RÉGION: Lanaudière |
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DOSSIER: |
Me Marie-Andrée Jobidon |
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DOSSIER CSST: 111544391 |
ASSISTÉE DE L’ASSESSEUR : |
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DOSSIER BRP: 62569399 |
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13 janvier 2000 |
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Joliette |
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Stéphanie Dionne |
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PARTIE APPELANTE |
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[1.] Le 14 janvier 1998, Provigo (l’employeur) dépose auprès de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) une déclaration d’appel à l’encontre d’une décision rendue par le Bureau de révision le 4 décembre 1997 confirmant une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.) le 13 juin 1997 refusant de lui accorder un partage de coûts dans le dossier de monsieur Gerry Lajeunesse.
[2.] Bien que l’appel de l’employeur ait été déposé à la Commission d’appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, (L.Q. 1997, c.27), entrée en vigueur le 1er avril 1998. En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.
[3.] La présente décision est donc rendue par la commissaire soussignée en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.
[4.] Lors de l’audience tenue le 13 janvier 2000, l’employeur ne s’est pas présenté, ayant choisi de transmettre ses notes et autorités par écrit.
objet de l’appel
[5.] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par le Bureau de révision le 4 décembre 1997 et d’imputer aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations de la lésion professionnelle subie par monsieur Gerry Lajeunesse entre le 7 juillet 1996 et le 26 juillet 1996, le coût des prestations reliées à la rechute, récidive ou aggravation du 29 janvier 1997 et le coût de l’atteinte permanente octroyée au travailleur pour ankylose, de même que tout coût médical résultant de l’omission des soins, le tout conformément à l’article 327 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., chapitre A-3.001 (la loi).
LES FAITS
[6.] Monsieur Lajeunesse est âgé de 25 ans et exerce le métier de boucher pour le compte de l’employeur. Le 7 juillet 1996, il s’inflige une lacération du pouce gauche, ce qui est reconnu comme lésion professionnelle, tel qu’il appert d’une décision rendue par la C.S.S.T. le 8 août 1996.
[7.] Il ressort du dossier médical que le 7 juillet 1996, monsieur Lajeunesse s’est présenté à l’urgence du C.H.D.R.L. où le médecin écarte l’hypothèse d’une lésion tendineuse et procède à une suture simple et autorise un arrêt de travail jusqu’au 10 juillet suivant. Une semaine plus tard, il se présente chez son médecin pour faire enlever ses points. On note alors une limitation de la dorsiflexion active de la phalange distale du pouce gauche, ce qui justifie une référence en orthopédie.
[8.] Le 27 juillet 1996, le docteur Bouthillier, orthopédiste, procède à une exploration de la plaie et à une suture tendineuse du tendon extenseur du pouce gauche. Le patient a ensuite été immobilisé dans une attelle plâtrée pour une période de quatre semaines. Monsieur Lajeunesse reprend son travail régulier le 10 septembre 1996.
[9.] Le 16 octobre 1996, le docteur Richard Bonin, orthopédiste, évalue l’atteinte permanente comme suit : ankylose incomplète de l’inter phalangienne du pouce gauche (code 101936) : 2,5%, ankylose incomplète de la métacarpo-phalangienne du pouce gauche (code 101927) : 1,25%; préjudice esthétique (code 224466) : 0,5%.
[10.] Le 26 novembre 1996, le docteur Carl Giasson procède à une expertise à la demande de l’employeur et en arrive à la conclusion qu’il est trop tôt pour statuer sur l’atteinte permanente étant donné que le travailleur devrait pouvoir bénéficier de traitements d’ergothérapie. Dans cette expertise, le docteur Giasson concluait également que l’omission de soins adéquats le 7 juillet 1996 devrait justifier un partage de coûts.
[11.] Le 6 mai 1997, le docteur Roger Samson, orthopédiste, rend son avis au nom du Bureau d'évaluation médicale. Le docteur Samson retrace l’historique de ce dossier sans rapporter les faits postérieurs au 26 novembre 1996 et confirme l’atteinte permanente décrite par le docteur Bonin, sauf le préjudice esthétique qu’il établit à 0,6% plutôt que 0,5%, comme l’avait fait le docteur Bonin.
[12.] Le dossier révèle par ailleurs que monsieur Lajeunesse a subi une rechute, récidive ou aggravation de sa lésion professionnelle du 7 juillet 1996. En effet, il ressort du dossier qu’il a dû subir une nouvelle intervention chirurgicale en date du 29 janvier 1997 étant donné la présence d’un névrome au pouce gauche. Après la chirurgie, le patient a porté une attelle plâtrée durant quatre semaines et a été soumis à des traitements d’ergothérapie. La lésion fut consolidée le 26 mars 1997 par le docteur Cange, tel qu’il ressort de son rapport final dans lequel il prévoyait un déficit d’extension. Le dossier ne contient aucune autre évaluation de l’atteinte permanente que le rapport du Bureau d'évaluation médicale daté du 6 mai 1997, mais qui ne fait nulle mention de cette seconde chirurgie.
[13.] Le représentant de l’employeur soumet que le défaut de l’urgentologue d’avoir diagnostiqué la rupture du tendon de l’extenseur du pouce dès le 7 juillet 1996 et d’avoir procédé au traitement approprié à ce moment a entraîné une prolongation de la période de consolidation, une ankylose du pouce gauche qui n’aurait pas été présente, selon le docteur Giasson, si le tendon avait été suturé rapidement et, finalement, une seconde intervention chirurgicale en date du 29 janvier 1997 étant donné l’apparition d’un névrome, complication qui aurait pu être évitée avec un traitement adéquat en temps opportun, le tout, selon les explications fournies par le docteur Giasson.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[14.] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il est justifié d’accorder un transfert de coûts basé sur l’article 327 de la loi qui se lit comme suit :
«327. La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations :
1 dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31 ;
2 d'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au - delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.
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1985, c. 6, a. 327.»
[15.] Il y a d’abord lieu de souligner que l’employeur peut produire une demande de partage de coûts basée sur l’article 327 de la loi, bien que la C.S.S.T. n’ait pas rendu de décision explicite sur la reconnaissance d’une lésion professionnelle en vertu de l’article 31 de la loi qui se lit comme suit :
«31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion :
1 des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins ;
2 d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
Disposition non applicable.
Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A‑25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C‑20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I‑6).
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1985, c. 6, a. 31.»
[16.] Ceci ressort clairement d’une jurisprudence majoritaire de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, dont les décisions suivantes : Industrie Manufacturière Mégantic et Michel Roy et C.S.S.T. , 1995 (CALP) 842; Transport Robert Inc. et Réginald Deschênes et C.S.S.T., 66613-62B-9502, 96-09-17, Anne Leydet; Kraft General Foods Canada Inc. et C.S.S.T., CALP 70772-63-9506, 96-08-08, Neuville Lacroix; Chaussures H.H. Brown et C.S.S.T., CALP 56559-05-9401, Louise Boucher.
[17.] Pour réussir dans sa demande de partage de coûts, l’employeur doit donc démontrer qu’en plus de sa lésion professionnelle primaire, le travailleur a subi une blessure ou une maladie par le fait ou à l’occasion de soins ou par l’omission de tels soins. Dans le présent cas, l’employeur invoque cette deuxième possibilité, soit le fait que la rupture du tendon de l’extenseur du pouce gauche n’a pas été diagnostiquée avant le 26 juillet 1997, soit dix-neuf jours après l’accident de travail.
[18.] La Commission des lésions professionnelles retient de la preuve médicale et de l’expertise du docteur Giasson que le défaut par l’urgentologue d’avoir diagnostiqué dès la première consultation médicale la rupture du tendon de l’extenseur du pouce droit et d’avoir apporté le traitement adéquat constitue une omission de soins couverte par l’article 31 de la loi. Toutefois, les articles 31et 327 de la loi ne permettent pas de procéder à un transfert de coûts sur la seule base d’une prolongation de la période de consolidation. En effet, encore faut-il qu’une nouvelle blessure ou maladie soit occasionnée par l’omission de soins appropriés en temps opportun, comme le mentionne le texte de loi. C’est ce qui ressort de la décision Abattoirs R. Roy Inc. et C.S.S.T. (1993) C.A.L.P. 1140 citée avec justesse dans la décision rendue par le Bureau de révision.
[19.] Dans le présent dossier, il ressort toutefois du rapport du Bureau d'évaluation médicale que le travailleur a développé une ankylose de l’interphalangienne ainsi que de la métacarpo-phalangienne du pouce gauche, représentant une atteinte permanente totalisant 3,75%, auquel il faut ajouter le DPJV. Selon la preuve médicale au dossier, ces ankyloses n’auraient probablement pas existé si la suture du tendon avait été faite de façon plus contemporaine à l’accident de travail. Ces ankyloses sont des complications découlant de l’omission de soins en temps opportun et justifient un transfert de coûts au sens de l’article 327 de la loi. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en venait la Commissaire Anne Leydet dans l’affaire Transport Robert Inc. et C.S.S.T. précitée, mettant en cause des faits similaires au présent dossier, notamment au chapitre des ankyloses.
[20.] La Commission des lésions professionnelles considère par ailleurs que la deuxième intervention chirurgicale survenue le 29 janvier 1997 en raison d’un névrome découle également, selon la preuve médicale prépondérante, de l’omission de soins en temps utile. Par conséquent, les coûts reliés à cette rechute doivent également être transférés à l’ensemble des employeurs.
[21.] Bref, le tribunal considère que l’employeur doit supporter les coûts de la lésion professionnelle survenue le 7 juillet 1996, à l’exception des ankyloses découlant de l’omission de soins et qui ont donné lieu à une atteinte permanente totalisant 3.,5% plus le DPJV afférent, ce qui doit être assumé par les employeurs de toutes les unités. De plus, les coûts reliés à la rechute, récidive ou aggravation survenue le 29 janvier 1997 doivent également être transférés à l’ensemble des employeurs, conformément à l’article 327 de la loi.
[22.] PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie l’appel de l’employeur;
INFIRME en partie la décision rendue par le Bureau de révision le 4 décembre 1997;
DÉCLARE que l’employeur doit assumer les coûts reliés à la lésion professionnelle subie par monsieur Gerry Lajeunesse le 7 juillet 1996, à l’exception de la portion de l’atteinte permanente attribuée pour les ankyloses, soit 3,75% plus le DPJV afférent qui doit être supporté par l’ensemble des employeurs;
DÉCLARE que les coûts reliés à la rechute, récidive ou aggravation subie par monsieur Gerry Lajeunesse le 29 janvier 1997 doivent être transférés à l’ensemble des employeurs.
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Commissaire |
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Me Thomas M. Davis 1000, De La Gauchetière Ouest, #900 Montréal (Québec) H3B 5H4 |
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Représentant de la partie appelante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.