R&H Management 2011 Inc. c. Lemieux |
2019 QCRDL 9169 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
435699 31 20190103 G |
No demande : |
2661825 |
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Date : |
25 mars 2019 |
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Régisseur : |
Marc C. Forest, juge administratif |
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R&H Management 2011 Inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Danielle Lemieux |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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La demande
[1] La locatrice demande au Tribunal d’incorporer au bail de la locataire, une clause interdisant le cannabis en vertu de l’article 107 de la Loi contre le cannabis.
Question en litige
[2] La locatrice peut-elle en cours de bail, modifier celui-ci pour y inclure une clause interdisant la consommation de cannabis?
Analyse et commentaires
[3] Les parties sont actuellement liées par un bail qui se termine en juin prochain au loyer mensuel de 395 $.
[4] Suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi encadrant le cannabis, le 17 octobre 2018, la locatrice s'est prévalue de l'article 107 de cette loi afin de pouvoir modifier le bail et d'y inclure une clause interdisant le cannabis.
[5] Le 30 juin 2018, la locatrice a transmis un avis de modification au bail à la locataire tel que prévu par la loi.
[6] Le 20 décembre suivant, la locataire répond mentionnant qu’elle refuse la modification bail, tel que demandé par la locatrice.
[7] Le 3 janvier 2019, la locatrice ouvre le dossier à la Régie du logement pour faire inclure au bail l’interdiction de consommer du cannabis.
[8] La locataire mentionne qu’elle n’a aucun problème médical pouvant justifier la consommation de cannabis.
[9] La locataire précise qu’elle s’oppose à l’incorporation de cette clause à son bail pour son conjoint, lequel n’est pas inscrit au bail à titre de locataire.
[10] Celui-ci est absent, mais la locataire précise qu’il vient d’être opéré à l’épaule et qu’il a de terribles douleurs. Il aurait une prescription médicale valide pour trois mois dans laquelle son médecin l’autoriserait à consommer du cannabis pour atténuer ses douleurs postopératoires.
[11] La locatrice s’oppose au dépôt de ces documents, ainsi qu’aux témoignages de la locataire qui constitueraient du ouï-dire.
[12] À savoir si le
gouvernement peut légiférer et permettre qu'un locateur puisse modifier un bail
en cours d'année, le Tribunal a déjà répondu positivement dans le dossier Aquilar
c. Hébert
[13] Dans le présent dossier, nous sommes en présence d’une locataire qui n’a aucun problème de santé pouvant justifier l’utilisation de cannabis, mais celle-ci plaide pour autrui, soit son conjoint qui n’est pas inscrit au bail à titre de locataire.
[14] Seul le locataire peut revendiquer l’autorisation de consommer du cannabis à des fins médicales.
[15] Le conjoint de la locataire n’étant pas inscrit au bail, peut-il prétendre pouvoir consommer du cannabis? Doit-il être considéré comme un locataire puisqu’il habite avec celle-ci depuis de nombreuses années et qu’il est son conjoint?
[16] Pour répondre à la
question, le Tribunal se réfère à l’article
1938. L'époux ou le conjoint uni civilement d'un locataire ou, s'il habite avec ce dernier depuis au moins six mois, son conjoint de fait, un parent ou un allié, a droit au maintien dans les lieux et devient locataire si, lorsque cesse la cohabitation, il continue d'occuper le logement et avise le locateur de ce fait dans les deux mois de la cessation de la cohabitation.
La personne qui habite avec le locataire au moment de son décès a le même droit et devient locataire, si elle continue d'occuper le logement et avise le locateur de ce fait dans les deux mois du décès.
[17] Comme on peut le lire à cet article, il est précisé qu’advenant la fin de la cohabitation ou lors de décès, l’époux ou le conjoint devient locataire. C’est donc dire que tant que la cohabitation existe et que son nom n’est pas sur le bail, cette personne ne peut être considérée comme étant un locataire.
[18] C’est le choix qu’ils ont fait d’inscrire un seul nom sur le bail et il doit vivre avec les conséquences de ce choix.
[19] Dans d’autres circonstances, ce choix aurait pu leur être extrêmement bénéfique. Prenons l’exemple où le conjoint d’un locataire se voit acculé à la faillite dans ses affaires personnelles et que tous ses biens doivent être saisis.
[20] Si l’huissier se présente à l’appartement, il ne pourra saisir beaucoup d’objets puisque le locataire affirmera assurément qu’il est le seul locataire au bail et que tous les biens se trouvant dans le logement lui appartiennent.
[21] Même chose pour le loyer, si celui-ci n’est pas payé, la locatrice ne pourra réclamer le remboursement des loyers non payés qu’à la seule personne inscrite au bail.
[22] Dans la Loi encadrant le cannabis, on y parle du locataire et à aucun endroit de la loi, on ne parle d’occupants. C’est donc dire que seul le locataire peut s’opposer à la modification au bail et non toute autre personne occupant le logement avec la locataire.
[23] Par conséquent, la locataire ne peut revendiquer quelques conditions médicales de son conjoint qui n’est pas inscrit au bail pour refuser la modification proposée par la locatrice et dont la loi lui accorde ce privilège.
[24] La demande de la locatrice pour modifier le bail afin d’y inclure l’interdiction de consommer du cannabis sera accueillie.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[25] MODIFIE le bail de la locatrice pour y ajouter la clause d’interdiction de fumer du cannabis;
[26] CONDAMNE la locataire à rembourser à la locatrice les frais judiciaires de 85 $.
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Marc C. Forest |
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Présence(s) : |
le mandataire de la locatrice la locataire |
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Date de l’audience : |
26 février 2019 |
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