Juteau et Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale |
2017 QCCFP 3 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N° : |
1301751 |
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DATE : |
14 février 2017 |
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DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF : |
Me Mathieu Breton |
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Diane Juteau |
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Appelante |
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et |
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Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale |
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Intimé |
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DÉCISION |
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(Article |
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LE CONTEXTE
[1] Le 25 janvier 2017, Mme Diane Juteau dépose un recours à la Commission de la fonction publique (ci-après la « Commission ») afin de contester des décisions prises par son employeur, le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale (ci-après le « MTESS »).
[2] Dans son formulaire transmis à la Commission, Mme Juteau indique être une fonctionnaire syndiquée et vouloir soumettre un appel en matière de processus de qualification visant exclusivement la promotion, en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique[1] (ci-après la « Loi »).
[3] Elle mentionne qu’elle et sa collègue s’étaient inscrites au « dernier concours[[2]] d’agent d’aide socio-économique » et qu’elles étaient « toutes les deux promises sur des postes ».
[4] Cependant, Mme Juteau ne conteste pas la procédure d’admission ou d’évaluation de ce processus de qualification, mais plutôt le report d’une formation à laquelle elle était inscrite ainsi que la fin imminente de sa désignation à titre provisoire en tant qu’agente d’aide socio-économique.
[5] En effet, elle demande :
Devant autant d’injustice, incluant mon ancienneté, je réclame : de poursuivre ma formation à la DRIM; un poste tel que prévu en tant qu’agent d’aide socio-économique SR et/ou à l’emploi; de garder ma désignation temporaire tant et aussi longtemps que ma collègue l’aura.
[6] À la fin de son formulaire, Mme Juteau indique également : « Possibilité de grief à venir ».
[7] Le 26 janvier 2017, une lettre du soussigné est transmise à Mme Juteau :
[…] Je vous informe
que je soulève d’office l’absence de compétence de la Commission de la fonction
publique. En effet, le seul recours pour lequel la Commission de la fonction
publique a compétence pour entendre un fonctionnaire syndiqué est un appel
concernant un processus de qualification visant exclusivement la promotion, en
vertu de l’article
À la lecture de votre recours, je constate que vous êtes une employée syndiquée et que vous ne contestez pas un processus de qualification visant exclusivement la promotion.
Je désire donc recevoir, d’ici le 6 février 2017, vos commentaires concernant la compétence de la Commission de la fonction publique à l’égard de votre recours. La même demande a été transmise à votre employeur.
Je prendrai ainsi votre dossier en délibéré quant à sa recevabilité le 7 février 2017, même en l’absence de commentaires de votre part, et je rendrai ensuite une décision écrite. […]
[8] À la suite de cette lettre, seul le MTESS présente des commentaires à la Commission.
L’ARGUMENTATION DU MTESS
[9] Le MTESS souligne que Mme Juteau indique dans son formulaire être syndiquée et qu’elle entend déposer un grief.
[10] Il énonce qu’un fonctionnaire syndiqué ne peut exercer à la Commission qu’un seul type de recours, soit un appel en matière de processus de qualification visant exclusivement la promotion. Il explique que ce n’est pas le cas dans le présent dossier :
Or, il appert à la lecture de la plainte de Mme Juteau que celle-ci ne vise pas le concours de promotion lui-même mais bien les actions prises par l’employeur une fois que les résultats du concours eurent été connus. Ce faisant, Mme Juteau ne cherche pas à contester la validité du concours mais bien plutôt certaines décisions prises par son employeur à la lumière des résultats de ce concours. Il s’agit donc de questions de relations de travail pour lesquelles seul l’arbitre de grief a compétence.
[11] Par ailleurs, le MTESS rappelle que la Commission « est un tribunal administratif dont la compétence est d’attribution ».
[12] Enfin, il demande à la Commission de décliner compétence pour entendre le recours de Mme Juteau.
LES MOTIFS
[13] Mme
Juteau est une fonctionnaire syndiquée. Elle ne peut donc déposer à la
Commission un appel en vertu de l’article
[14] En effet, ces dispositions prévoient que ces recours sont réservés aux fonctionnaires non syndiqués. La Commission a d’ailleurs rendu de nombreuses décisions en ce sens[4].
[15] Le
seul recours pour lequel la Commission a compétence pour entendre un
fonctionnaire syndiqué est un appel concernant un processus de qualification
visant exclusivement la promotion, en vertu de l’article
35. Un candidat peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique s’il estime que la procédure utilisée pour son admission ou pour son évaluation dans le cadre d’un processus de qualification visant exclusivement la promotion a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité. […]
[16] À la lecture du recours déposé par Mme Juteau, la Commission constate que celui-ci ne vise manifestement pas « la procédure utilisée pour son admission ou pour son évaluation dans le cadre d’un processus de qualification visant exclusivement la promotion ».
[17] Dans
une affaire semblable[5],
la Commission avait décliné compétence pour entendre le recours d’un fonctionnaire
syndiqué qui avait déposé un appel, en vertu de l’article
[15] M. Potvin ne
peut non plus prétendre à un recours devant la Commission en vertu des articles
[16] En l’espèce, c’est la Convention collective des fonctionnaires 2015-2020 qui réglemente les conditions de travail de M. Potvin et les rapports entre celui-ci et son employeur, notamment ses recours en cas de litige devant un arbitre de grief. La Commission rappelle qu’elle a maintes fois décliné compétence dans le cas de recours présentés par un employé syndiqué[…].
[17] Bref, la
seule matière concernant laquelle la Commission a compétence pour entendre un
employé syndiqué est un processus de qualification visant exclusivement la
promotion, en vertu de l’article
[18] Par ailleurs, comme l’a souligné le MTESS, la Commission est un tribunal administratif qui n’a qu’une compétence d’attribution. Elle ne peut donc exercer que la compétence qui lui est attribuée expressément par le législateur, notamment dans sa loi constitutive[6] :
À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus. [...]
La portée de l’intervention du tribunal administratif et par conséquent l’étendue de sa compétence sont donc déterminées par la formulation des dispositions législatives créant le recours au tribunal. […]
Il faut donc, aussi bien en droit québécois qu’en droit fédéral, examiner avec attention le libellé de la disposition créant le recours, pour savoir quelles décisions de quelles autorités sont sujettes à recours, sur quels motifs le recours peut être fondé, sous quelles conditions - notamment de délai - il peut être introduit […].
[19] En somme, la Commission doit décliner compétence pour entendre le présent recours compte tenu de son objet et que Mme Juteau est une fonctionnaire syndiquée.
POUR CES MOTIFS, la Commission :
[20] DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre le recours de Mme Diane Juteau.
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Original signé par :
__________________________________ Mathieu Breton
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Mme Diane Juteau |
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Appelante non représentée |
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Me Jean-Christophe Bédard Rubin |
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Procureur pour le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale |
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Intimé |
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Date de la prise en délibéré : |
7 février 2017 |
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[1] RLRQ, c. F-3.1.1.
[2] Depuis le 29 mai 2015, la notion de « concours » a été remplacée par celle de « processus de qualification » en raison de l’entrée en vigueur de plusieurs articles de la Loi modifiant la Loi sur la fonction publique principalement en matière de dotation des emplois (LQ 2013, c. 25), conformément au Décret 368-2015 du 29 avril 2015.
[3] RLRQ, c. N-1.1.
[4]
Ajaba et Régie du bâtiment du Québec,
[5] Potvin et Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, préc., note 4, par. 15-17.
[6] Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale - Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421-423.
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