SGT 2000 inc. |
2012 QCCLP 507 |
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[1] Le 1er juillet 2011, SGT 2000 inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 2 juin 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 29 décembre 2010 et déclare que l’employeur doit être imputé de la totalité des coûts de la lésion professionnelle subie par monsieur Camille Desbiens (le travailleur) le 15 novembre 2010.
[3] Plus particulièrement, la CSST écarte la demande de l’employeur requérant l’application de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). La CSST refuse de conclure à un transfert de coûts, puisque l’employeur n’a pas démontré que l’accident du travail est attribuable à un tiers.
[4] L’employeur a renoncé à la tenue d’une audience. Le procureur de l’employeur, Me Jean-Frédéric Bleau, a plutôt transmis une argumentation écrite à l’attention du tribunal pour soutenir sa demande de transfert de coûts.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] L’employeur demande de déclarer qu’il peut bénéficier d’un transfert de coûts en vertu de l’article 326 de la loi.
[6] L’employeur demande de conclure que l’accident subi par le travailleur le 15 novembre 2010 a pour effet de l’obérer injustement. Il demande ainsi le transfert des coûts à l’ensemble des employeurs.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider du bien-fondé d’une demande de l’employeur réclamant un transfert de coûts en vertu de l’article 326 de la loi qui se lit comme suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[nos soulignements]
[8] Plus particulièrement, l’employeur demande de déclarer que les circonstances particulières de l’accident subi par le travailleur a pour conséquence de l’obérer injustement.
[9] Le tribunal répondra, dans un premier temps, à la décision de la CSST refusant de conclure à un accident du travail attribuable à un tiers. Ensuite, le tribunal répondra à la demande de l’employeur de conclure qu’il est obéré injustement par les circonstances particulières de cet accident.
[10] Rappelons que le travailleur occupe un emploi de camionneur chez l’employeur lorsque le 15 novembre 2010, il subit un accident du travail.
[11] À cette occasion, alors qu’il conduit son camion, pour le compte de l’employeur, en direction des États-Unis, il aperçoit un chevreuil sur la route. Rapidement, il effectue une manœuvre pour éviter l’animal provoquant la renverse de son camion sur le côté.
[12] Le 23 décembre 2010, la CSST accepte la réclamation du travailleur à titre d’accident du travail survenu le 15 novembre 2010 dont le diagnostic est celui de contusion thoracique.
[13] Le 29 décembre 2010, la CSST avise l’employeur que le coût des prestations dues en raison de cet accident du travail sera porté à son dossier financier.
[14] Le 6 janvier 2011, la CSST accepte aussi la relation entre les nouveaux diagnostics de contusion dorsale et de stress post-traumatique et l’accident initial du 15 novembre 2010.
[15] Le dossier permet d’établir que l’employeur est une entreprise de transport routier exerçant ses activités dans l’ensemble du continent nord-américain.
1. L’ACCIDENT ATTRITUABLE À UN TIERS
[16] Le tribunal est d’avis que la CSST était bien fondée de refuser l’application de l’article 326 de la loi en raison de l’absence d’un accident attribuable à un tiers.
[17] Rappelons que la première condition de l’application de cette portion de l’article 326 est la présence d’un tiers.
[18] Or, la jurisprudence du présent tribunal a établi à plusieurs reprises que cet article fait obligatoirement référence à une personne physique ou une personne morale.
[19] Dans l’affaire Leclerc et CSST[2], le tribunal concluait qu’un accident de voiture dans lequel un travailleur avait été impliqué n’était pas attribuable à un tiers puisqu’il avait frappé un orignal. Le tribunal écrivait :
Pour qu’il y ait transfert d’imputation, il doit démontrer que l’accident est attribuable à un tiers ou que l’imputation faite selon le principe général aurait pour effet d’obérer injustement un employeur.
En l’espèce, il a été démontré que l’accident de voiture dans laquelle le travailleur a été impliqué est attribuable à l’orignal qu’il a frappé.
La Commission d’appel estime que le tiers auquel l’article 326 renvoie doit obligatoirement être une personne physique ou une personne morale, personne dont la responsabilité peut être engagée d’une quelconque manière.
En l’espèce, comme l’expliquaient clairement les membres du bureau de révision paritaire, il s’agit d’un animal sauvage qui n’a aucun propriétaire légal et qui ne peut donc engager la responsabilité de personne.
[nos soulignements]
[20] Dans une autre affaire Transport Gaston Nadeau inc. et CSST[3], le tribunal concluait également à l’absence de tiers alors qu’un chauffeur de camion avait tenté d’éviter un chevreuil causant ainsi le renversement de son camion. Le tribunal écrivait :
[14] Un transfert de l’imputation des coûts à d’autres employeurs est toutefois possible si l’événement est attribuable à un tiers ou que les coûts portés au dossier de l’employeur ont pour effet de l’obérer injustement.
[15] Tout d’abord, en ce qui concerne la notion de « tiers », telle qu’utilisée à l’article 326 de la Loi, la jurisprudence tant de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la CALP) que de la Commission des lésions professionnelles2 nous indique que le « tiers » est nécessairement une personne physique ou morale; un animal sauvage ne peut donc constituer un tiers au sens de la Loi.
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2 Enairtech enr. et Leclerc, CALP, 30622-03A-9107, 94-02-17, M. Beaudoin; Northern Telecom Canada ltée et CSST, CALP, 67976-60-9503, 96-06-10, A. Leydet; Hôpital St-Jude de Laval et Raymond, C.L.P. 126535-64-9911, 00-11-21, M. Montplaisir; Hôpital Sacré-Cœur de Montréal-QVT, C.L.P. 14365-72-0009, 01-01-12, C. Racine.
[nos soulignements]
[21] Enfin, dans une dernière affaire, Commission scolaire de la Capitale[4], le tribunal en venait à des conclusions similaires en écrivant :
[14] Toutefois, le législateur a prévu deux exceptions au principe général selon les conditions énoncées au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi. Dans un premier temps, pour pouvoir bénéficier du transfert d’imputation dans le cas où l’accident est attribuable à un tiers, l’employeur doit démontrer que l’imputation faite a pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison de cet accident.
[15] En ce qui concerne la notion de « tiers », la jurisprudence a établi qu’il doit obligatoirement être une personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée d’une manière quelconque. Ainsi, un accident du travail causé par un animal sauvage qui n’a aucun propriétaire légal, n’est pas attribuable à un tiers2.
[16] Dès lors, la Commission des lésions professionnelles souligne que l’accident ne peut en l’instance, être reconnu comme étant attribuable à un tiers.
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2 Enairtech enr. (Fermé) et Leclerc, C.A.L.P., 30622-03-9107, 94-02-24, M. Beaudoin.
[nos soulignements]
[22] Le tribunal est donc d’avis que la CSST avait raison de conclure à l’absence d’application de ce volet de l’article 326 de la loi en l’absence d’un tiers.
2. L’EMPLOYEUR EST-IL OBÉRÉ INJUSTEMENT EN RAISON DES CIRCONSTANCES DE L’ACCIDENT
[23] L’employeur demande de conclure que les circonstances particulières de l’accident au cours duquel le camion du travailleur s’est renversé pour éviter un animal sauvage a pour effet de l’obérer injustement au sens de l’article 326 de la loi.
[24] L’employeur cite l’affaire Division Golden International[5], qui elle-même s’appuyait sur les principes retenus en rapport avec l’interprétation de l’article 326 dans l’affaire Ministère des Transports et CSST[6], qui énonce ce qui suit :
[17] Rappelons que pour se prévaloir de l’application de l’article 326 de la loi, l’employeur doit aussi démontrer le caractère injuste de l’imputation des coûts de l’accident du travail à son dossier d’expérience.
[18] La décision de principe rendue dans l’affaire Ministère des Transports et CSST5 suggère plusieurs facteurs qui permettent à l’employeur de démontrer l’injustice d’une imputation :
· Les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les seconds devant être considérés, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient;
· Les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel, par exemple, les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou une autre contravention législative, réglementaire ou de l’art; et
· Les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi.
[19] Ainsi, suivant les faits en l’espèce et les rapports des différents témoins de l’incident6, le travailleur n’a fait aucune manœuvre dangereuse et n’y est pour rien dans la survenance de l’accident. Les circonstances étaient hors de son contrôle et le travailleur n’aurait pas pu agir autrement afin d’éviter les conséquences majeures décrites au dossier.
[20] La preuve contenue au dossier démontre également qu’il s’agit de circonstances exceptionnelles, soit celles d’un tiers conducteur entrant en contact avec un chevreuil, pour ensuite perdre le contrôle de son véhicule et se retrouver de côté dans la voie adjacente, et ce, au moment même du passage du camion remorque conduit par le travailleur. Cet événement n’a rien à voir avec les situations courantes et habituelles d’accidents de la route.
[21] De plus, il est pertinent de spécifier que le travailleur n’a subi aucune lésion physique suite à cet accident. Par ailleurs, le diagnostic retenu de choc post-traumatique découle de l’ensemble des circonstances de cet événement.
[22] En effet, la preuve au dossier révèle que le travailleur a subi un choc post-traumatique en raison des conséquences mêmes de l’accident de la route dans lequel il venait d’être impliqué, soit le fait d’avoir malencontreusement été impliqué dans un accident causant la mort d’une jeune passagère et entraînant de graves lésions corporelles à une jeune conductrice. Il a d’ailleurs associé l’âge de ces adolescentes avec celui de ses petits-enfants. Le traumatisme du travailleur est également en relation avec le fait qu’il ait croisé le regard de la passagère juste avant le décès de celle-ci. Cette situation bien particulière est décrite à plusieurs reprises dans les notes médico-administratives du dossier, entre autres par les docteurs Meunier, Beaudry, Berthiaume et Benoît. Le travailleur aurait été horrifié et impressionné par ce regard.
[23] Suite à cet incident, le travailleur est devenu non fonctionnel et a été déclaré inapte à reprendre son travail. Cet événement traumatique l’a grandement affecté dans ces habitudes de vie, de sorte qu’il n’est plus en mesure de conduire un quelconque véhicule.
[24] Comme le propose le tribunal dans Ministère des Transports et CSST7, il faut parfois aller au-delà de la seule prise en compte des risques inhérents pour apprécier l’injustice d’une imputation :
[324] Force est cependant de reconnaître, à la lumière de nombreux litiges soumis à la Commission des lésions professionnelles au fil des ans, que le critère des risques inhérents, tout approprié soit-il, ne permet pas à lui seul la résolution satisfaisante de toutes les situations.
[325] En effet, lorsqu’une lésion professionnelle survient dans des circonstances inhabituelles, exceptionnelles ou anormales, la stricte application du critère des risques inhérents aux activités de l’employeur est inadéquate et même injuste.
[25] Ainsi, en l’espèce, même si nous parvenions à la conclusion que la survenance d’un tel accident fait partie des risques inhérents d’un employeur se chargeant du transport de marchandises extraprovincial, il y aurait lieu tout de même de procéder au partage des coûts. En effet, le fait que l’événement soit survenu dans des circonstances exceptionnelles et ait été interprété d’une façon bien particulière par le travailleur et bien personnelle, fait en sorte que le partage répond davantage à une justice réelle auquel l’employeur a droit ainsi qu’aux aspirations du législateur. C’est pour cette raison que l’analyse des risques inhérents n’a pas à être faite en l’espèce, car elle n’aurait aucun impact sur la conclusion du litige sur l’aspect du partage des coûts.
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5 Précité, note 1.
6 Précité, note 2.
7 Précité, note 1.
[25] Le tribunal est d’avis toutefois que les conclusions dans cette dernière affaire ne sont pas applicables au présent dossier. Le tribunal ne retrouve dans la présente affaire aucune circonstance inhabituelle, inusitée ou anormale permettant de conclure au caractère injuste de l’imputation des coûts au dossier de l’employeur. Le tribunal rappelle ici qu’il s’agit d’un camionneur qui aperçoit un chevreuil sur la route et rapidement fait une manœuvre pour l’éviter entraînant ainsi le renversement de son camion. Le tribunal ne voit pas ici de circonstance exceptionnelle, inhabituelle ou inusitée qui déborde du contexte particulier d’une entreprise de transport routier.
[26] D’ailleurs, pour reprendre les conclusions dans deux affaires précitées dans la présente décision, le tribunal approuve les propos dans l’affaire précitée Transport Gaston Nadeau[7], qui concluait au caractère normal d’un accident lorsqu’un conducteur de camion fait face à la présence des animaux sauvages durant un transport routier. Le tribunal écrivait dans l’affaire précitée :
[16] Quant à la notion « d’obérer injustement », cette notion, selon la jurisprudence3, fait l’objet d’une interprétation large et libérale, sans nécessiter, pour permettre l’application de ces dispositions, la preuve de l’existence de difficultés financières de l’employeur telles qu’elles soient équivalentes à la faillite de son entreprise. Selon cette jurisprudence, c’est plutôt la notion d’injustice qui est la condition d’ouverture de l’application de ces dispositions. Cette interprétation avait été retenue par le juge Tellier, dans l’affaire Construction EDB inc.4 Dans l’affaire C.S. Brooks Canada inc.5, la Commission d’appel se penchant sur l’interprétation des mots « obérer injustement » concluait que « toute somme qui ne doit pas, pour une question de justice, être imputée à l’employeur, l’obère injustement. »
[17] Dans le présent dossier, c’est exactement la question de justice, qui est en cause en ce sens que l’employeur se voit imputer le coût des prestations dues en raison d’une maladie intercurrente. À cet effet, il convient de rapporter ce qu’écrivait la commissaire Montplaisir dans l’affaire Corporation d’Urgence santé de la région de Montréal Métropolitain et CSST6: dans le cas où une condition intercurrente ne prolongeait pas la période de consolidation de la lésion professionnelle :
À cet effet, la soussignée estime qu’il est possible de donner un sens aux dispositions du 2e alinéa de l’article 326 en interprétant les termes « obérer injustement » en tant qu’expression.
En effet, l’interprétation du terme obérer dans son sens strict a pour effet, à toutes fins pratiques, de rendre inapplicable ces dispositions puisque cette façon de faire implique une analyse de la question par rapport à la situation financière de l’employeur qui doit alors démontrer, par une preuve de nature financière, qu’il est accablé de dettes en raison de l’imputation des coûts des prestations dues en raison d’une lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que par le biais de terme injustement, l’intention du législateur est de pondérer l’effet du mot « obérer » et de donner une portée à cette portion de l’article 326 de la loi.
La soussignée estime effectivement qu’en insérant cette disposition d’exception au principe général de financement, l’objectif du législateur en est un d’équité envers un employeur qui se voit imputer des coûts injustement. C’est donc dans cette mesure qu’il convient alors d’analyser la question sous l’angle de la justice en donnant aux termes « obérer injustement » une interprétation large et libérale et en considérant l’employeur obéré injustement lorsqu’il se voit imputer toute somme qui ne doit pas lui être imputée pour une raison de justice selon le mérite du cas plutôt que selon la situation financière de l’employeur.
La notion de justice doit, évidemment, être appréciée non seulement dans le contexte de l’article 326 de la loi et du chapitre sur le financement, mais aussi dans celui de l’objet et de l’esprit de la loi.
(...)
[18] Toute la question ici repose donc à savoir s’il serait juste que l’employeur soit imputé des coûts reliés à la lésion professionnelle survenue à monsieur Rondeau, alors qu’il a évité de frapper un animal sauvage qui traversait sa route et que cet événement lui a occasionné des blessures. Est-ce que cet événement est relié aux risques inhérents ou particuliers aux activités exercées par l’employeur?
[19] Dans le cas qui nous concerne, le travail exécuté par monsieur Rondeau est celui de camionneur, et qui doit livrer de la marchandise à la clientèle desservie par son employeur. Cette activité est essentielle aux activités de l’employeur et implique nécessairement d’emprunter les axes routiers du Québec.
[20] Or, il est de commune renommée qu’au Québec, il y a des animaux sauvages qui peuvent surgir sur la route, qu’il s’agisse d’orignaux ou de chevreuils; d’ailleurs, il y a des panneaux indicateurs à cet effet un peu partout avertissant les conducteurs de ce possible danger, qui fait partie de la réalité de tout conducteur. Les risques d’accident de la route sont donc des risques inhérents au travail de camionneur.
[21] Les coûts reliés à l’événement survenu à monsieur Rondeau dans ce contexte sont donc imputables au dossier de son employeur.
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3 Hôpital St-Joseph de la Providence et CSST, [1997] C.A.L.P. 234 ; Banque Nationale du Canada et CSST, [1997] C.A.L.P. 138 ; United Parcel Service of Canada Ltée et CSST, C.A.L.P., 78053-60-9603, 97-03-19, A. Archambault; Marie-Clarac et Heenan, Blaikie & Ass. C.A.L.P., 85205-63-9701, 98-02-17, E. Harvey; Hôpital de l’Enfant-Jésus et CSST [1997] C.A.L.P. 633 ; Corporation d’Urgences Santé de la région de Montréal Métropolitain et CSST, [1998] CLP 824 ; Lagran Canada inc. et Mendicino, CLP, 107156-71-9811; 99-06-14, A. Suicco; C.S. Brooks Canada inc. [1998] C.A.L.P.195; Construction Arno inc. et CSST, [1999] CLP 302 .
4 [1995] C.A.L.P. 911.
5 Précitée, note 2.
6 Précitée, note 2.
[nos soulignements]
[27] Le tribunal réfère également à une autre décision précitée Commission scolaire de la Capitale[8], qui, de la même façon, refusait de conclure à une obération injuste dans des circonstances similaires, en écrivant :
[17] Reste à déterminer si l’imputation a pour effet d’obérer injustement l’employeur.
[18] En ce qui concerne la notion d’« obérer injustement », la soussignée fait sienne l’interprétation donnée par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Location ProCam inc. et CSST3 dans ces termes :
« [2] […] l’employeur sera « obéré injustement » dans la mesure où le fardeau financier découlant de l’injustice alléguée est significatif par rapport au fardeau financier découlant de l’accident du travail. Ainsi, la notion « d’obérer », c'est-à-dire « accabler de dettes », doit être appliquée en fonction de l’importance des conséquences monétaires de l’injustice en cause par rapport aux coûts découlant de l’accident du travail lui-même. La notion d’injustice, pour sa part, se conçoit en fonction d’une situation étrangère aux risques que l’employeur doit assumer, mais qui entraîne des coûts qui sont rajoutés au dossier de l’employeur.
[19] Il y a lieu d’analyser le contexte dans lequel s’exercent ces activités afin de déterminer s’il y a présence ou non d’une injustice.
[20] En l’instance, la preuve démontre que la travailleuse est victime d’un accident d’automobile alors qu’elle se déplace pour rencontrer une conseillère pédagogique d’une autre commission scolaire. C’est donc à l’occasion de son travail d’enseignante que survient cet accident, lequel était en lien avec les activités de travail puisque le but de cette rencontre était de visiter une classe d’anglais enrichi. La Commission des lésions professionnelles convient que l’employeur n’exerce aucun contrôle sur les aléas de la route et qu’il ne peut prévenir les accidents tel que celui dont la travailleuse a été victime en voulant éviter un animal sauvage. Toutefois, force est de constater qu’il s’agissait d’un déplacement requis et accepté par l’employeur dans le cadre de son travail.
[21] La Commission des lésions professionnelles souligne que les faits propres au cas sous étude sont certes différents de ceux rapportés dans l’affaire Syndicat québécois des employés et employées de service (Section locale 298) et Les Ambulances Malartic enr.4 En effet, dans ce cas, il s’agissait d’un travailleur victime d’un accident d’automobile alors qu’il était libéré de son travail habituel pour les fins de l’exercice d’une fonction syndicale. C’est dans ce contexte que le commissaire conclut que la situation est étrangère aux risques qui correspondent à la nature des activités de l’employeur et que les coûts reliés à la lésion professionnelle ne doivent pas être imputés à l’employeur.
[22] Ceci étant, lorsqu’un travailleur se déplace sur la route à des fins professionnelles, celui-ci est exposé à des risques d’accident et ceux-ci même minimes, se rattachent tout de même à la nature de l’ensemble des activités exercées par l’employeur5.
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3 114354-32-9904, 02-10-18, M.-A. Jobidon (02LP-121); Emballage Consumers inc., 176974-64-0201, 03-01-27, R. Daniel.
4 254159-08-0501, 05-11-23, P. Prégent.
5 Roche ltée (Groupe Conseil), C.L.P. 208906-71-0305, 04-06-11, C. Racine.
[nos soulignements]
[28] Pour le tribunal, le fait pour un conducteur de camion d’être exposé à des risques d’accidents sur les routes causés par un animal sauvage n’a rien d’exceptionnel, d’inusité ou d’inhabituel. Il n’y a aucune injustice à imputer les coûts d’un tel accident à l’employeur dans le présent dossier.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la contestation de SGT 2000 inc., l’employeur, déposée le 1er juillet 2011;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 juin 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que SGT 2000 inc. doit assumer la totalité des coûts de la lésion professionnelle par monsieur Camille Desbiens, le travailleur, le 15 novembre 2010.
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JEAN-LUC RIVARD |
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Me Jean-Frédéric Bleau |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] C.A.L.P. 30622-03A-9107, 24 février 1994, M. Beaudoin.
[3] C.L.P. 251288-63-0412, 28 novembre 2005, M. Gauthier.
[4] C.L.P. 293396-31-0607, 12 mars 2007, H. Thériault.
[5] C.L.P. 376168-63-0904, 7 juillet 2010, J.-P. Arseneault.
[6] C.L.P. 288809-03B-0605, 28 mars 2008, J.-F. Clément, D. Lajoie, J.-F. Martel.
[7] Précité, note 3.
[8] Précité, note 4.
AVIS :
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