Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Outaouais

GATINEAU, le 31 mars 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

114450-07-9904

185500-07-0206

 

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Marie Langlois

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉe DES MEMBRES :

Nicole Girard

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Dino Lemay

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

ASSESSEUR :

Ronald Dufresne, médecin

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

101451862

 

AUDIENCES TENUES LES:

27 juin 2002

10 septembre 2002

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

20 décembre 2002

 

 

 

 

 

 

À :

GATINEAU

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MARIO PAUL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EPICERIE GUILBERT ET LACASSE (FERMÉ)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

CLP 114450-07-9904

 

[1]               Le 15 avril 1999, monsieur Mario Paul (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 5 mars 1999 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST maintient une décision déjà rendue le 22 juin 1998 et déclare que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable d’infirmier auxiliaire à compter du 19 juin 1998.

CLP 185500-07-0206

[3]               Le 3 juin 2002, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 30 avril 2002 à la suite d’une révision administrative. 

[4]               Par cette décision, la CSST confirme sa décision initialement rendue le 17 octobre 2001 et déclare que la lésion du travailleur, qui fait suite à une récidive, rechute ou aggravation du 22 mars 1999, est consolidée le 13 août 2001. Elle déclare également que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable d’infirmier auxiliaire à compter du 16 octobre 2001.

[5]               Une première journée d’audience a lieu le 27 juin 2002 pour le dossier numéro 114450-07-9904. Le travailleur est présent et il est représenté par procureure.  Épicerie Guilbert et Lacasse (l’employeur) est un employeur en faillite qui n’y est pas représenté.  Quant à la CSST, partie intervenante au dossier, elle est absente lors de cette audience.  Les membres du tribunal sont à ce moment la soussignée, le membre issu des associations d’employeurs, madame Nicole Girard et le membre issu des associations syndicales, monsieur Dino Lemay.  L’audience se poursuit le 10 septembre 2002 et le dossier numéro 185500-07-0206 a été ajouté.  Lors de l’audience du 10 septembre 2002, le travailleur est toujours représenté par sa procureure.  L’employeur est absent à nouveau. Cependant, la CSST y était représentée par procureure.  Lors de cette deuxième journée d’audience du 10 septembre 2002, le docteur Ronald Dufresne, assesseur, s’est ajouté aux membres du tribunal qui étaient présents lors de la première journée d’audience le 27 juin 2002. Cette façon de procéder a été acceptée tant par le travailleur et sa représentante que par le CSST.  L’affaire est prise en délibéré le 20 décembre 2002, à la date de réception de tous les documents.

L'OBJET DES CONTESTATIONS

CLP 114450-07-9904

 

[6]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est incapable d’exercer l’emploi convenable d’infirmier auxiliaire à compter du 19 juin 1998.

CLP 185500-07-0206

[7]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 22 mars 1999, il n’est pas capable d’exercer son emploi convenable d’infirmier auxiliaire à compter du 16 octobre 2001.  Le travailleur demande également à ce que le tribunal permette au requérant de produire une nouvelle évaluation de son atteinte permanente et des limitations fonctionnelles afin qu’un nouvel emploi convenable soit établi.

L'AVIS DES MEMBRES

[8]               Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le travailleur est en mesure d’exercer son emploi convenable d’infirmier auxiliaire à compter du 19 juin 1998 de même qu’à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation du 22 mars 1999, à compter du 16 octobre 2001.  Les membres sont d’avis que ces conclusions sont fondées sur l’avis du médecin traitant du travailleur, le docteur Pierre Béliveau.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]               La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur est capable d’exercer un emploi convenable d’infirmier auxiliaire à compter du 19 juin 1998.  La Commission des lésions professionnelles doit également déterminer si à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation du 22 mars 1999, le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable d’infirmier auxiliaire à compter du 16 octobre 2001.

[10]           Après avoir analysé toute la preuve documentaire, avoir évalué le témoignage du travailleur et du docteur Pierre Béliveau, avoir tenu compte de l’argumentation des parties et avoir reçu l’avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rejette les requêtes du travailleur pour les motifs énoncés ci-après.  Ces motifs font état des éléments de preuve que la Commission des lésions professionnelles considère pertinents à la solution des litiges.

[11]           Le tribunal rappelle que la notion d’emploi convenable est définie à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1](la loi) dans les termes suivants :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion professionnelle qu’il a subit.

 

________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.

 

 

 

[12]           En l’espèce, l’emploi d’infirmier auxiliaire a été déterminé par la CSST comme étant un emploi convenable, tant à compter du 19 juin 1998 que du 16 octobre 2001, à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 22 mars 1999.

[13]           Le 12 mai 1992, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle qui s’est manifestée le 2 février 1992.  Le travailleur est droitier et, à l’époque, il exerce le métier de boucher.  La maladie qui l’afflige est une tendinite du poignet gauche.  La CSST reconnaît que cette maladie est en relation avec les mouvements répétitifs exécutés par le travailleur dans le cadre de son travail de boucher.  La lésion professionnelle est consolidée sans séquelles et la CSST détermine que le travailleur peut reprendre son travail ou un travail équivalent à compter du 23 février 1992.

[14]           Le travailleur subit une première récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale le 12 août 1993.  Le diagnostic retenu est une tendinite des fléchisseurs du poignet gauche.  La CSST accueille sa réclamation.  La lésion professionnelle est consolidée avec un déficit anatomo-physiologique équivalent à 0 % pour atteinte des tissus mous du poignet gauche sans séquelles fonctionnelles ni changement radiologique (code 102305) et des limitations fonctionnelles telles qu’établies par le docteur Jacques Nolin, chirurgien orthopédiste, agissant à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale.  Les limitations fonctionnelles sont les suivantes :

Le travailleur devrait :

-        Éviter les mouvements répétitifs de flexion du poignet gauche;

-        Éviter de manipuler de façon répétitive des charges de plus de 40 livres avec sa main gauche.

 

[15]           Le travailleur est référé en réadaptation le 17 septembre 1994 et, le 24 novembre 1994, la CSST décide de la mise en place de mesure de réadaptation professionnelle en vue de former le travailleur à exercer un emploi convenable d’infirmier auxiliaire. Le travailleur ne conteste pas cette décision.

[16]           À la demande du travailleur, le plan individualisé de réadaptation professionnelle est modifié pour une première fois le 22 décembre 1994, afin de retenir l’emploi d’infirmier et non d’infirmier auxiliaire.  Le travailleur fait une deuxième demande le 3 février 1997 pour revenir à l’emploi convenable initial d’infirmier auxiliaire, ce que la CSST accepte.

[17]           Le 19 juin 1998, le travailleur termine avec succès ses études d’infirmier auxiliaire et obtient son diplôme d’études professionnelles.  Le 22 juin 1998, la CSST établit que le travailleur est maintenant capable d’exercer cette profession d’infirmier auxiliaire à compter du 19 juin 1998. Le 14 juillet 1998, le travailleur conteste cette décision qui sera maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige numéro 114450-07-9904.

[18]           À l’audience, le travailleur remet en question sa capacité physique à exercer l’emploi d’infirmier auxiliaire à compter du 19 juin 1998.

[19]           Soulignons d’emblée que l’identification d’un emploi convenable est un des éléments du plan de réadaptation professionnelle. Les articles 166 et 171 de même que la définition de l’emploi convenable de l’article 2 de loi sont les suivants :

166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

________

1985, c. 6, a. 166.

 

 

171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

 

Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

________

1985, c. 6, a. 171.

 

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

 

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion ;

 

________

1985, c. 6, a. 2.

 

 

[20]           Il ressort de cette définition qu’un emploi convenable doit correspondre aux critères suivants :

-        Être approprié;

-        Permettre l’utilisation de capacité résiduelle du travailleur;

-        Permettre l’utilisation des qualifications professionnelles;

-        Présenter une possibilité raisonnable d’embauche;

-        Ne pas comporter de danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.

 

 

[21]           C’est dans le cadre de l’analyse de l’utilisation des capacités résiduelles et de l’analyse des dangers pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique que s’inscrivent les limitations fonctionnelles. En l’espèce, les limitations fonctionnelles émises en 1994 par le docteur Nolin ont fait en sorte que le processus de réadaptation professionnelle a été entamé et qu’un emploi convenable d’infirmier auxiliaire a été déterminé. À cette époque, le travailleur n’a pas contesté la détermination de cet emploi convenable.  La CSST a donc fait un programme de formation dans lequel elle a accepté de supporter financièrement le travailleur pour qu’il complète son cinquième secondaire et qu’il entreprenne et termine le programme nécessaire pour obtenir la qualification d’infirmier auxiliaire afin qu’il puisse être réorienté professionnellement. Le travailleur a ainsi fait des études en recevant des prestations de la CSST. C’est à la fin de ces études, en octobre 1998, qu’il a contesté pour une première fois sa capacité à exercer l’emploi convenable déjà déterminé d’infirmier auxiliaire.

[22]           Rappelons que la loi prévoit un délai de 30 jours pour faire une demande de révision d’une décision de la CSST.

[23]           L’article 358 se lit ainsi :

358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.

 

 

 

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.

________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.

 

 

[24]           La loi prévoit également que la CSST peut prolonger un délai ou encore relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter.

[25]           L’article 358.2 stipule :

358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.

________

1997, c. 27, a. 15.

 

 

[26]           La jurisprudence a établi, à de nombreuses reprises, qu’une partie peut être relevée des conséquences de son défaut de respecter le délai imparti si elle démontre, par preuve prépondérante, des motifs raisonnables d’avoir ainsi agi.[2]

[27]           La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a défini la notion de motif raisonnable comme suit :[3]

« La notion de motif raisonnable est, selon la Commission d’appel, une notion large permettant de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture, des circonstances, etc., si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure, de réflexion. »

 

 

[28]           La jurisprudence a également établi que la partie n’a pas à démontrer son impossibilité d’agir.

[29]           Toutefois, il importe de rappeler qu’il appartient à la partie qui demande d’être relevée du défaut de démontrer, par preuve prépondérante, le motif raisonnable en question.

[30]           Soulignons que les caractéristiques servant à qualifier l’emploi convenable doivent être prises en compte au moment où la CSST détermine cet emploi, et c’est alors dans les 30 jours de cette décision que le travailleur peut les contester. En dehors de ce délai, il doit démontrer un motif raisonnable justifiant son retard.  En effet, la jurisprudence majoritaire[4] a établi que la décision de la CSST, statuant sur la capacité professionnelle du travailleur à exercer l'emploi convenable déjà déterminé, ne pouvait être remise en cause lors de la décision concernant la capacité à exercer l’emploi, au motif que le travailleur n'aurait pas la capacité physique de l'exercer. En effet, si le travailleur prétend que l’emploi ne respecte pas les séquelles et les limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle, il lui appartenait de contester la décision portant sur la détermination de l'emploi convenable, dans ce délai de 30 jours ou de démontrer un motif raisonnable justifiant son retard.

[31]           Ajoutons que dans une affaire semblable au cas sous étude[5], la commissaire énonce que le fait que le travailleur n’ait pris conscience de son incapacité à occuper l’emploi convenable, que lors de ses tentatives de reprise de travail infructueuses, ne peut constituer un motif raisonnable permettant que la décision statuant sur celui-ci soit contestée en dehors du délai prévu par l’article 358.

[32]           En l’espèce, le travailleur n’a pas contesté la décision de détermination de l’emploi convenable rendue en novembre 1994, mais conteste, en juillet 1998, celle de juin 1998 établissant qu’il est apte à exercer l’emploi déterminé. Il explique qu’il a réalisé qu’il n’était pas apte à exercer l’emploi convenable d’infirmier auxiliaire uniquement à la fin de sa période d’études en juin 1998. Il soutient que sa formation d’infirmier auxiliaire était moins exigeante pour son poignet gauche que la pratique de l’emploi comme telle. Le travailleur croit à compter de ce moment, que ses capacités physiques ne lui permettent pas d’exercer les tâches de cet emploi. Il conteste alors l’emploi convenable et réfère le tribunal à des rapports médicaux au dossier qui indiquent qu’il ne peut utiliser sa main gauche.

[33]           En somme, le travailleur tente de contester en juillet 1998 l’emploi convenable, établi en novembre 1994, pour le motif qu’il vient de réaliser qu’il n’a pas les capacités physiques nécessaires.  En application des principes dégagés de la jurisprudence, le tribunal considère que cette contestation est tardive et que le travailleur n’a pas démontré de motifs raisonnables lui permettant d’être relevé de son défaut.  Au surplus, le tribunal retient que le travailleur s’estimait capable d’exercer les fonctions pendant toute sa période d’études du fait qu’il a demandé en décembre 1994 que la CSST retienne l’emploi convenable d’infirmier, ce à quoi la CSST a acquiescé. Par la suite, en février 1997, le travailleur obtient que la CSST revienne à l’emploi convenable d’infirmier auxiliaire.

[34]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles rejette sa réclamation en regard de sa contestation de capacité à exercer l’emploi d’infirmier auxiliaire à compter du 19 juin 1998, ce qui dispose du litige numéro 114450-07-9904.

[35]           Reste à savoir si le travailleur était capable d’exercer l’emploi d’infirmier auxiliaire à compter du 16 octobre 2001.

[36]           La CSST accorde des indemnités de remplacement du revenu au travailleur pendant sa période de recherche d’emploi qui débute le 18 juin 1999, période qui peut durer un maximum d’un an, conformément à l’article 49 de la loi. Pendant cette période, le 22 mars 1999[6], le travailleur est victime d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 3 février 1992.  La CSST accepte la réclamation du travailleur. 

[37]           Le 9 août 2001, le docteur Louis Bellemare consolide la lésion en indiquant qu’il y a atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Il ne complète cependant pas le rapport d’évaluation des séquelles.

[38]           Le 13 août 2001, le docteur Paul-Émile Renaud, médecin orthopédiste désigné par la CSST, évalue le travailleur et conclut que le diagnostic à retenir en relation avec la récidive, rechute ou aggravation, du 22 mars 1999, est un syndrome algique douloureux au poignet gauche sans évidence de pathologie objectivable.  Il fixe la date de consolidation à la date de son examen du 13 août 2001, en indiquant que les soins ou traitements reçus sont suffisants et en ne retenant aucune limitation fonctionnelle ni atteinte permanente. 

[39]           Le 5 septembre 2001, le travailleur écrit à la CSST pour préciser que son médecin traitant est le docteur Pierre Béliveau.  Le 7 septembre 2001, la CSST transmet au docteur Béliveau le rapport du docteur Renaud afin qu’il puisse étayer ses conclusions en regard de l’expertise médicale du 13 août 2001.

[40]           Le 21 septembre 2001, le docteur Béliveau écrit dans son rapport complémentaire que les diagnostics à retenir sont une névrite cubitale gauche et une tendinite du fléchisseur carpien ulnaire ou « FCV ».  Il consolide la lésion le 13 août 2001 avec suffisance des soins ou traitements et, à l’instar du docteur Renaud, sans limitations fonctionnelles ni atteinte permanente. Ce rapport complémentaire constitue dès lors le rapport final du docteur Béliveau.

[41]           Le 17 octobre 2001, la CSST détermine que le travailleur est à nouveau capable d’exercer son emploi convenable d’infirmier auxiliaire à compter du 16 octobre 2001.  Le travailleur conteste cette décision qui est maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige numéro 185500-07-0206.

[42]           Le 6 mai 2002, le docteur Béliveau soumet un nouveau rapport final concernant la récidive, rechute ou aggravation du 22 mars 1999.  Le médecin détermine que la date de consolidation de cette lésion est le 6 mai 2002 et que le travailleur conserve une atteinte permanente ainsi que des limitations fonctionnelles.  Le diagnostic qu’il émet est une tendinite chronique FCU gauche avec névrite cubitale gauche et spasme à l’éminence l’hypothénar gauche.

[43]           À l’audience, le docteur Béliveau témoigne avoir commis une erreur dans son rapport complémentaire du 21 septembre 2001 en acceptant les conclusions du docteur Paul-Émile Renaud en regard de l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.  Il soumet que c’est par manque d’expérience qu’il a souscrit à ces conclusions.  Il exprime maintenant l’opinion que le travailleur est atteint de limitations fonctionnelles et d’une atteinte permanente, mais précise qu’il n’est pas en mesure de faire cette évaluation.  Il est d’avis que le docteur Louis Bellemare, chirurgien orthopédiste, devrait faire cette évaluation.

[44]           Le 16 septembre 2002, le docteur Bellemare écrit à la procureure du travailleur ce qui suit :

Effectivement, j’ai été médecin traitant de Monsieur Mario Paul depuis le 21 décembre 1999 suite au départ du Dr Alain Quiniou de la région de l’Abitibi-Témiscamingue.  J’ai terminé le suivi de ce patient et consolidé celui-ci en date du 09-08-2001 en relation avec un RRA pour un événement subi en 1992.

 

Lors de la consolidation, comme il s’agissait d’un patient présentant un problème médical complexe du membre supérieur et de la main et puisque j’avais l’impression de ne pas pouvoir être objectif puisque pour moi, le diagnostic dans le dossier de Monsieur Paul demeurait encore confus ou à tout le moins une interrogation, j’ai recommandé au moment du rapport final que l’expertise soit faite par le Dr E. Renaud, ce, tel que mentionné sur la déclaration du rapport final.  Il ne s’agissait pas du Dr Paul-Émile Renaud mais bien du Dr Éric Renaud, ce dernier pratique au centre hospitalier Sacré-Coeur.  Il s’agit d’un orthopédiste qui présente une sur-spécialisation en orthopédie puisqu’il a fait un fellow-ship de 2 ans en membres supérieurs.  Je désirais à l’époque que le rapport d’évaluation médicale soit effectué par lui et pour le REM et également aux fins de préciser le diagnostic ou aux fins d’un 2e avis dans le dossier de Monsieur Paul.

 

[...]

 

En date d’aujourd’hui soit le 11 septembre 2002, après relecture des documents médico-administratifs que je possède dans le dossier de Monsieur Paul, je garde la même opinion à savoir, je persiste avec une ambiguïté diagnostique quant au cas de Monsieur Paul.  Pour les mêmes raisons, je ne désire pas effectuer l’expertise médicale dans son dossier, celle-ci devrait effectivement être effectuée par un spécialiste du membre supérieur.

[45]           Le tribunal rappelle que l’article 203 de la loi prévoit que le médecin qui a charge du travailleur produit à la CSST un rapport final prévoyant l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et les limitations fonctionnelles le cas échéant. De plus, la loi énonce à son article 224 que la CSST est liée par le diagnostic, la date de consolidation, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles établis par le médecin qui a charge du travailleur, à moins que le processus d’évaluation médicale ne soit entamé conformément à l’article 224.1 de la loi.  Les articles 203, 224 et 224.1 de la loi sont reproduits ci-après :

203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui - ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1°  le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement;

2°  la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

3°  l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

________

1985, c. 6, a. 203.

 

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

224.1.  Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

            Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

            Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

            La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

________

1992, c. 11, a. 27.

 

[46]           Lors de l’audience du 10 septembre 2002, le travailleur demande au tribunal de reconnaître que le docteur Louis Bellemare est le « médecin qui a charge » au sens de l’article 224 de la loi.  La soussignée a rendu, à l’audience, une décision verbale rejetant la demande et déclarant que le docteur Pierre Béliveau est le médecin qui a charge du travailleur en relation avec la récidive, rechute ou aggravation du 22 mars 1999.  C’est d’ailleurs ce que le dossier laisse clairement voir et c’est ce que le travailleur avait écrit précisément à la CSST dans une lettre du 5 septembre 2001. 

[47]           Le docteur Béliveau pouvait-il, après avoir complété son rapport final complémentaire le 21 septembre 2001, le contredire et lier la CSST par ses nouvelles conclusions du 6 mai 2002? 

[48]           Le tribunal ne le croit pas.  La Commission des lésions professionnelles s’est prononcée à plusieurs reprises[7] sur le fait qu’en application des articles 203 et 224 de la loi, la CSST est liée par l’avis du médecin qui a charge du travailleur et son rapport final ne peut être modifié sauf dans les cas d’une erreur d’écriture ou lorsqu’il y a un changement d’opinion médicale fondée sur une évolution inattendue de l’état du travailleur.  La soussignée a d’ailleurs rendu une décision à cet effet[8].  Cette décision a par la suite été maintenue à la suite d’une révision judiciaire par la Cour supérieure.[9]  Le juge Isabelle s’exprime ainsi :

Le requérant reproche à la Commission des lésions professionnelles de ne pas avoir considéré dans la détermination d’un emploi convenable les amendements du 6 et du 20 novembre 1998 du docteur Dextradeur à son rapport final du 24 août 1998 et de ne pas avoir considéré la nouvelle expertise du docteur Perron du 14 mars 2001.  Or, les art. 203 et 224 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoient que le médecin traitant du travailleur présente à la Commission le rapport final dès que la lésion professionnelle est consolidée.  La Commission est liée par ce diagnostic ainsi que par les autres conclusions que contient le rapport final.  Or, le rapport final du docteur Dextradeur est celui du 24 août 1998.  (...)

 

Le rapport additionnel du 6 novembre 1998 du docteur Dextradeur modifie les conclusions de son rapport final.  (...)

 

L’amendement du 20 novembre 1998 constitue également une modification des conclusions du 24 août 1998.  (...)

 

À la lecture de ces amendements il appert que le docteur Dextradeur modifie les conclusions de son rapport final ce que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles interdit.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles s’appuie sur une jurisprudence constante en matière de respect des art. 203 et 224 de la loi et conclut à bon droit que le rapport final du docteur Dextradeur n’est pas modifié en raison d’une erreur d’écriture ou en raison d’un changement d’opinion médicale fondé sur évolution inattendue de l’état du travailleur et exclu donc ces amendements de la preuve soumise.

 

[...]

 

Ainsi, la décision de la Commission des lésions professionnelles ne fait qu’appliquer la loi et la jurisprudence et n’est pas entachée d’erreur manifestement déraisonnable.

 

 

[49]           Par conséquent, le tribunal est d’avis que la CSST était liée avec le rapport complémentaire du 21 septembre 2001 qui conclut à l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[50]           Ainsi, le tribunal constate qu’au moment de la consolidation de la récidive, rechute ou aggravation du 22 mars 1999, le 13 août 2001, aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation professionnelle n’a été émise en regard de l’emploi d’infirmier auxiliaire.

[51]           Par conséquent, le tribunal conclut que l’emploi d’infirmier auxiliaire, pour lequel la CSST a formé le travailleur qui a reçu son diplôme, demeure un emploi convenable et conclut, comme pour le litige numéro 114450-07-9904, que le travailleur n’a pas contesté cette décision dans les délais requis par la loi et n’a pas fait la preuve d’un motif raisonnable pour être relevé de ce défaut. Il en ressort que le tribunal rejette la réclamation du travailleur en regard de sa contestation concernant sa capacité à exercer l’emploi d’infirmier auxiliaire à compter du 16 octobre 2001, ce qui dispose du litige numéro 185500-07-0206.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

CLP 114450-07-9904

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Mario Paul;

CONFIRME la décision rendue par la CSST le 5 mars 1999, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi d’infirmier auxiliaire constitue un emploi convenable que le travailleur est capable d’exercer à compter du 19 juin 1998.

 

CLP 185500-07-0206

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Mario Paul;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 avril 2002 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi d’infirmier auxiliaire est un emploi convenable que le travailleur est capable d’exercer à compter du 16 octobre 2001.

 

 

 

 

 

 

Me Marie Langlois

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

Leblanc Diogardi, Avocats

(Me Joanne Cousineau)

 

Représentante de la partie requérante

 

 

 

 

 

Panneton et Lessard

(Me Julie Perrier)

 

Représentante de la partie intervenante

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Voir entre autres : Jomkov et General Motors du Canada ltée, [1997] C.A.L.P. 1781 ; Szekely et Techmire ltée, 88615-62-9705, 98-02-04, B. Roy; Cité de Dorval et Latreille, [1995] C.A.L.P. 1572 ; Hamilton et G.S.S. Sanibec inc., C.L.P. 120699-72-9907, 1999-11-02, L. Crochetière.

[3]          Roy et C.U.M., C.A.L.P. 04342-61-8708, 1990-07-18, M. Cuddihy, G.P. Lalande et F. Poupart, p.18

[4]          Voir entre autres CSST et Bugère Construction inc., 39537-62-9205, 93-08-12, N. Lacroix; Desjardins et        Terminal & Câble T.C. inc., CLP 130614-62B-0001, 01-02-06, A.Vaillancourt

[5]          Ouellet c. Provigo Distribution inc, CALP 64156-03-9411, 96-05-16, G. Godin,

[6]             Le 3 avril 2001, la Commission des lésions professionnelles rend une décision déclarant notamment que la date de la récidive, rechute ou aggravation est le 22 mars 1999 : Paul et Épicerie Guilbert et Lacasse             (faillite), CLP no 146384-08-0009, no 146834-08-0009, 3 avril 2001, P. Prégent

[7]          Voir entre autres Talbot et C. H. La Pieta, [1991] CALP 492 ;Soucy et Les Outils Fuller ltée, CALP 60914-60-9407, 96/03/05, J.-Y. Desjardins; Lamontagne-Maguire et C.L.S.C. Samuel de Champlain, CALP 87804-62-9704, 98/02/25, B. Lemay; Fata et Pavage CCA inc., [1997] CALP 1102 , révision rejetée, 84456-60-9612, 98/02/25, T. Giroux; Boissonneaut et Imprimerie Interweb inc., CLP 89991-61-9707, 98/06/29, J. L’Heureux; Pinel et Pâtisserie du marché, CLP 133562-07-0004, 2000/12/13, M. Langlois; Larocque et Épicerie Métro Richelieu, Super C et CSST, CLP155815-07-0102, 20 décembre 2001, M. Langlois.

[8]          Larocque et Épicerie Métro Richelieu, Super C et CSST,précité, note 3

[9]          Larocque c. Commission des lésions professionnelles et Épiciers Unis Métro-Richelieu, Super C et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C.S. 550-05-011759-027, 25 juin 2002, J.P. Isabelle.

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