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Dossier 247398-71-0411
[1] Le 1er novembre 2004, madame Gisèle Tremblay (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 12 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative (la révision administrative).
[2] Par celle-ci, la CSST maintient une décision qu’elle a initialement rendue le 20 mai 2004 et, en conséquence, elle détermine que la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle, le 5 avril 2004, sur la base des diagnostics de traumatisme crânien, de traumatisme cervical et de brûlure à l’épaule gauche.
Dossier 256043-71-0502
[3] Le 28 février 2005, la travailleuse conteste une autre décision rendue par la révision administrative le 16 février 2005.
[4] Par celle-ci, la révision administrative maintient une décision rendue par la CSST le 1er décembre 2004 et, en conséquence, elle détermine que la travailleuse n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 22 septembre 2004, de la lésion professionnelle initiale subie le 5 avril 2004.
Dossier 264877-71-0506
[5] Le 17 juin 2005, la travailleuse conteste également une décision rendue par la révision administrative le 3 juin 2005.
[6] Par celle-ci, la révision administrative maintient une décision rendue par la CSST le 8 mars 2005 et, en conséquence, elle détermine que la travailleuse est en mesure de reprendre son emploi habituel d’infirmière à compter du 23 septembre 2004.
[7] L’audience dans ces affaires a lieu à Montréal, le 16 novembre 2005, en présence de la travailleuse, de sa représentante, Me Lucie DeBlois, de monsieur Stéphane Sénécal de la direction des ressources humaines chez l’employeur, Providence Notre-Dame de Lourdes, et de sa représentante, Me Anne Lemire.
[8] Au cours de cette audience, la représentante de l’employeur requiert le dépôt du dossier complet de la travailleuse auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) concernant un accident d’automobile survenu le 12 février 2005. Les parties conviennent donc d’un échéancier à cet égard.
[9] Ainsi, le 22 décembre 2005, la représentante de la travailleuse adresse à la Commission des lésions professionnelles le dossier demandé. Le 12 janvier 2006, la représentante de l’employeur dépose une opinion médicale complémentaire relativement à ce dossier et, enfin, le 3 février 2006, la représentante de la travailleuse avise la Commission des lésions professionnelles qu’elle ne formulera pas de commentaires additionnels. La Commission des lésions professionnelles amorce donc son délibéré à cette dernière date.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 247398-71-0411
[10] La travailleuse ne s’oppose évidemment pas à la reconnaissance de la lésion professionnelle subie le 5 avril 2004. Toutefois, sa représentante demande à la Commission des lésions professionnelles d’ajouter aux diagnostics retenus par la CSST (traumatisme crânien, traumatisme cervical et brûlure à l’épaule gauche) ceux d’entorse cervicale et d’entorse lombaire.
Dossiers 256043-71-0502 et 264877-71-0506
[11] Dans ces affaires, la représentante de la travailleuse entend présenter, au stade de l’argumentation, un moyen préalable puisqu’elle remet en cause le caractère liant du rapport réalisé par le docteur Normand Poirier, neurochirurgien, le 2 août 2004, rapport dont s’inspire la CSST pour déterminer la capacité de travail de la travailleuse.
[12] Elle indique que si ce moyen préalable est accueilli, il y a lieu d’annuler toutes les décisions prises sous son empire, y compris celle traitant de la récidive, rechute ou aggravation du 22 septembre 2004, de retourner le dossier à la CSST afin que la procédure d’évaluation médicale soit reprise et suive son cours et de reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu durant ce processus.
[13] De façon subsidiaire, si la Commission des lésions professionnelles rejette le moyen préalable présenté par la représentante de la travailleuse, celle-ci demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la travailleuse a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 22 septembre 2004, et qu’elle n’est donc pas en mesure d’exercer son emploi habituel le 23 septembre 2004.
LES FAITS
[14] Des documents au dossier, de ceux déposés avant, durant et après l’audience et des témoignages de la travailleuse, de monsieur Roméo Hogues, collègue de travail de celle-ci, et des docteurs Richard Lambert, physiatre retenu par la travailleuse, et Bernard Séguin, chirurgien orthopédiste mandaté par l’employeur, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments suivants.
[15] La travailleuse est née le 6 septembre 1936. Elle œuvre à titre d’infirmière, chez l’employeur, depuis 1978.
[16] Le 5 avril 2004, elle occupe un poste d’assistante-infirmière lorsqu’elle est victime d’une lésion professionnelle dans les circonstances suivantes.
[17] Elle apporte un verre d’eau chaude à un patient et, ce faisant, elle glisse sur le plancher, elle tombe à la renverse et elle se frappe le derrière de la tête au sol tout en s’infligeant une brûlure à l’épaule gauche.
[18] Le registre interne d’accident en place chez l’employeur est déposé et, sur ce document, il est indiqué que les parties du corps affectées par l’événement sont la tête et l’épaule gauche. Ce formulaire n’est pas complété par la travailleuse, mais elle signe la copie qui lui est présentée.
[19] La travailleuse ne se souvient plus de la façon dont elle tombe. Tout ce qu’elle se rappelle est de s’être retrouvée par terre, complètement « sonnée », souffrant de nausées et de douleurs à la tête, aux épaules et à tout le dos.
[20] La travailleuse est transportée à l’hôpital et il est alors question de traumatisme crânien, de courte perte de conscience et de brûlure au deuxième degré à l’épaule gauche. Le médecin examinateur soupçonne également une fracture de l’apophyse odontoïde et, en conséquence, il prescrit des radiographies simples du crâne et du rachis cervical qui, outre certains phénomènes de dégénérescence, s’avèrent normales.
[21] Le 5 avril 2004, la travailleuse est également référée en neurochirurgie. Elle rencontre alors le docteur Normand Poirier, neurochirurgien, qui rapporte ainsi les trouvailles faites à son examen :
1)Malade aurait glissé à son travail à l’hôpital Notre-Dame de Lourdes comme infirmière et s’est infligée une brûlure à l’épaule gauche en se renversant un verre d’eau chaude. Elle s’est infligée aussi une contusion cervical [sic] avec trait linéaire irrégulier au niveau de l’apophyse odontoïde sur le cliché en antéro-postérieur.
2)Malade n’a pas aucun signe localisateur ni aucune atteinte de la mobilité du rachis cervical ni aucune douleur localisée plus spécifique.
3)Malade est remis tout à fait finalement et sera revu en externe. [sic]
[22] Le 5 avril 2004, une attestation médicale est émise par le docteur Boulay. Il diagnostique des traumatismes crânien et cervical, une fracture de l’odontoïde et une brûlure à l’épaule gauche.
[23] Le 5 avril 2004, une seconde attestation médicale est remplie par le docteur Potvin. Il y note une fracture possible de l’odontoïde et il indique que la travailleuse sera revue par le docteur Poirier, le 24 avril 2004, et qu’elle se soumettra à une tomodensitométrie d’ici là. Enfin, il reprend le diagnostic de brûlure à l’épaule gauche et il la dirige vers son médecin traitant pour cette condition.
[24] Le 13 avril 2004, une tomodensitométrie de la colonne cervicale est réalisée et elle est interprétée ainsi par le docteur Roger Ledoux, radiologue :
Renseignements cliniques :
Documenter trait linéaire de C1-C2. Possibilité de fracture de l’odontoïde.
TOMODENSITOMÉTRIE DE C1, C2 ET C3
[…]
On ne met pas de fracture en évidence au niveau de l’odontoïde.
Pas de fracture, ni de luxation visible au niveau des trois premières vertèbres cervicales.
Discrètes modifications dégénératives au niveau de l’articulation entre l’arc antérieur de l’atlas et l’odontoïde. Il existe également une arthrose facettaire en C1-C2 et C2-C3 surtout marquée du côté droit. Cette arthrose entraîne une sténose foraminale plutôt sévère en C2-C3 du côté droit et permet un très discret glissement antérieur de 2mm de C2 sur C3.
[25] Le 20 avril 2004, le docteur Poirier revoit la travailleuse. Il inscrit ce qui suit dans ses notes :
Malade est toujours accablée par son malaise cervicale [sic] et désire recevoir de la physiothérapie […]
Accuse douleur à l’épaule gauche et désire attendre avant de reprendre son travail.
[26] Il reprend ces données dans le rapport adressé à la CSST et il prescrit des traitements de physiothérapie conformément aux souhaits exprimés par la travailleuse. Selon cette dernière, le docteur Poirier ne l’examine pas à cette date. Il lui retire son collet cervical et, comme celle-ci soutient qu’elle ne peut mobiliser adéquatement sa colonne vertébrale, il lui prescrit des traitements de physiothérapie.
[27] Ces traitements sont amorcés le 26 avril 2004. Dans son rapport de prise en charge, le physiothérapeute signale, entre autres, que la travailleuse présente des douleurs cervico-dorso-lombaires et une perte d’amplitude des mouvements affectant la colonne cervicale et lombaire. Pourtant, son examen de la mobilité lombaire met en évidence des mesures dans les limites de la normale (flexion antérieure aux chevilles, rotations gauche et droite de 50° et de 60°, flexions latérales droite et gauche aux genoux et extension à 30°). Toutefois, comme la travailleuse se plaint de douleurs à ce site, le physiothérapeute décide de traiter l’ensemble du rachis de celle-ci.
[28] Le 17 mai 2004, le physiothérapeute signe un rapport d’évolution. Il signale des douleurs et des tensions à de nombreux sites (cervical, dorsal, lombaire et sacré).
[29] Le 20 mai 2004, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse sur la base des diagnostics de traumatismes crânien et cervical et de brûlure à l’épaule gauche.
[30] Cette dernière demande la révision de cette décision mais, le 12 octobre 2004, la révision administrative la maintient d’où le premier litige dont est saisie la Commission des lésions professionnelles (dossier 247398-71-0411).
[31] Le 7 juin 2004, le physiothérapeute revoit la travailleuse. Il note que l’amplitude des mouvements cervicaux est améliorée et il décrit ainsi l’amplitude des mouvements lombaires :
ROM lomb - flx -> chevilles; rot D/G 55°; incl D/G= genoux int. sup.
[32] Dans le rapport remis à la CSST, il indique que, objectivement, la travailleuse présente une amélioration de la mobilité cervicale et une mobilité lombaire normale (ROM lomb : N). Il suggère l’ajout de traitements d’ergothérapie et d’ostéopathie afin d’augmenter l’endurance à l’effort de celle-ci.
[33] Le 8 juin 2004, la travailleuse rencontre de nouveau le docteur Poirier. Il indique qu’elle « accuse douleurs supplémentaires » sans en préciser le site. Il note sur le rapport remis à la CSST(qu’il date erronément du 8 juillet 2004) que celle-ci « accuse douleur lombaire et cervicale associé [sic] et désire poursuivre physio ».
[34] Selon la travailleuse, le docteur Poirier ne l’examine toujours pas à cette date. Il lui dit qu’il est d’accord avec les propositions de la physiothérapeute et qu’il y a lieu de continuer les traitements.
[35] Le 9 juin 2004, le physiothérapeute produit un second rapport. Il mentionne que les douleurs persistent aux niveaux cervical et lombaire.
[36] Le 11 juin 2004, la travailleuse communique avec l’agente d’indemnisation responsable de son dossier. Elle mentionne alors ressentir des douleurs au bas du dos et en avoir parlé à son médecin traitant. Toutefois, l’agente note qu’il n’existe « aucun examen et aucune info. médicale à cet effet ». De plus, à cette même date, l’agente appelle le physiothérapeute pour lui rappeler les diagnostics acceptés en l’espèce et pour lui dire que la région lombaire ne doit pas être traitée puisque la CSST ne possède aucune information médicale à ce sujet.
[37] Le 25 juin 2004, le physiothérapeute note ce qui suit :
Pas de dlr ou dlr légère dors. G, dim. ++ dlr cerv. au repos, raideur, aux mvts du cou. Dlr épaule G.
[38] Le 28 juin 2004, le physiothérapeute mentionne que l’amplitude des mouvements du rachis lombaire est normale mais que la flexion antérieure est douloureuse.
[39] Le 29 juin 2004, le docteur Paul-Émile Renaud, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse à la demande de l’employeur. Il rapporte trois antécédents de cervico-brachialgie ou de cervicalgie entre 1985 et 1995.
[40] De son côté, la travailleuse se plaint de douleurs ou de raideurs aux niveaux cervical et lombaire, à la région fessière gauche et à l’épaule gauche. L’examen objectif du docteur Renaud ne révèle aucune limitation de l’amplitude articulaire à la colonne cervicale ou à l’épaule gauche. Aucun signe d’atteinte neurologique n’est relevé aux niveaux cervical ou lombaire. Le docteur Renaud croit que, le 5 avril 2004, la travailleuse s’inflige un traumatisme crânien avec entorse cervicale. Il suggère les diagnostics de traumatismes crânien et cervical et de brûlure à l’épaule gauche. Il consolide les lésions crânienne et cervicale à la date de son examen, sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles. Toutefois, il considère que la brûlure n’est pas encore consolidée et que des soins sont toujours nécessaires pour cette condition. Il est même d’avis qu’un préjudice esthétique pourrait en résulter.
[41] Le docteur Renaud reprend ces conclusions dans ses « Recommandations médico-administratives ». Il ajoute :
Mme Tremblay dit ressentir davantage de douleurs à la colonne lombaire qu’à la région cervicale, alors que l’examen neurologique des membres inférieurs est normal, sans déficit moteur ni sensitif.
La condition actuelle au niveau cervical ainsi qu’au niveau crânien lui permet certainement de réintégrer ses fonctions d’infirmière.
Cependant, au niveau de son épaule gauche, elle présente encore une cicatrice dont l’évolution n’est pas terminée, et qui pourrait l’embêter en ce qui concerne le port de ses vêtements d’infirmière.
Concernant la région cervicale, elle est apte à effectuer son travail d’infirmière sans restriction et sans risque pour son intégrité physique.
Elle est tout à fait apte à effectuer les travaux en assignation temporaire à plus forte raison, car elle peut effectuer ses travaux réguliers.
[42] Le 5 juillet 2004, la travailleuse communique de nouveau avec l’agente d’indemnisation afin de s’enquérir du sort réservé aux traitements de la région lombaire. L’agente lui indique que ces traitements ne peuvent être défrayés puisque le médecin traitant de cette dernière n’a pas proposé de diagnostic couvrant la colonne lombaire.
[43] Le 15 juillet 2004, l’employeur réclame l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale à la suite de l’expertise réalisée par le docteur Renaud. De plus, le 16 juillet 2004, la CSST adresse cette expertise au docteur Poirier pour commentaire conformément à l’article 212.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[44] Les 19 et 22 juillet 2004, le physiothérapeute observe une amélioration de l’état de santé de la travailleuse. Il inscrit qu’elle ne présente pas de douleur ou une douleur légère au repos au niveau cervical, douleur qui peut augmenter selon les activités. Une certaine raideur cervicale est rapportée. Par ailleurs, il existe une diminution des douleurs à l’épaule gauche et certaines restrictions en « flx extrême » à ce niveau. Il n’est fait aucune mention du rachis lombaire dans ce rapport conformément aux commentaires faits par la CSST à cet égard.
[45] Le 2 août 2004, le docteur Poirier complète un rapport complémentaire vu la demande faite en ce sens par la CSST le 16 juillet 2004. Il écrit :
J’ai bien relu l’évaluation du Dr Paul-Émile Renaud et je suis tout à fait d’accord avec ses conclusions et ses recommandations qui sont tout à fait exactes et qui correspondent bien à la réalité de ce malade.
[46] La travailleuse précise qu’elle ne rencontre pas le docteur Poirier à cette époque et qu’il n’a donc pas l’occasion de l’examiner avant d’approuver les conclusions ou recommandations du docteur Renaud. Elle est informée de cette opinion du docteur Poirier par la CSST et elle reçoit ce document par l’entremise de cet organisme.
[47] Le 6 août 2004, le physiothérapeute revoit la travailleuse. Il ne relève plus qu’une légère douleur cervicale, augmentée aux mouvements répétitifs, ainsi qu’une douleur diminuée à l’épaule gauche. L’amplitude des mouvements du rachis cervical et de l’épaule gauche est améliorée mais une tension au muscle trapèze gauche demeure présente.
[48] Le 14 août 2004, le docteur Poirier adresse la note suivante à la CSST :
Je vous reconfirme que cette malade est guérie de son épaule gauche et de la brûlure locale et elle peut reprendre son travail régulier sans restriction.
[49] Or, une fois de plus, la travailleuse soutient qu’elle ne rencontre pas le docteur Poirier à cette date. Elle est avisée de son opinion par la CSST qui lui expédie la note du docteur Poirier à cet égard.
[50] En raison de cette opinion du docteur Poirier, la CSST lui signifie qu’elle peut exercer son travail d’infirmière.
[51] En conséquence, le 23 août 2004, la travailleuse doit reprendre son travail d’infirmière. Toutefois, elle réclame et prend les vacances auxquelles elle a droit et, le 17 septembre 2004, la travailleuse débute une retraite planifiée bien avant la survenue de la lésion professionnelle. Elle ne revient donc pas au travail chez l’employeur.
[52] Le 23 septembre 2004, le docteur André Desjardins, chirurgien plasticien, procède à l’évaluation médicale relative à la brûlure à l’épaule gauche que s’inflige la travailleuse le 5 avril 2004. Il signale la présence de cicatrices à ce niveau. Il suggère le port de silicone en feuillets afin d’améliorer l’apparence de celles-ci. Il retient un préjudice esthétique de 3,56 % mais aucune limitation fonctionnelle en regard de cette lésion.
[53] Entre temps, le 22 septembre 2004, la travailleuse dépose une nouvelle réclamation à la CSST. Elle y allègue être victime d’une récidive, rechute ou aggravation à cette date. Elle indique que les douleurs sont toujours présentes au cou, à l’épaule gauche et au bas du dos et que ces douleurs ont empiré à la suite de l’arrêt des traitements de physiothérapie à un tel point qu’elle a dû consulter un médecin le 22 septembre 2004.
[54] La travailleuse explique que, après ses vacances, elle ressent toujours des douleurs au dos. Elle se rend donc à la clinique de physiothérapie afin de se soumettre à des traitements pour ses problèmes, traitements qu’elle est prête à défrayer personnellement dans le but d’obtenir un certain soulagement. Le physiothérapeute lui suggère alors de s’adresser à un médecin afin de se procurer une prescription et c‘est dans ce contexte qu’elle rencontre le docteur Amar le 22 septembre 2004.
[55] Effectivement, à cette dernière date, la travailleuse consulte le docteur C. Amar. Son examen objectif met en évidence une douleur à la palpation des régions cervicale, dorsale et lombaire. Il retient les diagnostics d’entorses « cervico-dorso-lombaire » et à l’épaule gauche et de « brûlure à l’épaule gauche ». Il inscrit le mot « rechute » sur le rapport remis à la CSST et il prévoit la reprise des traitements de physiothérapie auxquels il ajoute des traitements d’ergothérapie. Le docteur Amar revoit la travailleuse par la suite. Il maintient les diagnostics précédents et il poursuit l’investigation et les traitements.
[56] Le 26 novembre 2004, la travailleuse communique avec son agent de la CSST. Elle précise se soumettre, à ses frais, à des traitements de physiothérapie afin de soulager la douleur qu’elle ressent.
[57] La travailleuse se dit limitée dans le cadre de ses activités quotidiennes sans pouvoir donner d’exemples de ces limitations, outre la difficulté à enlever les fleurs de son jardin durant une longue période de temps ou la difficulté à s’adonner à des travaux de couture. Enfin, la travailleuse n’identifie pas de site où la douleur serait plus importante. Elle mentionne plutôt avoir mal à l’épaule gauche, au bras gauche et au bas du dos, la douleur variant et changeant de site selon les activités exercées.
[58] Le 1er décembre 2004, la CSST analyse le dossier de la travailleuse et elle refuse de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation le 22 septembre 2004. Cette dernière demande la révision de cette décision mais, le 16 février 2005, la révision administrative la maintient d’où le second litige initié par celle-ci (dossier 256043-71-0502).
[59] Le 8 mars 2005, la CSST détermine que la travailleuse est capable d’exercer son emploi habituel à compter du 23 septembre 2004. Cette dernière demande également la révision de cette décision. Cependant, celle-ci est confirmée par la révision administrative le 3 juin 2005. La travailleuse conteste cette dernière décision devant la Commission des lésions professionnelles d’où le dernier litige dont est saisi le tribunal (dossier 264877-71-0506).
[60] Le 15 mars 2005, la CSST reconnaît le préjudice esthétique proposé par le docteur Desjardins.
[61] Le 18 avril 2005, le docteur Bernard Séguin, chirurgien orthopédiste, examine la travailleuse à la demande de l’employeur. Il rédige son expertise le 19 avril 2005. Au chapitre de l’histoire de la maladie, la travailleuse indique que, outre les problèmes cervicaux et à l’épaule gauche, elle se plaint de douleurs lombaires qui sont ignorées par les médecins consultés à l’époque. De plus, le 12 février 2005, elle est victime d’un accident d’automobile. En effet, alors qu’elle marche sur la rue, elle est renversée par un camion. Elle est suivie pour des contusions multiples à l’hémicorps gauche et elle présente une aggravation de sa condition à la suite de cet accident. À cette époque, la travailleuse se plaint toujours de douleurs cervicales irradiant vers l’épaule et le bras gauches, de douleurs à la hanche gauche, de sensibilité à la palpation de l’épaule gauche et de douleurs et d’inconfort au niveau lombaire. Toutefois, l’examen objectif s’avère entièrement normal. Le docteur Séguin conclut :
À la suite de l’étude du dossier et des pièces médicales justificatives ci-trouvant [sic], après questionnaire et examen de cette patiente, force est de constater qu’il existe une disproportion inexpliquée entre les allégations douloureuses de madame comparativement aux éléments objectifs retrouvés lors de l’entrevue, que ce soit lors de l’examen clinique ou à l’étude des éléments para-cliniques.
La symptomatologie douloureuse décrite est difficilement identifiable à un syndrome clinique et l’ensemble du tableau clinique milite en faveur d’une prépondérance subjective.
À notre avis, il n’y a pas de substratum anatomique actuellement identifié qui peut expliquer, de façon logique et conséquente, cette symptomatologie douloureuse diffuse qui est alléguée.
Il est raisonnable de conclure que l’événement initial a pu engendrer une contusion crânienne et cervicale et une brûlure face antérieure de l’épaule gauche. Ces lésions sont cependant consolidées à la date émise ou recommandées [sic] par le Docteur Paul-Émile Renaud et dont les conclusions du Docteur Renaud ont été entérinées ou confirmées par l’opinion du Docteur Poirier, médecin traitant à cette époque.
Madame rapporte la possibilité d’une rechute, récidive ou aggravation en septembre 2004 bien qu’il n’y ait pas eu, semble-t-il, de détérioration objective de sa condition pouvant soutenir une telle rechute, récidive ou aggravation. Il y a donc lieu de ne pas reconnaître cette rechute, récidive ou aggravation face à l’événement initial.
De plus, il est à noter qu’il y a absence de données objectives véritables, évidence de données subjectives abondantes non supportées par des données objectives, évidence d’une discordance entre les symptômes subjectifs et l’examen objectif et l’évidence de données non-organiques et non médicalement explicables.
À notre avis, il n’y a aucun élément pathologique, du moins musculo-squelettique, justifiant une incapacité ou une inaptitude à reprendre ses activités normales et/ou son travail régulier ou encore nécessitant une approche thérapeutique de quelque nature que ce soit. Nous suggérons donc de considérer comme suffisant l’ensemble des différentes modalités utilisées et ce à partir de la date de consolidation.
Il semble que cette patiente soit porteuse d’une discarthrose multi-étagée tant au niveau cervical que lombaire mais cette discarthrose, à notre avis, est sans répercussion dynamique invalidante.
À noter, encore une fois, que la symptomatologie incommodante formulée par madame est strictement subjective, non-appuyée [sic] par des signes déficitaires objectifs.
[62] Effectivement, le 12 février 2005, la travailleuse est victime d’un accident de la route. Elle souffre alors de multiples contusions, surtout du côté gauche. Le dossier de la travailleuse auprès de la SAAQ est fermé le 8 décembre 2005 à la suite d’une expertise réalisée, le 2 novembre 2005, par le docteur Pierre R. Dupuis, chirurgien orthopédiste. Dans ce document, le docteur Dupuis signale que la travailleuse présente des douleurs lombaires et cervicales occasionnelles avant d’être frappée par un véhicule le 12 février 2005. L’examen objectif de la région cervicale met en évidence de légères limitations de l’amplitude des mouvements alors que l’examen lombaire s’avère entièrement normal. La travailleuse ne conserve pas de séquelles indemnisables de cet événement.
[63] Cependant, elle explique que cet accident de la route lui fait perdre, durant un certain temps, tout le bénéfice des traitements antérieurs. Elle estime que sa condition est à 90 % avant cette collision et qu’il y a un retour temporaire à la case départ à la suite de celui-ci.
[64] Le 1er septembre 2005, le docteur Richard Lambert, physiatre, examine la travailleuse à sa demande. Dans son rapport signé le 19 octobre 2005, il résume le dossier de cette dernière. Plus particulièrement, il réfère à une électromyographie des membres inférieurs effectuée par le docteur Luc Fortin, physiatre, le 9 septembre 2005, test qui s’avère entièrement normal. Par ailleurs, son examen clinique met en évidence une légère perte d’amplitude des mouvements au niveau cervical et des douleurs à la palpation au niveau lombaire, sans plus. Le docteur Lambert conclut :
IMPRESSIONS DIAGNOSTIQUES
1. Trauma crânien.
2. Brûlure à la face antérieure de l’épaule gauche.
3. Dysfonction cervicale (entorse, selon les écoles).
4. Dysfonction lombosacrée (entorse, selon les écoles).
DISCUSSION
1. En ce qui concerne le traumatisme crânien, la patiente a eu un mécanisme entraînant un traumatisme direct au niveau crânien avec perte de conscience et amnésie des faits entourant l’événement. Ceci correspond donc à la définition d’un trauma crânien et ce diagnostic fut donc accepté par tous les intervenants au dossier.
2. En ce qui concerne la brûlure au niveau de l’épaule gauche, cette dernière ne fait pas l’objet de contestation et a d’ailleurs déjà été évaluée. Je rappelle que le docteur Desjardins, en date du 23 septembre 2004, ne s’était prononcé que sur la composante cicatricielle.
3. Concernant la dysfonction cervicale, ce dernier diagnostic doit être accepté puisque :
a) La blessure qu’on décrit comme étant un traumatisme au niveau cervical a très bien pu entraîner un mécanisme de type whiplash.
b) Le diagnostic de traumatisme n’en est pas un : il s’agit plus de la description du mécanisme de production de la blessure et le diagnostic de dysfonction ou d’entorse cervicale doit être retenu.
c) Il y a eu présence de douleur instantanée au niveau cervical, tel qu’en font foi les notes initiales lors de la visite à l’urgence.
Ce diagnostic de dysfonction cervicale ne fait donc aucun doute selon moi.
4. En ce qui concerne le diagnostic de dysfonction ou entorse lombosacrée, nous remarquons que les premières notes au dossier faisant état de douleur lombosacrée sont en juin 2004, tel qu’en témoigne la note de la physiothérapeute. Je crois que la note du docteur Poirier du 8 juin mentionnait, entre autres, une douleur lombaire, mais je ne suis pas certain du terme « lombaire » puisque la note est difficile à lire. Nous rappelons que la patiente rapporte une histoire de douleurs lombosacrées persistantes depuis l’événement qui n’aurait pas été retenue au dossier par les médecins traitants. Pour le rachis lombosacré, il est difficile de savoir si la patiente s’est frappé directement le rachis lombosacré puisqu’elle n’a pas de souvenir des détails précis de sa chute, à savoir si elle s’est frappée directement au niveau lombosacré.
5. Nous n’avons pas de rapport médical final, mais la patiente rapporte que le docteur Poirier l’aurait retournée au travail sans la voir. Il aurait donc été pertinent qu’elle puisse être revue avant de la retourner au travail directement.
6. Puisque nous n’avons pas de note du docteur Poirier en août 2004 alors qu’il semble la retourner au travail, il est difficile de conclure, ne l’ayant pas revue, que madame était consolidée et quel était l’examen à ce moment, à savoir s’il y avait présence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Nous avons toutefois madame qui rapporte que ses douleurs ont continué d’évoluer et qu’elle a été améliorée par la physiothérapie. Toutefois, l’arrêt de la physiothérapie selon elle a entraîné une augmentation de ses douleurs. Il s’agit donc plutôt d’une continuité évolutive chez cette patiente qui n’a jamais été consolidée de façon formelle par son médecin traitant qui ne l’a pas revue. Nous ne pouvons donc considérer qu’il s’agit d’une RRA mais plutôt d’une continuité évolutive. Madame me semble fiable lors du questionnaire et de l’examen. Je ne partage [sic] l’opinion du docteur Séguin à l’effet qu’il y aurait une discordance entre la subjectivité des plaintes de madame et l’examen physique objectif.
CONCLUSION
1. Diagnostic :
Cf. « Impressions diagnostiques ».
2. Rechute, récidive, aggravation :
La déclaration d’une RRA du 22 septembre 2004 constitue plutôt une continuité évolutive, tel que mentionné à l’item « Discussion ».
3. Date de consolidation :
Madame ne pouvait être considérée comme étant consolidée le 22 septembre 2004 puisqu’elle n’avait pas été revue par son médecin traitant depuis juin et ce dernier n’avait pu effectuer d’examen physique. Il faut donc se référer à son nouveau médecin traitant pour déterminer la date de consolidation.
[65] Enfin, le 10 janvier 2006, le docteur Séguin commente en ces termes le dossier obtenu auprès de la SAAQ :
[…] l’étude du dossier SAAQ ne modifie en rien les conclusions que nous avions émises dans notre rapport d’évaluation et les conclusions que nous avions apportées lors de l’audition devant la Commission des lésions professionnelles.
[66] Outre les informations mentionnées précédemment, la travailleuse indique qu’elle n’a jamais eu de problèmes lombaires avant l’événement.
[67] Elle est toujours retraitée. Elle peut vaquer seule à ses occupations de la vie quotidienne mais elle a réduit quelque peu ses activités sportives.
[68] Monsieur Roméo Hogues témoigne à la demande de la travailleuse. Il est un des collègues de travail de celle-ci.
[69] Il voit une partie de la chute de la travailleuse. Selon ce qu’il a observé, les deux pieds de la travailleuse glissent en même temps et elle tombe à la renverse sur le dos, sa tête frappant violemment le plancher d’après le son entendu par ce dernier.
[70] Le docteur Richard Lambert, physiatre, témoigne à la demande de la travailleuse.
[71] Il reprend les faits au dossier et les conclusions de son rapport. Il rappelle que, même si aucun diagnostic portant sur la région lombaire n’est proposé avant septembre 2004, des problèmes lombaires sont notés dès avril 2004, de façon contemporaine à l’événement, et que ces problèmes sont observés dans les rapports subséquents. De plus, le mécanisme accidentel, à savoir une chute à la renverse sur le dos, est compatible avec la survenue d’une blessure à la région lombaire.
[72] Le docteur Renaud examine la travailleuse en juin 2004 mais il ne semble pas se préoccuper de la région lombaire puisqu’aucune mesure de l’amplitude des mouvements de ce rachis n’est rapportée à son évaluation écrite. Quant au docteur Séguin, il voit la travailleuse après son accident d’automobile et il relève plusieurs discordances. Or, le docteur Lambert n’est pas d’accord avec cette analyse. Il estime que la travailleuse est crédible, que son examen est fiable et qu’elle n’exagère pas sa condition.
[73] Le docteur Lambert est donc d’avis que les problèmes lombaires dont se plaint la travailleuse de façon contemporaine à l’événement sont reliés à ce dernier et elles doivent donc être considérées par la Commission des lésions professionnelles.
[74] Le docteur Lambert croit également que la lésion de la travailleuse n’est pas consolidée en juin 2004 et que l’approbation du docteur Poirier à cet égard ne peut être retenue puisqu’il opine sans jamais avoir examiné celle-ci. Enfin, le fait que le docteur Renaud ne retrouve pas de signes d’atteinte neurologique à son examen n’est pas concluant puisqu’une entorse lombaire ne génère pas de tels signes.
[75] Le docteur Bernard Séguin, chirurgien orthopédiste, témoigne à la demande de l’employeur.
[76] Outre les trouvailles faites à son examen d’avril 2005, il commente les rapports au dossier. Il signale que, même si la travailleuse prétend avoir mentionné ses douleurs lombaires aux différents médecins consultés, aucun de ceux-ci ne relèvent de tels problèmes.
[77] Il ne retrouve aucune notion de douleurs lombaires ou lombo-sacrées dans les examens répertoriés au dossier. Il trouve curieux qu’aucun médecin n’ait jugé opportun d’investiguer la région lombaire si la travailleuse se plaint de douleurs à ce niveau.
[78] Le docteur Séguin discute ensuite du mécanisme accidentel. Il considère que la travailleuse tombe à l’horizontal et que ce traumatisme n’est pas susceptible d’engendrer une dysfonction lombo-sacrée ou une entorse lombaire. Elle a pu, cependant, s’infliger un traumatisme crânien, une entorse cervicale et une brûlure à l’épaule à la suite de cet événement.
[79] Lorsqu’il voit la travailleuse en avril 2005, elle ne présente aucun signe objectif d’une pathologie cervicale ou lombaire. Seules des douleurs sont rapportées par celle-ci.
[80] Par ailleurs, la travailleuse présente une discarthrose cervicale et lombaire, mais cette dégénérescence n’est pas invalidante. Elle n’a donc pas été aggravée par l’événement. Interrogé de nouveau à ce sujet, le docteur Séguin croit que la dégénérescence observée aux tests d’imagerie correspond à ce qui est attendu chez une personne de l’âge de la travailleuse et qu’elle peut, ou non, produire certains symptômes.
[81] Le docteur Séguin se penche, par la suite, sur la récidive, rechute ou aggravation alléguée. Il analyse le rapport du docteur Amar et il n’y décèle aucun signe pouvant soutenir un diagnostic d’entorse cervico-dorso-lombaire. Il n’y a, de plus, aucun signe d’aggravation ou de détérioration de la condition de la travailleuse. Il n’y a donc pas lieu de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation en septembre 2004.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[82] La représentante de la travailleuse soutient d’abord que le rapport complémentaire produit par le docteur Poirier n’a pas le caractère liant prévu à la loi. Il ne peut donc servir de base à la détermination de la capacité de travail de la travailleuse.
[83] En effet, ce rapport complémentaire n’est pas motivé et il ne repose sur aucun examen objectif. De plus, la travailleuse n’est pas informée, sans délai, du contenu de ce rapport, contrairement aux prescriptions de l’article 212.1 de la loi.
[84] La représentante de la travailleuse souligne que l’opinion sur le rapport complémentaire doit être claire et limpide, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De surcroît, cette opinion contredit le rapport émis par le docteur Poirier en juin 2004, rapport où ce dernier est d’avis que la lésion n’est pas encore consolidée et que des traitements sont toujours nécessaires.
[85] La travailleuse n’est pas informée par le docteur Poirier du contenu du rapport complémentaire. C’est la CSST qui l’avise des différents rapports produits par le docteur Poirier après juin 2004. Or, ce n’est pas ce que prévoit la loi.
[86] Le rapport complémentaire du docteur Poirier est donc invalide et, en conséquence, la lésion ne peut être considérée consolidée et les consultations médicales postérieures s’inscrivent dans la continuité du suivi médical.
[87] Ainsi, en septembre 2004, le docteur Amar devient le nouveau médecin traitant de la travailleuse et le diagnostic visant la région lombaire qu’il propose lie la Commission des lésions professionnelles et doit être retenu par celle-ci.
[88] Quant au lien existant entre le diagnostic d’entorse lombaire et l’événement, la représentante de la travailleuse estime qu’il est bien documenté et qu’il doit être reconnu. En fait, le docteur Amar vient préciser ou nommer les douleurs lombaires présentes depuis l’événement, douleurs notées dès avril 2004, de façon contemporaine à ce dernier.
[89] Le docteur Poirier voit certes la travailleuse à trois reprises mais il n’examine pas celle-ci et il ne suggère jamais de diagnostic. Ses rapports médicaux ne peuvent donc être liants puisqu’ils ne présentent pratiquement aucun des éléments qu’ils doivent comporter. Cependant, le docteur Poirier approuve les traitements suggérés par le physiothérapeute et, dès lors, on peut en inférer qu’il est d’accord avec les traitements lombaires amorcés par celui-ci.
[90] La représentante de la travailleuse réitère que, dans la mesure où le moyen préalable est accueilli, le docteur Amar devient le médecin qui a charge de la travailleuse et, en conséquence, le diagnostic visant la région lombaire qu’il suggère lie la CSST et la Commission des lésions professionnelles.
[91] De façon subsidiaire, si la Commission des lésions professionnelles rejette ce moyen préalable, la travailleuse est certes capable de reprendre son emploi puisque sa lésion est consolidée sans limitations fonctionnelles.
[92] Toutefois, elle est victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 22 septembre 2004 puisque la fin abrupte des traitements de physiothérapie font resurgir ses douleurs et entraînent une détérioration de sa condition.
[93] La travailleuse est donc victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 22 septembre 2004.
[94] La représentante de la travailleuse demande donc à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que cette dernière est victime d’une lésion professionnelle, le 5 avril 2004, sur la base des diagnostics de traumatismes crânien et cervical, d’entorses cervicale et lombaire et de brûlure à l’épaule gauche.
[95] Elle demande également à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le rapport complémentaire du docteur Poirier n’est pas liant et que, dès lors, il est prématuré de se prononcer sur la capacité de travail de la travailleuse. Il faut donc retourner le dossier à la CSST afin que cet organisme amorce une procédure d’évaluation médicale conforme aux prescriptions législatives.
[96] Enfin, quant à la récidive, rechute ou aggravation du 22 septembre 2004, elle soutient qu’il s’agit simplement de la poursuite des soins reliés à la lésion initiale, lésion qui n’a pas encore été consolidée à cette date.
[97] Elle dépose et commente certaines décisions[2] tout au long de son argumentation.
[98] La représentante de l’employeur indique, d’entrée de jeu, que le diagnostic d’entorse lombaire ne peut être inclus dans les diagnostics reconnus puisque aucun signe objectif ne vient confirmer l’existence d’une telle pathologie.
[99] En effet, le mécanisme accidentel, à savoir une chute sur le dos, n’est pas compatible avec un tel diagnostic. De plus, aucun des médecins consultés de façon contemporaine à l’événement ne rapporte de douleurs lombaires ou n’entreprend d’investigations à cet égard. Au surplus, dans le registre interne d’accident, il est indiqué que les parties du corps affectées sont la tête et l’épaule gauche. Aucune mention n’est faite de la région lombaire. Un diagnostic à cette région ne peut donc être retenu.
[100] Par ailleurs, le docteur Renaud ne décèle pas de pathologie lombaire. Son examen est normal et, en conséquence, il consolide la lésion à la date de celui-ci. Or, ce rapport est fourni au docteur Poirier qui l’entérine de façon claire et limpide.
[101] Il n’y a aucune ambiguïté dans son opinion et son rapport lie la CSST et la Commission des lésions professionnelles.
[102] Quant au docteur Séguin, son examen est également normal malgré la rechute ou la continuité des soins alléguées par la travailleuse. Même le docteur Lambert procède à un examen normal à cet égard.
[103] Donc, tout ce qui existe au niveau lombaire est constitué de rapports de physiothérapeutes qui ne mentionnent que des douleurs. Le docteur Amar retient certes un diagnostic lombaire mais son rapport survient après la rechute alléguée et son diagnostic n’est appuyé d’aucun signe objectif. Ce diagnostic tardif ne peut donc être privilégié.
[104] Quant au moyen préalable présenté par la représentante de la travailleuse, la représentante de l’employeur rappelle que le docteur Poirier est le médecin qui a charge de la travailleuse. Or, celle-ci ne peut contester les conclusions de son médecin traitant ou chercher un nouveau médecin lorsqu’elle est en désaccord avec ces conclusions.
[105] La représentante de l’employeur soutient que l’opinion du docteur Poirier est étayée au sens donné à ce terme par la jurisprudence. Elle lie donc la CSST et la Commission des lésions professionnelles aux fins de statuer sur la capacité de travail de la travailleuse.
[106] De plus, la travailleuse est informée du contenu de ce rapport et elle choisit de ne pas consulter de nouveau le docteur Poirier afin d’en discuter plus amplement avec ce dernier. Il n’y a donc pas lieu d’invalider tout le processus pour ce motif.
[107] La lésion de la travailleuse étant consolidée sans limitations fonctionnelles, la décision de la CSST déterminant qu’elle est capable d’exercer son emploi est valide et elle doit être maintenue par la Commission des lésions professionnelles.
[108] Quant à la récidive, rechute ou aggravation du 22 septembre 2004, la représentante de l’employeur signale qu’il n’existe aucune preuve de détérioration objective de l’état de santé de la travailleuse à cette date.
[109] En fait, la travailleuse allègue les mêmes douleurs sans variation notable de celles-ci. De plus, elle se plaint de problèmes lombaires sans lien avec l’événement. En outre, elle présente des problèmes de dégénérescence lombaire et cervicale qui peuvent expliquer les douleurs qu’elle rapporte.
[110] Tous ces éléments ne militent pas en faveur de la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation le 22 septembre 2004 et, en conséquence, la décision rendue par la révision administrative doit être maintenue.
[111] Elle dépose et commente certaines décisions[3] au soutien de son argumentation.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossiers 247398-71-0411, 256043-71-0502 et 264877-71-0506
[112] Le membre issu des associations syndicales est d’avis qu’il y a lieu d’accueillir les requêtes déposées par la travailleuse, d’infirmer les décisions rendues par la révision administrative et de déclarer que les diagnostics d’entorses cervicale et lombaire doivent être ajoutés à ceux déjà reconnus par la CSST, que le rapport émis par le docteur Poirier n’a aucun caractère liant et que, dès lors, les décisions basées sur celui-ci et, plus particulièrement, celles portant sur la capacité de travail de la travailleuse et sur une récidive, rechute ou aggravation en septembre 2004 doivent être annulées et le dossier doit être retourné à la CSST afin que son état soit évalué conformément à la loi.
[113] En effet, le membre issu des associations syndicales estime que le nouveau diagnostic d’entorse lombaire résulte des investigations entreprises après la survenue de l’accident du travail et qu’il est compatible avec le mécanisme accidentel. Il doit donc être reconnu.
[114] Par ailleurs, la CSST consolide la lésion de la travailleuse sur la base du rapport invalide du docteur Poirier. En effet, ce dernier n’examine pas la travailleuse avant de rédiger son rapport complémentaire et, en conséquence, ce rapport n’est pas liant. Le membre issu des associations syndicales ne voit pas pourquoi la travailleuse serait pénalisée en raison du laxisme du docteur Poirier. De plus, la preuve révèle que des traitements sont toujours nécessaires et que la travailleuse est toujours incapable de travailler en septembre 2004. Enfin, il ne saurait être question d’une récidive, rechute ou aggravation en septembre 2004 puisque la lésion initiale n’est pas encore consolidée à cette époque.
[115] Il y a donc lieu d’infirmer les décisions rendues par la révision administrative et de retourner le dossier à la CSST afin que l’évaluation médicale de la travailleuse soit effectuée conformément à la loi.
[116] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis qu’il y a lieu de rejeter les requêtes présentées par la travailleuse, de déclarer que les diagnostics reliés à la lésion professionnelle subie par cette dernière le 5 avril 2004 sont ceux de traumatisme crânien, de traumatisme cervical et de brûlure à l’épaule gauche, que le diagnostic d’entorse lombaire n’est pas lié à cet événement, que le docteur Poirier est le médecin traitant de la travailleuse, que son rapport complémentaire est liant et que la travailleuse est donc en mesure de reprendre son travail le 23 septembre 2004 et qu’enfin, cette dernière n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 22 septembre 2004.
[117] En effet, le membre issu des associations d’employeurs estime que le diagnostic d’entorse lombaire n’est jamais proposé durant le suivi médical contemporain à l’événement et qu’aucune investigation visant le niveau lombaire n’est suggérée par le médecin traitant de la travailleuse. Ce diagnostic ne peut donc être introduit en septembre 2004 et reconnu en relation avec l’événement.
[118] Quant à la capacité de travail de cette dernière, le membre issu des associations d’employeurs considère que le docteur Poirier est le médecin traitant de la travailleuse et que son rapport est clair et limpide et ne peut être éludé. Il consolide la lésion subie le 5 avril 2004, sans limitations fonctionnelles, et, dès lors, la travailleuse est en mesure de reprendre son emploi habituel.
[119] Enfin, la travailleuse n’est pas victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 22 septembre 2004 car rien dans la preuve ne permet de conclure qu’il y a une aggravation de sa condition à cette époque.
[120] Les décisions rendues par la révision administrative doivent donc être maintenues.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[121] La Commission des lésions professionnelles est saisie d’un litige comportant plusieurs volets qui peuvent être exposés ainsi :
-le docteur Poirier est-il le médecin qui a charge de la travailleuse ?
-dans l’éventualité où le docteur Poirier est le médecin qui a charge de la travailleuse, le rapport complémentaire émis par ce dernier le 2 août 2004 lie-t-il la Commission des lésions professionnelles ?
-dans l’éventualité où ce rapport a un caractère liant, la Commission des lésions professionnelles peut-elle introduire des diagnostics d’entorses lombaire et cervicale dans les diagnostics reliés à la lésion professionnelle survenue le 5 avril 2004 ?
-dans l’éventualité où ce rapport a un caractère liant, la travailleuse est-elle en mesure de reprendre son emploi pré lésionnel le 23 septembre 2004 ?
-dans l’éventualité où ce rapport a un caractère liant, la travailleuse a-t-elle été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 22 septembre 2004 ?
Le docteur Poirier est-il le médecin qui a charge de la travailleuse ?
[122] Selon la jurisprudence développée par le tribunal, le médecin qui a charge de la travailleuse est celui qui est choisi par cette dernière (par opposition à celui qui lui serait imposé ou qui n'agirait qu'à titre d'expert sans suivre son évolution médicale), celui qui l’examine, qui établit un plan de traitements et qui assure le suivi médical en vue de la consolidation de sa lésion[4].
[123] Dans ce dossier, le docteur Poirier examine la travailleuse dès le jour de l’événement. Il assure le suivi médical de celle-ci et il approuve le plan de traitements recommandé par les thérapeutes.
[124] Le docteur Poirier est donc le médecin qui a charge de la travailleuse à compter du 5 avril 2004.
Le rapport complémentaire émis par le docteur Poirier le 2 août 2004 lie-t-il la Commission des lésions professionnelles ?
[125] L’article 224 de la loi édicte que, aux fins de rendre une décision en vertu de la loi, la CSST (et, par extension, la Commission des lésions professionnelles) est liée par les conclusions d’ordre médical établies par le médecin qui a charge.
[126] Or, dans ce dossier, l’employeur requiert d’abord l’avis d’un médecin sur l’état de santé de la travailleuse et c’est ainsi que, le 29 juin 2004, le docteur Paul-Émile Renaud examine cette dernière. Il estime que son examen est normal et, en conséquence, il consolide la lésion professionnelle ce même jour, sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles. Toutefois, il reconnaît que des soins pour la brûlure à l’épaule gauche sont toujours indiqués et qu’un préjudice esthétique peut en résulter.
[127] Saisie de cette expertise, la CSST la transmet au docteur Poirier, seul et unique médecin ayant charge de la travailleuse, afin de lui permettre de rédiger un rapport complémentaire conformément à l’article 212.1 de la loi.
[128] Or, l’article 212.1 de la loi énonce que si le rapport du professionnel de la santé mandaté par l’employeur, en l’occurrence le docteur Renaud, infirme les conclusions retenues par le médecin qui a charge, en l’occurrence le docteur Poirier, ce dernier peut fournir à la CSST un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions. Il peut aussi joindre à ce rapport complémentaire un rapport de consultation motivé et, dans tous les cas, il doit informer la travailleuse, sans délai, du contenu de son ou de ses rapports.
[129] La Commission des lésions professionnelles s’est exprimée à plusieurs reprises sur le contenu de ce rapport complémentaire et sur les conditions qui lui confèrent un caractère liant.
[130] Ainsi, dans l’affaire Guillemette et Kruger inc.[5], la Commission des lésions professionnelles analyse la jurisprudence majoritaire du tribunal et elle indique ce qui suit à ce sujet :
[22] Toutefois, avant de soumettre un dossier au Bureau d’évaluation médicale, l’employeur ou la CSST doit obtenir un rapport infirmant les conclusions du médecin qui a charge. Dans ce contexte, l’article 205.1 donne l’opportunité au médecin à charge [sic] d’étayer sa position s’il la maintient; dans ce cas, le dossier est acheminé au Bureau d’évaluation médicale. Il n’est nullement question par cet article d’empêcher le médecin à charge [sic] de se montrer d’accord avec le rapport infirmant ou encore, d’apporter d’autres conclusions totalement différentes. Il est reconnu par tous que l’histoire médicale d’un patient se bâtit selon les découvertes cliniques et radiologiques, de l’évolution de la pathologie et de la réaction au traitement. Ainsi, le médecin à charge [sic] doit demeurer libre de son opinion selon son analyse de la situation.
[131] Dans l’affaire Bacon et General Motors du Canada ltée[6], la Commission des lésions professionnelles discute des éléments permettant de reconnaître un caractère liant au rapport complémentaire. Elle énonce :
[101] C’est essentiellement ce que la CSST a fait en demandant au docteur La Haye de commenter le rapport obtenu du docteur Dalcourt en vertu de l’article 204. En pareil cas, la CSST et le présent tribunal deviennent liés par l’avis du médecin du travailleur entérinant les conclusions du médecin désigné. Cependant, la jurisprudence a aussi rappelé que pour lier la CSST et la Commission des lésions professionnelles, la réponse du médecin du travailleur à l’avis du médecin désigné par la CSST devait être claire et limpide.
[102] Dans l’affaire Ouellet et Métallurgie Noranda inc., la commissaire Monique Lamarre affirme que dans le cadre d’un rapport complémentaire, un médecin ne doit pas être empêché de modifier son opinion auquel cas il doit étayer son avis pour permettre de comprendre, du moins sommairement, les raisons qui l’amènent à se rallier au médecin désigné. Cette opinion doit donc être exprimée clairement. Ainsi, si le médecin qui a charge n’étaye pas ses conclusions et rend un avis imprécis et que l’opinion du médecin désigné infirme celui du médecin traitant, le litige devra alors être soumis au Bureau d’évaluation médicale. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles juge que le médecin traitant a changé d’avis sans explication et qu’on ne peut considérer qu’il a étayé ses conclusions.
[103] De l’avis du présent tribunal, ce souci de transparence et de clarté s’explique du fait de l’absence de tout recours du travailleur face à l’avis de son propre médecin.
[132] Enfin, dans l’affaire Paquette et Aménagement Forestier LF[7], la Commission des lésions professionnelles se prononce sur la possibilité pour le médecin qui a charge d’épouser les conclusions de l’expert de l’employeur ou du médecin désigné par la CSST et sur la non-obligation de procéder à un examen médical avant d’émettre son rapport complémentaire. Citant de nombreuses décisions, le tribunal s’exprime ainsi à ce sujet :
[36] Comme le lui permet l’article 204 de la Loi, la CSST a demandé au travailleur de se présenter chez le docteur Yves Ferland qui a rédigé une expertise en date du 24 mars 2004. Il a constaté que les conditions lombaire et cervicale de la travailleuse étaient consolidées mais non pas la condition à l’épaule. Il a émis des constatations médicales en conséquence.
[37] La CSST a respecté la Loi en transmettant copie de ce rapport en compagnie d’un rapport complémentaire à remplir au médecin qui a charge, le docteur Aubry. […]
[38] Ce rapport complémentaire pouvait servir au docteur Aubry à fournir à la CSST une opinion étayée pour appuyer ses conclusions initiales. Ce n’est pas ce qu’il a fait.
[39] Il a plutôt choisi de se ranger à l’opinion du docteur Ferland comme il en avait le droit, tel que reconnu par la jurisprudence. Ainsi, un médecin qui a charge peut, lors de la réception du rapport d’un médecin désigné, non seulement étayer un avis contradictoire mais aussi se rallier s’il estime qu’il représente la réalité. Le médecin qui a charge aurait pu refuser d’entériner les conclusions du docteur Ferland, il aurait pu exiger de revoir la travailleuse avant de se prononcer tout comme il aurait pu ne pas répondre du tout. Il a cependant choisi de répondre et de se ranger aux conclusions du docteur Ferland sans juger qu’il soit nécessaire de revoir la travailleuse qu’il avait déjà vue auparavant. C’est le choix qu’il a exercé et ce choix lie la CSST et le présent tribunal.
[40] L’article 205.1 encourage le médecin du travailleur à exprimer son opinion lors de la réception d’un tel rapport. Si la contradiction perdure, la CSST peut transmettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale mais si le médecin du travailleur entérine les conclusions du médecin désigné, la CSST devient liée par lesdites conclusions.
[41] Il s’agit là d’une simple modalité d’application de l’effet liant du rapport du médecin qui a charge prévu à l’article 224 de la loi […]
[42] Il est certain qu’un travailleur ou une travailleuse a le choix du médecin qui aura charge de lui ou d’elle au sens de la loi. […]
[43] Une fois son médecin choisi, le travailleur ou la travailleuse doit cependant vivre avec les conclusions d’ordre médical qu’il émet et ne peut pas les remettre en question lorsqu’elles ne font pas son affaire. La jurisprudence a déterminé depuis longtemps qu’un travailleur ne peut pas contester les conclusions médicales de son propre médecin.
[…]
[49] Le fait que le docteur Aubry se soit dit d’accord avec le docteur Ferland sans avoir procédé à un nouvel examen de la travailleuse n’a pas pour effet d’invalider son accord. Le médecin de la travailleuse la suivait déjà, et l’avait examinée en plus de la diriger vers d’autres spécialistes. Il avait en main le dossier de la travailleuse et a pu prendre connaissance de l’examen du médecin désigné par la CSST. Le tribunal estime que la réponse inscrite au rapport complémentaire est claire et c’est tout ce qui importe en l’espèce. Si le docteur Aubry a jugé que l’examen du docteur Ferland était fiable et complet, rien ne l’empêchait de s’en remettre aux conclusions de ce médecin expert. La Loi n’exigeait pas du médecin du travailleur qu’il l’examine à nouveau avant de produire son rapport complémentaire puisqu’il avait en sa possession le dossier de la travailleuse et l’expertise du docteur Ferland.
[50] L’article 205.1 permet au médecin d’étayer son rapport afin de contredire celui du médecin expert. Il s’agit là d’une volonté du législateur de permettre au médecin du travailleur de s’expliquer plus longuement qu’il ne peut le faire sur une petite attestation médicale et de faire le contrepoids auprès du Bureau d’évaluation médicale devant l’avis habituellement très détaillé du médecin désigné. Cependant, lorsqu’un médecin se rallie à l’opinion du médecin désigné, nul n’est besoin d’étayer son rapport ou son opinion puisqu’en se rangeant à l’avis du médecin désigné, il épouse son opinion et sa motivation par le fait même.
[51] Il ne faut pas oublier que même dans le cas de contradiction entre le médecin qui a charge et le médecin désigné, l’article 205.1 fournit la possibilité de déposer un rapport étayé sans en imposer l’obligation. Il devient encore moins obligatoire pour un médecin qui a charge qui décide de se rallier à l’opinion du médecin désigné d’étayer ses conclusions. Le tribunal le rappelle, tout ce qui compte c’est que la réponse du médecin du travailleur à l’avis du médecin désigné par la CSST soit claire.
[52] En conséquence, le médecin qui a charge avait la possibilité de se déclarer d’accord avec le rapport du médecin désigné et c’est ce qu’il a fait.
[133] La Commission des lésions professionnelles retient de ces différents extraits de décisions que, sollicité par la CSST afin de produire un rapport complémentaire, le médecin qui a charge peut, soit contredire le rapport du médecin expert ou se rallier à ses conclusions.
[134] Il n’a aucune obligation d’examiner la travailleuse avant d’adhérer aux conclusions et motivations du médecin expert. Par ailleurs, son opinion à cet égard doit être claire et limpide.
[135] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles constate que n’ont pas été assimilées à des réponses claires et limpides, la simple mention « d’accord » sur le rapport complémentaire dans un cas où le médecin expert consolide la lésion sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles et où le médecin traitant poursuit le suivi médical après avoir manifesté son accord avec ces conclusions[8] ou les mentions « rien à ajouter » et « je ne m’objecte pas à cette décision » alors que le médecin expert modifie le diagnostic retenu par le médecin traitant, que ce dernier perd de vue la travailleuse durant un certain temps avant de produire le rapport complémentaire et qu’il admet, par la suite, ne pas avoir en main toutes les informations pertinentes[9].
[136] Or, en l’espèce, l’expertise du docteur Renaud est transmise au docteur Poirier et ce dernier inscrit sur le rapport complémentaire « J’ai bien relu l’évaluation du Dr Paul-Émile Renaud et je suis tout à fait d’accord avec ses conclusions et ses recommandations qui sont tout à fait exactes et qui correspondent bien à la réalité de ce malade ». La Commission des lésions professionnelles estime que cette opinion est claire, limpide et motivée. En effet, le docteur Poirier a en main le dossier de la travailleuse. Il a sûrement en main les rapports de physiothérapie qui sont loin de dresser une image dramatique de l’état de santé de celle-ci à cette époque. De plus, la Commission des lésions professionnelles remarque que, à chacune des visites de la travailleuse, le docteur Poirier semble peu impressionné par ses malaises puisqu’il poursuit les traitements à la demande de cette dernière et non sur la base de diagnostics ou de signes cliniques objectivés. Son commentaire quant à la correspondance entre l’examen effectué par le docteur Renaud et la réalité de la travailleuse se comprend bien dans ces circonstances. Cette opinion est donc suffisamment claire et limpide pour être retenue.
[137] Quant au fait que la travailleuse n’ait pas, sans délai, été informée du contenu de ce rapport, la Commission des lésions professionnelles estime que cet élément ne peut, à lui seul, invalider ce dernier. En effet, la travailleuse en est avisée assez rapidement par la CSST et elle a alors la possibilité de communiquer avec le docteur Poirier pour en discuter. Cependant, la travailleuse n’exerce pas cette option.
[138] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles est perplexe face aux conséquences pouvant découler de l’omission du médecin qui a charge d’informer la travailleuse du contenu de son rapport.
[139] Certaines des décisions déposées par la représentante de la travailleuse laissent entendre que le fait de ne pas informer la travailleuse de ce contenu interfère avec le droit de celle-ci de choisir son médecin traitant selon l’article 192 de la loi.
[140] Avec respect, la Commission des lésions professionnelles ne peut voir en quoi l’omission d’informer la travailleuse du contenu du rapport émis par son médecin traitant contrevient à l’article 192 de la loi ou est incompatible avec l’application de ce dernier.
[141] En effet, cet article précise que la travailleuse a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix. Cet article permet certes à une travailleuse insatisfaite du suivi médical dont elle fait l’objet de changer de médecin en cours de traitements.
[142] Toutefois, cet article ne permet pas à la travailleuse de contester les rapports de son médecin traitant et encore moins de décider que son médecin traitant perd cette qualité parce qu’elle est en désaccord avec ses conclusions. En conséquence, le fait d’être ou non avisée des conclusions finales du médecin qui a charge n’a aucune incidence sur le choix du médecin traitant et, dans cette optique, permettre, en fin de parcours, à une travailleuse de changer de médecin qui a charge en raison d’une divergence de vue sur les conséquences de sa lésion professionnelle constituerait « un mode de contestation non prévu par la loi qui, s’il était accepté, conduirait à une surenchère inacceptable »[10].
[143] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le simple fait d’avoir légèrement tardé avant d’informer la travailleuse du contenu du rapport complémentaire du docteur Poirier ne peut avoir pour conséquence d’écarter ce rapport ou de faire perdre à ce médecin sa qualité de médecin traitant.
[144] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que le rapport complémentaire émis par le docteur Poirier est conforme à la loi et, dès lors, il lie la Commission des lésions professionnelles selon l’article 224 de la loi.
Les diagnostics d’entorse lombaire et d’entorse cervicale
[145] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’ajouter aux diagnostics reliés à la lésion professionnelle survenue le 5 avril 2004 celui d’entorse lombaire tout en ajoutant à celui de traumatisme cervical celui d’entorse cervicale.
[146] La Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle n’est pas saisie d’une contestation faisant suite à l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle est donc liée par les diagnostics retenus par le médecin traitant en l’espèce.
[147] Or, en ce qui concerne la région lombaire, la Commission des lésions professionnelles ne peut que constater l’absence totale de diagnostic en la matière entre la date de la survenue de la lésion professionnelle, le 5 avril 2004, et la date où cette lésion, outre la brûlure, est consolidée, à savoir le 29 juin 2004.
[148] La travailleuse se plaint certes de douleurs lombaires mais ses plaintes ne peuvent être assimilées à un diagnostic.
[149] De plus, la Commission des lésions professionnelles remarque qu’aucun signe objectif ne permet de retenir un diagnostic d’entorse lombaire, que ce soit dans les notes cliniques des médecins consultés ou dans les rapports des thérapeutes. La mobilité de la colonne lombaire de la travailleuse est normale durant toute cette période et aucun spasme n’est constaté à ce niveau.
[150] Il n’y a donc pas lieu d’introduire ce diagnostic dans ceux retenus lors de la lésion initiale.
[151] Quant à l’entorse cervicale, la Commission des lésions professionnelles observe que la région cervicale est affectée lors de l’événement et des signes d’une telle entorse sont relevés par les différents intervenants. De plus, à l’instar du docteur Lambert, la Commission des lésions professionnelles estime que le diagnostic de traumatisme n’est pas assez précis et que celui d’entorse cervicale reflète mieux la condition de la travailleuse. Enfin, le docteur Renaud suggère ce diagnostic et le docteur Poirier fait siennes les conclusions d’ordre médical de ce médecin. L’entorse cervicale devient donc un des diagnostics retenus par le médecin traitant.
[152] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que ce diagnostic peut être ajouté à ceux reconnus par la CSST lors de la lésion initiale.
La capacité de travail de la travailleuse
[153] La capacité de travail d’une travailleuse est tributaire de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle.
[154] Or, dans ce dossier, les lésions cervicale et crânienne sont consolidées le 29 juin 2004, sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles.
[155] Quant à la brûlure, elle est consolidée le 14 août 2004, avec un préjudice esthétique de 3,56 %, mais sans limitations fonctionnelles.
[156] Il n’y a donc aucune atteinte ou limitation qui empêche la travailleuse d’exercer son emploi pré lésionnel le 23 septembre 2004 et, dès lors, la Commission des lésions professionnelles confirme la décision rendue par la révision administrative à cet égard.
La récidive, rechute ou aggravation du 22 septembre 2004
[157] La lésion initiale subie par la travailleuse, le 5 avril 2004, est consolidée le 29 juin et le 14 août 2004, avec une atteinte permanente de 3,56 %, mais sans limitations fonctionnelles.
[158] De son côté, la travailleuse prend des vacances et, par la suite, elle prend sa retraite. Elle ne retourne donc pas au travail chez l’employeur.
[159] C’est dans ce contexte que, le 22 septembre 2004, la travailleuse allègue la survenue d’une récidive, rechute ou aggravation.
[160] Pour invoquer avec succès avoir été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, la travailleuse doit d’abord démontrer qu’elle présente une reprise évolutive, une recrudescence ou une réapparition de sa symptomatologie[11]. Un tel libellé suppose une détérioration de l’état de santé en regard de celui observé lors de la consolidation de la lésion initiale. La travailleuse doit également démontrer que les lésions identifiées à compter du 22 septembre 2004 sont reliées à la lésion professionnelle initiale.
[161] Dans ce dossier, la travailleuse soutient avoir toujours des douleurs au cou, au dos et à l’épaule gauche au moment de la consolidation de ses lésions, douleurs qui s’accroissent en raison de la cessation des traitements de physiothérapie.
[162] Or, l’examen du docteur Amar ne met en évidence que des douleurs à la palpation de toute la colonne vertébrale de la travailleuse. Il y a donc bien peu d’éléments permettant de conclure à une détérioration de l’état de santé de cette dernière.
[163] Même les examens effectués après l’accident d’automobile sont très peu révélateurs à cet égard. Ils s’avèrent pratiquement normaux tant aux niveaux cervical que lombaire.
[164] De plus, les diagnostics retenus par le docteur Amar, à savoir des entorses aux niveaux cervical, dorsal, lombaire et à l’épaule gauche, sont difficiles à relier à la lésion initiale.
[165] En effet, la blessure à l’épaule gauche est une brûlure. La Commission des lésions professionnelles peine à voir comment une telle brûlure a pu se transformer en entorse. En outre, la région lombaire n’est pas concernée par la lésion initiale et, dès lors, une entorse à ce niveau ne peut constituer une aggravation de cette lésion. Enfin, la preuve ne permet pas de conclure à une détérioration de la condition cervicale le 22 septembre 2004.
[166] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la travailleuse n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 22 septembre 2004, de la lésion professionnelle initiale subie le 5 avril 2004.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 247398-71-0411
REJETTE la requête déposée par la travailleuse, madame Gisèle Tremblay;
CONFIRME, en partie, la décision rendue par la révision administrative le 12 octobre 2004;
DÉCLARE que la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle, le 5 avril 2004, sur la base des diagnostics de traumatisme crânien, de traumatisme cervical, d’entorse cervicale et de brûlure à l’épaule gauche.
Dossier 256043-71-0502
REJETTE la requête déposée par la travailleuse, madame Gisèle Tremblay;
CONFIRME la décision rendue par la révision administrative le 16 février 2005;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas été victime d’une récidive, rechute ou aggravation, le 22 septembre 2004, de la lésion professionnelle initiale subie le 5 avril 2004.
Dossier 264877-71-0506
REJETTE le moyen préalable soulevé par la travailleuse, madame Gisèle Tremblay;
REJETTE la requête déposée par la travailleuse, madame Gisèle Tremblay;
CONFIRME la décision rendue par la révision administrative le 3 juin 2005;
DÉCLARE que la travailleuse est en mesure de reprendre son emploi pré lésionnel à compter du 23 septembre 2004.
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Carmen Racine, avocate |
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Commissaire |
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Me Lucie DeBlois |
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F.I.I.Q. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Anne Lemire |
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GROUPE SANTÉ PHYSIMED |
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Représentante de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Mc Quinn et Étiquettes Mail-Well, C.L.P. 201087-62A-0303, le 31 janvier 2005, N.
Tremblay; Gagné et Entreprise Cuisine-Or,
C.L.P. 231454-03B-0404 et 244281-03B-0409, le 13 juin
[3] Boka et Corbec (division) et CSST, C.L.P. 119820-73-9907, le 7 janvier 2000, D.
Taillon; Tétreault et Concordia
Construction inc., C.L.P. 231973-62B-0404, le 2 mai
[4] Marceau et Gouttière Rive-Sud Fabrication inc., C.L.P. 91084-62-9709, le 22 octobre 1999, H. Marchand.
[5] Précitée à la note 3; cette décision ainsi que certaines autres portent sur l’article 205.1 de la loi dont le libellé est pratiquement identique à celui retrouvé à l’article 212.1 de la loi.
[6] C.L.P. 226939-04-0402, le 17 novembre 2004, J.-F. Clément.
[7] Précitée à la note 3.
[8] Voir l’affaire Mc Quinn précitée à la note 2.
[9] Voir l’affaire Gagné précitée à la note 2.
[10] Voir à ce sujet : Fontaine et Lemieux mobilier de bureau inc., C.A.L.P.
28317-62-9104, le 29 avril
[11] Lapointe et Compagnie minière Québec Cartier [1989] CALP 39.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.