COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE
LÉSIONS PROFESSIONNELLES
QUÉBEC MONTRÉAL, le 30 juin 1994
DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE : Me Louise Boucher
DE MONTRÉAL
RÉGION: MONTÉRÉGIE
DOSSIER:39000-62-9204
DOSSIER CSST:006541551 AUDITION TENUE LE : 9 février 1994
DOSSIER BRP:60834993EN DÉLIBÉRÉ LE : 13 avril 1994
À : Montréal
FERNAND COURNOYER (SUCCESSION)
Madame Françoise Cournoyer
129, rue Guèvremont
Sorel (Québec)
J3P 3L3
PARTIE APPELANTE
et
M.I.L. TRACY
Direction des ressources humaines
1500, rue Vandal
Tracy (Québec)
J3R 5K9
PARTIE INTÉRESSÉE
COMMISSION DE LA SANTÉ ET
DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
2710, rue Bachand, C.P. 430
St-Hyacinthe (Québec)
J2S 7B8
PARTIE INTERVENANTE
D É C I S I O N
Le 13 avril 1992, la succession Fernand Cournoyer (la succession) dépose, à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel), une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision unanime du bureau de révision de la région de Yamaska, datée du 19 mars 1992.
Cette décision dispose de ce qui suit:
«(...)
(...) DÉCLARE que la décision de la Commission du 26 juillet 1991 n'est pas une décision en reconsidération au terme de l'article 3655 de la Loi, mais bien une décision en vertu de l'article 91 de la Loi.
(...) CONFIRME la décision rendue par la Commission le 26 juillet 1991 à l'effet que l'indemnité pour dommages corporels de 38 369,91 $ ne peut être versée au travailleur vu son décès survenu avant que ce montant lui soit payable au terme du 1er alinéa de l'article 91 de la Loi.
(...)»
Aux date et heure fixées pour l'audience devant la Commission d'appel, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), intervenante, demande un délai pour produire ses arguments par écrit, ce que la Commission d'appel accepte. La succession, pour sa part, présente et représentée, faisait valoir ses arguments au jour de l'audience.
À l'intérieur du délai imparti pour faire connaître ses arguments, la Commission informe la Commission d'appel par écrit qu'elle n'a pas de commentaires supplémentaires à produire, les éléments pertinents étaient déjà consignés au dossier.
OBJET DE L'APPEL
La Succession demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision et d'ordonner à la Commission de lui verser l'indemnité pour dommages corporels telle que prévue dans sa décision du 1er juin 1991.
La Succession n'en appelle pas du dispositif traitant de la reconsidération de cette décision du 1er juin 1991.
Bien que dûment convoqué, M.I.L. Tracy (l'employeur) est absent de l'audience, sans avis ni motif.
LES FAITS
Le 26 octobre 1990, le travailleur dépose à la Commission une réclamation pour lésion professionnelle. Il est informé, depuis le 28 septembre précédent, qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire.
Le rapport médical qui accompagne cette réclamation est complété par le docteur Guy Cournoyer et porte le diagnostic de «mésothéliome pleural, contact avec l'amiante».
Dans une note que le docteur Gilles Gaudreau fait parvenir à la Commission, en date du 13 décembre 1990, il écrit que le travailleur est actuellement sous chimiothérapie et ajoute que le pronostic est sombre à moyen ou court terme.
Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires est saisi du dossier du travailleur et rédige son opinion le 7 mars 1991. On peut y lire: «La CSST nous a fait parvenir le dossier de ce réclamant qui serait actuellement dans un état clinique tel qu'il lui est impossible de se présenter devant les membres du comité».
Ledit comité conclut au diagnostic de mésothéliome malin et ajoute qu'il «accepte la relation entre cette pathologie et l'expérience antérieure de travail». Les séquelles fonctionnelles sont identifiées et le déficit anatomo-physiologique est évalué à 125%.
Le dossier est subséquemment soumis au Comité spécial des présidents et ce comité rend son avis le 2 mai 1991, confirmant toutes et chacune des conclusions retenues par le précédent comité.
Après réception de cet avis, la Commission rend une décision datée du 18 mai 1991. Elle écrit:
«(...)
Dans son avis, le comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires a conclu comme suit sur les questions d'ordre médical:
- Le diagnostic de votre lésion professionnelle est MESOTHELIOME
- Il y a existence d'une atteinte permanente à votre intégrité physique résultant de votre lésion professionnelle.
- Les limitations fonctionnelles résultant de votre lésion professionnelle sont: SUPERFLU DE PARLER DE SES LIMITATIONS FONCTIONNELLES CAR IL EST CERTAINEMENT TOTALEMENT INVALIDE.»
Dans une autre décision, celle-ci datée du 1er juin 1991, la Commission statue sur l'évaluation de l'atteinte permanente à l'intégrité physique. Le pourcentage total est établi à 187,50 % et le montant forfaitaire déterminé, tenant lieu d'indemnité pour dommages corporels, s'élève à 38 369,91 $.
Le 21 juillet suivant, le travailleur décède. Une autopsie est pratiquée le 22 juillet, laquelle confirme que ce dernier est décédé des suites de sa maladie professionnelle.
La Commission en est informée le 26 juillet 1991 et rend, ce même jour, la décision suivante:
«La présente fait suite à l'information reçue le 26 juillet 1991 confirmant le décès de Monsieur Fernand Cournoyer.
C'est avec regret que nous apprenons ce décès et nous vous offrons nos sincères sympathies.
Le décès de Monsieur Cournoyer nous oblige à reconsidérer notre décision du 1er juin 1991 et ce, conformément à l'article 365 de la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).
De plus, à la lumière des informations reçues et conformément à l'article 91 de la LATMP, les séquelles décrites dans le rapport du comité spécial des présidents ne peuvent être indemnisées.»
Dans une autre lettre, datée du 29 juillet 1991, la Commission décide d'appliquer la présomption prévue à l'article 95 de la loi à l'effet que le travailleur est décédé des suites de sa maladie professionnelle.
Saisi de la contestation de la décision de la Commission datée du 26 juillet 1991 par la succession, le bureau de révision, le 19 mars 1992, la confirme. Ledit bureau précise que la Commission ne pouvait se réclamer de l'article 365 de la loi pour reconsidérer sa décision du 1er juin 1991, cependant qu'elle pouvait rendre une décision en vertu du premier paragraphe de l'article 91 de la loi.
C'est de cette décision dont se plaint la Succession en l'instance.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission d'appel doit décider si la Commission peut se réclamer de l'application du premier paragraphe de l'article 91 de la loi et refuser de verser le montant forfaitaire représentant les dommages corporels qu'elle évaluait dans sa décision du 1er juin 1991.
L'article 91 de la loi se lit comme suit:
91. L'indemnité pour dommages corporels n'est pas payable en cas de décès du travailleur.
Cependant, si le travailleur décède d'une cause étrangère à sa lésion professionnelle et qu'à la date de son décès, il était médicalement possible de déterminer une séquelle de sa lésion, la Commission estime le montant de l'indemnité qu'elle aurait probablement accordée et en verse un tiers au conjoint du travailleur et l'excédent, à parts égales, aux enfants qui sont considérés personnes à charge.
En l'absence de l'un ou de l'autre, la Commission verse le montant de cette indemnité au conjoint ou aux enfants qui sont considérés personnes à charge, selon le cas.
Ainsi, si un travailleur décède d'une cause étrangère à sa lésion professionnelle, l'indemnité pour dommages corporels pourra être versée aux conditions prévues à l'article 91 de la loi. Si par contre, le travailleur décède des suites de sa lésion professionnelle, c'est la Section III - Indemnités de décès, du Chapitre III - Indemnités, qui s'appliquera exclusivement. C'est ce que prévoit l'article 97 de la loi:
97. Le décès d'un travailleur en raison d'une lésion professionnelle donne droit aux indemnités prévues par la présente section.
Dans l'affaire qui nous occupe, le travailleur est décédé des suites de sa lésion professionnelle. Cela est admis. Il est cependant décédé après que la Commission eut décidé et fixé l'indemnité pour dommages corporels.
Dans sa décision du 1er juin 1991, la Commission, après avoir établi à 38 369,91 $ le montant de l'indemnité, informe le travailleur que cette somme lui sera versée «à la fin des délais de contestation, si ni vous ni votre employeur ne décidez d'en appeler de cette décision».
En supposant que le travailleur ait été notifié de cette décision le jour de sa rédaction, les délais pour en appeler devant la Commission d'appel expiraient le 31 juillet 1991 en regard des questions médicales (article 360 de la loi) alors qu'ils expiraient le 1er juillet 1991 pour une contestation devant le bureau de révision à l'égard du quantum (article 358 de la loi).
Le représentant de la Succession soumet que la Commission, par sa négligence dans le traitement de la réclamation du travailleur, est entièrement responsable des délais encourus jusqu'à la décision du 1er juin 1991. Si la Commission avait respecté la loi, l'établissement de l'indemnité des dommages corporels aurait été fait bien avant le 1er juin 1991 et cette indemnité aurait été versée au travailleur, de son vivant.
Il ajoute d'autre part, que la Commission était déjà liée par le pourcentage de déficit anatomo-physiologique retenu par le Comité spécial des présidents, lorsqu'elle rendait sa décision du 18 mai 1991. C'est à cette date qu'elle devait établir l'indemnité pour dommages corporels. Ce faisant, là aussi, le droit à cette indemnité aurait été acquis, du vivant du travailleur.
La Commission, intervenante dans le présent dossier, n'a soumis aucune preuve ni représentation à l'encontre de ces arguments.
La Commission d'appel, pour sa part, après enquête, estime que la Commission n'ayant pas respecté les prescriptions législatives, l'on ne saurait faire supporter le préjudice ainsi créé au travailleur et, par conséquent, à la Succession.
C'est le 26 octobre 1990 que le travailleur produit sa réclamation auprès de la Commission. Il y joint le rapport médical du docteur Guy Cournoyer lequel contient un diagnostic de mésothéliome pleural avec la précision que le travailleur a été en contact avec l'amiante.
La Commission est ainsi informée qu'il s'agit d'une réclamation pour cause de maladie professionnelle pulmonaire. Dans ce cas, ce sont les articles 226 à 233 de la Section II - dispositions particulières aux maladies professionnelles pulmonaires, du Chapitre VI - procédure d'évaluation médicale, qui s'appliquent.
Plus particulièrement, l'article 226 se lit comme suit:
226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies pulmonaires.
Ce ne sera que le 24 janvier 1991 que la Commission référera le travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires. C'est ce qui appert des notes évolutives et des copies de correspondances contenues au dossier de la Commission.
Entre le 26 octobre 1990 et le 24 janvier 1991, la Commission interviendra cependant plusieurs fois dans le traitement de cette réclamation. Le 12 novembre 1990, la Commission écrit au travailleur pour lui demander un complément d'informations tant factuelles que médicales. Le 15 novembre 1990, elle demande à l'Hôpital Hôtel-Dieu de Sorel de lui faire parvenir les lames, qu'elle recevra le 11 décembre suivant. Entre-temps, le 4 décembre 1990, elle écrit au docteur Gilles Gaudreau, médecin du travailleur.
Ce ne sera que le 24 janvier 1991 que la Commission référera le travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires. Ce sera d'ailleurs à la même date qu'elle fera parvenir les lames qu'elle détient depuis le 11 décembre 1990, au docteur Chénard, pathologiste.
La Commission d'appel ne croit pas pertinent, pour disposer de la présente affaire, de décider si les délais prévus aux articles 226 et suivants sont de rigueur ou non. S'ils le sont, la Commission est nettement fautive et le travailleur eût reçu bien avant son décès, l'indemnité pour dommages corporels.
S'ils ne le sont pas, la Commission d'appel estime par ailleurs qu'ils ont été dépassés de façon déraisonnable par la Commission.
Il est en preuve que le travailleur a complété sa réclamation le 26 octobre 1990. La date de sa production à la Commission est inconnue, seule est connue la date de la première intervention de celle-ci, c'est-à-dire le 12 novembre 1990. En présumant que la réclamation a été produite à cette date, la Commission, devait la référer au plus tard le 23 novembre suivant ou, à tout le moins, à cette époque contemporaine.
L'ayant référée le 24 janvier 1991, le délai prévu à l'article 226 de la loi est ainsi dépassé de plus de soixante jours. La Commission d'appel considère ce délai nettement déraisonnable, d'autant plus que la Commission détient toute l'information pertinente en date du 11 décembre 1990. En effet, c'est à cette dernière date qu'elle obtient les lames de l'hôpital Hôtel Dieu de Sorel alors qu'elle détient déjà les informations demandées au travailleur et à ses médecins.
Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires respectera quant à lui, les délais impartis. La Commission lui a référé le dossier du travailleur le 24 janvier 1991 et son rapport est complété le 7 mars 1991, conformément à l'article 230 de la loi:
230. Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires à qui la Commission réfère un travailleur examine celui-ci dans les 20 jours de la demande de la Commission.
Il fait rapport par écrit à la Commission de son diagnostic dans les 20 jours de l'examen et, si son diagnostic est positif, il fait en outre état dans son rapport de ses constatations quant aux limitations fonctionnelles, au pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique et à la tolérance du travailleur à un contaminant au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1) qui a provoqué sa maladie ou qui risque de l'exposer à une récidive, une rechute ou une aggravation.
La loi prévoit ensuite que, sur réception du rapport du Comité des maladies professionnelles pulmonaires, la Commission soumet le dossier du travailleur à un Comité spécial des présidents. L'article 231 est à cet effet:
231. Sur réception de ce rapport, la Commission soumet le dossier du travailleur a un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial.
Le dossier du travailleur comprend le rapport du comité des maladies professionnelles pulmonaires et toutes les pièces qui ont servi à ce comité à établir son diagnostic et ses autres constatations.
Le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 230 et y substitue les siens, s'il y a lieu; il motive son avis et le transmet à la Commission dans les 20 jours de la date où la Commission lui a soumis le dossier.
La Commission sera dès lors liée par les conclusions retenues par ce Comité spécial des présidents. C'est ce qui appert de l'article 233:
233. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231.
Dans l'affaire qui nous concerne, le Comité spécial des présidents a complété son avis le 2 mai 1991 et cet avis a été reçu à la Commission, le 6 mai 1991, tel qu'il appert du sceau de réception imprimé sur ce document.
Ce ne sera que le 17 mai suivant que cet avis sera traité par la Commission et cette dernière rendra une première décision en date du 18 mai 1991. Dans cette décision, la Commission statue à l'égard du diagnostic, de l'existence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles.
Quant au diagnostic et aux limitations fonctionnelles, la Commission reprend textuellement ce qu'établi par le Comité spécial des présidents. En regard de l'atteinte permanente à l'intégrité physique, cependant, la Commission ne décidera que de son existence dans cette lettre du 18 mai 1991, alors que ledit comité avait procédé à l'évaluation du déficit anatomo-physiologique. Ce ne sera que le 1er juin 1991 que la Commission décidera de l'évaluation de ladite atteinte.
De l'avis de la Commission d'appel, la Commission était liée par les conclusions retenues par le Comité spécial des présidents en regard de l'évaluation du déficit anatomo-physiologique et c'est en date du 18 mai 1991 et même avant puisqu'elle a reçu ces conclusions le 6 mai précédant, qu'elle devait rendre sa décision concernant l'évaluation de l'atteinte permanente à l'intégrité physique.
Il n'y a rien au dossier pouvant justifier le délai entre le 18 mai et le 1er juin 1991, si ce n'est un transfert du dossier entre un département et un autre, pour effectuer le calcul du pourcentage concernant la «douleur et perte de jouissance de la vie» s'ajoutant au déficit anatomo-physiologique.
La preuve est à l'effet que ce n'est que le 1er juin 1991 que la Commission décidera du montant de l'indemnité pour dommages corporels. Elle est également à l'effet que le travailleur est décédé le 21 juillet suivant, soit quelques jours avant la fin du délai d'appel à l'égard de cette évaluation de l'atteinte permanente mais après le délai de contestation du quantum de cette évaluation.
La Commission d'appel estime injuste et inéquitable de faire subir au travailleur et par conséquent à sa Succession, la perte d'un droit dont la date de la naissance est uniquement tributaire de l'administration de sa réclamation par la Commission.
Sur cet aspect des délais dans le cheminement de la réclamation du travailleur, le bureau de révision s'exprime ainsi:
«(...)
Le Bureau de révision considère que le non respect allégué des délais des articles 226, 230 et 231 de la Loi, qui concerne le processus de soumission par la Commission du dossier du travailleur au comité des maladies professionnelles pulmonaires, l'examen du travailleur par ce comité et les délais de production de son rapport à la Commission, le délai de production du rapport à la Commission par le comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires qui est chargé de réviser le rapport du premier comité, n'est pas pertinent dans l'analyse des conditions d'application de l'article 91 de la Loi.
En effet, d'une part, le travailleur n'a pas soumis de demande de révision au moment opportun quant au non respect de ces délais et l'incidence que le non respect de ces délais pouvait avoir sur la validité du processus de décision concernant sa maladie pulmonaire, le Bureau de révision n'a pas à se prononcer sur cette question.
D'autre part, même si ces délais n'avaient pas été respectés, il n'ont aucune conséquence concernant l'évaluation de l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique (ci-après l'A.P.I.P.P.) sur laquelle la Commission a rendu la décision du 1er juin 1991 conformément à l'article 83 de la Loi.»
La Commission d'appel ne partage pas ces prétentions. La succession, lorsqu'elle conteste la décision de la Commission datée du 26 juillet 1991, n'attaque pas la validité du processus d'évaluation médicale par les comités prévus à la section des maladies professionnelles pulmonaires. Elle conteste d'une part l'utilisation de l'article 365 de la loi pour reconsidérer la décision du 1er juin 1991 et, d'autre part, le non versement de l'indemnité de dommages corporels, au motif de l'application de l'article 91 de la loi.
Sur ce deuxième motif de contestation, la Succession invoque le non respect des délais de la Commission pour convaincre le bureau de révision que n'eût été de la négligence de l'organisme, le travailleur aurait vu ladite indemnité intégrer son patrimoine, avant son décès.
Dans ces circonstances, il est faux de prétendre que le travailleur eût du se plaindre des délais encourus avant la décision du 1er juin 1991. Le motif invoqué l'est dans l'intérêt de la Succession. N'eût été de son décès le 21 juillet 1991, le travailleur aurait reçu le versement de son indemnité de dommages corporels et le présent débat n'aurait jamais vu le jour.
Quant au deuxième motif retenu par le bureau de révision, la Commission d'appel estime qu'encore là, il ne répond pas à la question sous analyse, puisque le bureau de révision n'était pas saisi d'une contestation à l'égard de l'évaluation de l'atteinte permanente à l'intégrité physique.
Enfin, le bureau de révision, se prononçant au fond écrit ce qui suit: «(...) ces délais ne conditionnent d'aucune façon l'application de l'article 91 de la loi, 1er alinéa, (...). (...) la question des délais du traitement de la réclamation du travailleur pour maladie professionnelle pulmonaire n'ayant aucune influence, ni aucune pertinence quant à son application».
La Commission d'appel est d'accord que, de façon générale, les délais encourus dans le traitement d'une réclamation n'auront ni d'influence, ni de pertinence. D'ailleurs, la loi qui nous gouverne prévoit le calcul d'intérêts à l'égard des sommes dues par la Commission, notamment pour pallier aux dommages causés par les délais de prise de décision.
Par contre, dans les circonstances particulières de la présente affaire, les délais pour le traitement de la réclamation sont seuls responsables de la perte d'un droit sinon, d'un préjudice.
La Commission d'appel estime dès lors qu'il est de sa responsabilité d'intervenir.
L'article 351 de la loi est ainsi libellé:
351. La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.
Elle n'est pas tenue de suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile. Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées
C'est dans cet esprit que la Commission eût du décider, le 26 juillet 1991, lorsqu'elle a été informée du décès du travailleur.
Il est d'ailleurs intéressant de remarquer avec quelle rapidité la Commission agit en ce 26 juillet 1991. Alors que toutes ses interventions antérieures dans ce dossier ont connu des délais de plusieurs jours, voir semaines, entre la réception d'une information et sa prise de décision, voilà qu'à cette date, la décision est prise, écrite et transmise le jour même de la connaissance du fait.
Le bureau de révision avait à se prononcer, dans sa décision du 19 mars 1992, à l'égard du pouvoir de la Commission, le 26 juillet 1991, de reconsidérer sa décision du 1er juin 1991. Il décidait qu'elle ne pouvait se réclamer de l'article 365 de la loi, au motif que «(...) le décès (...), qui est postérieur à la décision de la Commission du 1er juin 1991, (...) n'est pas un fait essentiel dont la Commission devait tenir compte pour procéder à l'évaluation de cette atteinte permanente». Il décidait en outre que la décision du 26 juillet 1991 était quand même valide parce qu'elle constituait une décision en vertu de l'article 91 de la loi.
La Commission d'appel partage cette opinion dudit bureau. La Commission avait le pouvoir de décider, le 26 juillet 1991, de l'application de l'article 91 de la loi en conséquence du décès du travailleur. Pour les motifs dégagés dans la présente décision, la Commission d'appel estime cependant que tant la Commission que le bureau de révision ont erré en décidant que l'indemnité pour dommages corporels ne pouvait plus être versée, à cause de ce décès.
Le travailleur, de son vivant, avait acquis un droit à cette indemnité et sa succession a le droit d'en recevoir le versement. La présente décision n'empêche cependant pas l'application des articles 92 et suivants, au bénéfice de la Succession, concernant les indemnités de décès.
En terminant, la Commission d'appel tient à préciser qu'elle s'est inspirée d'une décision qu'elle rendait dans l'affaire Tanguay (Succession) et Mine Molybdenite de Préissac (1991) CALP 411, dans laquelle la commissaire Sylvie Moreau s'exprimait ainsi:
«(...)
En l'instance, la preuve révèle que le travailleur a, le 5 novembre 1985, déposé à la Commission une réclamation pour maladie professionnelle et que, le 22 mai 1986, cette dernière le reconnaissait victime d'une lésion professionnelle. Il appert alors que le travailleur, n'eût été le délai d'adoption du règlement sur le barème des dommages corporels et la confusion quant au bon forum pour disposer du litige, aurait obtenu de son vivant une telle indemnité.»
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES:
ACCUEILLE l'appel de la Succession Fernand Cournoyer;
INFIRME la décision du bureau de révision de la région de Yamaska datée du 19 mars 1992; quant au dispositif traitant du non versement de l'indemnité pour dommages corporels;
ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de verser à la Succession Fernand Cournoyer, les indemnités pour dommages corporels, telles qu'apparaissant à la décision du 1er juin 1991, avec intérêts, le tout conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles
Me Louise Boucher, commissaire
C.S.N.
(Me Yvan Malo)
1601, ave De Lorimier
Montréal (Québec)
H2K 4M5
Représentant de la partie appelante
CHAYER, PANNETON & ASSOCIÉS
(Me Dominique Trudel)
2710, rue Bachand, C.P. 430
St-Hyacinthe (Québec)
J2S 7B8
Représentante de la CSST
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.