diagnostic, en l’occurrence une dépression situationnelle, ne constitue pas une blessure au sens de cet article[2] à défaut d’une atteinte des tissus vivants causée par un agent vulnérant extérieur. Il s’agit d’un diagnostic de maladie.
[58] Quant à la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi, bien que le diagnostic de dépression situationnelle en soit un de maladie, celui-ci ne fait pas partie des maladies énumérées à l’annexe I de la loi, qui ne comprend pas les maladies de nature psychique.
[59] Pour pouvoir considérer que la travailleuse a subi une lésion professionnelle, la preuve doit démontrer, de manière prépondérante, que sa maladie résulte d’un accident du travail, selon les critères prévus à l’article 2 de la loi ou qu’elle constitue une maladie professionnelle parce qu’elle satisfait aux critères prévus à l’article 30 de la loi.
[60] Elle doit donc démontrer que sa maladie a été causée soit par un événement imprévu et soudain survenu à son travail, soit qu’elle est caractéristique de son travail ou reliée aux risques particuliers qu’il comporte. Cette exigence est d’autant plus importante dans le cas de certaines maladies psychiques, par exemple l’épuisement professionnel, le trouble d’adaptation ou la dépression situationnelle ou, bien qu’elles puissent être associées au travail, elles peuvent être aussi la manifestation d’une condition personnelle préexistante.
[61] Certes, l’existence d’une condition personnelle ne fait pas échec à la reconnaissance d’une lésion professionnelle mais, comme l’a maintes fois précisé la jurisprudence, on doit néanmoins être en présence de circonstances qui satisfont aux conditions édictées aux articles 2 ou 30 de la loi.
[62] La Commission des lésions professionnelles va tout d’abord examiner la réclamation sous l’angle de la notion de l’accident du travail telle que définie à l’article 2 de la loi.
[63] Trois éléments doivent être démontrés: l’événement imprévu et soudain, survenu par le fait ou à l’occasion du travail et la relation entre la lésion de nature psychique et l’événement allégué.
[64] La preuve de la survenance d’un traumatisme de nature psychique s’avère aisée lorsque l’événement est unique, spécifique et spectaculaire, comme par exemple, la découverte d’un pendu dans une cellule[3]; de même que le fait d’être victime de menaces de mort de la part d’un collègue de travail[4] ou d’une fusillade[5]. Des événements semblables où un individu éprouve, dans l’exécution de ses tâches, une peur intense pour son intégrité sont susceptibles d’entraîner une réaction pathologique sur le plan psychique.
[65] Cependant, ce n’est pas d’une telle situation dont il est question dans le cas en l’espèce. Madame Duchesne se plaint plutôt d’une série d’événements, lorsque pris isolément, peuvent être qualifiés de banals mais pouvant devenir traumatiques par l’effet de leur superposition. Concernant cet aspect, le commissaire Bernard Lemay écrit ceci, dans la décision Larivée et Maison Daluze inc.[6]:
«Plusieurs décisions de la Commission d’appel reconnaissent que certains événements survenus par le fait ou à l’occasion du travail et qui, considérés isolément, paraissent bénins et banals, peuvent toutefois, par leur juxtaposition, leur superposition ou leur conjonction, devenir significatifs lorsqu’ils sont considérés dans leur ensemble et ainsi présenter le caractère d’imprévisibilité et de soudaineté requis par la loi.»
[66] Cependant, pour que ce soit le cas, il faut cependant que ces événements présentent un caractère particulier dans la mesure où ils débordent du cadre habituel, normal et prévisible de ce qui est susceptible de se retrouver dans un milieu de travail[7].
[67] De plus, comme le rapporte la commissaire Giroux, dans l’affaire Goldman et Emballages Stuart inc.[8], ces événements doivent être assez circonscrits dans le temps.
[68] Concernant l’affaire en l’instance, est-ce que la preuve soumise permet d’en arriver à une telle conclusion? Y a-t-il une preuve de relation médicale entre le diagnostic posé et ces événements? La Commission des lésions professionnelles répond par la négative.
[69] Tout d’abord, la Commission des lésions professionnelles note que madame Duchesne présente, selon le docteur Béliveau, une condition personnelle préexistante, soit un trait de personnalité qui l’empêche de dire non en raison d’un besoin de se faire accepter et apprécier, ce qui a pu contribuer chez elle à fausser sa perception du travail et à aggraver le sentiment d’injustice qu’elle a exprimé tout au long de l’évolution de son dossier et dans son témoignage et qui transparaît des événements qu’elle rapporte.
[70] Le tribunal considère également que les événements invoqués par la travailleuse ne répondent pas aux critères mentionnés précédemment. En effet, les événements rapportés par la travailleuse ne semblent pas déborder du cadre habituel des relations de travail qui, bien qu’elles puissent s’avérer parfois tendues, ne revêtent pas un caractère substantiellement contributif à l’apparition d’une maladie de nature psychique. Au surplus, ils doivent être appréciés dans leur contexte. Par exemple, lorsque la travailleuse dit qu’au retour de quelques jours de congé, son employeur criait parce qu’il manquait un dépôt d’argent, rien dans la preuve n’indique que les reproches lui étaient faits directement. Cependant, madame Duchesne indique que cet événement l’a beaucoup affecté et elle l’identifie comme étant un des éléments causals comme étant à l’origine de sa dépression. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il s’agit plutôt d’un événement s’inscrivant dans le cours normal du travail, où l’employeur doit s’assurer de la bonne marche de son commerce, même si elle convient que le fait de hausser le ton ne constitue pas une façon agréable de s’adresser à ses employés.
[71] Il ressort aussi de la preuve que l’employeur percevait madame Duchesne comme étant une personne honnête et qu’il le lui a exprimé à plusieurs reprises, souvent à sa demande, ce qui, de l’avis du tribunal, est plutôt l’expression du besoin de la travailleuse de se sentir appréciée et acceptée, comme le docteur Béliveau l’indique dans son expertise médicale.
[72] Dans sa réclamation et dans son témoignage, la travailleuse indique avoir été victime de harcèlement, de la part de son employeur, et qu'elle se sentait responsable de tout ce qui arrivait au travail; au surplus, elle indique qu’elle vivait une grande tension lorsqu’elle procédait à la fermeture du commerce.
[73] Le tribunal ne peut accepter ces éléments comme étant contributifs dans l’apparition de la pathologie. De l’interprétation usuelle de la notion de harcèlement, il faut une certaine répétitivité des gestes, paroles ou événements pouvant être de nature à causer une lésion.
[74] Malheureusement, il appert du témoignage de madame Duchesne que celle-ci avait une perception ou opinion erronée des gestes ou paroles à son égard. Le tribunal retient, par exemple, qu’elle a rapporté au docteur Galipeau qu’elle craignait que l’épouse de son employeur vienne travailler au restaurant à temps plein ou de perdre son emploi alors que rien dans la preuve présentée ne vient appuyer cet élément. Également, lorsqu’elle indique que son employeur n’avait pas apprécié qu’elle ait été victime d’une lésion professionnelle et qu’il n’aimait pas la CSST, aucune preuve ne fut faite que des menaces ou des commentaires désobligeants la visant spécifiquement furent proférés. Il ne s’agissait encore que d’une question de perception ou d'opinion. La travailleuse rapporte également un sentiment d’injustice face à des privilèges dont auraient bénéficié les membres de la famille de monsieur Séguin ou que Marie Claude Séguin, la fille de ce dernier, ne l’aimait pas. À cet effet, le tribunal retient que dans le contexte comme celui qui est à l’étude, où il est question d’atmosphère de travail, d’horaire de travail, de mode de gestion du personnel et de relations interpersonnelles, on ne peut constater que les difficultés exprimées par madame Duchesne sont des problèmes pouvant exister dans tout milieu de travail et ne peuvent constituer un événement imprévu et soudain au sens de la loi.
[75] Au surplus, il ressort de la preuve que madame Duchesne avait connu, au cours des mois précédant sa réclamation, des ennuis financiers d’importance et qui pouvaient être de nature, en eux-mêmes, à avoir joué un rôle majeur dans l’apparition de la maladie pour laquelle elle a dû être traitée.
[76] Quant à la preuve d’une relation médicale entre le diagnostic posé et les événements allégués par la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles ne peut malheureusement retenir les conclusions du docteur Béliveau. Le docteur Béliveau, qui a réalisé une expertise médicale pour le compte de la travailleuse, a fait celle-ci selon ce qui était rapporté par la travailleuse. En effet, ce dernier n’était pas au courant des problèmes financiers qu’elle avait éprouvés antérieurement et qui auraient pu influencer son opinion. Dans ses conclusions, le médecin expert prend bien soin de jouer de prudence lorsqu’il indique que son opinion est émise sous réserve des faits qu’il avait à sa connaissance.
[77] Bien que la Commission des lésions professionnelles éprouve beaucoup de sympathie envers la travailleuse et peut concevoir que les événements qu’elle relate ont pu être difficiles pour elle, le tribunal ne croit pas que ces événements s’éloignent suffisamment de ce qui peut, de manière prévisible, se produire dans un milieu de travail, pour pouvoir être qualifiés d’événement imprévu et soudain contenu dans la définition d’accident du travail, même pris dans leur ensemble.
[78] Concernant le fait que la maladie dont a souffert madame Duchesne puisse constituer une maladie professionnelle au sens de l’article 30 de la loi, la Commission des lésions professionnelles constate qu’aucune preuve ou étude ne fut soumise démontrant que la dépression situationnelle est caractéristique du travail de commis de service qu’elle exerçait chez l’employeur.
[79] Est-il cependant possible de conclure que la maladie soit reliée aux risques particuliers qu’il comportait?
[80] La preuve fournie au dossier ne permet pas de retenir que les conditions de travail, chez l’employeur, étaient à ce point difficiles et particulières pour qu’elles soient responsables de la maladie contractée par la travailleuse. Il n’y a pas de preuve qui permette d’établir que les exigences de l’employeur étaient excessives ou extraordinaires par rapport aux pratiques usuelles dans ce milieu de travail.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Rollande Duchesne, la travailleuse;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 12 mars 1999, à la suite d’une révision administrative; et
DÉCLARE que la travailleuse, madame Rollande Duchesne, n’a pas subi de lésion professionnelle le 18 juin 1999.
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MANON GAUTHIER |
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COMMISSAIRE |
Laporte et
Lavallée (Me
André Laporte) 896, boul.
Manseau Joliette
(Québec) J6E 3G3 Représentant
de la partie requérante
Le Corre et
Associés (Me
Marc-André Laroche) 2550, boul.
Daniel-Johnson Bureau 650 Laval (Québec) H7T 2L2 Représentant
de la partie intéressée
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[1]
L.R.Q.,
chapitre A-3.001.
[2]
Emond et Ministère Agriculture Canada,
CALP 33472-62-9111, Louise Boucher, commissaire.
[3]
Lynch et Ministère solliciteur général
du Canada
(1987) CALP 590
.
[4]
Groupe de service Huron et Succession
Gerry Roy, CALP 82806-64-9609, Guy Perreault, commissaire.
[5]
C.U.M. et Fortin, CLP
34300-63-9111, Francine Dion-Drapeau, commissaire.
[6]
C.A.L.P.
77375-60-9602, 1997-02-05, Bernand Lemay, commissaire.
[7]
[1995]
C.A.L.P., 666; Cardin et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.L.P.
126492-64-9910, 2000-03-24, Neuville Lacroix, commissaire; Chastenais
et Joseph Ribkoff inc.,
130096-73-0001, 2000-07-19, Claude-André Ducharme, commissaire.
[8]
C.A.L.P.
78681-60-9604, 1997-08-19, Thérèse Giroux, commissaire.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.