Décision

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Bromer inc. et Tremblay

2009 QCCLP 911

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

28 janvier 2009

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

348696-63-0805

 

Dossier CSST :

132483553

 

Commissaire :

Isabelle Piché, juge administrative

 

Membres :

René F. Boily, associations d’employeurs

 

Régis Gagnon, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Bromer inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Maxime Tremblay

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 13 mai 2008, la compagnie Bromer inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 8 mai 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 1er février 2008 et déclare qu’il n’y a pas matière à consentir à la demande de l’employeur d’appliquer les dispositions prévues à l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en date du 25 janvier 2008.

[3]                L’audience s’est tenue le 14 janvier 2009 à Joliette. Le représentant de l’employeur a avisé la Commission des lésions professionnelles de son absence, mais a soumis une argumentation écrite. Le travailleur est également absent.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur en vertu de l’article 142 de la loi, et ce, à compter du 25 janvier 2008.

 

LES FAITS

[5]                Le 11 décembre 2007, le travailleur, qui agit à titre de journalier pour le compte de l’employeur depuis le mois d’août de la même année, est victime d’un accident du travail lors de la manipulation d’un tiroir d’acier. Il s’inflige à cette occasion une tendinite du poignet gauche.

[6]                À compter du 14 décembre 2007, le travailleur amorce un suivi médical auprès du docteur Cadieux. Ce dernier ordonne un arrêt de travail, la prise d’anti-inflammatoires et réfère monsieur Tremblay en physiothérapie.

[7]                À cette même date, le travailleur remplit le formulaire de Réclamation du travailleur et signe l’Avis de l’employeur et demande de remboursement le 19 décembre 2007.

[8]                Le 21 décembre 2007, le docteur Cadieux refuse la demande d’assignation temporaire telle que formulée par l’employeur pour la période du 21 décembre 2007 au 21 janvier 2008.

[9]                En date du 8 janvier 2008, l’employeur inscrit au verso de l’Avis de l’employeur et demande de remboursement avoir demandé au travailleur d’obtenir par écrit les raisons justifiant le médecin qui a charge de refuser l’assignation à des travaux légers, mais être à ce jour sans réponse.

[10]           Des notes prises par un agent de la CSST, le 21 janvier 2008, lors d’une cueillette d’informations relatives à l’admissibilité de la lésion, il appert qu’un représentant de l’employeur, monsieur Roger Mercure, considère être en présence d’un cas frauduleux. Il ne comprend pas que le médecin du travailleur refuse l’assignation temporaire, alors que le travailleur est droitier et que la lésion est à gauche. Il déclare ne pas être d’accord avec cette réclamation et demande à être contacté par une personne en autorité.

[11]           Le 25 janvier 2008, monsieur Normand Quintin, consultant désigné par l’employeur, communique avec madame Guylaine Bonin, agente d’indemnisation à la CSST, et lui réclame une suspension de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur. Le motif invoqué au soutien de cette requête concerne le refus du travailleur de se présenter dans les locaux de l’employeur afin de procéder à une enquête interne relative à l’accident du travail du 11 décembre 2007. Il ajoute que monsieur Tremblay fait exprès de téléphoner chez l’employeur à 6 h 30, sachant très bien qu’il n’y a personne à cette heure hâtive.

[12]           Le même jour, monsieur Quintin fait parvenir à la CSST une télécopie de cette demande. La CSST n’accède toutefois pas à cette revendication puisqu’il ne s’agit pas d’une des situations visées par l’article 142 de la loi.

[13]           Le 31 janvier 2008, madame Josée Melançon, agente de la CSST, communique avec le travailleur. Ce dernier lui apprend alors que le docteur Cadieux n’entend pas se justifier après de l’employeur quant aux motifs de refus de l’assignation temporaire. Il le dit toutefois disposé à s’expliquer avec la CSST.

[14]            À l’issu de la conversation, madame Melançon avise le travailleur qu’il doit lui rendre compte de chacune de ses visites médicales.

[15]           Le 4 février 2008, le travailleur se présente à la Clinique de médecine industrielle des Laurentides à la demande de son employeur aux fins d’expertise.

[16]           Le 12 février 2008, madame Melançon constate l’omission du travailleur de l’informer à la suite de ses rendez-vous médicaux et lui laisse un message sur son répondeur afin de lui rappeler ses obligations. Elle discute par la suite avec monsieur Quintin qui lui indique être également sans nouvelle de monsieur Tremblay, ainsi que du docteur Cadieux, relativement à la dernière demande d’assignation temporaire.

[17]           Le 18 février 2008, monsieur Quintin s’informe de l’état de la situation auprès de madame Melançon qui lui mentionne être toujours sans nouvelles du travailleur, ce qui justifie à ce stade une suspension de l’indemnité de remplacement du revenu puisque ce dernier refuse de fournir les renseignements demandés.

[18]           Le 19 février 2008, la CSST rend effectivement une décision par laquelle elle suspend à compter du 18 février 2008 l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur en vertu de l’article 142 de la loi.

L’AVIS DES MEMBRES

[19]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête de l’employeur. Ils estiment qu’aucune des situations prévues à l’article 142 de la loi ne couvre l’absence de collaboration d’un travailleur à l’égard de son employeur.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[20]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 25 janvier 2008.

[21]           En l’instance, l’employeur revendique la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu principalement parce que le travailleur refuse de participer à la procédure d’enquête d’accident interne, mais aussi en raison de son manque de collaboration générale, particulièrement en ce qui a trait à la transmission de documents reliés à l’assignation temporaire.

[22]           C’est l’article 142 de la loi qui confère à la CSST le pouvoir de suspendre le paiement d’une indemnité:

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a) fournit des renseignements inexacts;

 

b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

(Notre soulignement)

 

 

[23]           Puisque cette disposition constitue une exception au droit du travailleur victime d’une lésion professionnelle et incapable d’exercer son emploi d’obtenir le versement d’une indemnité du remplacement du revenu, la règle d’interprétation générale exige qu’elle reçoive une interprétation restrictive.

[24]           Il appert à l’évidence, bien qu’il ne présente pas de façon aussi pécise sa requête, que l’employeur fasse appel dans sa demande du 25 janvier 2008 au paragraphe 1 b) de l’article 142 de la loi.

[25]           Or, le tribunal estime que cette disposition ne peut s’appliquer en regard de la question du refus du travailleur de compléter un rapport d’accident interne, puisqu’il apparaît clair que l’emploi par le législateur du pronom elle, à titre de destinataire des renseignements, renvoie sans ambiguïté à la CSST strictement. D’ailleurs, dans un contexte où il appartient à cette organisation d’administrer le régime d’indemnisation des lésions professionnelles, il ne saurait en être autrement.

[26]           De la preuve administrée, il ressort que la CSST détient, en date du 25 janvier 2008, tous les renseignements qu’elle juge utiles et nécessaires au traitement du dossier du travailleur et qu’elle n’a nul besoin d’un document interne additionnel de l’employeur. Bien que le tribunal convienne des inconvénients et difficultés de gestion qu’occasionne une telle attitude de la part du travailleur, il n’appartient pas pour autant à la CSST, ni à la Commission des lésions professionnelles de les régler.

[27]           En second lieu, concernant les demandes reliées à l’assignation temporaire, le tribunal conclut qu’il n’y a pas davantage lieu d’imposer une suspension de l’indemnité.

[28]           En l’instance, il ressort à ce chapitre que l’employeur est mécontent du refus du docteur Cadieux d’autoriser les travaux légers, ne se l’explique pas dans les circonstances et exige du travailleur qu’il obtienne une explication de son médecin, ce à quoi le docteur Cadieux ne répond pas.

[29]           Encore une fois, puisque la demande de renseignements n’émane pas de la CSST, mais bien de l’employeur, le tribunal ne peut accéder à la demande de suspension, et ce, pour les motifs précédemment énoncés.

[30]           De plus, il importe de mentionner qu’il n’existe aucune obligation légale forçant un médecin qui a charge d’un travailleur de justifier, à l’employeur de celui-ci, les raisons soutenant son refus d’autoriser l’assignation temporaire.

[31]           Même la CSST ne peut exiger d’éclaircissements à ce sujet puisque l’article 202 de la loi ne prévoit qu’une obligation au médecin qui a charge en regard des sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l’article 212 :

202.  Dans les 10 jours de la réception d'une demande de la Commission à cet effet, le médecin qui a charge du travailleur doit fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport qui comporte les précisions qu'elle requiert sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 202; 1992, c. 11, a. 12.

 

 

[32]           Enfin, il apparaît des faits à l’étude que ce n’est pas le bénéficiaire, tel qu’exprimé à l’article 142 de la loi, qui refuse de transmettre l’information en cause, mais bien son médecin. En de telles circonstances, il est clair que le travailleur ne saurait être tenu responsable d’un acte qui ne lui est pas imputable.

[33]           En terminant, le tribunal tient à souligner que les autres comportements fautifs allégués par le représentant de l’employeur, tels que le défaut d’effectuer le suivi des visites médicales ou encore d’informer l’employeur relativement à la nouvelle demande d’assignation temporaire ne peuvent être considérés puisqu’ils ont été sanctionnés dans la décision du 19 février 2008.

[34]           Conséquemment, le tribunal conclut qu’il y a absence de motif justifiant la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur en date du 25 janvier 2008.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de Bromer inc., l’employeur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 8 mai 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il n’y a pas matière à consentir à la demande de l’employeur d’appliquer les dispositions prévues à l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en date du 25 janvier 2008.

 

 

__________________________________

 

Isabelle Piché

 

 

M. Normand Quintin

Les Consultants GPS

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

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