Jolin et Pavillons St-Vincent, St-Joseph, Murray |
2009 QCCLP 901 |
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Dossier 343951-05-0803
[1] Le 31 mars 2008, madame Diane Jolin (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 13 février 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par celle-ci, la CSST déclare la demande de révision du 27 juillet 2007 de la travailleuse irrecevable.
Dossier 361643-05-0810
[3] Le 28 octobre 2008, la travailleuse conteste également la décision du 22 précédent. Après une révision administrative, la CSST maintient alors sa décision du 14 mai 2008 en déclarant qu’il n’y a pas lieu de « modifier le revenu brut de la travailleuse » retenu pour le calcul de son indemnité de remplacement du revenu.
[4] Le 15 décembre 2008, l’audience se tient à Sherbrooke. À cette occasion, la travailleuse est représentée par Me Louise Lachance et l’employeur, Pavillons St-Vincent, St-Joseph, Murray, l’est par Me André Fournier. Quant à l’avocate de la CSST, elle est absente, mais elle a déposé une argumentation écrite (pièce C-1).
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] À la suite de sa lésion professionnelle du 24 février 2005, la travailleuse demande essentiellement de reconnaître qu’elle doit être indemnisée en fonction du revenu brut que procure l’exercice de l’emploi de préposée aux bénéficiaires à temps plein.
LA PREUVE
[6] En 1979, la travailleuse est embauchée par l’employeur à titre de préposée aux bénéficiaires. À cette époque, elle possède un poste à temps partiel.
[7] En 1983, elle obtient un poste de préposée aux bénéficiaires à temps complet. Cela signifie qu’elle occupe ses tâches pendant cinq jours par semaine.
[8] En 1994, souhaitant assister son conjoint dans l’exploitation d’un commerce, la travailleuse profite d’une disposition de sa convention collective pour obtenir une réduction de son temps de travail à deux journées par semaine. Elle travaille à ce rythme jusqu’en 1997.
[9] De 1997 à 2003, après avoir traversé une période difficile, la travailleuse bénéficie d’un nouvel arrangement. Même si elle conserve son poste à temps complet, sa semaine normale de travail passe à quatre jours.
[10] À compter du 1er juin 2003, en se prévalant de dispositions de sa convention collective, la travailleuse obtient une nouvelle réduction de son temps de travail. Pour lui donner l’opportunité d’œuvrer dans un autre secteur d’activité, elle commence à exercer ses tâches de préposée aux bénéficiaires à raison de deux jours par semaine. Elle conserve tout de même son poste à temps complet.
[11] Le 24 février 2005, alors qu’elle assume toujours ses tâches durant deux journées par semaine, la travailleuse est victime d’une lésion professionnelle.
[12] Pour établir l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle elle a droit, la CSST prend en considération le revenu que la travailleuse gagne en occupant son emploi à temps partiel. Cette somme étant inférieure au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum, elle lui accorde le bénéfice de la mesure prévue à l’article 65 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :
65. Aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum annuel assurable en vigueur à ce moment.
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1985, c. 6, a. 65.
[13] D’après ce que rapporte le réviseur de la CSST dans la première décision en litige, la CSST concrétise cette décision de cette façon :
[…]
En égard avec cette réclamation, le 19 avril 2005, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) verse à l’employeur à la suite du remboursement des 14 premiers jours de l’arrêt de travail, un premier chèque d’indemnités de remplacement du revenu (IRR), puisque l’employeur paie directement la travailleuse. Par ailleurs, sur l’avis de paiement que reçoit la travailleuse relativement à ce chèque, celle-ci est informée qu’elle sera indemnisée sur la base du revenu brut assurable de 16 438 $. Ce premier avis de paiement constitue, en soi, la décision écrite de la CSST informant la travailleuse de la base salariale retenue à son dossier.
[…]
[14] Cet extrait appelle quelques observations. D’une part, le dossier ne contient pas l’avis en question et la travailleuse n’admet pas en avoir pris connaissance. D’autre part, l’employeur prenant en charge les 104 premières semaines d’indemnisation de ses employés, il est permis de croire qu’elle n’a jamais reçu l’avis en cause.
[15] Néanmoins, à cette époque, la travailleuse reconnaît qu’elle sait qu’elle est indemnisée en fonction d’un revenu équivalent au salaire minimum annuel. Comme elle travaille deux jours par semaine, elle ne s’attend pas à être indemnisée sur la base du revenu que pourrait lui procurer son poste à temps complet.
[16] Le 31 mai 2005, pendant que la lésion professionnelle du 24 février 2005 n’est toujours pas consolidée, l’employeur signifie à la travailleuse qu’il accepte de lui accorder un nouveau « congé sans solde partiel ». Plus spécifiquement, il lui précise ceci :
[…]
Madame,
La présente est pour vous informer qu’exceptionnellement nous acceptons votre demande de congé sans solde partiel obtenu suite à un échange de poste (art. 21,17 SCFP), et ce, pour une deuxième année consécutive. Ce congé débutera le 26 juin 2005 et se terminera le 24 juin 2006.
Nous remarquons que depuis juillet 2000, vous bénéficiez de différentes dispositions en lien avec des congés sans solde partiel vous permettant une prestation de travail à temps partiel alors que vous êtes titulaire d’un poste à temps complet. Nous vous avisons qu’à la fin du présent congé sans solde partiel vous devrez réintégrer votre poste à temps complet.
Si vous souhaitez poursuivre votre carrière à temps partiel, nous vous invitons à prévoir d’autres alternatives possibles différentes que l’obtention d’un congé sans solde partiel.
[…]
[17] Parce que son poste à temps plein lui assure une certaine sécurité, la travailleuse indique qu’elle n’a pas l’intention d’y renoncer.
[18] En novembre 2005, l’employée avec laquelle elle avait effectué un échange de poste pour travailler à temps partiel démissionne. Pour elle, cela signifie la fin de son « congé sans solde partiel ». En d’autres termes, si la travailleuse n’avait pas été incapable d’occuper ses tâches en raison de sa lésion professionnelle, elle aurait dû réintégrer son travail de préposée aux bénéficiaires à temps complet.
[19] À compter de l’été 2006, l’employeur est autorisé à assigner temporairement la travailleuse à de nouvelles tâches. Comme elle ne bénéficie plus d’un « congé sans solde partiel », il la paie en fonction de l’exercice d’un poste à temps complet.
[20] Le 11 décembre 2006, la lésion professionnelle du 24 février 2005 est finalement consolidée. Dans le rapport final, il est précisé qu’il persiste une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[21] Le 31 janvier 2007, une employée de la CSST rencontre les parties pour faire le point. À cette occasion, la reprise du travail de préposée aux bénéficiaires est exclue et les possibilités d’identifier un emploi convenable dans l’établissement sont jugées très minces. De plus, la période où l’employeur assume l’indemnisation étant sur le point de prendre fin, la travailleuse est avisée que la CSST va reprendre charge de son dossier. Dans ses notes, l’employée de la CSST indique qu’elle « se retrouvera avec un paiement au salaire minimum alors qu’actuellement l’employeur l’indemniserait sur un emploi à temps plein ». Elle ajoute que la travailleuse « a été surprise d’apprendre cela » et dresse le bilan suivant :
[…]
Après analyse de la situation des postes de travail de Mme Jolin, il appert que la travailleuse n’est pas relocalisable pour le moment. Mme Jolin est effondrée d’entendre cela. Elle vient d’apprendre 2 mauvaises nouvelles. Elle sera moins payé par la CSST et n’a plus d’emploi.
[sic]
[…]
[22] Le 24 février 2007, la CSST recommence donc à indemniser la travailleuse en fonction d’un revenu brut équivalent au salaire minimum. À cette époque, elle a droit à un salaire horaire de 17,20 $ (pièce T-1) pour exercer ses tâches de préposée aux bénéficiaires. Pour la suite des choses, l’employée de la CSST note ceci :
[…]
Nous établirons donc un emploi convenable au salaire minimum. La travailleuse n’accepte pas cette situation et se demande ou se tourner pour faire changer son statut. Je l’ai référé à son représentant syndical pour qu’il travaille avec elle à lui retrouver un emploi convenable chez l’employeur.
[sic]
[…]
[23] Le 1er mars 2007, la CSST transmet à la travailleuse un avis de paiement qui indique que son indemnité de remplacement du revenu est établie « sur la base d’un revenu brut assurable » de 16 229,17 $. Cet avis paraît être le premier reçu par elle. En annexe, il est expliqué comment contester une décision de la CSST. Par contre, il est également précisé que « les renseignements fournis sur cet avis ne le sont qu’à titre d’information et ne constituent pas une décision de la CSST ».
[24] Le 2 mars 2007, la médecin qui a charge de la travailleuse signe une évaluation. Un déficit anatomo-physiologique est accordé et des limitations fonctionnelles sont identifiées. En raison de ces dernières, la mise en place d’un plan de réadaptation professionnelle est nécessaire.
[25] Le 14 mai 2007, lors d’une rencontre avec l’employée de la CSST qui gère son dossier, la travailleuse revient sur le montant de ses prestations. Dans les notes évolutives, il est rapporté qu’elle « envisage de remettre la question entre les mains d’un avocat mais qu’elle désire comprendre les dispositions légales à cet effet ». On lui explique que la CSST ne peut l’indemniser sur la base d’un emploi à temps plein « puisque la loi s’arrête à la situation de la personne au moment de son accident, indépendamment des ententes survenues dans le cadre de relations de travail ». À l’audience, la travailleuse ajoute qu’elle est invitée à consulter le WEB si elle veut en savoir plus.
[26] Le 27 juillet 2007, pour le compte de la travailleuse, une avocate demande à la CSST de revoir à la hausse la base de revenu retenue pour le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu. Cette requête sera traitée comme une demande de révision.
[27] Le 7 décembre 2007, parce qu’elle ne peut retourner travailler pour l’employeur, la CSST identifie l’emploi convenable de réceptionniste pour la travailleuse. Pour la rendre capable d’exercer ce travail, des mesures de formation sont adoptées.
[28] Le 13 février 2008, dans le cadre d’une révision administrative, la CSST déclare la demande du 27 juillet 2007 de la travailleuse irrecevable. À son avis, en la déposant, la travailleuse conteste tardivement l’avis de paiement du 19 avril 2005 dont il a été question au début de la présente décision. Il s’ensuit le dépôt de la première requête qui nous intéresse.
[29] Le 18 février 2008, la CSST signifie à la travailleuse qu’elle est capable, depuis le 15 février 2008, d’exercer son emploi convenable au revenu annuel de 16 684,80 $. Ce travail n’étant pas disponible, elle ajoute que le droit d’être indemnisée est conservé pour une période maximale d’un an. À cette échéance, la CSST précise que le versement des prestations prend fin puisque le revenu estimé de l’emploi convenable est équivalent ou supérieur à celui gagné au moment de la lésion professionnelle du 24 février 2005. Incidemment, après une révision administrative, cette décision sera confirmée.
[30] Le 31 mars 2008, la travailleuse demande à la CSST de modifier rétroactivement la base de revenu retenue pour le calcul de son indemnité de remplacement du revenu. Dans cette lettre, son avocate fait valoir ceci :
[…]
En conséquence, nous vous demandons d’appliquer les dispositions de l’article 76 LATMP puisque n’eut été des conséquences particulières, soit l’échange de poste avec une employée à temps partiel qui se terminait au plus tard au mois de novembre 2005, notre cliente aurait eu un revenu plus élevé que celui qu’elle avait, soit un revenu à temps complet. […]
[31] Le 14 mai 2008, la CSST rejette cette demande et une contestation est soumise.
[32] Le 22 octobre 2008, après une révision administrative, la CSST maintient sa décision du 14 mai précédent. Pour ce faire, elle considère essentiellement ceci :
[…] la travailleuse a fait un choix personnel d’échanger son poste pour travailler à temps partiel. Ainsi, au moment de sa lésion professionnelle, la travailleuse occupait un poste à temps partiel suite à sa décision personnelle. Il ne s’agit pas d’une circonstance particulière sur laquelle elle n’a pas de contrôle. De plus, il était prévu que la travailleuse occuperait à nouveau son poste à temps plein. Celle-ci a été avisée que le 27 novembre 2005, elle retrouverait son poste à temps plein donc neuf mois après la survenance de la
lésion professionnelle.
[…]
[33] Il s’ensuit le dépôt de la seconde requête de la travailleuse.
L’AVIS DES MEMBRES
[34] D’abord parce qu’ils retiennent que la travailleuse n’a pas été avisée de son droit de contester un avis de paiement qui mentionne qu’il ne constitue pas « une décision », les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment que la CSST a eu tort de refuser d’examiner la demande du 27 juillet 2007 au mérite.
[35] Sur le fond, parce qu’elle avait volontairement choisi de travailler à temps partiel lors de l’événement de février 2005, le membre issu des associations d’employeurs juge que la CSST a correctement indemnisé la travailleuse en se référant à l’article 65 de la loi. Il conclut donc que ses requêtes sont mal fondées.
[36] Pour sa part, dès le mois de novembre 2005, le membre issu des associations syndicales note que la travailleuse a récupéré son poste à temps complet. À l’été 2006, lorsqu’elle est revenue au travail, il constate aussi que l’employeur l’a traitée comme une employée à temps complet. Dans ce contexte, il pense que la CSST aurait dû revoir sa position pour l’indemniser en fonction de l’exercice d’un emploi de préposée aux bénéficiaires à temps plein.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[37] Il s’agit de déterminer si la CSST aurait dû modifier le revenu brut annuel d’emploi qu’elle a retenu pour calculer l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse.
[38] Pour ce faire, il paraît approprié de commencer par la question qui touche l’article 76 de la loi. Cette disposition prévoit :
76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
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1985, c. 6, a. 76.
[39] En raison de la lésion professionnelle du 24 février 2005, il est clair que la travailleuse est devenue incapable d’exercer son emploi de préposée aux bénéficiaires pendant plus de deux ans. En décembre 2007, sa condition a même nécessité l’identification d’un emploi convenable. Dès lors, la première condition qu’impose l’article 76 est satisfaite.
[40] Reste à voir si la travailleuse a démontré qu’elle « aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eut été de circonstances particulières ».
[41] Pour certains, dont la CSST, il ne peut être question de circonstances particulières au sens de l’article 76 lorsqu’elles ne sont pas hors du contrôle de la travailleuse :
[…]
[31] Cette disposition vise en effet à protéger la capacité de gains sur laquelle un travailleur pouvait concrètement compter au moment même de la survenance de sa lésion professionnelle compte tenu d’un emploi plus rémunérateur qu’il aurait alors pu occuper et dont il a cependant été privé en raison de circonstances particulières hors de son contrôle. C’est en ce sens que s’est exprimée la Commission d’appel4 et, plus récemment, la Commission des lésions professionnelles5 dans les quelques décisions ayant trait à l'application de l'article 76 de la loi.
[…][2]
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4 Coffrages Thibodeau inc. et Beaudoin [1992] C.A.L.P. 1565 . Claude Goyette et Elphège Goyette inc. 55725-05-9312, le 21 mars 1994, Marie Lamarre. Jean Ducharme et Henco inc., 48091-60-9212, le 20 juin 1994, Laurent McCutcheon. Jacques Lalancette et Aimé Moreau (1986) enr. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 42085-02-9208, le 5 octobre 1994, Jean-Marc Dubois. Michel Richard et J.B.L. Transport inc. et C.S.S.T.-Estrie, 74151-05-9510, le 4 juillet 1997, Margaret Cuddihy.
5 Jean-Claude Leclerc et Construction Yvan Fortin et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 88449-03-9705, le 29 septembre 1998, Michèle Carignan. François Rivest et Voyages au Nordest inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail-Lanaudière, 134493-63-0003, le 30 novembre 2000, Diane Beauregard.
(Nos soulignements)
[42] D’une part, la Commission des lésions professionnelles constate que l’article 76 se limite à faire état de « circonstances particulières ». Demander qu’elles soient en plus hors du contrôle de la travailleuse revient à exiger des conditions que la loi ne prévoit pas[3].
[43] D’autre part, une circonstance est particulière lorsqu’elle concerne spécifiquement quelqu’un[4]. Or, le 24 février 2005, la situation de la travailleuse se distinguait de celle des autres préposés aux bénéficiaires titulaires d’un poste à temps complet. En effet, elle bénéficiait alors d’une disposition de sa convention collective qui lui permettait de profiter, durant une période de temps limité, d’un congé sans solde partiel.
[44] Dès lors, même si cette mesure a été accordée par l’employeur à la demande de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’elle « aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eut été de circonstances particulières ». Incidemment, bien que les titres des postes en cause soient identiques, leurs conditions d’exercice différentes permettent de les considérer comme des emplois différents[5].
[45] Au surplus, l’indemnité de remplacement du revenu visant à protéger non seulement le revenu d’une personne mais aussi sa capacité de gains[6], il serait injuste de continuer à indemniser la travailleuse en fonction d’un revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum. Nonobstant ce qui s’était passé avant la survenance de la lésion professionnelle du 24 février 2005, il est clair que l’employeur n’était plus prêt à lui accorder des congés sans solde partiels après la fin de celui qui devait initialement se terminer en juin 2006. Dans sa lettre du 31 mai 2005, il lui a spécifié ceci :
[…]
La présente est pour vous informer qu’exceptionnellement nous acceptons votre demande de congé sans solde partiel obtenu suite à un échange de poste (art. 21,17 SCFP), et ce, pour une deuxième année consécutive. Ce congé débutera le 26 juin 2005 et se terminera le 24 juin 2006.
Nous remarquons que depuis juillet 2000, vous bénéficiez de différentes dispositions en lien avec des congés sans solde partiel vous permettant une prestation une travail à temps partiel alors que vous êtes titulaire d’un poste à temps complet. Nous vous avisons qu’à la fin du présent congé sans solde partiel vous devrez réintégrer votre poste à temps complet.
Si vous souhaitez poursuivre votre carrière à temps partiel, nous vous invitons à prévoir d’autres alternatives possibles différentes que l’obtention d’un congé sans solde partiel.
[…]
[46] Du reste, en novembre 2005, quand l’employée avec laquelle elle a fait un échange de poste a quitté, la travailleuse devait assumer ses tâches à temps complet dès son retour au travail. À l’été 2006, soit à la reprise de ses activités professionnelles, l’employeur l’a donc traitée comme une employée à temps complet et rémunérée comme telle.
[47] Pour ces motifs, il est fait droit à la seconde requête de la travailleuse et le dossier est retourné à la CSST pour qu’elle détermine un nouveau revenu brut pour le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu due à la travailleuse à compter du début de son incapacité.
[48] Considérant ce qui précède, la première requête de la travailleuse perd son intérêt.
[49] À son sujet, on note néanmoins qu’une bonne partie de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[7] enseigne qu’un premier avis de paiement constitue une décision au sens de l’article 354 de la loi.
354. Une décision de la Commission doit être écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans les plus brefs délais.
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1985, c. 6, a. 354.
[50] Ici, comme l’avis de paiement de 2005 n’est pas disponible et qu’il n’a apparemment pas été transmis à la travailleuse, c’est celui du 1er mars 2007 qui doit tenir lieu de notification de la décision de la CSST qui fixe la base du « revenu brut assurable » pour l’indemnisation de la lésion du 24 février 2005. Pour en contester la teneur, il fallait agir dans les 30 jours de sa notification.
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
[…]
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[51] La lettre qui est assimilée à une demande de révision ayant été soumise le 27 juillet 2007, la travailleuse n’a pas respecté ce délai. Dans ce contexte, en vertu de l’article 358.2 de la loi, il faut déterminer si elle doit être relevée de ce défaut.
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
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1997, c. 27, a. 15.
[52] À cette fin, il y a lieu de considérer que l’article 8 de la Loi sur la justice administrative[8] impose à la CSST certaines obligations[9]. Cette disposition se lit comme suit :
8. L’autorité administrative motive les décisions défavorables qu’elle prend et indique, le cas échéant, les recours autres que judiciaires prévus par la loi, ainsi que les délais de recours.
[53] Or, il semble que le personnel de la CSST n’ait jamais avisé la travailleuse de son droit de contester le choix du montant retenu pour le calcul de son indemnité de remplacement du revenu.
[54] D’autre part, bien que l’annexe de l’avis de paiement du 1er mars 2007 résume la procédure applicable à une demande de révision, il précise aussi que « les renseignements fournis sur cet avis ne le sont qu’à titre d’information et ne constituent pas une décision de la CSST ». Tout cela est donc susceptible de créer une certaine confusion.
[55] Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles pense qu’il y a lieu de faire preuve de souplesse et de relever la travailleuse de son défaut.
[56] Quant au fond, lorsque la travailleuse a subi sa lésion professionnelle du 24 février 2005, son contrat de travail lui procurait un revenu brut en fonction de l’exercice, à raison de deux jours par semaine, de son emploi de préposée aux bénéficiaires. Ainsi, en vertu de l’article 67 de la loi, la CSST était justifiée de considérer cette donnée pour identifier à combien devait s’élever son indemnité de remplacement du revenu. À cette époque, cette somme étant inférieure au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum, la CSST était aussi fondée, vu l’article 65 de la loi, de retenir « un revenu brut assurable » de cet ordre.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 343951-05-0803
DÉCLARE la demande de révision de la travailleuse du 27 juillet 2007 recevable;
REJETTE la requête du 31 mars 2008 de la travailleuse;
MODIFIE la décision rendue le 13 février 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée, en 2005, de retenir un revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum pour le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle la travailleuse a droit en raison de sa lésion professionnelle du 24 février 2005.
Dossier 361643-05-0818
ACCUEILLE la requête du 28 octobre 2008 de la travailleuse;
INFIRME la décision rendue le 22 octobre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a maintenant droit d’être indemnisée, à compter du début de son incapacité d’exercer son emploi de préposée aux bénéficiaires en raison de sa lésion professionnelle du 24 février 2005, en fonction du revenu brut annuel que procure l’exercice de cet emploi à temps complet;
RETOURNE le dossier à la CSST pour qu’elle indemnise la travailleuse en conséquence.
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François Ranger |
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Me Louise Lachance |
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RÉAL N. BÉLANGER ASS. AVOCATS INC. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me André Fournier |
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MONTY COULOMBE |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Isabelle Vachon |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Létourneau et Automobile Transport inc., C.L.P. 126297-61-9911, 26 février 2001, G. Morin.
[3] Pilon et Restaurent Steak Cie et CSST, C.L.P. : 215595-62C-0309, 22 octobre 2004, M. Sauvé.
[4] Le Petit Larousse Illustré, 2000, p. 751.
[5] Précitée, note 3.
[6] Rivest et Voyages au Nordest inc. et CSST, 134493-63-0003, 30 novembre 2000, D. Beauregard.
[7] Therrien et Logistique enTtransport Eureka inc., C.L.P. 205978-62-0304, 23 janvier 2004, L. Boucher; Simard et Excavation Waterloo enr., C.L.P. 194137-05-0211, 15 avril 2004, M. Allard; Larocque et Système Danfreight inc., C.L.P. 214826-64-0308, 16 juin 2004, R. Daniel; Fournier et C. H. Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, C.L.P. 181413-64-0204, 15 juillet 2004, T. Demers; Rainville et Jean-Marc Henri inc., C.L.P. 225704-63-0401, 26 janvier 2005, J.-M. Charrette; Brunet et Les Arpents Verts, C.L.P. 237838-62B-0406, 31 mars 2005, J.-M. Dubois; Tanguay et RBA inc., C.L.P. 252760-01A-0501, 25 octobre 2005, C.-A. Ducharme; Donnelly et Stelfil, C.L.P. 264285-71-0506, 21 décembre 2005, S. Arcand; Tremblay et Services Kelly Québec inc., C.L.P. 292349-31-0606, 25 septembre 2006, G. Tardif; Krsteski et Emballages Stuart inc., C.L.P. 281203-61-0602, 20 décembre 2006, S. Di Pasquale.
[8] L.R.Q., c. J-3.
[9] Jean-Pierre VILLAGGI, « La justice administrative », dans Jean-Yves BRIÈRE et autres, Droit public et administratif, coll. « Collection de droit 2005-2006 de l'École du Barreau du Québec; vol. 7 », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 119-173.
AVIS :
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