Décision

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Québec (Procureure générale) c. Commission des lésions professionnelles (Tribunal administratif du travail)

2016 QCCS 2806

JY0067

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N°:

500-17-085857-145

 

 500-17-085944-141

 

DATE :

Le 17 juin 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MICHEL YERGEAU, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

500-17-085857-145

Procureure générale du québec

Demanderesse

c.

LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

(maintenant LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL)

Défenderesse

et

LA COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ

DU TRAVAIL (maintenant LA COMMISSION DES NORMES,

DE L’ÉQUITÉ, DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL)

Mise-en-cause

 

500-17-085944-141

CANADELLE S.E.C.

Demanderesse

c.

LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

(maintenant LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL)

Défenderesse

Et

LA COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ

DU TRAVAIL (maintenant LA COMMISSION DES NORMES,

DE L’ÉQUITÉ, DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL)

Mise-en-cause

______________________________________________________________________

 

TABLE DES MATIÈRES

 

1.      Entrée en matière : le problème comme il se pose................................................... 3

2.      La Loi...................................................................................................................................... 4

3.      Les juridictions de la CSST et de la CLP et leur compétence respective......... 5

3.1.    La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.... 5

3.2.    La Commission des lésions professionnelles.............................................................. 6

3.2.1.        Sa compétence..................................................................................................... 6

3.2.2.        Considérations d’ordre procédural..................................................................... 7

4.      Les faits................................................................................................................................ 8

4.1.    Le dossier PGQ............................................................................................................... 8

4.2.    Le dossier Canadelle.................................................................................................... 11

5.      La norme de contrôle..................................................................................................... 13

6.      Les arguments présentés de part et d’autre.......................................................... 17

6.1.    Les arguments proposés dans le dossier PGQ........................................................ 17

6.1.1.        Arguments de la Procureure générale du Québec.......................................... 17

a)      L’objet véritable de la décision de la CSST du 23 juillet 2009.......................... 18

b) Absence de distinction dans la notion de lésion professionnelle......................... 18

c) L’argument du passage du temps............................................................................ 19

d) L’absence de motifs suffisants................................................................................. 20

6.1.2.        Arguments de la CSST...................................................................................... 20

6.1.3.        Arguments de la CLP......................................................................................... 21

6.2.    Les arguments proposés dans le dossier Canadelle............................................... 22

6.2.1.        Arguments de Canadelle................................................................................... 22

a)      L’interprétation erronée.......................................................................................... 22

b)      L’ajout d’un délai..................................................................................................... 23

c)      Contravention aux règles d’équité procédurale................................................... 23

6.2.2.        Arguments de la CSST et de la CLP................................................................ 24

7.      Analyse............................................................................................................................... 24

7.1.    La question de droit à résoudre par la CLP............................................................... 24

7.2.    Le tronc commun........................................................................................................... 25

7.3.    L’interprétation par la CLP des articles 2, 31 et 327(1o) LATMP............................ 26

7.4.    L’ajout d’un délai pour se prévaloir du paragraphe 1o de l’article 327 LATMP...... 31

7.5.    L’équité procédurale et la suffisance des motifs des décisions de la CSST......... 32

7.5.1.        Y a-t-il eu violation des règles d’équité procédurale?..................................... 32

7.5.2.        La norme de contrôle.......................................................................................... 36

8.      Épilogue............................................................................................................................. 36

9.      Conclusions...................................................................................................................... 36

 

 

 

 

 

JUGEMENT SUR UNE DEMANDE

DE POURVOI DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

 

 

1.            Entrée en matière : le problème comme il se pose

[1]         Deux dossiers mais un même problème : lorsqu’un employeur demande de transférer aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations versées par la CSST à un travailleur, cette dernière peut-elle passer outre à une décision finale de sa part qui rattache la lésion professionnelle qui est à la source de ces prestations à l’accident du travail initial et non pas à un soin subséquent que reçoit ce travailleur?

[2]         Dans une série de décisions qu’elle rend dans des dossiers où se pose cette même question, la CSST décide, dans le cadre de demandes de révision, que l’imputation du coût des prestations est à la charge exclusive de l’employeur plutôt qu’à celle des employeurs de toutes les unités une fois qu’une décision d’indemnisation établissant un lien de rattachement entre un nouveau diagnostic de lésion professionnelle et l’événement d’origine est devenue finale.

[3]         Les employeurs impliqués contestent ces décisions à la Commission des lésions professionnelles («CLP»)[1]. Le 17 novembre 2014, celle-ci, siégeant en formation de trois commissaires, tranche la question et confirme les décisions de la CSST.

[4]         Insatisfaits, certains de ces employeurs, dont le ministère de la Sécurité publique («PGQ» ou «Procureure générale») et Canadelle S.e.c. («Canadelle»), se pourvoient en contrôle judiciaire de cette dernière décision. Leurs demandes en ce sens ont été réunies pour être instruites en même temps par décision du greffier spécial.

[5]         Au terme de son analyse, le Tribunal conclut que la décision de la CLP répond aux critères de la raisonnabilité, qu’il doit y déférer et qu’il n’y a pas lieu d’intervenir pour la casser. En voici les motifs.

2.            La Loi

[6]         Pour cerner le problème, il faut s’arrêter à ce que la loi prévoit avant d’énoncer les faits au soutien des deux dossiers.

[7]         Le litige découle de l’interprétation et de l’application à donner à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2]LATMP» ou «Loi»), aux articles 2, 31 et 327 qui établissent les conditions de rattachement entre un accident du travail et une lésion professionnelle et qui imputent distinctement le coût des prestations en fonction de la cause de la lésion professionnelle. Citons-les avant d’enchaîner :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

«accident du travail»: un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle; […]

«lésion professionnelle»: une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

De l’article 31, seul le paragraphe 1o est d’application ici :

31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:

 1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins; […]

Et de l’article 327, retenons le paragraphe 1o :

327. La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations:

 1° dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31; […]

[8]         Ajoutons à ce qui précède le paragraphe 1 de l’article 326 qui pose la règle générale d’imputation :

326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

[]

[9]         Ainsi donc, le coût des prestations liées à la lésion professionnelle découlant d’un accident du travail, y compris l’aggravation, une rechute ou une récidive, est à la charge de l’employeur. Par contre, lorsque la lésion professionnelle diagnostiquée découle non plus de l’accident du travail mais plutôt des soins qui sont administrés au travailleur à la suite de ce dernier ou encore de l’absence de soins, le coût des prestations est transféré ipso facto aux employeurs de toutes les unités. Le paragraphe 327(1o) confirme que la lésion professionnelle découlant des soins est une forme de lésion professionnelle distincte de celle résultant directement de l’accident du travail. En somme, si l’une et l’autre débouchent sur des paiements, dont une indemnité de remplacement du revenu pour le travailleur, le coût en est imputé différemment selon le cas, sans égard à la responsabilité[3].

3.            Les juridictions de la CSST et de la CLP et leur compétence[4] respective

[10]       Voyons tour à tour l’une et l’autre.

3.1.        La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail

[11]       C’est la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, («CSST»), instituée par l’article 137 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[5], qui exerce la compétence exclusive sur les décisions prises en vertu de la LATMP; c’est ce que prévoit l’article 349 LATMP. Ses décisions sont rendues selon «l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas» précise l’article 351 de la Loi. Dans ce but, la procédure de la CSST est souple et peut être adaptée de manière à ne pas faire perdre de droits aux parties; aucun acte de procédure basé sur la LATMP ne doit être rejeté pour vice de forme ou irrégularité par la CSST[6].

[12]       L’article 354 LATMP énonce qu’une décision de la CSST doit être écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans les plus brefs délais. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit signée mais le nom de la personne qui l’a prise doit apparaître à la décision écrite.

[13]       La CSST bénéficie d’une clause privative étanche, sinon complète, énoncée à l’article 350 de la Loi :

350. Sauf sur une question de compétence, un pourvoi en contrôle judiciaire prévu au Code de procédure civile (chapitre C-25.01) ne peut être exercé, et une mesure provisionnelle ne peut être ordonnée contre la Commission pour un acte fait ou une décision rendue en vertu d'une loi qu'elle administre.

[14]       Par contre, à moins d’exception, les décisions de la CSST sont révisables[7]. Une personne qui se croit lésée par une décision de la Commission peut, dans les 30 jours, lui en demander la révision par écrit en exposant brièvement ses motifs[8].

[15]       Dans une telle éventualité, conformément à l’article 358.3 de la Loi, la CSST décide sur le dossier après avoir donné aux parties l’occasion de présenter leurs observations. Elle peut ainsi confirmer, modifier ou infirmer la décision ouverte à la révision ou encore rendre la décision qui aurait dû être rendue. La révision doit être couchée par écrit, motivée et porter mention qu’elle peut être contestée devant la CLP et du délai pour ce faire. Ce délai est de 45 jours[9].

[16]       Dans les deux cas à l’étude, comme on le verra plus en détail au chapitre suivant, les décisions liées à un nouveau diagnostic sont prises par la CSST avec les mentions requises par la Loi, dont la possibilité d’en demander par écrit la révision dans les 30 jours. Dans le dossier PGQ, l’employeur laisse porter et ne demande pas la révision alors que, dans l’autre dossier, Canadelle demande une révision mais se désiste par la suite. Plus tard, l’employeur dans l’un et l’autre dossier présente à la CSST une demande de transfert du coût des prestations («demande de transfert») en vertu du paragraphe 327(1o) LATMP. La CSST refuse ces demandes de transfert en se disant liée par ses décisions devenues finales rattachant les nouveaux diagnostics à l’événement d’origine. S’en suivent des demandes de révision administrative de la part des deux employeurs que rejette la CSST qui du même coup confirme sa décision de refuser le transfert aux employeurs de toutes les unités. Dans les 45 jours prévus à la Loi, les employeurs contestent ces décisions de la CSST devant la CLP.

3.2.        La Commission des lésions professionnelles[10]

3.2.1.   Sa compétence

[17]       L’article 369 de la Loi énonce que la CLP a juridiction exclusive pour décider d’un recours formé en vertu de l’article 359 de la Loi.

[18]       À l’instar de la CSST, la CLP bénéficie d’une clause privative étanche, sinon complète, qui découle à la fois a) du paragraphe 3 de l’article 429.49 de la Loi qui prévoit que la décision de la CLP est finale et sans appel, b) du paragraphe 3 de l’article 429.58 qui prévoit qu’une décision une fois déposée au greffe de la Cour supérieure est exécutoire comme un jugement final et sans appel de la Cour supérieure, et c) de l’article 429.59 qui prévoit que les décisions de la CLP ne sont pas assujetties au pouvoir général de contrôle de la Cour supérieure sauf sur une question de compétence véritable.

[19]       Mentionnons en plus les articles 377, donnant à la CLP le pouvoir de décider de toute question de droit ou de faits nécessaire à l’exercice de sa compétence, ainsi que 378, qui investit les commissaires des pouvoirs et immunités de la Loi sur les commissions d’enquête[11].

[20]       Enfin, pour ce qui est du caractère d’expert de la CLP, le Tribunal réfère à la section V du chapitre XII de la Loi, traitant du recrutement et de la sélection de ses membres, qui exige une expérience pertinente de dix ans à l’exercice des fonctions de commissaire. Le Tribunal prend aussi en considération l’obligation faite à la CLP en vertu des articles 382 et 383, de constituer une banque de jurisprudence à caractère public et de publier périodiquement un recueil de ses décisions.

[21]       Il s’agit-là d’autant d’éléments indicateurs de la volonté du législateur de faire de la CLP un tribunal administratif spécialisé en matière de lésions professionnelles commandant la déférence de la part du tribunal de contrôle.

3.2.2.   Considérations d’ordre procédural

[22]       Dans les dossiers à l’étude, la présidente de la CLP s’est prévalue de l’article 429.29 de la Loi pour réunir plusieurs affaires soulevant sensiblement la même question[12].

[23]       De plus, conformément à ce qu’autorise l’article 429.33 de la LATMP, une conférence préparatoire s’est tenue le 29 janvier 2014. Il a alors été convenu de procéder en deux temps afin de décider en premier lieu de la question commune de droit, «soit celle concernant la possibilité de demander le transfert de l’imputation en vertu du premier paragraphe de l’article 327 de la Loi alors que la CSST a rendu une décision en reconnaissant la relation entre un nouveau diagnostic et la lésion professionnelle ou l’événement initial»[13].

[24]       Malgré la règle énoncée à l’article 373 de la Loi qui veut que les recours soient instruits et décidés par un seul commissaire, la présidente de la CLP, en raison de l’importance de la question à trancher, a désigné trois commissaires pour constituer la formation chargée d’entendre les dossiers, comme le permettent l’article 422 et le paragraphe 2 de l’article 429.49 de la LATMP.

4.            Les faits

[25]       Même si les deux dossiers tendent vers une même question de droit, les faits propres à chacun diffèrent. Afin de faciliter le travail de la CLP, les parties ont convenu par écrit d’admissions consignées au dossier. La formation de trois commissaires en fait une synthèse dans sa décision, aux paragraphes 133, pour le dossier Canadelle, et 140, pour le dossier PGQ. De plus, dans l’un et l’autre dossier, copie du dossier constitué par la CLP pour servir à la conciliation et lors de l’audience est versée en preuve[14]. De celle-ci, le Tribunal retient ce qui suit.

4.1.        Le dossier PGQ

[26]        Le 8 avril 2009, un employé du ministère de la Sécurité publique est victime d’un accident qui se traduit par une contusion au genou droit. S’en suit une réclamation à la CSST qui accepte le 7 mai 2009 qu’il s’agit-là d’un accident du travail. La décision d’admissibilité est transmise au travailleur et à son employeur[15]. Les destinataires sont informés qu’ils peuvent en demander la révision par écrit dans les 30 jours de sa réception, ce que ni l’une, ni l’autre ne fait.

[27]       Étant donné qu’au premier abord l’accident se révèle sans grand effet pour le travailleur puisque la lésion ne l’a pas rendu incapable d’exercer son emploi au-delà de la journée où il se produit, l’employeur est informé le 8 mai 2009 que la CSST lui impute les coûts des prestations, à l’exclusion des frais d’assistance médicale[16]. Toutefois, la décision d’imputation est modifiée une semaine plus tard pour inclure dans le coût des prestations les frais précédemment exclus[17]. Dans ces deux Décisions d’imputation, c’est-là leur titre, la CSST mentionne la possibilité d’en demander la révision dans les 30 jours; il n’y a pas de demande en ce sens.

[28]       En juillet 2009, de nouveaux diagnostics sont posés faisant état d’une déchirure du ménisque, d’une embolie pulmonaire et d’une thrombophlébite. Au dossier de la CSST, ils portent la mention manuscrite En lien[18]. Une décision concernant ces nouveaux diagnostics est prise le 23 juillet 2009 par la CSST qui informe le travailleur qu’il y a une relation entre ces diagnostics et l’accident du 8 avril 2009 et qu’il continuera à toucher les indemnités qui y sont rattachées; elle a pour objet : Décision liée à un nouveau diagnostic. Difficile d’être plus clair. L’employeur est mis en copie de cette décision. La possibilité d’en demander par écrit la révision dans les 30 jours y apparaît[19]. Aucune demande en ce sens n’est faite. Cette décision est un élément central du dossier.

[29]       Le 6 novembre 2012, soit plus de trois ans après la décision liée aux nouveaux diagnostics, l’employeur demande maintenant que le coût des prestations liées aux diagnostics d’embolie pulmonaire et de thrombophlébite soit imputé aux employeurs de toutes les unités en vertu du paragraphe 327(1o) LATMP[20].

[30]       Le ministère de la Sécurité publique invoque au soutien de sa demande que la déchirure du ménisque interne, non diagnostiquée au départ, résulte de l’accident d’origine mais que par contre les deux autres diagnostics sont liés à l’intervention chirurgicale pratiquée pour corriger la déchirure plutôt qu’à l’accident du travail lui-même du 8 avril 2009. L’employeur est d’avis qu’il s’agit donc d’une lésion professionnelle au sens de l’article 31 donnant ouverture à une demande de transfert du coût des prestations.

[31]       Survient par la suite un imbroglio : le 7 janvier 2013, la CSST rend une décision adressée au travailleur avec copie à l’employeur par laquelle elle fait droit à la demande de ce dernier tout en informant le travailleur qu’il continuera à avoir droit aux prestations prévues à la Loi. La possibilité de demander une révision de la décision dans les 30 jours s’y retrouve comme à chaque fois[21].

[32]       Mais neuf jours plus tard, une agente d’imputation de la CSST signale par courriel à la direction régionale de la CSST «que le diagnostic de phlébite et embolie pulmonaire a déjà fait l’objet d’une décision le 23 juillet 2009 et celle-ci n’a pas été contesté (sic)». Elle ajoute : «Vous devrez donc vous reconsidérer (sic) concernant la décision du 7 janvier 2013 puisque la décision du 23 juillet 2009 ne peut être changer (sic) (hors délai)»[22].

[33]       Ceci a pour résultat que, le 7 février 2012, la CSST reconsidère sa précédente décision en se basant sur l’article 365 de la Loi qui lui permet de le faire dans un délai de 90 jours[23]. Elle décide du même coup qu’elle n’avait pas à décider de la demande de transfert d’imputation du 6 novembre 2012 puisqu’elle avait déjà décidé le 23 juillet 2009 que les nouveaux diagnostics étaient reliés à l’événement initial et en informe le travailleur avec copie à l’employeur[24]. Dans ce contexte, la thrombophlébite et l’embolie pulmonaire ne pouvaient donc se qualifier au titre de lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la LATMP. La possibilité de demander la révision de cette décision conclut la lettre.

[34]       Le lendemain, 8 février 2013, la CSST rend une autre décision adressée cette fois à l’employeur rétablissant la décision de lui imputer la totalité du coût des prestations faute pour ce dernier de l’avoir contestée en temps utile. Par conséquent, la demande de l’employeur de transférer le coût des prestations aux employeurs de toutes les unités est rejetée. La CSST rappelle au ministère de la Sécurité publique qu’il peut demander par écrit la révision de cette décision dans les 30 jours suivant la réception de celle-ci[25].

[35]       C’est ce que fait l’employeur une semaine plus tard en demandant la révision administrative de la décision du 8 février 2013 et, le 12 mars 2013, de celle du 7 février 2013, telles qu’en font foi les demandes de révision en ce sens[26].

[36]       Le 15 avril 2013, se prononçant sur la demande de révision de la décision du 7 février 2013, la CSST confirme avoir l’autorité de reconsidérer sa décision du 7 janvier 2013 pour la remplacer par celle du 7 février[27]. Du même coup, elle déclare nulle la première et confirme la seconde. La réviseure de la CSST explique ainsi le rejet de la demande de révision de l’employeur :

De plus, dans le dossier, la Commission, en révision, constate la présence d’une erreur, soit le fait que les nouveaux diagnostics de phlébite et d’embolie pulmonaire avaient déjà fait l’objet d’une décision. En effet, le 23 juillet 2009, la Commission a rendu une décision à l’effet (sic) d’accepter les nouveaux diagnostics de déchirure du ménisque interne-externe genou droit, d’embolie pulmonaire et de phlébite en relation avec l’événement du 8 avril 2009. La Commission n’avait donc pas à se prononcer de nouveau sur ces diagnostics.

[37]       Et le 24 avril 2013, dans une autre décision motivée, la CSST rejette la demande de révision de la décision du 8 février 2013[28].

[38]       Dans celle-ci, après avoir rappelé la séquence des décisions antérieures de la CSST, le réviseur écrit que «la Commission, en révision, estime que le travailleur n’a pas subi une blessure ou une maladie par le fait ou à l’occasion des soins qu’il a reçus ou de l’omission de tels soins». Et le réviseur ajoute pour plus de précision :

En effet, la Commission, en révision, rappelle que les règles particulières d’imputation ne visent pas l’évolution ou les complications médicales relatives à une lésion professionnelle mais réfèrent plutôt à une relation directe entre une nouvelle pathologie et les soins reçus par le travailleur ou de l’omission de tels soins. Or, la Commission, en révision, rappelle que le 23 juillet 2009, la Commission a accepté les nouveaux diagnostics de phlébite et d’embolie pulmonaire comme étant en relation avec l’événement initial du 8 avril 2009. Cette décision n’ayant pas fait l’objet d’une demande de révision, elle est donc finale. Ainsi, ces diagnostics étant la lésion professionnelle, il ne peut s’agir d’une nouvelle lésion survenue par le fait ou à l’occasion des soins.

[39]       Ces deux dernières décisions de la CSST se terminent en rappelant qu’en cas de désaccord, une contestation auprès de la CLP est possible dans les 45 jours de la réception de la décision.

[40]       Le 1er mai 2013, l’employeur conteste la décision de la CSST du 24 avril 2013 qui lui était destinée à l’aide du formulaire à ce propos de la CLP. Le motif invoqué : «la décision est mal fondée en faits et en droit»[29].

[41]       Le dossier est instruit le 12 mai 2014 par la formation de trois commissaires de la CLP concurremment à celui de Canadelle. La CLP rend sa décision le 17 novembre 2014 dont l’employeur se pourvoit maintenant en contrôle judiciaire.

4.2.        Le dossier Canadelle

[42]        Le 20 janvier 2011, une travailleuse à l’emploi de Canadelle subit un accident. Diagnostic : un étirement du court extenseur du pouce droit. Le 3 mars 2011, la CSST décide que la réclamation pour accident du travail est admissible; l’employeur en est avisé[30]. Il demande la révision de la décision sur la base qu’il n’y a pas de relation causale entre l’accident et la blessure[31]. Le 19 mai 2011, la CSST confirme sa décision du 3 mars dans une décision détaillée[32]. Insatisfaite, le 20 juin 2011, Canadelle conteste cette décision à la CLP qui ouvre à ce propos le dossier 442226-61-1106.

[43]       D’autre part, le 15 septembre 2011, la CSST décide que de nouveaux diagnostics de tendinite De Quervain et d’algodystrophie réflexe sont rattachés à l’événement d’origine du 20 janvier 2011[33]. Elle en informe la travailleuse avec copie à l’employeur. La lettre en ce sens a pour objet : Décision liée à un nouveau diagnostic. Elle se termine en signalant que les parties peuvent en demander la révision par écrit dans les 30 jours suivant sa réception.

[44]       C’est ce que fait Canadelle le 21 octobre 2011 au motif que la décision de la CSST est non fondée en faits et en droit et qu’il n’y a pas de relation causale avec la lésion initiale[34].

[45]       Moins d’un mois plus tard, le 17 novembre 2011, le réviseur de la CSST fait parvenir à l’employeur sa décision. Il y souligne que la demande de révision de la décision du 15 septembre 2011 a été produite plus de 30 jours après celle-ci.  Reçue par la CSST le 3 novembre 2011, la demande de révision porte la date du 21 octobre 2011 alors que la décision attaquée serait parvenue à l’employeur le 21 septembre 2011. Comme il s’agit d’un délai de rigueur et que Canadelle, selon la CSST, n’a pas présenté de motif valable pour être relevée du défaut d’avoir soumis sa demande de révision dans le délai, cette dernière est jugée irrecevable et la décision du 15 septembre 2011 est maintenue. Le réviseur termine en rappelant qu’il est possible de contester la décision devant la CLP dans les 45 jours[35]. De fait, Canadelle loge une contestation une semaine plus tard auprès de la CLP qui ouvre un dossier distinct à ce sujet, soit le 455342-61-1111.

[46]       Toutefois, en mars 2013, Canadelle se désiste des deux contestations dans les dossiers 442226-61-1106 et 455342-61-1111 de la CLP.

[47]       Le 19 janvier 2012, Canadelle, invoquant les articles 31 et 327(1o) de la Loi, demande le transfert de l’imputation du coût des prestations consenties à la travailleuse[36]. L’employeur y précise que cette dernière a fait l’objet de soins inappropriés, soit une immobilisation prolongée qui «a provoqué une algodystrophie réflexe, un CRPS et une tendinite De Quervain»[37].

[48]       Le 10 février, la CSST rejette cette demande au motif que «[…] la preuve fournie ne démontre pas qu’une blessure ou qu’une maladie est survenue par le fait ou à l’occasion d’une activité prescrite au travailleur dans le cadre de traitements médicaux reçus pour sa lésion professionnelle»[38]. En conséquence, la décision du 15 septembre 2011 d’attribuer à l’employeur seul la totalité des coûts[39] demeure inchangée. La décision indique qu’une demande écrite de révision peut être faite dans les 30 jours de la réception de celle-ci par l’employeur ou la travailleuse.

[49]       L’employeur formule une telle demande de révision administrative le 20 février 2012 auprès de la CSST. Celle-ci la rejette pour motifs le 27 avril 2012[40]. La réviseure chargée de rendre la décision écrit ce qui suit à propos du lien de raccordement :

En effet, la Révision administrative constate que les éléments soumis par l’employeur ne permettent pas de conclure que les diagnostics de tendinite de De Quervain et d’algodystrophie réflexe découlent des soins reçus par la travailleuse suite à sa lésion professionnelle du 20 janvier 2011 ou de l’omission de tels soins. La Révision administrative rappelle que la Commission a accepté ces diagnostics comme étant en relation avec l’événement d’origine. Ainsi, ces diagnostics ne constituent pas de nouvelles lésions survenues par le fait ou à l’occasion de soins reçus par la travailleuse pour sa lésion professionnelle ou de l’omission de tels soins, mais bien de la lésion professionnelle elle-même.[41]

[50]       Cette décision de la CSST a pour effet de confirmer sa décision antérieure refusant la demande de transfert du coût des prestations.

[51]       Comme la décision de la CSST en indiquait la possibilité, l’employeur dépose à la CLP le 3 mai 2012 un formulaire de contestation au motif que «[…] la décision rendue […] n’est pas fondée en faits et en droit»[42].

[52]       La formation de la CLP rend sa décision conjointe le 17 novembre 2014 dont Canadelle se pourvoit en contrôle judiciaire.

5.            La norme de contrôle

[53]       Dans les notes qu’il souscrit dans l’arrêt Dunsmuir[43], le juge Binnie estime que la solution mise de l’avant par ses collègues les juges LeBel et Bastarache constitue selon lui une avancée trop modeste. Pour lui, réduire le nombre de normes de contrôle applicables de trois à deux et rebaptiser l’analyse pragmatique et fonctionnelle qui devient l’analyse relative à la norme de contrôle ne suffit pas. Il suggère quant à lui de modifier le mécanisme de contrôle lui-même plutôt que son appellation[44].

[54]       Dans un effort de simplification qu’il estime devoir être poussé encore plus loin que ce que souscrivent ses collègues[45], le juge Binnie propose entre autres choses de créer une présomption en faveur de la norme de la décision correcte sur les questions de droit sauf lorsque le décideur administratif interprète sa loi constitutive :

[128]     (…) Il devrait suffire de soustraire à l’application de la norme de la décision correcte l’interprétation de la loi constitutive du décideur administratif ou de quelque loi très connexe faisant appel à l’expertise de ce dernier (en matière de relations de travail, par exemple).  Cette exception mise à part, nous devrions préférer la clarté à la complexité superflue et statuer que la cour de révision a le dernier mot sur une question de droit générale.

[55]       Ce n’est pourtant pas l’approche retenue explicitement dans Dunsmuir par la majorité des juges du plus haut tribunal. Mais d’aucuns, comme le professeur D.J. Mullan en 2011[46], auquel souscrit la Cour suprême dans Alberta (Information and Privacy Commissionner) c. Alberta Teachers’ Association[47], sont d’avis que déjà Dunsmuir établissait la présomption voulant que la déférence s’impose lors du contrôle de la décision de l’autorité déléguée qui interprète sa loi habilitante ou constitutive, une autre loi ou quelque autre texte législatif auquel le tribunal administratif a souvent affaire, voire un principe de common law ou de droit civil. De fait, au paragraphe 54 de Dunsmuir, les juges LeBel et Bastarache pointent dans cette direction en référant à certains arrêts en ce sens du plus haut tribunal, dont celui de Société Radio-Canada c. Canada (Conseil des relations du travail)[48].

[56]       Mais à travers ses arrêts subséquents, dont Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa[49] et Nor-Man Regional Health Authority Inc. c. Manitoba Association of Health Care Professionals[50], la Cour suprême cerne progressivement la règle qui, sauf exception, se comprend maintenant comme une présomption en faveur de la déférence :

[32]       (…), il convient de présumer que l’interprétation par un tribunal administratif de «sa propre loi constitutive ou [d’]une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie» est une question d’interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire.[51]

[57]       En 2015, dans l’arrêt Mouvement Laïque québécois c. Saguenay (Ville de)[52], la Cour suprême la reprend ainsi :

[46]       (…) la Cour rappelle que, lors du contrôle judiciaire de la décision d’un tribunal administratif spécialisé qui interprète et applique sa loi constitutive, il y a lieu de présumer que la norme de contrôle est la décision raisonnable.

[58]       En somme, la Cour suprême rejoint ainsi une partie de la proposition du juge Binnie dans Dunsmuir mais sans en avaliser l’ensemble qui aurait signifié que les autres questions de droit répondent à la norme de la décision correcte.

[59]       Il est donc maintenant acquis que la norme de contrôle de la décision d’un tribunal administratif qui interprète sa loi constitutive est celle de la décision raisonnable. Il en va de même lorsque ce tribunal tranche les questions de faits et les questions où s’entremêlent les faits et le droit.

[60]       De fait, la LATMP met en place un régime d’indemnisation des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, dont le financement est assuré par les employeurs. Elle comporte ses propres mécanismes de contestation[53]. Comme le souligne la Cour d’appel dans Ganotec Mécanique inc. c. Commission de la santé et de la sécurité[54] :

Les questions en jeu devant la CLP, organisme à qui le législateur a confié la juridiction de décider des contestations des décisions prises par la CSST en ces matières, relèvent de son domaine d’expertise. De plus, les décisions de la CLP sont protégées par une clause privative étanche, sinon complète (art. 429.59 de la LATMP).

[61]       Dans le cas présent, la question à trancher, soit celle de reconsidérer une décision finale de la CSST en matière d’indemnisation à l’occasion d’une demande de transfert du coût des prestations, relève indiscutablement de la compétence de la CLP.

[62]       L’existence d’une clause privative étanche, le caractère d’expert de la CLP, les exigences de la Loi sur la composition de l’organisme et sur le degré d’expérience de ses membres, le type de questions qui lui sont soumises, la nature même de la LATMP et de ses mécanismes de contestation sont autant d’éléments qui mènent à conclure qu’il y a lieu de déférer à la décision de la CLP et d’appliquer la norme de la raisonnabilité comme nous y invite à le faire l’arrêt Dunsmuir qui dresse la liste suivante des éléments qui militent en faveur de la déférence judiciaire :

[55]   Les éléments suivants permettent de conclure qu’il y a lieu de déférer à la décision et d’appliquer la norme de la raisonnabilité :

•        Une clause privative : elle traduit la volonté du législateur que la décision fasse l’objet de déférence.

 •      Un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale (p. ex., les relations de travail).

 •      La nature de la question de droit.  Celle qui revêt « une importance capitale pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise » du décideur administratif appelle toujours la norme de la décision correcte (Toronto (Ville) c. S.C.F.P., par. 62).  Par contre, la question de droit qui n’a pas cette importance peut justifier l’application de la norme de la raisonnabilité lorsque sont réunis les deux éléments précédents.[55]

[63]        Or, la question que la CLP est appelée à trancher dans les présents dossiers ne revêt justement pas une importance centrale pour l’administration de la justice dans son ensemble demandant d’être tranchée d’une manière uniforme et cohérente étant donné ses répercussions[56]. Il ne s’agit pas non plus de questions constitutionnelles, de questions portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents ou de questions de compétence au sens strict[57]. Enfin, il n’y a ici aucune question de droit à trancher qui soit étrangère au champ d’expertise de la CLP[58]. Hormis cela, le tribunal de révision doit éviter de substituer à la décision rendue, celle qu’il pourrait estimer être la bonne.

[64]       En somme, l’ensemble des facteurs associés à l’analyse de la norme de contrôle mène à conclure que la décision de la CLP, y compris la question de droit centrale, doit bénéficier de la déférence judiciaire et qu’à ce titre, c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui doit s’appliquer. Il est superflu de pousser plus loin l’analyse à ce chapitre compte tenu du fait que la Cour d’appel a par ailleurs déjà décidé, dans l’arrêt Ganotec déjà cité, que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique : «(…) la retenue s’impose envers les décisions du décideur administratif (CLP) à qui le législateur a confié la juridiction en matière de contestation des décisions de la CSST»[59].

[65]       Rappelons avant d’enchaîner ce que la Cour suprême entend par la norme de la raisonnabilité à l’aide de ce passage si fréquemment cité de l’arrêt Dunsmuir :

[47]         La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[66]       Terminons en citant, en corollaire de ce qui précède, ces mots du juge Binnie, au paragraphe 149 du même arrêt : «La norme traditionnelle est celle de la raisonnabilité, et non de la rationalité».

6.            Les arguments présentés de part et d’autre

[67]       Dans la mesure où il est compris que la norme de la raisonnabilité s’applique sur une question d’interprétation législative, c’est au demandeur en révision judiciaire de démontrer le caractère non raisonnable de la décision[60]. La Procureure générale du Québec et Canadelle n’ont pas réussi à démontrer que tel est le cas.

[68]       Mais passons tout d’abord en revue ce que chacun plaide en abordant dans l’ordre le dossier PGQ et le dossier Canadelle.

6.1.        Les arguments proposés dans le dossier PGQ

6.1.1.   Arguments de la Procureure générale du Québec

[69]       Après avoir rappelé la séquence des événements, dont la décision de la CSST du 23 juillet 2009 de rattacher les nouveaux diagnostics à l’accident du travail du 8 avril précédent, la PGQ formule les deux questions en litige dans les termes suivants :

•  La CLP erre-t-elle lorsqu’elle conclut que la décision du 23 juillet 2009 est un empêchement à l’application de l’article 327 LATMP au regard des diagnostics d’embolie pulmonaire et de thrombophlébite?

•  La CLP erre-t-elle lorsqu’elle rejette la demande de transfert de l’imputation du coût des prestations reliées à ces deux diagnostics en vertu de l’article 327 de la Loi?

[70]       Une fois admise la norme de contrôle de la raisonnabilité et rappelé que celle-ci ne veut pas dire pour autant que toute interprétation du décideur spécialisé fait partie des issues possibles[61], la PGQ plaide que la décision de la CLP du 17 novembre 2014 est déraisonnable parce qu’elle repose sur une interprétation irrationnelle des faits. Au soutien de cette proposition audacieuse, la Procureure générale développe quatre arguments principaux.

a)            L’objet véritable de la décision de la CSST du 23 juillet 2009

[71]       Au soutien de son argument, la PGQ plaide que cette décision ne se prononce pas sur l’application de l’article 31 LATMP mais plutôt exclusivement sur le droit du travailleur victime de l’accident du 8 avril 2009 de continuer à recevoir des prestations en vertu de la Loi, sans plus. Cette décision ne peut donc pas acquérir l’autorité de la chose jugée et faire échec à la demande de transfert de l’imputation formulée par l’employeur dans la mesure où elle ne fait rien d’autre qu’indiquer au travailleur que les nouveaux diagnostics confirment qu’il s’agit toujours d’une lésion professionnelle. La décision ne tranche donc pas la question du lien de rattachement entre le diagnostic d’origine et les diagnostics de phlébite et d’embolie pulmonaire. Bref, selon la demanderesse, le seul objet de la décision du 23 juillet 2009 est d’informer le travailleur qu’il continuera à recevoir ses prestations suite aux deux diagnostics. Il faut selon elle prêter des mots à la CSST dans sa décision du 23 juillet 2009 pour y voir un lien entre les nouveaux diagnostics et l’événement d’origine auquel l’organisme ne fait pas référence.

[72]       Toutefois, pour asseoir son propos, la demanderesse réfère à la démarche de l’agent d’indemnisation de la CSST du 4 décembre 2012 qui aurait accepté d’emblée les nouveaux diagnostics sans vérifier le lien de causalité entre l’événement d’origine et les soins visant à consolider la lésion initiale. Outre que c’est là puiser loin dans la preuve pour répondre à une question de portée générale, le Tribunal ne peut tirer du dossier du travailleur de la CSST qu’invoque la Procureure générale une telle conclusion à partir d’une simple note de travail de cinq lignes inscrite au dossier. Aucune preuve plus étayée en ce sens n’a été présentée.

[73]       La Procureure générale plaide de plus que l’économie de la Loi vise à soustraire le travailleur aux différends qui peuvent surgir autour de l’imputation du coût des prestations dans la mesure où ce dernier est affecté d’une lésion professionnelle, sans égard au fait que celle-ci découle de l’accident du travail lui-même ou des soins prodigués pour consolider la lésion d’origine.

[74]       De ce syllogisme, elle tire la conclusion qu’il n’y avait donc aucune pertinence pour l’employeur de contester la décision du 23 juillet 2009 puisqu’il ne remettait pas en question le droit du travailleur de recevoir des prestations de la CSST. Conclure autrement voudrait dire que les employeurs devraient contester toutes les décisions d’indemnisation qui font mention d’un rattachement sous peine de perdre leur droit à demander un transfert d’imputation.

b)        Absence de distinction dans la notion de lésion professionnelle

[75]       Selon la Procureure générale, la CLP, pour répondre à la question, adopte un raisonnement juridique qui ne tient pas la route : le caractère spécifique de la lésion professionnelle sous l’angle de l’article 31 de la Loi en fait une catégorie incluse dans la définition large et englobante de la notion de lésion professionnelle de l’article 2. Selon la demanderesse, le raisonnement inverse que suit la CLP, qui veut qu’une lésion professionnelle au sens de l’article 2 exclut celle de l’article 31, n’est ni vrai, ni raisonnable et échappe à la logique juridique.

[76]       Pour appuyer son argument, la Procureure générale passe en revue les aspects médicaux du dossier de la CSST pour conclure que cette dernière s’est mal dirigée au moment de prendre la décision établissant le rattachement entre la lésion d’origine et les nouveaux diagnostics.

[77]       En effet, la demanderesse affirme que le dossier de la CSST démontre sans l’ombre d’un doute que les nouveaux diagnostics sont en lien avec l’intervention chirurgicale que le travailleur a subie le 29 juin 2009 à la suite de l’accident du 8 avril 2009. D’ailleurs, ajoute-t-elle, la thrombophlébite à la suite d’une chirurgie est en général considérée comme une lésion visée à l’article 31 LATMP selon la jurisprudence de la CLP.

[78]       La Procureure générale soutient que toutes les blessures, pour être indemnisables en vertu de la Loi, doivent ultimement avoir un lien avec l’accident du travail au sens de l’article 2. C’est ce qui explique que la LATMP utilise les mots «lésion professionnelle» autant à l’article 2 qu’à l’article 31. Il n’y a donc pas lieu en droit d’établir une distinction entre les deux puisqu’il s’agit d’une même notion désignée par la même appellation dans la Loi.

c)         L’argument du passage du temps

[79]       La demanderesse déplore que donner l’interprétation que retient la CLP plusieurs années après la décision de la CSST sur l’indemnisation produit des conséquences déraisonnables en ce qu’elle prive l’employeur de faire valoir ses droits sur l’imputation des coûts. Juger trois ans plus tard que l’employeur devait demander la révision de la décision du 23 juillet 2009 dans les 30 jours va carrément à l’encontre des principes de justice naturelle, selon elle.

[80]       Le Tribunal souligne toutefois à ce propos que si cette décision ne portait pas sur le lien de rattachement entre l’événement d’origine et les nouveaux diagnostics malgré les mots utilisés par la CSST, il est étonnant que l’employeur, qui n’avait aucune obligation de le faire en vertu de la Loi, s’il lui apparaissait que les nouveaux diagnostics découlaient des soins prodigués au travailleur, ait mis trois ans à demander le transfert d’imputation.

d)        L’absence de motifs suffisants   

[81]       Enfin, à titre d’administré au sens de la Loi sur la justice administrative[62] LJA»), l’employeur devait recevoir une décision claire et spécifique sur l’imputation au sens de l’article 331 de la Loi. Tel n’est pas le cas ici selon la Procureure générale.

[82]       Le Tribunal souligne que cet article prévoit que lorsque la CSST impute le coût des prestations à un employeur, elle l’en avise par écrit; cet avis constitue dès lors une décision de la Commission.

[83]       Bref, la demanderesse en révision judiciaire estime que la décision de la CLP du 17 novembre 2014 échappe aux paramètres de la raisonnabilité et qu’elle doit être cassée.

[84]       Dans son Plan d’argumentation, elle modifie les conclusions de sa Requête en révision judiciaire amendée afin que le Tribunal déclare que le coût des prestations associées à la thrombophlébite et à l’embolie pulmonaire soit imputé aux employeurs conformément à l’article 327 de la Loi.

6.1.2.   Arguments de la CSST

[85]       Selon la CSST, à qui revient l’application de la LATMP, suivre la Procureure générale dans son raisonnement mènerait à priver de sens l’article 31 de la Loi. Or, cette dernière établit deux types de lésions professionnelles : celle née de l’accident du travail lui-même et qui comprend ses effets en cascade, soit les complications, la récidive ou la rechute, est prévue à l’article 2 LATMP alors que la lésion professionnelle inscrite à l’article 31 est celle qui dérive de l’acte positif de soins ou de la décision de ne pas prodiguer de soins pour traiter la lésion initiale et permettre sa consolidation.

[86]       Il faut donc établir une relation causale distincte pour établir le rattachement. Il ne suffit donc pas par exemple, qu’une chirurgie soit requise afin de permettre la consolidation d’une lésion professionnelle pour que tout ce qui s’en suit en termes de coût des prestations versées au travailleur soit imputé aux employeurs de toutes les unités. Une chirurgie peut représenter un point de rupture au chapitre de l’imputation dans la seule mesure où elle constitue un bris du lien de causalité entre l’événement d’origine et la lésion professionnelle au sens de l’article 2 de la Loi. Chose certaine, selon la CSST, une lésion professionnelle ne peut être rattachée à la fois à l’article 2 et à l’article 31. Si une lésion professionnelle au sens de l’article 31 ne peut exister s’il n’y a pas au départ une lésion professionnelle au sens de l’article 2, le contraire n’est pas vrai. L’interprétation qu’en donne la CLP dans sa décision fait donc incontestablement partie des issues possibles en droit compte tenu du texte de la Loi.

[87]       Au moment de décider d’une demande de transfert d’imputation, la CSST plaide qu’elle ne peut faire abstraction des décisions rendues en indemnisation. Il appartient selon elle aux employeurs d’être vigilants puisque les coûts imputés sont le reflet des décisions prises en indemnisation. Si la CSST conclut que les nouveaux diagnostics sont en lien avec les soins prodigués ou l’absence de soins, elle impute ipso facto le coût des prestations à l’ensemble des unités sans que l’employeur n’ait à en faire la demande. Par contre, en décidant dans le sens où elle l’a fait le 23 juillet 2009, le coût des prestations reliées aux nouveaux diagnostics retombe exclusivement sur l’employeur. Celui-ci est donc informé du rattachement dès la décision de la CSST; en cas de désaccord, il lui revient d’en demander la révision dans les 30 jours.

[88]       Selon la CSST, l’argument de la Procureure générale voulant que l’employeur juge préférable de ne pas contester une décision comme celle du 23 juillet 2009 pour ne pas priver le travailleur de ses prestations ne résiste pas à l’analyse. En effet, il est loisible à l’employeur de ne pas remettre en question le droit du travailleur à être compensé tout en contestant le lien de rattachement entre l’événement original et un nouveau diagnostic; la CSST en donne des exemples fondés sur d’autres dispositions de la Loi.

[89]       Comme il s’agit-là d’une question qui se trouve au cœur même de la compétence exclusive de la CLP, la norme de révision est celle de la décision raisonnable selon la mise-en-cause.

6.1.3.   Arguments de la CLP

[90]       En s’appuyant sur la norme de contrôle de la décision raisonnable, la CLP développe des arguments qui sont pour l’essentiel semblables à ceux de la CSST : une décision d’indemnisation de la CSST produit des effets juridiques et c’est à l’employeur d’en demander la révision dans le délai du moment qu’il constate que c’est à tort que la Commission rattache un nouveau diagnostic à l’événement d’origine plutôt qu’aux soins ou à l’absence de soins.

[91]       En corollaire, les pouvoirs que le paragraphe 2 de l’article 377 LATMP attribue à la CLP ne lui permettent pas, lorsqu’elle est saisie d’une demande de transfert d’imputation fondée sur le paragraphe 327(1o), d’ignorer ou de modifier a posteriori une décision sur l’indemnisation devenue finale.

[92]       Par ailleurs, la nature du litige dans les dossiers à l’étude échappe aux exceptions énoncées par la Cour suprême depuis Dunsmuir[63]. En effet, celui-ci ne soulève pas une question de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui soit étrangère au domaine de spécialisation du décideur. Il ne s’agit pas non plus d’une question constitutionnelle, d’une question de compétence entre tribunaux spécialisés concurrents ou d’une rare question touchant à l’ordre juridique général.

[93]       Enfin, la CLP explique en quoi cette question se situe au cœur de la compétence et du mandat que lui attribue la Loi et dont elle a une connaissance approfondie.

[94]       En somme, à partir de la preuve et compte tenu du texte de la Loi, la CLP plaide que conclure a) que les nouveaux diagnostics sont rattachés à l’événement d’origine et b) que cette décision une fois devenue finale, fait obstacle à la demande de transfert de l’imputation entre dans la fourchette des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit au sens de Dunsmuir.

6.2.        Les arguments proposés dans le dossier Canadelle

6.2.1.   Arguments de Canadelle

[95]       Pour l’essentiel, Canadelle plaide que l’interprétation que donne la CLP des articles 2, 31 et 327 LATMP ne répond pas aux critères de la raisonnabilité avec pour conséquence que la décision du 17 novembre 2014 doit être écartée. Il en résulte que la décision de la CLP a pour effet d’ajouter à la Loi un délai pour se prévaloir de l’article 327. Subsidiairement, la demanderesse propose que le processus décisionnel de la CSST qui l’a amenée le 15 septembre 2011 à rattacher les nouveaux diagnostics de tendinite et d’algodystrophie à l’accident du travail d’origine contrevient aux obligations d’équité procédurale requises en matière de justice administrative.

a)            L’interprétation erronée

[96]       Sur le premier aspect, Canadelle estime que la décision de rattacher les nouveaux diagnostics à l’événement d’origine ne peut, en vertu de la Loi, faire échec à une demande subséquente de l’employeur de transfert de l’imputation. Elle invoque le fait que la CSST, dans sa décision du 10 février 2012 sur la demande de transfert, a refusé le transfert non pas au motif qu’une décision finale avait déjà été rendue sur le lien causal, mais parce que «la preuve fournie ne démontre pas qu’une maladie est survenue par le fait ou à l’occasion d’une activité prescrite (…) dans le cadre de traitements médicaux reçus pour sa lésion professionnelle»[64]. Le Tribunal souligne sur cet aspect qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’une façon différente de dire que le rattachement doit se faire avec l’événement d’origine.

[97]       Pour fonder sa prétention en droit voulant que la CLP contredit les termes de la Loi, la demanderesse soutient que l’interprétation que cette dernière donne des articles 2 et 31 LATMP a pour résultat que ceux-ci deviennent mutuellement exclusifs. Une lésion professionnelle reconnue sous l’article 31 devient ainsi une catégorie distincte de lésion professionnelle par rapport à la lésion définie à l’article 2. Canadelle invoque au soutien de sa position une décision de la CLP, soit Société de transport de Montréal[65]. Ainsi donc, conclure, comme le fait la CLP, qu’il existe deux types de lésion professionnelle, ne peut se justifier au regard de la Loi.

b)           L’ajout d’un délai

[98]       Canadelle prétend aussi que de rattacher le droit de demander un transfert de l’imputation à une décision finale sur l’indemnisation a pour effet d’assujettir la demande de transfert à un délai de 30 jours alors que l’article 327 LATMP ne prévoit aucun délai à ce propos.

[99]       L’argument va ainsi : puisque la Loi ne fixe pas de délai à l’employeur pour demander un transfert d’imputation[66], forcer ce dernier à contester une décision sur l’indemnisation lorsque la CSST établit un lien de rattachement entre les nouveaux diagnostics et l’événement d’origine équivaut à lui imposer un délai de 30 jours pour formuler sa demande de transfert. La décision de la CLP ayant un tel effet est donc déraisonnable.

[100]    Canadelle en infère que l’interprétation que fait la CLP aurait pour effet direct de multiplier les contestations des décisions sur le lien causal des nouveaux diagnostics et de pervertir du même coup la Loi, ce qui ne peut représenter une issue possible acceptable au regard des faits et du droit.

c)            Contravention aux règles d’équité procédurale

[101]    Enfin, Canadelle plaide que le processus décisionnel viole les principes d’équité procédurale et de justice naturelle. Pour conclure en ce sens, elle invoque la LJA et les articles 351 et 354 de la LATMP. Selon elle, en motivant trop sommairement sa décision sur le lien de rattachement, la décision de la CSST est inéquitable au plan procédural et doit être réformée puisqu’elle constitue ipso facto un excès de compétence[67]. La demanderesse prétend que sur cet aspect spécifique, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique.

[102]    Le Tribunal souligne à ce propos que plaider le caractère trop sommaire ou insuffisamment motivé de la décision se heurte ici à une difficulté de taille. En effet, en octobre 2011, Canadelle prend la décision de demander à la CSST la révision de sa décision du 15 septembre 2011 rattachant les nouveaux diagnostics à l’événement d’origine. On en conclut qu’elle en comprend dès lors la portée et en mesure l’effet éventuel sur l’imputation. Difficile pour elle de soutenir maintenant que la décision souffre des carences qu’elle lui reproche alors que l’opportunité lui était offerte de faire le débat autour du lien de rattachement devant la CSST. Qu’elle ait demandé trop tard la révision de la décision est son problème. Qu’elle se soit par la suite désistée de son recours est son choix.

[103]    Pour ces motifs, Canadelle demande d’annuler la décision de la CLP du 17 novembre 2014 et de retourner le dossier à cette dernière pour entendre la contestation de la décision de la CSST du 27 avril 2012.

6.2.2.   Arguments de la CSST et de la CLP

[104]    L’une et l’autre reprennent dans le dossier Canadelle les arguments développés dans l’autre dossier en établissant les communs dénominateurs qui permettent d’asseoir leurs conclusions. Celles-ci sont les mêmes relativement aux distinctions qui s’imposent entre la lésion professionnelle sous l’article 2 et celle sous l’article 31 de la Loi, sur la compétence exclusive des deux commissions, sur le rapport entre une décision de la CSST sur le lien de rattachement et la décision sur l’imputation du coût des prestations, sur la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer et sur le respect des règles de justice naturelle.

[105]    Pour ce qui est de l’argument de l’employeur voulant que la décision de la CLP ait pour effet de lui imposer un délai pour se prévaloir de l’article 327 LATMP, la CSST plaide qu’il n’en est rien puisque, si l’employeur a gain de cause en établissant qu’il s’agit d’une lésion professionnelle visée à l’article 31 de la Loi, il n’y a plus de délai à respecter étant donné que la CSST transférera ipso facto aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations liées à cette lésion. Ne le ferait-elle pas ou ne le ferait-elle qu’en partie que l’employeur pourrait dans un tel cas demander le transfert d’imputation en tout temps.

7.            Analyse

7.1.        La question de droit à résoudre par la CLP

[106]    La décision de la CLP du 17 novembre 2014 indique qu’il a été convenu avec les parties de procéder d’abord sur la question commune suivante : est-il possible de demander un transfert de l’imputation en vertu du premier paragraphe de l’article 327 LATMP alors que la CSST a déjà rendu une décision établissant le lien de rattachement entre un nouveau diagnostic et la lésion professionnelle ou l’événement initial? En d’autres mots, une décision finale de la CSST rattachant un nouveau diagnostic à l’événement d’origine est-elle une fin de non-recevoir à une demande de l’employeur qui requiert un transfert de l’imputation du coût des prestations au motif que ce nouveau diagnostic vise une lésion professionnelle prévue à l’article 31(1o) de la Loi?

[107]    La CLP indique aussi qu’il a été convenu, en fonction de la réponse donnée à la première question, de décider dans un deuxième temps de la question de fond, soit le droit ou non de chaque employeur de bénéficier d’un transfert de l’imputation.

[108]    Les pourvois en révision judiciaire de la Procureure générale et de Canadelle ne portent donc que sur la question commune de droit, soit celle d’amont. Celle-ci est de nature déclaratoire et s’accompagne d’un certain niveau d’abstraction par rapport à la question de fond. Il est donc important d’identifier à cette étape quel est le tronc commun factuel ayant permis à la CLP de trancher la question de droit. Avec respect, le Tribunal estime que les demanderesses, dans leurs mémoires, plans d’argumentation et plaidoiries, ont à l’occasion puisé trop profondément dans la preuve propre à leur dossier spécifique et débordé le cadre de la question fondamentale de droit qui est au centre de la décision de la CLP.

7.2.        Le tronc commun

[109]    Dans l’un et l’autre dossiers, il n’est pas contesté que la décision de la CSST rattachant de nouveaux diagnostics (déchirure du ménisque, embolie pulmonaire et thrombophlébite dans le dossier PGQ, tendinite et algodystrophie réflexe dans l’autre) à l’accident du travail d’origine est connue de l’employeur comme du travailleur peu après qu’elle soit prise. L’employeur n’en demande pas la révision dans le dossier PGQ alors qu’il le fait, mais trop tard, dans celui de Canadelle.

[110]    Dans le dossier PGQ, l’employeur fait un tri dans les nouveaux diagnostics et conclut que la déchirure du ménisque est reliée à l’accident initial mais que les deux autres sont attribuables aux soins prodigués au travailleur par suite de l’événement d’origine. C’est sur cette base qu’il formule un transfert du coût des prestations rattachées à ces derniers. 39 mois s’écoulent toutefois entre la décision de la CSST établissant le lien causal et la demande de transfert d’imputation. S’en suit la décision de la CSST de refuser celle-ci au motif qu’une décision avait déjà été prise par la CSST trois ans plus tôt et qu’elle ne pouvait être renversée par le biais d’une demande de transfert d’attribution.

[111]    Le dossier Canadelle emprunte un parcours différent mais avec le même résultat. L’employeur prend d’emblée la mesure de la décision de la CSST d’associer les nouveaux diagnostics à l’accident initial puisqu’il en demande la révision, mais en dehors du délai prescrit de 30 jours. La CSST rejette la demande de révision pour ce motif en soulignant que l’employeur n’a pas présenté de motif valable pour être relevé du défaut d’agir à l’intérieur du délai de rigueur. Canadelle conteste cette décision devant la CLP puis se désiste. Mais dans l’intervalle, l’employeur demande le transfert de l’imputation du coût des prestations reliées selon lui aux soins inadéquats prodigués à la travailleuse par suite de l’accident du travail. La CSST rejette cette demande une première fois puis en révision au motif que la preuve fournie ne démontre pas que les nouveaux diagnostics sont reliés à des soins prodigués à la travailleuse à la suite de l’incident initial. En révision, la CSST rappelle qu’elle a déjà accepté les diagnostics de tendinite et d’algodystrophie comme étant en lien avec l’événement d’origine. La demande de transfert d’imputation de Canadelle est donc pour ce motif refusée.

[112]    En somme, ce rappel des faits marquants permet de constater que dans les deux dossiers a) la CSST a décidé que les nouveaux diagnostics devaient être rattachés à l’accident du travail d’origine, b) que les employeurs dans les deux cas ont été informés sans délai de la décision en ce sens et c) que la CSST estime qu’elle ne peut renverser les décisions prises en ce sens une fois qu’elles sont devenues finales. Ceci forme le tronc commun sur la base duquel la CLP développe sa décision du 17 novembre 2014.

[113]    À partir de là, la CLP aborde le problème sous trois angles : l’interprétation des articles 2 et 31 de la Loi en lien avec l’article 327; l’ajout à la Loi d’un délai pour se prévaloir de ce dernier article; les règles d’équité procédurale.

7.3.        L’interprétation par la CLP des articles 2, 31 et 327(1o) LATMP

[114]    Dans l’objectif de mettre fin à la controverse qui plombe la question, la formation de trois commissaires se consacre principalement à fixer l’interprétation des articles 2, 31 et 327 lus concurremment.

[115]    En se fondant sur la méthode contextuelle moderne élaborée par l’auteur E.A. Driedger[68], avalisée par la Cour suprême dans de nombreux arrêts au cours des derniers 20 ans[69] et reprise par la CLP de façon récurrente[70], cette dernière s’emploie à marier ces trois articles de la Loi pour donner à chacun une portée qui permet de les harmoniser entre eux et avec la LATMP dans son ensemble. Citons donc pour mémoire, avant d’enchaîner, ce passage de Driedger repris par le plus haut tribunal dans l’arrêt Verdun[71] :

[6]         (…) [TRADUCTION]  Il n’existe qu’une seule règle d’interprétation moderne:  les tribunaux sont tenus d’interpréter un texte législatif dans son contexte global, en tenant compte de l’objet du texte en question, des conséquences des interprétations proposées, des présomptions et des règles spéciales d’interprétation, ainsi que des sources acceptables d’aide extérieure.  Autrement dit, les tribunaux doivent tenir compte de tous les indices pertinents et acceptables du sens d’un texte législatif.  Cela fait, ils doivent ensuite adopter l’interprétation qui est appropriée.  L’interprétation appropriée est celle qui peut être justifiée en raison a)de sa  plausibilité, c’est-à-dire sa conformité avec le texte législatif, b) de son efficacité, dans le sens où elle favorise la réalisation de l’objet du texte législatif, et c) de son acceptabilité, dans le sens où le résultat est raisonnable et juste. 

[Le Tribunal souligne]

[116]    Dans ce contexte, la CLP se penche sur les articles 326, 327, 328 et 329 LATMP. Ces articles traitent de l’imputation du coût des prestations selon qu’il s’agisse d’un accident du travail, d’une maladie professionnelle ou du cas d’un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste la lésion professionnelle. Le paragraphe 326(2) et l’article 329 prévoient que l’employeur peut faire une demande d’imputation particulière. Les articles 327 et 328 prévoient que l’imputation est faite par la CSST sans demande de l’employeur; ils n’excluent pas que ce dernier signale une situation pouvant modifier l’imputation sans imposer à l’employeur un délai pour le faire.

[117]    Elle en conclut, à l’instar de ce qu’elle avait déjà décidé en 2006 dans le dossier Roland Boulanger & Cie et CSST[72], que pour décider de transférer l’imputation aux employeurs de toutes les unités du coût des prestations en vertu du paragraphe 327(1o) dans un dossier donné, il faut déterminer en premier lieu qu’il s’agit d’une lésion professionnelle en vertu de l’article 31 de la Loi.

[118]    Une fois établi qu’il y a un lien de raccordement entre les nouveaux diagnostics et les soins prodigués au travailleur à la suite de l’accident du travail, le transfert d’imputation est obligatoire, peu importe que la décision ait été prise d’emblée par la CSST ou qu’elle résulte d’une demande de l’employeur. C’est ce qui explique qu’il n’y a pas dans la LATMP de mécanisme formel ou de délai pour qu’un employeur demande un transfert d’imputation en vertu du paragraphe 327(1o). D’où une part d’ambiguïté entre les décisions relatives à l’indemnisation et celles ayant trait à l’imputation.

[119]    Du moment qu’un événement est accepté par la CSST comme accident du travail, tout nouveau diagnostic subséquent doit être rattaché soit à l’événement d’origine, soit aux soins qui sont prodigués au travailleur dans l’objectif de consolider la lésion initiale, ou être refusé. Les décisions en ce sens de la CSST peuvent faire l’objet d’une révision en vertu de la Loi dans un délai de 30 jours. Elles intéressent tant le travailleur que l’employeur alors que celles sur le financement à travers l’imputation n’intéressent que ce dernier et, à la limite, les autres employeurs. Ce qui ne veut pas dire que les deux aspects doivent être traités en silos puisque le transfert d’imputation en vertu du paragraphe 327(1o) est directement tributaire du lien de rattachement que la CSST établit ou non entre un nouveau diagnostic et les soins ou l’absence de soins prodigués au travailleur de prestations de la CSST.

[120]    La CLP s’emploie donc dans sa décision à distinguer la lésion professionnelle au sens de l’article 31 de celle au sens de l’article 2. Selon elle, citant sa décision dans Coloride inc.[73], l’emploi des mots «est considérée une lésion professionnelle» au début de cet article implique «nécessairement que la blessure ou la maladie faisant suite au soin ou à son omission se distingue de la lésion professionnelle et de sa suite logique»[74].

[121]    Après un survol de sa propre jurisprudence sur ce qu’est une lésion professionnelle au sens de l’article 31, la CLP énonce le principe que dénoncent de concert la Procureure générale et Canadelle, qui est que «la lésion considérée professionnelle au sens de l’article 31 se doit nécessairement d’être distinguée de celle visée dans l’article 2 de la loi»[75], avant d’ajouter que :

[64]        Selon cet article, on constate que la lésion professionnelle est une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, sans exclure la récidive, rechute ou aggravation. Alors que celle visée dans l’article 31 est une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion de soins ou de l’omission de tels soins qu’un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle au sens de l’article 2.                                                                              (Les soulignements sont de la CLP)

[122]    Bref, le problème de santé qui apparaît dans le cadre de l’évolution d’un dossier, qu’on appelle le nouveau diagnostic, découle, selon la décision de la CLP, soit de l’événement d’origine, soit des soins ou de l’omission de soins prodigués au travailleur, mais non des deux à la fois. Le tribunal administratif en tire la conclusion suivante en droit :

[66]        Par conséquent, lorsque la CSST rend une décision statuant sur la relation entre un nouveau diagnostic et la lésion professionnelle ou l’événement initial et que cette décision n’est pas contestée, une telle situation fait obstacle à la possibilité d’un transfert de l’imputation en vertu du premier paragraphe de l’article 327.

[123]    Le Tribunal ne voit rien dans ce raisonnement de la CLP qui contredise les termes mêmes de l’article 31 contrairement à ce que plaide Canadelle en citant la décision rendue dans le dossier Société de Transport de Montréal[76]. Avec respect, le Tribunal souligne que, dans le cadre d’un pourvoi en contrôle judiciaire, ce n’est pas parce qu’un tribunal administratif a traité une question juridique dans un sens qu’il faut en conclure que la décision subséquente d’une autre formation du même tribunal qui en traite autrement est du même coup déraisonnable. De fait, le Tribunal considère que le raisonnement juridique que tient la CLP dans le présent dossier est plus conforme au texte des divers articles de la Loi lus les uns par rapport aux autres.

[124]    En somme, la CLP conclut que, aussi larges que soient les pouvoirs qui lui sont octroyés en vertu de l’article 377 de la Loi[77], ils n’autorisent pas pour autant celle-ci à passer outre ou à remettre en question une décision de la CSST devenue finale qui établit le lien de raccordement entre l’événement d’origine et le nouveau diagnostic.

[125]    Par ailleurs, la question à laquelle la CLP apporte réponse dans sa décision du 17 novembre 2014 se situe au cœur de sa compétence de tribunal administratif spécialisé. Or, il est acquis que la Cour supérieure jouit d’un pouvoir d’intervention limité en matière de contrôle des décisions de ce type. Dans l’arrêt Guilde des employés de Super Carnaval[78], la Cour d’appel écrit :

      Si fondamentale et si étendue que soit cette juridiction [pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure], elle demeure cependant un contrôle de régularité, de légalité et de protection de la justice fondamentale dans l’activité des tribunaux inférieurs et des corps administratifs. La Cour supérieure interviendra autant que nécessaire, mais pas davantage. Elle ne saurait s’arroger les fonctions propres des tribunaux inférieurs. Évocation veut dire appel à la juridiction générale de la Cour supérieure, pour corriger une irrégularité ou une injustice. Elle ne signifie pas la substitution de la Cour supérieure au corps ou au tribunal placé sous son contrôle judiciaire. Une telle conception du contrôle judiciaire comme instrument de substitution de la Cour supérieure au tribunal inférieur violerait les limites de son rôle et ne respecterait pas l’autonomie juridictionnelle des organismes soumis au contrôle judiciaire, (…)[79]

(Soulignements omis)

[126]    Ainsi donc, le tribunal de contrôle ne peut substituer sa décision à celle d’un décideur administratif sans justification sérieuse prescrite par les paramètres d’intervention limités applicables en cette matière.

[127]    Dans le présent dossier, les deux parties demanderesses en contrôle judiciaire plaident que la décision de la CLP est déraisonnable parce qu’elle a pour résultat que les articles 2 et 31 de la Loi s’excluent mutuellement.

[128]    Le Tribunal ne peut retenir leur prémisse puisque la CLP n’établit pas qu’il y a exclusion mutuelle des articles 2 et 31.

[129]    Pour décider comme elle le fait, la CLP parcourt l’histoire législative de l’article 31 de la Loi. Jusqu’à l’introduction de celui-ci en 1985, la notion de lésion professionnelle se limitait à la blessure survenant par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail. Survient le jugement du 9 janvier 1979 de la Cour supérieure dans l’affaire Commission des accidents du travail c. Hôpital L’Hôtel-Dieu de Québec et docteur Jacques Houde[80]. Le juge Letarte, alors de cette Cour, y affirme qu’attribuer une prestation à un travailleur pour une lésion découlant non pas de l’accident du travail dont il a été la victime mais d’une intervention chirurgicale subséquente liée à celui-ci constitue une libéralité de la part de la Commission des accidents du travail qui ne donne pas le droit à cette dernière de poursuivre l’hôpital et le médecin avec lesquels celle-ci n’a pas de lien de droit :

      Si la Loi des Accidents du Travail permet à l’accidenté d’obtenir l’assistance médicale que requiert son état, voire même la réhabilitation médicale ou sociale qu’il peut requérir, c’est toujours en fonction de l’accident du travail et non pas de toute autre cause qu’il faut interpréter l’obligation de la Commission.[81]

[130]    C’est pour surmonter la difficulté à laquelle étaient dès lors confrontés les travailleurs que le législateur a introduit l’article 31 dans la Loi pour faire en sorte que non seulement la lésion professionnelle découlant de l’événement d’origine donne ouverture à des prestations, y compris la récidive, la rechute ou l’aggravation, mais aussi les séquelles indirectes nées des soins ou de l’absence de soins ou de traitement découlant de l’événement d’origine. Avec pour effet que les séquelles nées d’un soin lié à la lésion d’origine sont elles-mêmes tenues, «considérées» dit la Loi, être une lésion professionnelle qui, sans le support de l’article 31, ne le seraient pas.

[131]    Conclure comme le fait la CLP qu’une lésion professionnelle sous l’article 31 LATMP a une cause distincte de la lésion professionnelle découlant de l’accident du travail d’origine fait indiscutablement partie de son rôle à titre de tribunal administratif spécialisé lorsqu’il interprète la Loi. Le raisonnement juridique que fait la CLP et la conclusion qu’elle tire de sa lecture croisée des articles 2, 31 et 327(1o) de la Loi et l’appartenance de cette conclusion aux issues possibles acceptables justifient que le Tribunal en défère à la CLP à ce chapitre.

[132]    Par voie de conséquence, conclure comme le fait la CLP qu’une décision devenue finale établissant le lien de rattachement prive par la suite la CSST du droit d’en décider autrement lorsque l’employeur lui présente une demande de transfert d’imputation, ne permet pas au Tribunal d’intervenir par voie de contrôle judiciaire.

[133]    Par ailleurs, le Tribunal souligne que, dans le dossier PGQ, la décision de la CSST du 23 juillet 2009, même faiblement motivée, était connue de l’employeur qui pouvait en demander la révision dans les 30 jours et qui ne l’a pas fait. La CLP écrivait à ce propos en 2010, dans Prodimax inc.[82] :

[66]           Par ailleurs, le tribunal constate que l’employeur n’a pas contesté ladite décision qui constitue l’assise lui permettant de demander que cette pathologie soit qualifiée non pas de lésion professionnelle au sens de l’article 2, mais plutôt de lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi. Dans ces circonstances, il ne peut donc prétendre par la suite dans le cadre d’une demande de partage d’imputation que le diagnostic en question soit qualifié différemment de ce qui a été déterminé précédemment.

[134]    De son côté, Canadelle, non seulement connaissait la décision d’indemnisation de la CSST mais en a demandé la révision au motif que les diagnostics de tendinite et d’algodystrophie réflexe n’ont pas de relation causale avec la lésion professionnelle initiale[83], pour ensuite se désister de sa contestation auprès de la CLP.

[135]    Dans un cas comme dans l’autre, l’employeur a fait le choix de laisser la décision concluant à un lien de raccordement entre de nouveaux diagnostics et l’événement original devenir finale. Tranchant la controverse jurisprudentielle sur cette question, la CLP refuse de traiter l’indemnisation et l’imputation en silos et donne à la décision de la CSST sur le lien de raccordement son plein effet juridique. Il s’agit d’une décision au plein sens du terme à laquelle la Loi attache un droit de révision. Il n’y a donc pas lieu de casser la décision de la CLP au motif que la portée ou le sens qu’elle donne d’une décision de cette nature n’est pas raisonnable au vu de l’arrêt Dunsmuir.

7.4.        L’ajout d’un délai pour se prévaloir du paragraphe 1o de l’article 327 LATMP

[136]    Cet argument est présenté au Tribunal par Canadelle. La CLP n’en traite pas dans sa décision.

[137]    À l’instar de ce que la CLP a décidé dans le dossier Roland Boulanger & Cie, déjà cité[84], la demanderesse rappelle que la Loi n’impose aucun délai à l’employeur pour demander un transfert d’imputation du coût des prestations. Or, dénier à l’employeur le droit de formuler une demande en ce sens lorsqu’est devenue finale et irrévocable une décision de la CSST sur l’indemnisation et le rattachement équivaut, selon Canadelle, à assujettir une demande de transfert au délai de 30 jours prévu à la Loi pour demander la révision d’une décision sur le rattachement. Conclure de la sorte ne peut être que déraisonnable parce que contraire à ce que prévoit la Loi et à son esprit, prétend la demanderesse.

[138]    Le Tribunal ne partage pas son point de vue. De deux choses l’une, ou bien une décision est rendue sur le rattachement ou il n’y a pas de décision en ce sens. Dans le premier cas, advenant que la CSST relie les nouveaux diagnostics aux soins ou à l’absence de soins, le transfert d’imputation est automatique sans que l’employeur n’ait à formuler une demande. Si la CSST ne procède pas au transfert, l’employeur peut le lui rappeler en tout temps. Par contre, si la CSST rattache ces diagnostics à l’événement d’origine alors que l’employeur croit ou a des motifs de croire que c’est aux soins qu’ils devraient être reliés, c’est à lui de demander la révision de la décision et de faire la preuve qu’il s’agit d’une lésion professionnelle au sens de l’article 31 LATMP. Si la CSST en révision fait droit aux prétentions de l’employeur, aucune demande en vertu du paragraphe 327(1o) n’est requise et le transfert de l’imputation est automatique. Enfin, si aucune décision n’est prise par cette dernière sur le rattachement, l’employeur demeure libre de formuler une demande de transfert et de démontrer que de nouveaux diagnostics sont en lien direct avec les soins prodigués par suite de la lésion initiale comme prévu à l’article 31 de la Loi et que les prestations rattachées à cette forme de lésion professionnelle doivent être placées à la charge des employeurs de toutes les unités. Mais dans un cas comme dans l’autre, l’interprétation que fait la CLP de la Loi n’a pas pour résultat d’imposer un délai à l’employeur pour se prévaloir du paragraphe 327(1o) de la Loi.

[139]    Le Tribunal conclut que cet argument de Canadelle n’apporte rien et qu’il doit être écarté.

7.5.        L’équité procédurale et la suffisance des motifs des décisions de la CSST

[140]    Voyons tour à tour où logent, selon les demanderesses, le manquement aux règles d’équité procédurale et la norme de contrôle à appliquer en pareil cas.

7.5.1.   Y a-t-il eu violation des règles d’équité procédurale?

[141]    La CSST, dans le dossier PGQ, établit ainsi le rattachement entre les nouveaux diagnostics et l’événement d’origine dans les termes suivants :

Nous avons reçu un rapport médical du Dr Dr. (sic) Antoniades mentionnant les nouveaux diagnostics une déchiure (sic) du ménisque interne/externe genou droit, une embolie pulmonaire et phlébite. Après étude de votre dossier, nous concluons qu’il y a relation entre ces diagnostics et l’événement du 8 avril 09. Vous continuerez donc à recevoir les indemnités de la CSST.[85]

[142]    Dans la décision qu’elle rend le 15 septembre 2011 dans le dossier Canadelle, la CSST utilise une formulation similaire :

Nous avons reçu un rapport médical du Dr Pierre Dufort mentionnant les nouveaux diagnostics d’une tendinite De Quervain et d’une algodystrophie réflexe. Après étude de votre dossier, nous concluons qu’il y a relation entre les diagnostics de tendinite De Quervain et d’algodystrophie réflexe et la lésion professionnelle du 11-01-20. Vous continuerez donc à recevoir les indemnités de la CSST.[86]

[143]    Tel qu’on l’a vu au chapitre 5, les demanderesses plaident qu’il s’agit-là de décisions insuffisamment motivées qui ne répondent ni aux exigences de la Loi sur la justice administrative, ni à celles de la LATMP. Elles en concluent qu’il y a là une contravention aux exigences de l’équité procédurale qui est fatale à la décision de la CLP.

[144]    Canadelle, à l’argument de laquelle souscrit la Procureure générale, cite au soutien de sa proposition les articles 2, 4 et 8 LJA et 351 et 354 LATMP. Ces articles ont trait à l’obligation de l’administration gouvernementale d’agir équitablement, en suivant des règles souples et sans formalisme. Ils prévoient que les décisions sont écrites, motivées et rédigées en termes clairs et concis et qu’elles doivent porter mention des recours autres que judiciaires prévus à la loi et les délais pour exercer ces recours.

[145]    Cela dit, la violation des règles d’équité procédurale par un tribunal administratif constitue un excès de compétence révisable[87]. Toutefois, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas ici une telle violation et qu’il n’y a donc pas lieu de casser la décision de la CLP pour ce motif.

[146]    Pour ce faire, le Tribunal rappelle que les demanderesses ne prétendent pas que la décision de la CLP dont elles demandent le contrôle judiciaire est en rupture avec l’équité procédurale. Elles s’en prennent plutôt aux décisions de la CSST qui établissent le rattachement. Pourtant, ces deux décisions ne tranchent pas le débat de façon finale puisqu’elles ouvrent la porte à une révision administrative si l’employeur s’en donne la peine et qu’il le fait en temps utile. Et la décision sur la révision est elle-même sujette à contestation devant la CLP qui, dans un tel cas, procède de novo[88].

[147]    Dans le cas présent, les deux décisions sont écrites et indiquent qu’il est loisible dans les 30 jours pour l’employeur, le travailleur ou la travailleuse d’en demander la révision. Sur la question du rattachement, la CSST ne passe pas par quatre chemins et va à l’essentiel : il y a rattachement à l’événement d’origine. Sa décision est aussi explicite que l’objet en est énoncé clairement.

[148]    Dans les deux cas, les employeurs se fussent-ils prévalu de leur droit d’en demander la révision administrative qu’ils auraient eu le loisir d’administrer une preuve sur le lien de causalité et de rattachement avec les soins prodigués ou l’absence de soins. Ils ont choisi de ne pas le faire. Une décision de la CSST plus abondamment motivée dans chaque dossier mais concluant de la même façon que celles des 23 juillet 2009 et 15 septembre 2011 auraient eu le même effet advenant que la Procureure générale et Canadelle n’en aient pas demandé la révision.

[149]    Quand la CLP écrit que les décisions de la CSST, malgré leur motivation minimale, établissent sans ambiguïté le lien de rattachement et écartent l’existence de lésions professionnelles au sens de l’article 31, elle joue le rôle que le législateur attend d’elle en vertu de l’article 377 LATMP.

[150]    Par ailleurs, s’appuyant sur l’arrêt Baker de la Cour suprême[89], la CLP passe en revue les critères qui encadrent la nature et l’étendue de l’obligation d’équité procédurale avant de conclure comme suit sur cet aspect :

[127] Ainsi, comme le souligne la Cour suprême dans l’affaire Baker, le tribunal qui évalue les exigences de l’équité procédurale doit tenir compte de la réalité quotidienne de l’organisme qui rend la décision. La CSST rend de nombreuses décisions quotidiennement et ces décisions sont rendues par des agents d’indemnisation. Dans ce contexte bien précis et puisque ces décisions peuvent faire l’objet d’une contestation devant un tribunal exerçant des pouvoirs juridictionnels, la Commission des lésions professionnelles considère que les exigences de la loi quant à la motivation d’une décision et celles prévues à la Loi sur la justice administrative sont respectées.

[128] Les valeurs qui sous-tendent l’obligation d’équité procédurale sont de permettre à la personne visée par la décision de se faire entendre et de faire valoir tous ses droits à la suite d’un processus impartial. En l’espèce, cet objectif est rencontré. Les parties peuvent contester la décision de relation et se faire entendre devant un tribunal indépendant de la CSST.

(Le Tribunal souligne)

[151]    Rappelons ici que l’arrêt Baker porte sur une question «grave de portée générale», soit la façon d’aborder l’intérêt des enfants dans le contrôle d’une décision discrétionnaire d’ordre humanitaire ayant trait au maintien du lien entre les membres d’une proche famille. L’arrêt porte essentiellement sur la démarche à suivre lorsqu’un tribunal procède au contrôle judiciaire des décisions de ce type à la fois sur le fond et sur le plan de la procédure.

[152]    Dans cette affaire, la décision, une fois prise par un fonctionnaire en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration[90] n’était susceptible ni d’appel par voie administrative, ni de révision. Seul le pourvoi en contrôle judiciaire est alors possible et encore, dans le cadre étroit de ce que permet la Loi sur les Cours fédérales[91].

[153]    Certes, le fait qu’une décision administrative touche «les droits, privilèges ou biens d’une personne» suffit pour entraîner l’application de l’obligation d’équité[92].

[154]    Mais cette obligation n’a pas un contenu immuable. Sa géométrie varie en fonction du contexte, de la loi particulière et de droits visés. Comme l’écrivait la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19 :

[…] la notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas.[93]

[155]     Dans sa décision, la CLP relève un à un chacun des facteurs que relève la Cour suprême dans Baker. Le Tribunal en retient ces deux passages qui s’avèrent utiles dans le contexte des présents dossiers :

Plus le processus prévu, la fonction du tribunal, la nature de l’organisme rendant la décision et la démarche à suivre pour parvenir à la décision ressemblent à une prise de décision judiciaire, plus il est probable que l’obligation d’agir équitablement exigera des protections procédurales proches du modèle du procès.[94]

Et :

Plus la décision est importante pour la vie des personnes visées et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses.[95]

[156]    Il faut ainsi prendre garde de ne pas réduire l’équité procédurale à des formules immuables pour tenir compte à chaque fois du contexte. Ici, les questions se posent ainsi : les employeurs ont-ils été avisés par la CSST de la décision prise sur le rattachement? La réponse est oui. Ont-ils été avisés du droit de demander la révision de la décision? La réponse est oui. Ont-ils été privés du droit de présenter leur preuve et leurs arguments en faveur du rattachement des nouveaux diagnostics aux soins prodigués à chacun des deux travailleurs? La réponse est non puisqu’ils ne se sont pas prévalus de leur droit à la révision administrative qui leur aurait donné accès au forum approprié.

[157]    Considérant qu’il n’est pas appelé à se prononcer sur le contrôle des décisions de la CSST mais de celle de la CLP, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas matière à casser cette dernière puisque le tribunal administratif a soupesé adéquatement les éléments à prendre en compte à la lumière de l’arrêt Baker. Sa décision s’inscrit dans la fourchette des solutions acceptables en fonction des faits et du droit.

7.5.2.   La norme de contrôle

[158]    Lorsque les règles d’équité procédurale sont violées par un tribunal administratif, la décision de ce dernier est du même coup nulle.

[159]    À partir du moment où une décision rendue par un tribunal administratif ouvre la porte de plein droit à une révision administrative et de là à une contestation devant un autre tribunal administratif indépendant du premier par voie de procès de novo, les garanties d’équité procédurale sont suffisantes pour peu que les employeurs fassent usage des droits que la Loi leur accorde.

[160]    L’analyse que fait la CLP de la question est conséquente et la conclusion qu’elle en tire s’inscrit au nombre des conclusions raisonnables qu’elle pouvait tirer considérant le texte de la Loi et les faits. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à ce que plaident les demanderesses à ce chapitre.

8.            Épilogue

[161]    Les demanderesses sont de toute évidence insatisfaites de la réponse qu’apporte la CLP à la question de départ qui leur cause des soucis d’ordre administratif. Elles proposent des pistes alternatives de lecture de la Loi qui ne sont pas dépourvues de mérite. Mais cela ne suffit pas pour autant à justifier l’intervention du tribunal de contrôle à l’encontre d’une décision d’un tribunal administratif spécialisé. Parmi les conclusions possibles que pouvait tirer la CLP dans le cas présent, celle retenue, qui donne un poids juridique indiscutable à une décision de la CSST statuant sur le lien de raccordement entre de nouveaux diagnostics et l’accident du travail d’origine, est une solution rationnelle acceptable qui possède, comme on l’a vu, les attributs de la rationalité. Il n’y a donc pas matière d’accueillir les demandes de contrôle judiciaire.

[162]    Le Tribunal remercie en terminant les avocates et avocats des parties pour leur collaboration et leur excellente préparation.

9.            Conclusions

[163]    POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[164]    REJETTE le pourvoi en contrôle judiciaire dans les dossiers 500-17-085857-145 et 500-17-085944-141;

[165]    ORDONNE aux parties demanderesses de payer les frais de justice.

 

 

 

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MICHEL YERGEAU, J.C.S.

 

Me Denise Robillard

Me Thi Hong Lien Trinh

Bernard Roy (Justice-Québec)

Avocates de la demanderesse, Procureure générale du Québec

 

Me Benoit Brouillette

Cain, Lamarre, Casgrain, Wells

Avocat de la demanderesse, Canadelle S.E.C.

 

Me Marie-France-Bernier

Verge, Bernier

Avocate de la défenderesse

 

Me Annick Marcoux

Me Isabelle Siou

Paquette, Tellier

Avocates de la mise-en-cause

 

Dates d’audience :

Les 28 et 29 janvier 2016

 



[1]     Le 12 juin 2015, a été sanctionnée la Loi regroupant la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail et la Commission de la santé et de la sécurité du travail et instituant le Tribunal administratif du travail, L.Q. 2015, c. 15, adoptée la veille par l’Assemblée nationale. Cette loi procède à une réorganisation de certaines institutions du travail. Elle institue le Tribunal administratif du travail; celui-ci assume depuis le 1er janvier 2016 les compétences de la CLP et de la Commission des relations du travail, auxquelles il succède. Du même coup, elle regroupe les activités de la Commission de l’équité salariale, de la Commission des normes du travail et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) qui porte dorénavant le nom de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail. Considérant la date de la décision qui fait l’objet du présent pourvoi en révision judiciaire et celles des différentes décisions qui y ont mené, le Tribunal, pour des raisons de clarté, utilisera dans son jugement les désignations alors en vigueur, soit la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) et la Commission des lésions professionnelles (CLP) en plus de référer à l’occasion à des articles de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles aujourd’hui abrogée.

[2]     RLRQ, c. A-3.001.

[3]     Article 25, LATMP.

[4]     Article 778(3o) C.p.c.

[5]     RLRQ, c. S-2.1.

[6]     Article 353, LATMP.

[7]     Article 358, LATMP.

[8]     Article 358.1, LATMP.

[9]     Article 359, LATMP.

[10]    Le Tribunal s’en tient à ce que la LATMP prévoyait au moment où naît le litige dans les deux dossiers. Depuis lors, comme indiqué à la note infrapaginale 1,  la loi a été modifiée à ce chapitre.

[11]    RLRQ, c. 37.

[12]    2013 QCCLP 6945 (Pièce P-2, dossier Canadelle).

[13]    Décision de la CLP du 17 novembre 2014, (la décision de la CLP), 2014 QCCLP 6290, par. 9.

[14]    Pièce P-15, dossier PGQ, et Pièce P-6, dossier Canadelle.

[15]    Pièce P-2, dossier PGQ.

[16]    Pièce P-3, dossier PGQ.

[17]    Pièce P-4, dossier PGQ.

[18]    Pièce P-15, dossier PGQ, pages 22 à 24.

[19]    Pièce P-5, dossier PGQ.

[20]    Pièce P-6, dossier PGQ.

[21]    Pièce P-7, dossier PGQ.

[22]    Pièce P-15, dossier PGQ, p. 102.

[23]    Le Tribunal souligne que le paragraphe 4 de l’article 365 pourrait poser problème mais que les parties n’ont pas jugé bon d’en faire un argument.

[24]    Pièce P-8, dossier PGQ.

[25]    Pièce P-9, dossier PGQ.

[26]    Pièces P-10 et P-11, dossier PGQ. Alors que l’article 358.1 LATMP prévoit qu’une demande de révision «expose brièvement les principaux motifs sur lesquels elle s’appuie», ces pièces énoncent pour motif que «La décision est mal fondée en faits et en droit». L’insuffisance des motifs de décision de la CSST n’a donc d’égale que la sobriété des motifs de contestation des employeurs.

[27]    Pièce P-12, dossier PGQ.

[28]    Pièce P-15, dossier PGQ, pages 70-71.

[29]    Pièce P-14, dossier PGQ.

[30]    Pièce P-6, dossier Canadelle, p. 85.

[31]    Ibid., p. 86.

[32]    Ibid., pp. 87 à 89.

[33]    Ibid., p. 91 et Pièce P-4, dossier Canadelle.

[34]    Ibid,  p. 92.

[35]    Ibid., pp. 93 à 95, dossier Canadelle.

[36]    La demande de transfert n’a pas été versée en preuve mais la décision de la CSST du 27 avril 2012 y fait référence : Pièce P-6, dossier Canadelle, p. 100.

[37]    Pièce P-6, dossier Canadelle, p. 100.

[38]    Pièce P-5, dossier Canadelle.

[39]    Pièce P-4, dossier Canadelle.

[40]    Pièce P-6, dossier Canadelle, pp. 99 à 101.

[41]    Ibid., p. 101.

[42]    Ibid., pp. 103 et 104.

[43]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190.

[44]    Ibid., par. 121 et 122.

[45]    Ibid., par. 43.

[46]    David J. MULLAN, The McLachlin Court and the Public Law Standard of Review : A major irritant soothed or a significant ongoing problem?, dans David A. Wright et Adam M. Dodek, Public Law at the McLachlin Court: the First Decade, 2011, Toronto, Irwin Law.

[47]    [2011] 3 R.C.S. 654.

[48]    [1995] 1 R.C.S. 157, par. 48.

[49]    [2009] 1 R.C.S. 339.

[50]    [2011] 3 R.C.S. 616.

[51]    Alberta (Information and Privacy Commissioner),préc., note 47.

[52]    [2015] 2 R.C.S. 3.

[53]    General Motors du Canada ltée c. Bousquet, [2003] R.J.Q. 3075 (C.A.).

[54]    [2008] QCCA 1753, par. 53. Voir aussi : Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine, [2005] R.J.Q. 2203 (C.A.).

[55]    Dunsmuir, préc. note 43. Voir aussi Pushpanatan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982.

[56]    McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), [2013] 3 R.C.S. 895, par. 27; Dunsmuir, préc., note 43, par 60.

[57]    Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), [2014] 2 R.C.S. 135, par. 55. Voir aussi au même sens : Smith c. Alliance Pipelin Ltd., [2011] 1 R.C.S. 160, par. 26; Dunsmuir, préc., note 43, par. 58 et 59; Tervita Corp. c. Canada (Commissaire de la concurrence), [2015] 1 R.C.S. 161.

[58]    Front des artistes canadiens c. Musée des beaux-arts du Canada, [2014] 2 R.C.S. 197, par. 13.

[59]    Ganotec, préc., note 54, par. 54. Voir aussi au même sens, Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société Terminaux Montréal Gateway et d’autres, 2015 QCCA 542; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Albert Pouliot inc., 2001 QCCA 2178; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Consortium G.A.S., 2008 QCCA 1119;

[60]    McLean, préc., note 56, par. 41; Wilson c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), [2015] 3 R.C.S. 300, par. 20.

[61]    Voir entre autres sur cet aspect : McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), préc., note 56, par. 38.

[62]    RLRQ, c. J-3.

[63]    Préc., note 43, par. 58-61.

[64]    Pièce P-5, dossier Canadelle.

[65]    2011 QCCLP 2256.

[66]    Roland Boulanger & Cie et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2007 QCCLP 834.

[67]    Torrès c. Commission des lésions professionnelles, 2016 QCCS 119.

[68]    Elmer A. DRIEDGER, Construction of Statutes, 3e éd., Toronto, Butterworths, 1994, p. 131.

[69]    Voir à ce propos, Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; Rizzo c. Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Bell ExpressVu Limited Partnership c. R., [2002] 2 R.C.S. 559; Montréal (Ville de) c. 2952-1366 Québec inc., [2005] 3 R.C.S. 141.

[70]    Voir par exemple: Desjardins et Commission scolaire des Draveurs, C.L.P. 283906-07-0603, 14 décembre 2006; Municipalité de Cantley et Barbeau, 2011 QCCLP 7050; Commission scolaire des Samarres, 2013 QCCLP 4572.

[71]    Préc., note 69.

[72]    Préc., note 66.

[73]    2012 QCCLP 7010.

[74]    Ibid., par. 52.

[75]    Décision du 17 novembre 2014, par. 63.

[76]    Préc., note 65.

[77]    Hétu c. Centre hospitalier Royal Victoria, [2000] CLP 365.

[78]    Guilde des employés de Super Carnaval (Lévis) c. Tribunal du travail, [1986] R.J.Q. 1556 (C.A.). Voir aussi, Giguère c. Chambre des notaires du Québec, [2004] 1 R.C.S. 3, par. 64 à 66.

[79]    Guilde des employés de Super Carnaval (Lévis), Ibid., p. 1558.

[80]    C.S. 200-05-005299-776.

[81]    Ibid., 5. À noter que la Cour supérieure accueillera plus tard l’action en dommages-intérêts logée par le travailleur contre l’hôpital et le médecin (C.S. 200-05-004636-754, 25 août 1982). Ce jugement sera pour l’essentiel maintenu par la Cour d’appel (C.A. 200-09-000647-823 et 200-09-000648-821, 27 février 1987).

[82]    2010 QCCLP 4177.

[83]    Pièce P-6, dossier Canadelle, p. 92.

[84]    Préc., note 66, par. 25 et 27.

[85]    Pièce P-5, dossier PGQ.

[86]    Pièce P-4, dossier Canadelle.

[87]    Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque, [1993] 1 R.C.S. 471, 487.

[88]    Commission scolaire Pointe de l’Ile et Nardolillo, 2011 QCCLP 1597.

[89]    Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817.

[90]    L.R.C. (1985), ch. I-2.

[91]    L.R.C. (1985), ch. F-7.

[92]    Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, 653.

[93]    [1990] 1 R.C.S. 653, 682.

[94]    Baker, préc., note 89, par. 23. Voir aussi à ce propos : Association des résidents (sic) du Vieux St-Boniface c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, 1191.

[95]    Baker, Ibid., par. 25. Voir aussi à ce propos : Kane c. Conseil d’administration de l’Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105, 1113.

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