Structures Lamerain inc. |
2012 QCCLP 4228 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 10 novembre 2010, Structures Lamerain inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par cette instance le 27 septembre 2010.
[2] Par sa décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que 20 % du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par monsieur Claude St-Laurent (le travailleur) le 9 avril 2008 est imputé à l’employeur. Le 80 % restant devant être imputé aux employeurs de toutes les unités.
[3] À l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles à Longueuil le 29 novembre 2001, l’employeur était représenté par un avocat.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de lui accorder un partage de l’imputation de l’ordre de 5 % et le 95 % restant, aux employeurs de toutes les unités.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue par cette instance le 27 septembre 2010.
[6] Le troisième alinéa de l’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Toutefois, le législateur a prévu que le tribunal peut réviser ou révoquer une décision qu’il a rendue dans certains cas :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[7] Au soutien de sa requête en révocation, l’employeur soumet que la décision comporte un vice de fond de nature à l’invalider.
[8] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[2] a établi que les termes « vice de fond … de nature à invalider la décision » au sens de l’article 429.56 réfèrent, entre autres, à une erreur manifeste de droit ou de faits qui a un effet déterminant sur le sort du litige. L’erreur manifeste a été interprétée comme étant celle qui ne respecte pas une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un événement de preuve important ou adopte une méthode qui créé une injustice certaine.
[9] La Commission des lésions professionnelles devait disposer d’une requête de l’employeur à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) qui l’imputait pour 20 % du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie le 9 avril 2008 par le travailleur. L’employeur demandait alors au tribunal de l’imputer de 1 % du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle.
[10] Pour assurer une meilleure compréhension de la présente décision, il y a lieu de reprendre une partie des faits tels que résumés dans la décision rendue le 27 septembre 2010 :
[16] Dans le présent dossier, l’employeur ne remet pas en question le fait pour la CSST d’avoir reconnu que le travailleur était handicapé au moment de la survenance de la lésion professionnelle du 9 avril 2008. Il remet en question le pourcentage de partage qu’on lui a accordé. Il demande de n’être imputé que de 1 %.
[17] Le tribunal retient les éléments suivants.
[18] Le 9 avril 2008, le travailleur, un traceur de métal âgé de 60 ans subit une lésion professionnelle. En voulant tasser une barre de métal pour pouvoir la prendre avec le pont roulant, il a ressenti un pincement important au bas du dos. Il cesse le travail immédiatement et consulte le docteur Daniel Biron qui pose un diagnostic d’entorse lombaire gauche avec sciatalgie gauche. Il suspecte un problème discal. Il prescrit de la médication et de la physiothérapie.
[19] Le 14 avril 2008, une tomodensitométrie lombaire règle d’importantes collerettes ostéophytiques bordant l’espace discale L3-L4 et créant un effet de masse sur le sac dural. Il n’y a pas de hernie surajoutée. On rapporte un début d’arthrose facettaire postérieure. Au niveau L4-L5, il y a un important bombement discal et une petite hernie discale centrale en L4-L5 créant un effet de masse sur le sac dural et une sténose limite du canal spinal avec arthrose facettaire hypertrophique plus notable à droite. En L5-S1, on note un bombement discale à large base avec des phénomènes de vacuum discal sans hernie surajoutée. Il y a de l’arthrose facettaire hypertrophique postérieure sévère bilatérale ainsi qu’un important kyste arachnoïdien à l’hémisacrum droit. On note aussi des changements ostéo-dégénératifs des articulations sacro-iliaques bilatérales. Finalement, on rapporte de légers pincements des espaces discaux L1-L2, L3-L4 et L4-L5.
[20] Le 24 avril 2008, le docteur Biron pose le diagnostic de hernie discale L4-L5 et d’entorse lombaire. Il rapporte une amélioration de l’état du travailleur et recommande des travaux légers à raison de trois jours par semaine. Cette recommandation pour les travaux légers sera reprise lors des visites du 13 mai, 10 juin, 18 août 2008.
[21] Le 14 octobre 2008, le docteur Biron produit un rapport final consolidant la lésion professionnelle de hernie discale L4-L5 et d’entorse lombaire à cette date avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Il dirige le travailleur en orthopédie pour l’évaluation des séquelles.
[22] Le 1er décembre 2008, l’employeur demande un partage du coût des prestations en vertu de l’article 329 de la loi. Il évoque les changements dégénératifs notés à la tomodensitométrie à titre de handicap.
[23] Le 9 décembre 2008, le docteur Raymond Hould, chirurgien orthopédiste, produit le rapport d’évaluation médicale dans lequel il est d’avis que l’état du travailleur n’est pas consolidé. Il estime que l’événement du 9 avril 2008 a décompensé les discopathies multiétagées préexistantes dont il est porteur. Il est trop tôt pour évaluer les séquelles.
[24] Le 19 décembre 2008, le docteur Garceau prescrit un arrêt de travail en raison de la détérioration de l’état du travailleur à la suite des travaux légers effectués. Il prescrit une résonance magnétique.
[25] Le 22 janvier 2009, le rapport de la résonance magnétique montre une masse au niveau sacré qui doit faire l’objet d’un suivi en neurochirurgie. De plus, on rapporte une discopathie dégénérative étagée à tous les niveaux lombaires à l’exception du niveau L2-L3. Il y a présence de hernie discale à base large en L3-L4, centro-postérieure avec migration inférieure en L4-L5 et une saillie discale à base large en L5-S1. On note des rétrécissements des foramens de L3-L4 à L5-S1 et des changements dégénératifs facettaires en L4-L5 et L5-S1 surtout à droite.
[26] Le 23 février 2009, le docteur Garceau retient un diagnostic de lombosciatalgie bilatérale sur des hernies discales L3-L4 et L5-S1. Il note que le travailleur est en investigation relativement à une masse au niveau sacré.
[27] Le 16 avril 2009, le docteur Gendron, neurochirurgien, retient des diagnostics de tumeur bénigne au niveau du sacrum droit, de sciatalgie bilatérale secondaire à des hernies discales L3-L4 droite et L5-S1 gauche et de lombalgie.
[28] Le 5 mai 2009, la CSST refuse la relation entre la tumeur du sacrum et l’événement. Elle indique que le travailleur continuera de recevoir des indemnités en raison de sa hernie discale L4-L5.
[29] Le travailleur continue de recevoir des traitements pour ces lésions dont des épidurales et de la physiothérapie et des blocs facettaires et de la médication. Il demeure sous investigation pour la tumeur bénigne.
[30] Le 9 novembre 2009, le docteur Garceau note que les traitements ont amélioré l’état du travailleur lorsqu’il est au repos. Cependant, il n’y a aucun changement dans ce tableau douloureux lorsqu’il est en mouvement.
[31] Le 5 janvier 2010, le rapport d’une nouvelle résonance magnétique lombaire montre un examen superposable à celui effectué en janvier 2009
[32] Le 20 janvier 2010, le docteur Garceau produit un rapport final consolidant les hernies discales L3-L4 et L5-S1 avec lombosciatalgie bilatérale avec séquelles fonctionnelles et limitations fonctionnelles.
[33] Le 9 février 2010, le docteur Gendron produit également un rapport final consolidant la lésion à cette date, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[34] Le 22 avril 2010, la CSST rend sa décision quant à la demande de partage. Elle accorde un partage de l’ordre de 20 % du coût des prestations au dossier de l’employeur et 80 % aux employeurs de toutes les unités.
[35] Le 27 avril 2010, la CSST fait examiner le travailleur par le docteur Hould en vertu de l’article 204 de la loi. Dans cette expertise, le docteur Hould se questionne quant à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Dans ce cadre, le médecin attribue un déficit anatomo-physiologique de 14 % et des limitations fonctionnelles de classe III. Le médecin est d’avis que les symptômes que continue d’accuser le travailleur semblent correspondre à la description d’une claudication neurogénique. Ces symptômes peuvent être, selon lui, la conséquence d’une sténose spinale résultant des discopathies dégénératives qu’il reconnaît comme état personnel préexistant. Il suggérait une évaluation dans le but d’une éventuelle chirurgie. Après avoir recommandé les limitations fonctionnelles de classe III, il concluait en disant ceci :
Il est évidemment impossible de dissocier, sur des bases objectives, les limitations fonctionnelles résultant spécifiquement de la hernie discale L4-L5 reconnue de celles provoquées par l’ensemble des lésions lombaires d’origine dégénérative, et donc préexistantes à l’événement.
[36] Le 5 mai 2010, l’employeur demande la révision de cette décision.
[37] Le 4 juin 2010, la CSST demandait au médecin traitant son avis quant aux conclusions du docteur Hould, médecin désigné en vertu de l’article 204 de la loi.
[38] Le 7 juin 2010, la CSST demandait des corrections au docteur Hould quant au pourcentage de déficit anatomo-physiologique.
[39] Le 8 juin 2010, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision rendue le 22 avril 2010 d’où la présente requête logée le 5 juillet 2010.
[40] Le 30 août 2010, la CSST rend sa décision par laquelle elle détermine une atteinte permanente de 14,40 % donnant droit au travailleur à une indemnité pour préjudice corporel de 7 349,90 $.
[41] Le même jour, la CSST détermine que le travailleur ne pourra reprendre son emploi étant donné ses limitations fonctionnelles. Elle informe le travailleur qu’il continuera de recevoir ses indemnités de remplacement du revenu jusqu’à 68 ans.
[42] Lors de l’audience, la représentante de l’employeur soumet que la question du handicap n’a pas à être remise en question étant donné les trouvailles faites à la résonance magnétique. Elle estime que ces déficiences rapportées précédemment ont joué un rôle dans la survenance même de la lésion professionnelle et dans ses conséquences. Elle a produit avant l’audience, une opinion médicale du docteur Mario Giroux, chirurgien orthopédiste, datée du 10 juillet 2008. Dans ce rapport, le médecin est d’avis que le travailleur a présenté une entorse lombaire greffée sur des problèmes dégénératifs sévères de la colonne dorso-lombaire. Il juge la lésion non consolidée puisqu’elle nécessite encore des traitements.
[43] Dans une note médico-administrative jointe à cette expertise, le docteur Giroux estime qu’il n’y a pas de signe de hernie discale avec compression des racines. Il note plutôt des changements dégénératifs avec sténose spinale témoignant d’une fragilité lombaire. Il est d’avis que l’entorse lombaire devrait être consolidée à la date de son examen et que ce ne sont que les états dégénératifs qui sont responsables de la prolongation de la consolidation. Il recommande de demander un partage du coût des prestations si la situation se prolongeait. Il recommande de contester l’acceptation d’un diagnostic de hernie discale lombaire.
[44] Le 1er septembre 2010, le docteur Giroux produit un rapport complémentaire dans lequel il est d’avis que l’état dégénératif du travailleur au niveau lombaire a joué un rôle dans l’apparition des problèmes d’allure radiculaire qu’a présentés le travailleur lors du mouvement de torsion du tronc pour déplacer la pièce de métal.
[45] Il estime ce qui suit :
Il est donc, à notre avis, indéniable que malgré que monsieur St-Laurent n’avait pas de symptôme avant l’événement accidentel, la présence d’arthrose facettaire sévère a entraîné une problématique au niveau de la région lombaire avec irradiation au niveau des membres inférieurs (initialement gauche et par la suite droite).
[46] Le docteur Giroux poursuit en mentionnant que ce sont les conséquences du handicap du travailleur qui sont les plus sévères. Il qualifie les changements dégénératifs d’extrêmement sévères puisqu’ils sont rapportés à tous les niveaux avec d’importants ostéophytes, une sténose spinale, des phénomènes de discopathie dégénérative. L’arthrose facettaire notée au niveau L5-S1 est qualifiée de sévère par le radiologiste. On note également des changements dégénératifs au niveau des articulations sacro-iliaques. L’événement a provoqué un problème au niveau lombaire. Cependant cette problématique s’est compliquée, selon lui, par le fait de la présence du rétrécissement des trous de conjugaisons avec dégénérescence articulaire. Il estime qu’un partage dans la proportion de 5 % au dossier de l’employeur et de 95 % aux employeurs de toutes les unités serait justifié dans les circonstances. Les limitations fonctionnelles de classe III qui ont été reconnues au travailleur sont très sévères pour une lésion somme toute banale. Cette lésion aurait été consolidée beaucoup plus rapidement n’eut été de l’état personnel du travailleur.
[47] La procureure a requis du tribunal qu’il tienne compte non pas seulement de la durée de consolidation de cette lésion, mais du fait que le handicap a joué un rôle dans la survenance de la lésion et dans ses conséquences. Elle soumet que la lésion du travailleur a été consolidée avec atteinte permanente et des limitations fonctionnelles importantes qui ont fait en sorte que le travailleur, compte tenu de son âge au moment de la lésion, n’a pas réintégré le marché du travail. Il recevra des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à 68 ans en vertu de l’article 53 de la loi.
[48] Par ailleurs, elle allègue que l’opinion du docteur Giroux démontre que la hernie discale reconnue par la CSST n’est pas en relation avec l’événement qui est somme toute banal. Elle soumet que c’est la présence d’arthrose facettaire importante qui a entraîné une problématique au niveau lombaire. Elle estime que même si l’employeur aurait dû contester le diagnostic de hernie discale reconnu par la CSST, cela n’empêche pas le tribunal de conclure que l’état personnel est responsable du retard de consolidation et des autres conséquences du handicap sur la lésion professionnelle. Elle demande que seulement 1% du coût des prestations soit imputé à l’employeur étant donné que ce dernier sera imputé des indemnités que recevra le travailleur jusqu’à l’âge de sa retraite du travailleur.
[49] Dans les documents produits après l’audience, le tribunal n’a pas retrouvé l’accord du médecin traitant quant au pourcentage d’atteinte permanente évalué par le médecin désigné par la CSST. Il n’a pas non plus retrouvé cet accord quant aux limitations fonctionnelles énoncées le docteur Hould.
[50] La procureure a soumis un document intitulé « Calcul de l’impact d’une réclamation sur une Mutuelle ». Ce document établit l’impact du coût des prestations selon le pourcentage de partage accordé. Ce document n’avait toutefois pas été requis du tribunal et n’a pas été commenté par la procureure ni questionné par la soussignée.
[51] Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal est d’avis de rejeter la requête de l’employeur.
[52] La question du handicap n’est pas remise en cause en l’espèce; celui-ci ayant été reconnu par la CSST. De plus, le tribunal est d’avis que l’important état de dégénérescence noté au niveau lombaire du travailleur, même chez un travailleur de soixante ans, équivaut à la déficience telle qu’énoncée précédemment.
[53] La procureure soumet que l’arthrose facettaire multiétagée dont est porteur le travailleur est responsable de toutes les conséquences de cette lésion.
[54] Elle soumet que la seule durée de consolidation devrait permettre au tribunal d’accorder un partage plus important.
[55] Bien que le tribunal partage en partie l’opinion de la procureure de l’employeur quant au rôle joué par le handicap dans les conséquences de la lésion, il ne peut conclure, comme le propose la procureure, que la hernie discale lombaire acceptée par la CSST n’est pas en relation avec l’événement, mais bien avec l’état personnel préexistant.
[56] Si l’employeur voulait prétendre à l’absence de relation entre le diagnostic de hernie discale lombaire et l’événement, il devait contester la décision de la CSST qui conclut justement à cette relation. Le tribunal note en effet, que même si le médecin conseil de l’employeur recommandait de contester le diagnostic de hernie discale lombaire, cette contestation n’a jamais été déposée par l’employeur.
[57] Le tribunal ne peut donc conclure comme le demande la procureure de l’employeur que la hernie discale reconnue ne peut découler de l’événement.
[58] Le tribunal ne peut pas non plus arriver à la conclusion, pour les mêmes motifs, que l’état personnel a joué un rôle dans la survenance de la lésion professionnelle comme telle.
[59] Par ailleurs, le tribunal n’est pas convaincu qu’en accordant son partage, la CSST n’a pas tenu compte de l’ensemble des conséquences du handicap sur les coûts globaux de la lésion professionnelle reconnue.
[60] En effet, même s’il faut tenir compte du fait que des limitations fonctionnelles très sévères ont été accordées au travailleur, la preuve soumise ne convainc pas le tribunal que leur attribution soit entièrement imputable à l’état personnel préexistant à la lésion professionnelle reconnue. Le tribunal note que même le docteur Hould, dans l’expertise déposée après l’audience, émet l’opinion qu’il ne peut départager la part de responsabilité du handicap ou de la lésion professionnelle reconnue (hernie discale) dans l’attribution de telles limitations fonctionnelles. Il ne peut donc accorder un pourcentage de partage plus élevé pour ce motif.
[61] De plus, le tribunal ne peut arriver à la conclusion que la prolongation du versement des indemnités de remplacement du revenu au-delà de la consolidation l’a été en raison du handicap. En effet, le tribunal estime que même si en raison de ces limitations fonctionnelles, le travailleur n’a pu reprendre son emploi habituel, et qu’il a continué d’avoir droit au versement de ses indemnités de remplacement du revenu, cette conséquence n’est pas imputable au handicap comme tel, mais plutôt à l’application pure et simple de la loi. En effet, c’est par l’application des dispositions de l’article 53 de la loi que le travailleur bénéficiera des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans. Cette disposition fait en sorte, qu’un travailleur âgé de 60 ans qui ne peut reprendre son travail habituel, à la suite d’une lésion professionnelle, a droit à la poursuite du versement de ses indemnités de remplacement du revenu jusqu’à 68 ans. On ne peut conclure que le handicap joue un rôle dans la poursuite de ses indemnités de remplacement du revenu malgré la consolidation de sa lésion professionnelle.
[62] La procureure a également souligné le fait que la lésion a entraîné une atteinte permanente. Cette attribution ne peut, de l’avis du tribunal, être considérée comme découlant du handicap reconnu. En effet, le pourcentage de déficit anatomo-physiologique accordé l’a été pour compenser la hernie discale reconnue par la CSST à titre de lésion professionnelle. On ne peut donc là voir une conséquence attribuable au handicap.
[63] Finalement, la procureure de l’employeur demandait que seulement 1 % du coût des prestations soit imputé à l’employeur parce que ce dernier demeurait responsable du coût des prestations jusqu’à ce que le travailleur atteigne l’âge de 68 ans et que l’impact financier était important pour l’employeur. Dans les documents soumis en preuve après l’audience, documents qui n’avaient pas été requis du tribunal, ni annoncés comme tel à l’audience, la procureure soumet que cet accident a eu un impact financier important pour l’employeur.
[64] Le tribunal est d’avis que le fait de recevoir des indemnités jusqu’à 68 ans alors que la loi prévoit spécifiquement cette possibilité, lorsque comme dans le cas sous étude, le travailleur âgé de 60 ans au moment de la lésion professionnelle, demeure incapable d’exercer son emploi, n’est pas suffisant comme argument pour justifier un partage plus élevé.
[65] Que l’accident ait un impact financier important pour l’employeur ne constitue pas une preuve automatique du rôle du handicap dans cet impact financier. L’application de la loi ne peut constituer de l’avis du tribunal, une preuve du rôle du handicap sur les conséquences de la lésion professionnelle.
[66] De plus, cet argument sur l’impact financier pour l’employeur étant donné que le travailleur recevra des indemnités jusqu’à 68 ans ne peut tenir en l’espèce, car rien dans la preuve offerte par la procureure n’est venu démontrer l’impact du coût des prestations versées au travailleur plus de cinq ans après l’accident du travail.
[67] Le tribunal estime donc confirmer le partage accordé par la CSST. Il y a lieu de rejeter la requête de l’employeur.
[11] Au soutien de sa requête, le nouveau représentant de l’employeur plaide que la décision dont on demande la révision est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider puisque le juge administratif a commis une erreur manifeste en omettant de tenir compte de l’impact du handicap sur les conséquences de la lésion afin de déterminer le partage de l’imputation auquel il avait droit. Selon l’employeur, la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur, en vertu de l’article 53 de la loi, doit être considérée comme faisant partie des conséquences qu’a pu entraîner la déficience du travailleur.
[12] L’employeur se réfère à deux décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles[3]. Dans l’affaire J.L. Desjardins Auto Collection inc.[4], la Commission des lésions professionnelles précise que pour statuer sur le pourcentage de l’imputation, le tribunal doit considérer l’importance du fait accidentel, la survenance de la lésion professionnelle et l’importance du handicap par rapport aux conséquences de la lésion professionnelle. Il ajoute :
[23] Comme elle l’a mentionné à plusieurs reprises4, la Commission des lésions professionnelles considère que les conséquences d’une lésion professionnelle comprennent non seulement le critère de la durée de la consolidation mais également la présence ou non d’une atteinte permanente, de limitations fonctionnelles, d’un plan de réadaptation et le versement ou non d’indemnités réduites de remplacement du revenu, une fois qu’un travailleur retourne sur le marché du travail.
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4 Groupe Royal Technologie Québec inc., C.L.P. 316842-61-0705, 8 janvier 2001, G. Morin.
[13] Dans l’affaire Vêtements Lacharité 1989 inc.[5], le tribunal précise que les conséquences qui a pu entraîner la déficience du travailleur inclus l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[14] Dans la décision CLP-1, le premier juge administratif précise qu’il ne croit pas, contrairement à ce qu’alléguait l’employeur, que la CSST a seulement tenu compte de la durée de consolidation pour refixer le pourcentage de partage. Il considère que la CSST a tenu compte des limitations et de l’atteinte permanente.
[15] Au paragraphe [60] de la décision, le tribunal explique que les limitations fonctionnelles ne résultent pas uniquement de la condition personnelle du travailleur. C’est pour cette raison qu’il n’accorde pas un pourcentage de partage plus élevé à cause des limitations fonctionnelles.
[16] Le tribunal tient également compte de l’atteinte permanente. Il conclut que l’atteinte permanente résulte de la lésion professionnelle et non pas de la condition personnelle du travailleur. Il explique donc que cet élément ne peut pas servir à accorder un pourcentage supérieur.
[17] Enfin, le tribunal répond à l’argument de l’employeur voulant que la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu au travailleur, en vertu de l’article 53 de la loi, doit être considérée dans les conséquences causées par la déficience sur la lésion professionnelle.
[18] Le tribunal ne retient pas cette prétention de l’employeur et il motive comme suit les motifs :
[61] De plus, le tribunal ne peut arriver à la conclusion que la prolongation du versement des indemnités de remplacement du revenu au-delà de la consolidation l’a été en raison du handicap. En effet, le tribunal estime que même si en raison de ces limitations fonctionnelles, le travailleur n’a pu reprendre son emploi habituel, et qu’il a continué d’avoir droit au versement de ses indemnités de remplacement du revenu, cette conséquence n’est pas imputable au handicap comme tel, mais plutôt à l’application pure et simple de la loi. En effet, c’est par l’application des dispositions de l’article 53 de la loi que le travailleur bénéficiera des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à l’âge de 68 ans. Cette disposition fait en sorte, qu’un travailleur âgé de 60 ans qui ne peut reprendre son travail habituel, à la suite d’une lésion professionnelle, a droit à la poursuite du versement de ses indemnités de remplacement du revenu jusqu’à 68 ans. On ne peut conclure que le handicap joue un rôle dans la poursuite de ses indemnités de remplacement du revenu malgré la consolidation de sa lésion professionnelle.
[19] Il s’agirait là, selon l’employeur, de la principale erreur manifeste et déterminante commise par le tribunal.
[20] Le premier alinéa de l’article 326 de la loi se lit comme suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
[…]
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[21] L’article 329 de la loi prévoit ce qui suit :
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[22] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision estime qu’il n’a pas été démontré que la décision CLP-1 comporte un vice de fond de nature à l’invalider.
[23] L’article 329 de la loi ne prévoit aucune façon de calculer le pourcentage de partage de l’imputation qu’il y a lieu d’accorder à l’employeur lorsque cette disposition s’applique.
[24] Bien sûr, la jurisprudence a développé certains éléments qui doivent être considérés, mais il n’y a aucune règle précise. Lorsqu’on mentionne dans la jurisprudence qu’on doit considérer les conséquences de la déficience sur la lésion professionnelle, cela porte à interprétation.
[25] Pour conclure à une erreur manifeste et déterminante donnant ouverture à la révision, il faut qu’une disposition soit claire et ne porte pas à interprétation. On ne peut pas prétendre que l’article 329 de la loi est clair quant à la façon de calculer le pourcentage du partage de l’imputation.
[26] On peut ne pas être d’accord avec l’interprétation retenue par le premier juge administratif. Cependant, cela ne constitue pas une erreur manifeste et déterminante.
[27] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ne peut pas substituer son interprétation à celle du premier juge administratif puisque le tribunal ne siège pas en appel de la décision initiale.
[28] Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’a pas été démontré la CLP-1 est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée par Structures Lamerain inc.
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MICHÈLE CARIGNAN |
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Me Mark-André Archambault |
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LEBLANC, LAMONTAGNE ET ASSOCIÉS |
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Représentant de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Produits forestiers Donohue inc.et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 ; Fortier et Hydro-Québec, C.L.P. 189935-71-0208, 13 juillet 2004, C.-A. Ducharme; Alary et Fer ornamental Waverly inc., C.L.P. 260376-64-0504,-R, 20 novembre 2006, L. Nadeau; GFI Division Société en Commandite T & B et Ljubonir, C.L.P. 253799-71-0501, 9 août 2007, M. Zigby.
[3] 2011 CLP 1280; 2011 CLP 6026.
[4] Précitée note 3.
[5] Précitée note 3.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.