Décision

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Notaires (Ordre professionnel des) c. Laliberté

2020 QCCDNOT 17

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

26-18-01401

 

DATE :

Le 9 octobre 2020

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

Me CHARLAINE BOUCHARD, notaire

Membre

Me FRANÇOIS LEFEBVRE, notaire

Membre

______________________________________________________________________

 

Me DIANE GAREAU, notaire, en sa qualité de syndique de la Chambre des notaires du Québec, en reprise d’instance pour Me Chantal Racine, notaire, autrefois syndique adjointe

Plaignante

c.

Me LOUIS LALIBERTÉ, notaire

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DE L’IDENTITÉ DE LA PERSONNE IDENTIFIÉE COMME MADAME N.J. DANS LE 1ER CHEF ET DE SON ANCIEN CONJOINT, DANS LA PREUVE TESTIMONIALE, DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS EN PREUVE AINSI QUE POUR TOUT AUTRE RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, ET CE, AFIN D’ASSURER LA PROTECTION DE LEUR VIE PRIVÉE.

LE CONSEIL A ÉGALEMENT PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DES RELEVÉS D’EMPLOI DE MADAME N.J. ANNEXÉS À LA PIÈCE P-9 ET DE LA PIÈCE P-29.

APERÇU

[1]          Le Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec s’est réuni, le 16 juillet 2020, pour procéder à l’audition sur sanction de la plainte disciplinaire portée par la plaignante, Me Diane Gareau, notaire, en sa qualité de syndique de la Chambre des notaires du Québec, contre l’intimé, Me Louis Laliberté, notaire.

[2]          Le 18 novembre 2019, le Conseil déclare Me Laliberté coupable des quatre chefs de la plainte portée contre lui[1].

[3]          La plainte disciplinaire portée contre Me Laliberté le 3 décembre 2018 est ainsi libellée :

1.    À Québec, sur les lieux de son étude, l’intimé a tenu des propos et/ou a posé des gestes à caractère sexuel :

a)    le ou vers le 20 décembre 2017, à l’occasion de l’entrevue d’embauche de N.J.;

b)    entre le ou vers le 3 janvier 2018 et le ou vers le 12 janvier 2018, en présence et à l’endroit de N.J., alors qu’elle était à son emploi.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 1 du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r.2 ou, à défaut d’application de cet article, il a posé un geste dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions RLRQ, c. C-26.

2.    À Québec, à compter du 1er avril 2016, l’intimé a omis de déposer sans délai dans un compte en fidéicommis une somme de 481 019,13 $ qui lui a été confiée dans le cadre de l’exécution d’une convention de prêt sous seing privé intervenue entre 9229-3281 Québec inc., 9219-1352 Québec inc. et Fonds Azur Capital Immobilier-Québec S.E.C. le 18 août 2015.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 9 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 5.1.

3.    À Québec, à compter du 1er avril 2016, l’intimé a omis de consigner et de comptabiliser en fidéicommis la somme de 481 019,13 $ qui lui a été confiée dans le cadre de l’exécution d’une convention de prêt sous seing privé intervenue entre 9229-3281 Québec inc., 9219-1352 Québec inc. et Fonds Azur Capital Immobilier-Québec S.E.C. le 18 août 2015.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 1 et 5 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 5.1.

4.    À Québec, l’intimé a privilégié les intérêts de 9229-3281 Québec inc. au détriment de Fonds Azur Capital Immobilier-Québec S.E.C. dans le cadre de l’exécution d’une convention de prêt sous seing privé intervenue entre 9229-3281 Québec inc., 9219-1352 Québec inc. et Fonds Azur Capital Immobilier-Québec S.E.C. le 18 août 2015 et de l’instrumentation d’un acte de vente intervenu entre 9229-3281 Québec inc. et 9277-0312 Québec inc. le 13 mai 2016.

Ce faisant,

a)    l’intimé a omis d’agir avec dignité et éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de nuire à la bonne réputation de la profession et à son aptitude à servir l’intérêt public.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 1 du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2.

b)    l’intimé a fait défaut d’agir à titre de conseiller désintéressé, franc et honnête de ses clients ou des parties.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 7 du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2.

c)    l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 30 du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2.

d)    l’intimé a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’Ordre.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C -26.

[Transcription textuelle]

[4]          Sous le chef 1, le Conseil a unanimement déclaré Me Laliberté coupable à l’égard des infractions fondées sur l’article 1 du Code de déontologie des notaires[2] et sur l’article 59.2 du Code des professions[3]. Le Conseil a toutefois prononcé une suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 1 du Code de déontologie des notaires.

[5]          Sous le chef 2, le Conseil a majoritairement déclaré Me Laliberté coupable à l’égard des infractions fondées sur l’article 9 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires[4].

[6]          Sous le chef 3, le Conseil a majoritairement déclaré Me Laliberté coupable à l’égard des infractions fondées sur les articles 1 et 5 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires. Le Conseil a toutefois prononcé une suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 5 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires.

[7]          Enfin, sous le chef 4, le Conseil a unanimement déclaré Me Laliberté coupable à l’égard des infractions fondées sur les articles 1, 7 et 30 du Code de déontologie des notaires et sur l’article 59.2 du Code des professions. Le Conseil a toutefois prononcé une suspension conditionnelle des procédures quant aux renvois aux articles 1 et 7 du Code de déontologie des notaires et à l’article 59.2 du Code des professions.

RECOMMANDATIONS DE SANCTIONS

[8]          Les parties présentent au Conseil des recommandations différentes quant aux sanctions à imposer à Me Laliberté.

[9]          L’avocate de la syndique demande au Conseil de lui imposer les sanctions suivantes :

Ø  Chef 1 : une période de radiation de deux ans;

Ø  Chef 2 : une période de radiation de deux mois;

Ø  Chef 3 : une période de radiation d’un mois;  

Ø  Chef 4 : une période de radiation de neuf mois;

Ø  Ordonner que ces périodes de radiation temporaire soient purgées concurremment;

Ø  Ordonner la publication d’un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où Me Laliberté a son domicile professionnel conformément à l’article 156 du Code des professions;

Ø  Condamner Me Laliberté au paiement de l’ensemble des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions ainsi que des coûts de publication de l’avis de la présente décision.

[10]       De son côté, l’avocat de Me Laliberté demande initialement au Conseil d’imposer à son client les sanctions suivantes :

Ø  Chef 1 : une période de radiation de deux mois;

Ø  Chef 2 : une amende de 2 000 $;

Ø  Chef 3 : une amende de 1 000 $;

Ø  Chef 4 : une amende de 4 000 $;

Ø  L’avocat de Me Laliberté ne s’oppose pas à la publication d’un avis de la présente décision ni au paiement des déboursés.

[11]       À la suite des représentations de l’avocate de la syndique plaidant que l’amende minimale au moment du dépôt de la plainte disciplinaire s’applique de façon rétrospective contrairement à la règle applicable en matière criminelle et que par conséquent l’amende minimale à imposer sur les chefs 2, 3 et 4 est de 2 500 $, l’avocat de Me Laliberté suggère l’imposition des amendes suivantes :

Ø  Chef 2 : une amende de 3 500 $;

Ø  Chef 3 : une amende de 2 500 $;

Ø  Chef 4 : une amende de 6 000 $.

QUESTION EN LITIGE

[12]       Quelles sont les sanctions à imposer à MLaliberté sous chacun des chefs 1 à 4 en tenant compte des circonstances propres à ce dossier?

CONTEXTE

[13]       L’audience sur sanction dans ce dossier est initialement fixée le 31 mars 2020.

[14]       Toutefois, cette audience doit être reportée en raison de la pandémie de la COVID-19. Une nouvelle audience est fixée le 16 juillet 2020.

[15]       Dès le début de l’audience sur sanction du 16 juillet 2020, l’avocate de la syndique dépose comme pièce SP-1 un antécédent disciplinaire de Me Laliberté[5].

[16]       De son côté, l’avocat de Me Laliberté dépose comme pièce SI-1 un document intitulé « Exposé conjoint des faits pour valoir témoignage de Me Louis Laliberté ».

[17]       Après avoir pris connaissance de ces documents, le Conseil questionne Me Laliberté afin d’obtenir certaines précisions.

[18]       De l’ensemble de cette preuve, le Conseil retient plus particulièrement ce qui suit.

[19]       Me Laliberté est membre de la Chambre des notaires du Québec depuis le 28 juin 1989. Dès lors, il a toujours été inscrit au tableau de la Chambre des notaires du Québec.

[20]       Il a débuté sa pratique avec quatre autres notaires puis l’a poursuivie en association avec un autre notaire duquel il déclare s’être dissocié pour des raisons déontologiques.

[21]       Depuis 2002, Me Laliberté pratique en solo et dirige sa propre étude. Son cabinet se trouve sur le boulevard Lebourgneuf à Québec.

[22]       Présentement, il emploie une secrétaire-réceptionniste et deux techniciennes juridiques à temps plein.

[23]       Mme Odette Leblanc occupe le poste de secrétaire-réceptionniste depuis plus de 13 ans.

[24]       Mme Karine Brideau et Mme Sophie Dubé occupent les postes de technicienne juridique depuis le mois de février 2018 et le début de l’année 2019 respectivement.

[25]       Me Laliberté a une pratique notariale partagée en droit commercial et droit des personnes.

[26]       Depuis le début de sa pratique, il y a 31 ans, Me Laliberté a enregistré plus de 20 700 minutes.

[27]       Il a un antécédent disciplinaire dans le dossier portant le numéro 26-98-00748[6].

[28]       Dans cette affaire, Me Laliberté a reconnu sa culpabilité pour avoir omis de faire preuve de diligence raisonnable dans la publication de certains actes de quittance au registre foncier, pour avoir fait défaut de voir à l’inscription de certains actes de radiation au registre foncier et pour avoir fait défaut d’obtenir les signatures à certains actes de quittance et de voir à leur inscription au registre foncier.

[29]       Le conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec lui a imposé des amendes totalisant 8 500 $.

[30]       Me Laliberté n’a aucun autre antécédent disciplinaire.

[31]       Relativement au chef 1 concernant madame N.J., Me Laliberté rappelle que les faits qui lui sont reprochés se sont produits entre décembre 2017 et le 12 janvier 2018.

[32]       Ces infractions ne visaient qu’une seule personne. Aucune autre employée n’a déposé de plainte contre lui à la Chambre des notaires.

[33]       Me Laliberté déclare que cette situation ne s’est jamais produite ou reproduite avec d’autres employées, ou envers toute autre personne avec qui il a été en relation dans l’exercice de sa profession ou même dans sa vie professionnelle.

[34]       Bien que sa version des faits n’ait pas été retenue par le présent Conseil, lors de la présente audience, Me Laliberté maintient, comme il l’a fait lors de l’audience sur culpabilité, que ses gestes ont été posés de manière consensuelle.

[35]       Il appert que le 28 mars 2019, madame N.J. a consulté le Dr Roma Deroy qui inscrit sur un document médical qu’elle aurait été victime d’une agression sexuelle sans toutefois formuler un diagnostic.

[36]       Le 19 décembre 2019, à la suite de la décision sur culpabilité dans le présent dossier, madame N.J. dépose une demande d’indemnisation auprès de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

[37]       Le 8 janvier 2020, Mme Anne-Julie Larochelle, agente d’indemnisation à la CNESST, demande au Dr Deroy de préciser son diagnostic.

[38]       Le 10 février 2020, le Dr Deroy transmet une télécopie de cinq pages à Mme Larochelle.

[39]       Le 11 février 2020, la CNESST rend une décision d’admissibilité confirmant que madame N.J. avait le droit d’être indemnisée à la suite des événements survenus en janvier 2018 faisant l’objet du chef 1 dans le présent dossier.

[40]       Le même jour, Mme Larochelle transmet une lettre à Me Laliberté, l’informant qu’une décision d’admissibilité avait été rendue à l’effet que madame N.J. avait subi, le 3 janvier 2018, un accident qui lui a causé un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse.

[41]       Le 14 février 2020, Mme Larochelle transmet une autre lettre à Me Laliberté, l’informant que la CNESST imputait à l’employeur le coût des prestations dues en raison de l’accident de travail survenu à madame N.J.

[42]       Le 24 février 2020, l’avocat de la société MLouis Laliberté notaire inc., Me David Lacoursière, transmet une lettre à la CNESST joignant les formulaires de demande de révision des décisions d’admissibilité et d’imputation.

[43]       En ce qui concerne les chefs 2 à 4 de la plainte, Me Laliberté déclare que le dossier Azur s’inscrit dans un contexte particulier dans lequel il se devait d’agir dans une situation d’urgence.

[44]       Me Laliberté affirme que l’enquête concernant ces chefs découle d’une demande d’enquête transmise au bureau du syndic le 11 octobre 2016 pour des événements survenus le 1er avril 2016. Or, la plainte disciplinaire a été déposée le 3 décembre 2018.

[45]       Le 23 septembre 2016, Me Laliberté a reçu signification d’une demande introductive d’instance liée aux faits sur lesquels prennent appui les chefs d’infraction 2, 3, 4 a), b), c) et d) du présent dossier.

[46]       Le 30 mai 2019, l’honorable Martin Dallaire, J.C.S, a condamné Me Laliberté à payer la somme de 481 019,13 $ avec intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du C.c.Q. à Fonds Azur Capital Immobilier-Québec S.E.C.[7].

[47]       Me Laliberté explique que malgré sa demande, le Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec a refusé de porter le jugement en appel. Il confirme que le Fonds d’assurance a acquitté le montant du jugement à Azur.

[48]       Me Laliberté rappelle que la décision du Conseil dans la présente affaire est rendue le 18 novembre 2019.

[49]       Par conséquent, il soutient que relativement au dossier Azur, il a déjà subi les aléas que comportent deux procès, civil et disciplinaire, et ce, tant au niveau financier qu’au niveau personnel.

[50]       Il conclut en rappelant que depuis le début de l’enquête qui a mené au dépôt de la présente plainte et jusqu’à ce jour, aucune autre plainte disciplinaire n’a été déposée contre lui.

ARGUMENTATION DE LA SYNDIQUE

[51]       L’avocate de la syndique dépose des autorités au soutien de son argumentation[8].

[52]       Elle débute ses représentations en revenant sur les faits et les circonstances du chef 1 concernant le dossier de madame N.J.

[53]       Elle rappelle la gravité objective de l’infraction commise par Me Laliberté soulignant que les propos et les gestes qu’il a posés à l’endroit de madame N.J. sont survenus sur une période de trois semaines avec un certain crescendo.

[54]       En 2020, un tel comportement est inacceptable. Pour elle, la Chambre des notaires du Québec doit lancer un message clair à ses membres.

[55]       Elle affirme d’ailleurs que la jurisprudence doit évoluer avec la société.

[56]       Elle plaide d’ailleurs que la période de radiation de deux ans suggérée par la syndique prend ces éléments en considération.

[57]       L’avocate de la syndique adjointe soutient que les amendements mentionnés à l’article 156 alinéa 2 du Code des professions lancent un message que le Conseil ne peut ignorer.

[58]       Pour elle, les gestes posés par Me Laliberté déshonorent la profession et vont à l’encontre des valeurs mises de l’avant par la Chambre des notaires du Québec.

[59]       Au niveau des facteurs subjectifs, elle rappelle qu’au moment de la commission des faits, Me Laliberté était âgé de plus de 50 ans et cumulait près de 30 ans d’expérience.

[60]       L’avocat de la syndique souligne le caractère prémédité des gestes posés par Me Laliberté à l’endroit de madame N.J.

[61]       Elle rappelle ainsi que Me Laliberté a donné un horaire de travail particulier à madame N.J., alors qu’il a des problèmes de couple et que celle-ci lui plaît.

[62]       Elle souligne que Me Laliberté a mis en place un scénario érotique dans lequel madame N.J. était impliquée bien malgré elle. Il a ainsi agi en prédateur.

[63]       L’avocate de la syndique soutient que Me Laliberté a nié les faits et qu’il persiste dans ses allégations. Il tente même de banaliser la nature de ses gestes.

[64]       Or, pour elle, le fait de montrer son pénis à l’une de ses employées à la fin d’une journée de travail est loin d’être anodin.

[65]       De même, Me Laliberté ne démontre aucun signe d’introspection, ce qui laisse croire qu’il présente un risque de récidive.

[66]       Elle est d’avis qu’il aurait pu faire preuve d’empathie face au désarroi exprimé par madame N.J. Au contraire, Me Laliberté menace de la poursuivre.

[67]       L’avocat de la syndique rappelle le lien d’autorité liant Me Laliberté et sa secrétaire, tant psychologique qu’économique.

[68]       Elle revient sur les conséquences de ces événements pour madame N.J., dont le témoignage a été corroboré par monsieur G.D.

[69]       En ce qui concerne le dossier Azur faisant l’objet des chefs 2 à 4, l’avocate de la syndique insiste sur la gravité objective des infractions découlant de l’omission de déposer les sommes d’argent dans son compte en fidéicommis.

[70]       Elle rappelle que le conflit d’intérêts est directement au cœur de la profession de notaire.

[71]       Elle souligne également la durée de l’infraction commise entre le 1er et le 27 avril 2015, période durant laquelle Me Laliberté a remisé le chèque dans le dossier de son client.

[72]       Le défaut pour un notaire de déposer un chèque dans un compte en fidéicommis entrave la mission de la Chambre des notaires du Québec d’assurer la protection du public.

[73]       Pour l’avocate de la syndique, l’urgence ne peut constituer une excuse. Les circonstances auraient dû au contraire inciter Me Laliberté à faire preuve de prudence.

[74]       Elle rappelle que Me Laliberté continue de nier sa culpabilité, bien qu’il déclare qu’il n’agira plus de la sorte dans le futur.

[75]       Elle rappelle enfin le témoignage de monsieur Jonathan Dionne et les conséquences financières subies par Azur.

[76]       L’avocate de la syndique plaide que bien que la période des infractions soit relativement courte, le crescendo, lui, est extrêmement rapide.

[77]       Référant aux représentations de l’avocat de Me Laliberté concernant la sanction minimale, l’avocate de la syndique réfère le Conseil au jugement du Tribunal des professions dans les affaires Oliviera[9], et aux décisions des conseils de discipline dans les affaires Bernier[10] et Cordoba[11].

[78]       Elle avance que l’amende minimale au moment du dépôt de la plainte disciplinaire s’applique de façon rétrospective contrairement à la règle applicable en matière criminelle. De ce fait, elle considère que l’amende minimale pertinente à imposer sur les chefs 2, 3 et 4 est de 2 500 $.

ARGUMENTATION DE Me LALIBERTÉ

[79]       L’avocat de Me Laliberté débute ses représentations en annonçant que son client a l’intention de porter la décision du Conseil en appel.

[80]       Pour lui, le fait que son client présente une défense ne doit pas être considéré comme un facteur aggravant, mais plutôt comme un facteur neutre.

[81]       Il réfère le Conseil à plusieurs autorités qu’il analyse et commente dans le cadre de sa plaidoirie[12].

[82]       Il rappelle que l’objectif de la sanction est d’assurer la protection du public et de satisfaire aux critères d’exemplarité et de dissuasion, tout en considérant le droit du professionnel d’exercer sa profession en soulignant de plus que son client est âgé de 57 ans.

[83]       L’avocat de Me Laliberté plaide qu’il est inexact que le Conseil doive tenir compte du contexte social et de la troisième vague de dénonciation.

[84]       Pour lui, le Conseil n’est pas là pour juger de l’impact social du comportement de Me Laliberté, ni pour appuyer un mouvement, mais pour juger un professionnel.

[85]       Le Conseil se doit de juger le professionnel dans un contexte disciplinaire et non de réprobation sociale.

[86]       Référant à la pièce SI-2, soit la décision d’admissibilité de la CNESST, il avance que les actes ont été jugés comme une agression sexuelle alors que nous ne sommes pas en matière criminelle.

[87]       Pour lui, la sanction doit être juste et proportionnée à la faute.

[88]       L’avocat de Me Laliberté plaide sur le spectre des sanctions disciplinaires.

[89]       Pour lui, au moment des faits du dossier Azur, l’ancien Code des professions s’appliquait. Les amendes à cette époque varient de 1 000 $ à 12 500 $ par infraction. Il évoque donc que le professionnel a droit de bénéficier de la peine la moins sévère.

[90]       L’avocat de Me Laliberté rappelle que son client est notaire sans interruption depuis 1989. Il n’a qu’un seul antécédent en 1999, lequel n’est pas lié aux infractions à l’étude.

[91]       En ce qui concerne le chef 1, l’avocat de Me Laliberté affirme que son client ne peut venir s’excuser et qu’il ne reconnaît pas les faits.

[92]       Me Laliberté maintient toujours qu’il s’agissait d’un jeu de séduction et que des éléments objectifs le laissaient croire au consentement de madame N.J.

[93]       Il plaide qu’une relation amoureuse dans le cadre d’une relation de travail ne constitue pas une infraction déontologique.

[94]       Il rappelle que Me Laliberté n’a jamais nié les faits, mais qu’il les replace plutôt dans leur contexte.

[95]       L’avocat de Me Laliberté souligne que son client n’a pas cessé les agissements suite à un appel de la syndique, mais suite à une introspection qu’il a effectuée au cours de la fin de semaine.

[96]       En ce qui concerne le risque de récidive, il note que Me Laliberté a admis son incartade à son épouse et devant le Conseil. Il plaide que Me Laliberté n’est pas une menace envers le public, qu’il ne présente pas de risque de récidive et qu’il n’a pas d’antécédent de même nature.

[97]       Par ailleurs, il plaide que le Conseil n’a pas à punir Me Laliberté, mais à le sanctionner à l’égard de la profession et qu’il doit le juger seulement en fonction de la preuve présentée.

[98]       L’avocat de Me Laliberté est d’avis que le législateur n’a pas augmenté la sanction à imposer pour une infraction fondée sur l’article 59.2 du Code des professions.

[99]       Il rappelle que dans de pareilles circonstances, il n’y a pas de sanction minimale imposée par la loi, soulignant que les faits ne concernent pas une relation entre un professionnel et son client.

[100]    Il avance également que la présente affaire se distingue des causes concernant les professionnels de la santé qui sont appelés à avoir des contacts avec le corps de leurs clients, ce qui n’est pas le cas des notaires.

[101]    Pour lui, le lien avec la profession est ténu et il est d’avis que la situation serait probablement fort différente si les gestes reprochés s’étaient produits à l’hôtel.

[102]    En ce qui concerne les dommages allégués par madame N.J., l’avocat de Me Laliberté plaide que le Conseil n’a aucun rapport d’expert ni de rapport provenant de son médecin traitant. La preuve repose uniquement sur le témoignage de madame N.J.

[103]    Il ajoute qu’il n’y a aucun rapport médical dans les pièces SI-4 à SI-7.

[104]    L’avocat de Me Laliberté rappelle la brève période pendant laquelle les gestes se sont produits soulignant qu’il s’agit de gestes isolés à l’égard d’une seule personne.

[105]    Il plaide également que Me Laliberté jouit d’une bonne réputation dans le milieu des affaires et qu’il est un actif pour la société.

[106]    Il souligne que son client a fait face à deux procès découlant de la plainte disciplinaire et que cela est dissuasif en soi. Me Laliberté a subi des impacts financiers importants et a bien collaboré au processus disciplinaire.

[107]    L’avocat de Me Laliberté plaide que son client croyait en toute bonne foi qu’il y avait « une ouverture » de la part de madame N.J.

[108]    Il soutient que Me Laliberté n’est certainement pas un prédateur, mais simplement un individu qui trouvait « une femme de son goût ».

[109]    Commentant les autorités soumises par l’avocate de la syndique, il explique que ces cas se distinguent du présent dossier notamment parce que les infractions ont été commises sur une période beaucoup plus longue.

[110]    De plus, le nombre de plaignantes était plus élevé ou encore le lien de supervision était plus important.

[111]    Enfin, certains de ces professionnels ont été reconnus coupables d’actes criminels. Pour d’autres, il y avait un lien étroit avec l’exercice de la profession ou encore la présence d’antécédents disciplinaires.

[112]    En ce qui concerne les chefs 2, 3 et 4, l’avocat de Me Laliberté rappelle la dissidence sur les chefs 2 et 3.

[113]    Il plaide que son client a commis une erreur de bonne foi.

[114]    Il rappelle que la situation était très médiatisée et que tout le monde connaissait les difficultés financières du constructeur.

[115]     L’avocat de Me Laliberté demande au Conseil de tenir compte de la bonne foi de son client sur les chefs 2 et 3 qui sont des chefs similaires.

[116]    Il plaide que Me Laliberté pouvait difficilement déposer un chèque alors qu’il savait qu’il n’avait pas de fonds.

[117]    En ce qui concerne les facteurs objectifs, il rappelle qu’il y a absence d’avantages personnels pour Me Laliberté qui était pris « entre l’arbre et l’écorce ».

[118]     Il s’agit d’ailleurs d’un geste isolé.

[119]    Pour l’avocat de Me Laliberté, le temps écoulé entre les infractions et le dépôt de la plainte, le processus disciplinaire et l’absence de nouvelles plaintes démontrent l’absence de risque de récidive.

[120]    Il ajoute qu’il s’agissait d’une situation particulière et d’urgence. Pour lui, il ne s’agit pas d’un manque d’intégrité, de diligence ou de fraude.

[121]    Il affirme d’ailleurs qu’Azur a été intégralement indemnisée pour la perte prétendument subie.

[122]    À la suite des représentations de l’avocate de la syndique plaidant que l’amende minimale au moment du dépôt de la plainte disciplinaire s’applique de façon rétrospective, l’avocat de Me Laliberté invite le Conseil à retenir l’interprétation du juge dissident dans l’affaire Cordoba et à imposer des amendes dont le montant est inférieur. À défaut, il suggère au Conseil l’imposition des amendes suivantes :

Ø  Chef 2 : une amende de 3 500 $;

Ø  Chef 3 : une amende de 2 500 $;

Ø  Chef 4 : une amende de 6 000 $.

ANALYSE

[123]    Le Conseil souligne les enseignements du juge Chamberland de la Cour d’appel dans Pigeon c. Daigneault : « […] il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l’infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l’exercice de la profession […] »[13].

[124]    Au sujet de la protection du public, le Tribunal des professions nous enseigne ce qui suit dans l’affaire Chevalier[14] :

[18]      Le Tribunal note que le juge Chamberland a parlé « au premier chef » de la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, puis l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession et enfin le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession. Ainsi, ce droit du professionnel ne vient qu’en quatrième lieu, après trois priorités.

[Transcription textuelle]

[125]    La protection du public est le premier critère à évaluer lors de l’imposition d’une sanction. Toutefois, « chaque cas est un cas d’espèce »[15].

[126]    Le Conseil rappelle que son rôle n’est pas de punir le professionnel, mais de s’assurer que la sanction aura, sur Me Laliberté et les autres membres de la profession, un effet dissuasif tout en atteignant les objectifs d’exemplarité pour la profession et la protection du public.

[127]    La jurisprudence est constante concernant le fait que le rôle du conseil de discipline, lorsqu’il impose une sanction, est d’assurer la protection du public. Ce critère englobe également celui de la perception du public[16].

[128]    La sanction est déterminée proportionnellement à la gravité de la faute commise et elle doit atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité enseignés en jurisprudence.

[129]    Le Conseil doit aussi respecter le principe de l’individualisation de la sanction et soupeser l’ensemble des facteurs aggravants et atténuants, pertinents à la détermination de la sanction de chaque affaire.

Les facteurs objectifs

[130]    Les facteurs objectifs qui doivent être considérés au moment d’imposer une sanction disciplinaire sont ceux reliés à l’infraction elle-même et visent particulièrement : la protection du public, la gravité de l’offense et l’exemplarité.

[131]    Le 18 novembre 2019, Me Laliberté a été reconnu coupable par le Conseil d’avoir contrevenu aux articles 30 du Code de déontologie des notaires[17], aux articles 1 et 9 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires[18] de même qu’à l’article 59.2 du Code des professions[19] qui sont ainsi libellés :  

Code de déontologie des notaires (RLRQ, c. N-3, r. 2)

30.       Le notaire doit éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts.

Il est en situation de conflit d’intérêts lorsque les intérêts sont tels qu’il peut être porté à préférer certains d’entre eux et que son jugement ou sa loyauté peuvent être défavorablement affectés.

Dès qu’il constate qu’il se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, il doit en aviser sans délai son client et cesser d’exercer ses fonctions, à moins que le client consente par écrit, après avoir été informé de la nature du conflit d’intérêts et des faits pertinents qui lui sont rattachés, à ce que le notaire continue d’exercer ses fonctions.

Toutefois, le notaire à qui est présentée une demande visée à l’article 312 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01) ou qui agit dans le cadre d’une demande de dissolution de l’union civile conformément à l’article 521.13 du Code civil, doit cesser d’exercer ses fonctions dès qu’il constate qu’il est en situation de conflit d’intérêts.

Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires (RLRQ, c. N-3, r. 5.1)

1.         Le notaire doit consigner et comptabiliser les sommes et les biens qui lui sont confiés dans l’exercice de sa profession et les utiliser aux fins pour lesquelles ils lui sont remis.

[…]

9.         Les sommes confiées par un client à un notaire doivent sans délai après réception être déposées dans un compte général en fidéicommis ouvert à son nom et duquel il est le seul à pouvoir effectuer un retrait. Le compte peut néanmoins être détenu conjointement par plusieurs notaires.

Un notaire peut donner à tout autre notaire le mandat d’effectuer des dépôts ou des retraits dans son compte en fidéicommis.

Ces sommes n’appartiennent pas au notaire non plus que les intérêts qu’elles produisent.

Code des professions (RLRQ, c. C-26)

59.2.    Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.

[132]    Ainsi, Me Laliberté a contrevenu à des obligations déontologiques qui se situent au cœur même de l’exercice de sa profession.

[133]    En matière de gravité objective, la conduite reprochée à Me Laliberté est sérieuse et porte ombrage à l’ensemble de la profession.

[134]    Il a été déclaré coupable d’infractions qui minent la confiance du public à l’égard de la profession de notaire.

[135]    Le volet d’exemplarité doit être reflété par les sanctions que le Conseil doit imposer. Il s’agit de l’un des objectifs reconnus dans le cadre de l’imposition d’une sanction en droit disciplinaire. Pour les chefs d’infraction à l’étude, cette notion d’exemplarité trouve son fondement dans la gravité des infractions et dans la nécessité d’assurer la protection du public.

[136]    Les sanctions à être imposées doivent être significatives afin d’avoir un caractère dissuasif. En effet, une sanction qui se veut généralement dissuasive est celle qui vise à décourager ou à empêcher les autres membres de la profession de se livrer aux mêmes gestes que ceux posés par Me Laliberté[20].

Les facteurs subjectifs

[137]    Le dossier de Me Laliberté présente peu de facteurs atténuants.

[138]    Les gestes qu’il a posés à l’endroit de madame N.J., quoique graves, ne concernent qu’une seule personne.

[139]    Il semble également jouir d’une bonne réputation selon les dires de son avocat. Le Conseil souligne toutefois qu’aucune preuve n’a été présentée en ce sens.

[140]    Toutefois, le dossier de Me Laliberté présente plusieurs facteurs aggravants importants.

[141]    Il a un antécédent disciplinaire pour avoir omis de faire preuve de diligence raisonnable dans la publication de près d’une centaine d’actes de quittance au registre foncier, pour avoir fait défaut de voir à l’inscription d’une quarantaine d’actes de radiation au registre foncier et pour avoir fait défaut d’obtenir les signatures à une vingtaine d’actes de quittance.  

[142]    Le conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec lui avait imposé en 1999 des amendes totalisant 8 500 $.

[143]    Me Laliberté est membre de la Chambre des notaires du Québec depuis 1989. C’est donc un notaire d’expérience au moment des infractions commises entre 2016 et 2018.

[144]    Puisque Me Laliberté ne témoigne pas dans le cadre de l’audience sur sanction, le Conseil doit donc s’en remettre au document intitulé « Exposé conjoint des faits pour valoir témoignage de Me Louis Laliberté ».

[145]    Or, le Conseil ne peut que constater qu’en dépit de sa décision sur culpabilité, Me Laliberté semble ne pas faire preuve d’aucune forme de repentir.

[146]    De même, les représentations de son avocat ne laissent planer aucun doute sur le fait qu’il semble incapable de se remettre en question.

[147]    Il ne semble avoir entrepris aucune démarche ni aucun suivi psychologique afin de mieux comprendre ce qui l’avait amené à agir ainsi. Il aurait sans doute été souhaitable de présenter un rapport d’expertise ou de faire entendre les professionnels qu’il aurait consultés, ce qui aurait été de nature à rassurer les membres du Conseil.

[148]    Par conséquent, le Conseil ne peut qu’émettre des réserves par rapport à sa réhabilitation et à sa volonté de s’amender.

[149]    Dans les circonstances, le Conseil ne peut complètement écarter un risque de récidive de sa part.

[150]    De plus, les comportements fautifs de Me Laliberté se sont poursuivis sur une période de quelques semaines tant pour les événements impliquant madame N.J. que pour ceux impliquant Azur.

[151]    La présente analyse des facteurs objectifs et subjectifs est applicable à chacun des chefs sans que le Conseil ne reprenne celle-ci sous chacun des chefs.

Chef 1

[152]    Au chef 1, Me Laliberté a été reconnu coupable d’avoir posé des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession de notaire, d’avoir tenu, en décembre 2017 et en janvier 2018, des propos et d’avoir posé des gestes à caractère sexuel à l’endroit de madame N.J. lors de son entrevue d’embauche et lorsqu’elle était à son emploi.

[153]    L’avocate de la syndique demande au Conseil d’imposer à Me Laliberté une période de radiation de deux ans.

[154]    De son côté, l’avocat de Me Laliberté demande au Conseil d’imposer à son client une période de radiation de deux mois.

[155]    Le Conseil rappelle que le comportement de Me Laliberté dans un contexte de milieu de travail est inacceptable puisque sa conduite de nature sexuelle était non sollicitée de la part de madame N.J.

[156]    Me Laliberté a ainsi abusé de son pouvoir, d’abord comme futur employeur et par la suite comme employeur de madame N.J., en lui imposant des gestes sexuels inopportuns et des demandes sexuelles explicites qui n’ont pas leur place dans un tel contexte.

[157]    Le Conseil se doit de nouveau de souligner le caractère répétitif et en crescendo des gestes posés par Me Laliberté à l’endroit de madame N.J.

[158]    Ces gestes non désirés ont porté atteinte à la dignité et à l’intégrité même de madame N.J. et l’ont ultimement forcée à démissionner.

[159]    Le Conseil ne peut passer sous silence les conséquences du comportement de Me Laliberté sur madame N.J. D’ailleurs, elle présente à l’appui de sa réclamation devant la CNESST un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse.

[160]    Les gestes commis par Me Laliberté font maintenant l’objet d’une tolérance zéro, ce qui a été établi à maintes reprises tant par les divers conseils de discipline que par les tribunaux supérieurs[21].

[161]    Ce genre de comportements porte atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession de notaire en minant la confiance du public.

[162]    Le Conseil rappelle que la preuve présentée lors de l’audience sur sanction ne démontre pas que le volet éducatif que doit comporter une sanction disciplinaire a été atteint par Me Laliberté, bien au contraire.

[163]    Le Conseil juge que l’imposition d’une radiation de deux mois pour une infraction de cette nature lancerait un message négatif au sein de la profession et risquerait de banaliser des manquements à des devoirs qui sont au cœur de l’exercice même de la profession de notaire.

[164]    En l’espèce, le Conseil croit qu’il est nécessaire d’imposer une période de radiation significative pour donner un caractère dissuasif auprès des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de suivre la conduite de Me Laliberté.

[165]    Dans les circonstances de la présente affaire, le Conseil considère qu’il n’a aucune autre alternative que d’imposer à Me Laliberté une période de radiation temporaire d’une durée significative.

[166]    Il doit cependant écarter la suggestion de la syndique de lui imposer une radiation de deux ans.

[167]    Le Conseil considère que les faits dans cette affaire ne justifient pas l’imposition d’une telle sanction.

[168]    Pour le Conseil, une telle période de radiation serait punitive à l’égard de Me Laliberté, ce qui n’est pas le but du droit disciplinaire. La sanction disciplinaire doit avoir un objectif éducatif auprès du professionnel fautif tout en comportant un volet dissuasif auprès de l’ensemble des membres de la profession.

[169]    De son côté, Me Laliberté est d’avis qu’une période de radiation temporaire de deux mois serait suffisante dans les circonstances. Le Conseil ne peut adhérer à cette suggestion.

[170]    En somme, les sanctions proposées par les parties ne correspondent pas au spectre des sanctions découlant des précédents jurisprudentiels. La période de deux ans proposée par la syndique apparaît trop sévère alors que la radiation de deux mois suggérée par Me Laliberté est, à l’inverse, une sanction beaucoup trop clémente.

[171]    Le Conseil précise que les précédents soumis peuvent être considérés dans un but d’harmonisation. Ils sont des guides et non des carcans[22]. Dans chaque cas, le Conseil est tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

[172]    Dans l’affaire Blouin[23] rendue en 2019, le conseil de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec impose une radiation de 15 mois à un infirmier auxiliaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, avait tenu, à de nombreuses reprises, des propos et posé des gestes à caractère sexuel à l’endroit d’une collègue qui était préposée aux bénéficiaires.

[173]    Dans l’affaire Blaise[24], une plainte avait été portée contre un infirmier auxiliaire en vertu de l’article 149.1 du Code des professions. M. Blaise avait été reconnu coupable d’agression sexuelle et s’était vu imposer par la Cour du Québec une sentence de 30 jours de détention à être purgée de façon discontinue une fin de semaine sur deux. À cette peine s’ajoutait une période probatoire d’une durée de deux ans.

[174]    À l’époque visée par la plainte, M. Blaise exerce dans un centre d’hébergement pour personnes âgées à titre d’infirmier auxiliaire. Il effectue des tournées de surveillance avec une collègue de travail qui est préposée aux bénéficiaires.

[175]    À compter du mois d’octobre 2014, il intensifie les compliments qu’il adresse à sa collègue. Celle-ci repousse ses avances. Le 24 novembre 2014, alors que la préposée aux bénéficiaires prodigue des soins, il lui donne une tape au niveau de la fesse droite. Le lendemain, alors qu’elle est en pause sur un fauteuil inclinable, il s’étend sur elle. Il pose sa bouche sur celle de sa collègue qui le repousse.

[176]    Le conseil de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec impose à M. Blaise une radiation de 18 mois.

[177]    Dans l’affaire Bellemare[25] rendue en 2019, il est reproché à un infirmier au cours de la période de janvier 2013 à mars 2014, alors qu’il agissait comme professeur, d’avoir tenu des propos et posé des gestes inappropriés à plusieurs reprises à l’endroit d’étudiantes en soins infirmiers.

[178]    Les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés dans le cadre d’un programme de soins infirmiers d’un cégep. M. Bellemare agit alors comme professeur et superviseur de stage en santé mentale.

[179]    Dans sa décision sur sanction, le conseil de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec relate ainsi certains des comportements de M. Bellemare :

·         Mettre son bras autour du cou de certaines étudiantes pendant qu’elles préparent leur médication;

·         Toucher ou sentir le cou de certaines autres;

·         Flatter le dos, dépendant des circonstances et mettre ses mains sur leurs cuisses lorsqu’il est assis auprès d’elles;

·         Coller son front sur celui d’une étudiante et lui dire qu’il l’embrasserait tellement « elle est nounoune »;

·         Tenir la main d’une étudiante aux cheveux blonds avec un beau physique pour la faire tourner en la regardant et en faisant un commentaire sur les bretelles de son soutien-gorge;

·         Toucher les fesses d’une autre en passant à côté d’elle soi-disant pour s’assurer qu’elle avait toujours la clef qu’il lui a remise dans sa poche;

·         Envoyer un texto à une étudiante, après la fin de son stage pour lui rappeler combien elle est jolie et que cela lui ferait du bien de la revoir.

[Transcription textuelle]

[180]    Le conseil de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec fait droit à la recommandation conjointe des parties et impose à M. Bellemare une période de radiation temporaire de sept mois à être purgée au moment de sa réinscription au tableau de l’Ordre.

[181]    Dans une toute récente décision rendue le 25 septembre 2020 dans l’affaire Dansereau[26], le conseil de discipline du Collège des médecins du Québec a imposé une radiation temporaire de 15 mois à un médecin d’une soixantaine d’années reconnu coupable en vertu de l’article 59.2 du Code des professions dont le comportement envers une jeune infirmière-pivot avec qui il travaillait était irrespectueux au point de constituer du harcèlement sexuel.

[182]    La conduite vexatoire du médecin à l’endroit de la jeune femme s’est manifestée par des gestes répétés et non désirés entre la fin du mois d’avril et le mois de juillet 2018 culminant sur sa conduite grave du 9 juillet 2018 où il la fait venir dans son bureau et l’embrasse dans le cou.

[183]    Le Conseil rappelle que chaque sanction doit être évaluée en fonction des éléments propres à chaque dossier et au professionnel concerné.

[184]    Le Conseil est d’avis que le comportement de Me Laliberté ne peut constituer une simple erreur de sa part dans le cadre d’un jeu de séduction, mais bien une faute d’une gravité telle qu’elle constitue une faute déontologique. Cette conduite n’est certes pas acceptable. 

[185]    Pour le Conseil, le fait pour Me Laliberté de s’exhiber nu devant une employée sur les lieux du travail, même dans le contexte d’une erreur dans le cadre d’un jeu de séduction, est une conduite portant atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession.

[186]    Le Conseil réitère qu’adhérer à la suggestion d’imposer une radiation de deux mois pour les gestes commis par Me Laliberté ne serait pas représentatif du degré de l’infraction qu’il a commise considérant que son dossier présente peu de facteurs atténuants, mais comporte plutôt plusieurs facteurs aggravants.

[187]    Ainsi, la gravité objective des faits entourant l’infraction qu’il a commise et l’impact de cette infraction sur la confiance du public envers les notaires amènent le Conseil à lui imposer une période de radiation temporaire significative. 

[188]    En conséquence, le Conseil impose à Me Laliberté une période de radiation temporaire de 18 mois.

[189]    Le Conseil considère que cette sanction est juste et raisonnable et qu’elle assurera la protection du public à une époque où la société n’accepte plus ce genre de comportement.

[190]    Cette sanction aura le mérite d’envoyer un message clair aux membres de la profession qu’il est indéfendable pour un notaire d’avoir un comportement irrespectueux et vexatoire qui se manifeste par des gestes répétés et non désirés à l’égard du personnel de soutien.

Chef 2

[191]    Au chef 2, Me Laliberté a été reconnu coupable d’avoir omis, à compter du 1er avril 2016, de déposer sans délai dans un compte en fidéicommis une somme de 481 019,13 $ qui lui a été confiée dans le cadre de l’exécution d’une convention de prêt sous seing privé intervenue entre 9229-3281 Québec inc., 9219-1352 Québec inc. et Azur le 18 août 2015.

[192]    L’avocate de la syndique demande au Conseil d’imposer à Me Laliberté une période de radiation de deux mois.

[193]    De son côté, l’avocat de Me Laliberté demande au Conseil d’imposer à son client une amende de 2 000 $ ou, s’il ne retient pas l’interprétation du juge dissident dans l’affaire Cordoba, de lui imposer une amende de 3 500 $.

[194]    Dans l’affaire Bossé[27] rendue en 2014, le conseil de discipline de la Chambre des notaires impose à Mme Louise Bossé, autrefois notaire, et ayant reconnu sa culpabilité sur l’ensemble des chefs de plainte portée contre elle, une période de radiation temporaire d’un mois, et ce, pour avoir omis de déposer dans son compte en fidéicommis une somme de 147 250 $ reçue de ses clients lors de l’exécution d’un acte de vente.

[195]    Dans l’affaire Bacon[28] rendue en 2016, le conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec a entériné les recommandations des parties et a imposé une radiation temporaire de deux mois à une notaire sans antécédent disciplinaire qui avait reconnu sa culpabilité, et ce, pour avoir omis de déposer dans son compte en fidéicommis les fonds, valeurs et autres biens qui lui ont été confiés à titre de liquidatrice de deux successions.

[196]    Le Conseil juge que l’imposition d’une amende pour une infraction de cette nature lancerait un message négatif au sein de la profession et risquerait de banaliser des manquements à des devoirs qui sont au cœur de l’exercice même de la profession de notaire.

[197]    En l’espèce, le Conseil croit qu’il est nécessaire d’imposer une période de radiation dans le but de donner un caractère dissuasif auprès des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de suivre la conduite de Me Laliberté.

[198]    Le Conseil rappelle que chaque sanction doit être évaluée en fonction des éléments propres à chaque dossier et au professionnel à qui elle est imposée.

[199]    Afin de respecter le caractère dissuasif que doit comporter une sanction, le Conseil décide de faire droit à la recommandation de la syndique et d’imposer une radiation temporaire de deux mois sous le chef 2, jugeant cette sanction juste et proportionnée.

Chef 3

[200]    Au chef 3, Me Laliberté a été reconnu coupable d’avoir omis, à compter du 1er avril 2016, de consigner et de comptabiliser en fidéicommis la somme de 481 019,13 $ qui lui a été confiée dans le cadre de l’exécution d’une convention de prêt sous seing privé intervenue entre 9229-3281 Québec inc., 9219-1352 Québec inc. et Azur le 18 août 2015.

[201]    L’avocate de la syndique demande au Conseil d’imposer à Me Laliberté une période de radiation d’un mois.

[202]    De son côté, l’avocat de Me Laliberté demande au Conseil d’imposer à son client une amende de 1 000 $ ou, s’il ne retient pas l’interprétation du juge dissident dans l’affaire Cordoba, de lui imposer une amende de 2 500 $.

[203]    Dans l’affaire Haltrecht[29] rendue en 2014, le conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec a imposé une radiation temporaire de trois mois à un ancien notaire ayant un dossier disciplinaire lourd comportant trois antécédents disciplinaires, et ce, pour avoir omis de consigner et de comptabiliser en fidéicommis tous les fonds, valeurs et autres biens qui lui ont été confiés à titre de liquidateur d’une succession.

[204]    Le Conseil juge que l’imposition d’une amende comme le suggère l’avocat de Me Laliberté pour une infraction de cette nature lancerait un message négatif au sein de la profession et risquerait de banaliser des manquements à des devoirs qui sont au cœur de l’exercice même de la profession de notaire.

[205]    En l’espèce, le Conseil croit qu’il est nécessaire d’imposer une période de radiation pour donner un caractère dissuasif auprès des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de suivre la conduite de Me Laliberté.

[206]    Le Conseil rappelle que chaque sanction doit être évaluée en fonction des éléments propres à chaque dossier et au professionnel à qui elle est imposée.

[207]    Afin de respecter le caractère dissuasif que doit comporter une sanction, le Conseil décide de faire droit à la recommandation de la syndique et d’imposer à Me Laliberté une radiation temporaire d’un mois sous le chef 3.

Chef 4

[208]    Au chef 4, Me Laliberté a été reconnu coupable d’avoir privilégié les intérêts d’Urbi au détriment d’Azur dans le cadre de l’exécution d’une convention de prêt sous seing privé intervenue entre Urbi, 9219-1352 Québec inc. et Azur le 18 août 2015 et de l’instrumentation d’un acte de vente intervenu entre Urbi et 9277-0312 Québec inc. le 13 mai 2016.

[209]    L’avocate de la syndique demande au Conseil d’imposer à Me Laliberté une période de radiation de neuf mois.

[210]    De son côté, l’avocat de Me Laliberté demande au Conseil d’imposer à son client une amende de 4 000 $ ou, s’il ne retient pas l’interprétation du juge dissident dans l’affaire Cordoba, de lui imposer une amende de 6 000 $.

[211]    Le Conseil juge que l’imposition d’une amende pour une infraction de cette nature lancerait un message négatif au sein de la profession et risquerait de banaliser des manquements à des devoirs qui sont au cœur de l’exercice même de la profession de notaire.

[212]    En l’espèce, le Conseil croit qu’il est nécessaire d’imposer une période de radiation significative pour donner un caractère dissuasif auprès des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de suivre la conduite de Me Laliberté.

[213]    Dans l’affaire Lachance[30] rendue en 2018, le conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec a imposé trois périodes de radiation temporaire de trois mois à un ancien notaire qui s’était placé à trois reprises en situation de conflit d’intérêts en préférant les intérêts d’un vendeur au détriment de clients acquéreurs et de leurs créanciers hypothécaires.

[214]    Dans cette affaire, le dossier de l’intimé comportait un antécédent disciplinaire puisqu’il avait plaidé coupable de ne pas avoir veillé, dans les plus brefs délais, à l’inscription de 27 actes de radiation et d’en faire signer 15 autres. Le conseil lui avait imposé des amendes de 1 500 $ sur chacun des deux chefs d’infraction.

[215]    En revanche, son dossier comportait plusieurs facteurs subjectifs atténuants, soit le fait qu’il ait plaidé coupable à la première occasion tout en reconnaissant ses fautes, qu’il ne s’est jamais défilé et n’a pas tenté de couvrir ses fautes et qu’il a même redoublé d’efforts afin d’obtenir du vendeur le remboursement d’un prêteur. De plus, l’intimé est présent à l’audience et explique ce qui s’est passé sans tenter de se justifier. Le conseil retient que son repentir et ses excuses sont sincères.

[216]    Par ailleurs, le conseil souligne que le risque de récidive est extrêmement faible étant donné que l’intimé prendra sa retraite de la pratique notariale. Il a en effet pris des arrangements pour transférer son greffe.

[217]    De plus, il est bien conscient de la gravité des manquements qu’il a commis.

[218]    Dans Mercille[31], l’intimé est déclaré coupable de trois chefs d’infraction, dont un chef d’avoir utilisé les fonds détenus en fidéicommis pour des fins autres que celles indiquées par ses clients, un chef d’avoir fait défaut d’agir en conseiller désintéressé et un chef de s’être placé en situation de conflit d’intérêts. Les trois chefs concernent tous les mêmes clients.

[219]    Dans cette affaire, l’intimé Mercille instrumente la vente d’un immeuble appartenant à sa fille et sur lequel un prêteur privé détient une hypothèque. Au lieu de rembourser le prêt et radier l’hypothèque, l’intimé attend, car ce même prêteur privé détient également des hypothèques sur trois autres propriétés de la famille qu’il s’attend à vendre à un client européen, ce qui ne se matérialise pas.

[220]    En outre, l’intimé Mercille croit que les trois autres propriétés ont une valeur supérieure au montant du prêt dû au prêteur privé. Cependant, ce dernier fait signifier à l’acquéreur une action en prise en paiement et délaissement forcé.

[221]    Le conseil de discipline de la chambre des notaires du Québec lui impose une période de radiation temporaire de trois mois sur le chef lui reprochant de s’être placé en conflit d’intérêts. Le conseil retient que l’intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires, qu’il a démissionné du tableau de l’Ordre et qu’il n’y a pas d’éléments de fraude.

[222]    Dans Gareau[32], l’intimé reconnaît sa culpabilité à deux chefs lui reprochant de ne pas avoir évité de se placer en situation de conflit d’intérêts. L’intimé fait l’objet d’un premier reproche suivant lequel, à compter du mois de juin 2009, il a, pour le compte de sa cliente, facilité l’obtention de plusieurs prêts privés garantis par hypothèque immobilière, instrumenté plusieurs de ces prêts et s’est occupé des paiements, et ce, sans l’aviser que les prêteurs étaient des membres de sa famille.

[223]    L’intimé a également, pour le compte d’une cliente, facilité l’obtention d’un prêt privé garanti par hypothèque immobilière et instrumenté ce prêt et s’est occupé des paiements, et ce, sans aviser sa cliente et la caution que le prêteur privé était sa collaboratrice.

[224]    À titre de facteurs subjectifs, le conseil de discipline de la Chambre des notaires retient que l’intimé a reconnu les faits qui lui sont reprochés et a plaidé coupable à la première occasion. Ainsi, il a évité la tenue d’une longue audience d’au moins cinq jours ainsi que l’assignation de nombreux témoins.

[225]    L’intimé est un notaire expérimenté puisqu’au moment des infractions, il est inscrit au tableau de la Chambre des notaires du Québec depuis plus de 30 ans.

[226]    Le conseil tient compte également du fait qu’une des clientes de l’intimé a été dans l’obligation de retenir les services d’un avocat afin de faire annuler l’acte de délaissement volontaire signé au préjudice de ses droits et de redevenir propriétaire de son immeuble.

[227]    Le conseil retient aussi le fait que l’intimé a un antécédent disciplinaire remontant à 2006.

[228]    Après avoir considéré l’ensemble de ces facteurs qui présentent plusieurs similitudes avec le présent dossier, le conseil de discipline fait droit à la recommandation conjointe des parties et impose à l’intimé sur les deux chefs portant sur les conflits d’intérêts des périodes de radiation temporaire de six mois.

[229]    Dans les circonstances de la présente affaire, le Conseil considère qu’il n’a aucune autre alternative que d’imposer à Me Laliberté une période de radiation temporaire d’une durée significative.

[230]    Il doit cependant écarter la suggestion de la syndique de lui imposer une radiation de neuf mois puisqu’il considère que les faits dans cette affaire ne justifient pas l’imposition d’une telle sanction.

[231]    Pour le Conseil, une telle période de radiation serait punitive à l’égard de Me Laliberté, ce qui n’est pas le but du droit disciplinaire. La sanction disciplinaire doit avoir un objectif éducatif auprès du professionnel fautif tout en comportant un volet dissuasif auprès de l’ensemble des membres de la profession.

[232]    En conséquence, le Conseil impose à Me Laliberté une période de radiation temporaire de six mois.

[233]    Cette sanction aura le mérite d’envoyer un message clair aux membres de la profession qu’il est indéfendable pour un notaire de se placer en situation de conflits d’intérêts puisqu’il s’agit de manquements déontologiques qui sont susceptibles de nuire à la confiance du public envers la profession de notaire.

[234]    Enfin, Me Laliberté sera condamné au paiement des entiers déboursés prévus par le quatrième alinéa de l’article 151 du Code des professions ainsi que des frais de publication de l’avis de la décision.

POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

Sous le chef 1

[235]    IMPOSE à l’intimé, Me Louis Laliberté, une radiation temporaire de 18 mois.

Sous le chef 2

[236]    IMPOSE à l’intimé, Me Louis Laliberté, une radiation temporaire de deux mois.

Sous le chef 3

[237]    IMPOSE à l’intimé, Me Louis Laliberté, une radiation temporaire d’un mois.

Sous le chef 4

[238]    IMPOSE à l’intimé, Me Louis Laliberté, une radiation temporaire de six mois.

[239]    ORDONNE que ces périodes de radiation temporaire imposées sous chacun des chefs 1 à 4 soient purgées concurremment.

[240]    ORDONNE à la secrétaire du Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec de publier un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé, Me Louis Laliberté, a son domicile professionnel conformément à l’article 156 du Code des professions, et ce, aux frais de l’intimé.

[241]    CONDAMNE l’intimé, Me Louis Laliberté, au paiement de l’ensemble des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

 

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Me JEAN-GUY LÉGARÉ

Président

 

 

 

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Me CHARLAINE BOUCHARD, notaire

Membre

 

 

 

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Me FRANÇOIS LEFEBVRE, notaire

Membre

 

Me Éliane Gauvin

Avocate de la plaignante

 

Me Jean-François Bertrand

Me Flavie Garceau-Bolduc

Avocats de l’intimé

 

Date d’audience :

16 juillet 2020

 



[1]     Notaires (Ordre professionnel des) c. Laliberté, 2019 CanLII 116181 (QC CDNQ).

[2]     RLRQ, c. N-3, r. 2.

[3]     RLRQ, c. C-26.

[4]     RLRQ, c. N-3, r. 5.2.

[5]     Notaires (Ordre professionnel des) c. Laliberté, CD not., 26-98-00748, 29 octobre 1999.

[6]     Ibid.

[7]     Fonds Azur Capital Immobilier-Québec c. Laliberté, 2019 QCCS 22270.

[8]     Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA); Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Roy, 2013 QCCDBQ 44; Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Bellemare, 2018 CanLII 82353 (QC CDOII); Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Sanchez, 2015 CanLII 55404 (QC OIIA); Médecins (Ordre professionnel des) c. Harrison, 2014 CanLII 38640 (QC CDCM); Harrison c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 63; Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Blaise, 2018 CanLII 121056 (QC OIIA); Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Blouin, 2019 CanLII 28672 (QC OIIA); Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Smith, 2015 CanLII 47128 (QC CDOII); Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Smith, 2015 CanLII 69278 (QC CDOII); Notaires (Ordre professionnel des) c. Gareau, 2006 CanLII 80935 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Dufour, 2013 CanLII 64614 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Bossé, 2014 CanLII 37658 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Bacon, 2016 CanLII 44930 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Haltrecht, 2014 CanLII 72611 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Lachance, 2018 CanLII 80176 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Mercille, 2010 CanLII 98815 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Gareau, 2019 CanLII 81932 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Robinette, 2014 CanLII 58660 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Prévost, 2014 CanLII 58662 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Tremblay, 2020 QCCDNOT 9.

[9]     Physiothérapie (Ordre professionnel de la) c. Oliveira, 2018 QCTP 25.

[10]    Travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (Ordre professionnel des) c. Bernier, 2018 QCTP 31.

[11]    Cordoba c. Médecins (Ordre professionnel des), 2020 QCTP 33.

[12]    Pigeon c. Daigneault, supra, note 8; Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, 1995 CanLII 5215 (QC CA); Bourdelais c. Pouliot, 1990 CanLII 7895 (QC TP); Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec c. Lapolla, 2016 CanLII 5708 (QC OACIQ); Médecins (Ordre professionnel des) c. Oiknine, 2012 CanLII 57433 (QC CDCM); Oiknine c. Médecins (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 101; Architectes (Ordre professionnel des) c. Ruest, 2011 CanLII 97300 (QC OARQ); Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Ouellet, 2017 CanLII 10028 (QC CDOPQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Gareau, supra, note 8; Chambre des notaires du Québec c. Glazer, 2014 CanLII 26545 (QC CDNQ); Notaires (Ordre professionnel des) c. Dufour, supra, note 8; Notaires (Ordre professionnel des) c. Lefebvre, 2010 CanLII 98835 (QC CDNQ); Néron c. Paré, 2004 CanLII 72399 (QC CDNQ).

[13]    Pigeon c. Daigneault, supra, note 8.

[14]    Chevalier c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 137.

[15]    Pigeon c. Daigneault, supra, note 8.

[16]    Salomon c. Comeau, 2001 CanLII 20328 (QC CA); Choquette c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 165.

[17]    Code de déontologie des notaires, supra, note 2.

[18]    Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires, supra, note 4.

[19]    Code des professions, supra, note 3.

[20]    Cartaway Ressources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672.

[21]    Harrison c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 63.

[22]    R. c. Lacasse, 2015 CSC 64.

[23]    Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Blouin, supra, note 8.

[24]    Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Blaise, supra, note 8.

[25]    Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Bellemare, supra, note 8.

[26]    Médecins (Ordre professionnel des) c. Dansereau, (CD méd.), 24-2019-01055, 25 septembre 2020 (sanction).

[27]    Notaires (Ordre professionnel des) c. Bossé, supra, note 8.

[28]    Notaires (Ordre professionnel des) c. Bacon, supra, note 8.

[29]    Notaires (Ordre professionnel des) c. Haltrecht, supra, note 8.

[30]    Notaires (Ordre professionnel des) c. Lachance, supra, note 8.

[31]    Notaires (Ordre professionnel des) c. Mercille, supra note 8.

[32]    Notaires (Ordre professionnel des) c. Gareau, supra note 8.

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