Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

26 juillet 2004

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

225474-03B-0401

 

Dossier CSST :

124276080

 

Commissaire :

Claude Lavigne, avocat

 

Membres :

Céline Marcoux, associations d’employeurs

 

Michel Guillemette, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Succession Camille Croteau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Société Asbestos ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR DOSSIER

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 23 janvier 2004, monsieur Pierre Létourneau, pour la succession de monsieur Camille Croteau (le travailleur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue le 15 janvier 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue initialement par la CSST le 10 juillet 2003 et déclare qu’aucune indemnité de décès ne peut être versée dans le dossier du travailleur.

[3]                Audience prévue le 2 juin 2004 à Thetford-Mines. Dans les jours précédant cette audience, le représentant de la conjointe du travailleur et la représentante de la CSST s’entendent pour demander à la Commission des lésions professionnelles de disposer de la contestation à partir des documents contenus au dossier et de leur argumentation respective. Étude du dossier effectuée ce 2 juin 2004.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le représentant de la conjointe du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le travailleur était porteur d’une amiantose au moment de son décès.

 

LES FAITS

[5]                Le travailleur, décédé le 12 août 2002 à l’âge de 88 ans, a œuvré dans l’industrie de l’amiante pour le compte de l’employeur de 1937 à 1977.

[6]                Il a été évalué une première fois par le Comité de pneumoconiose, le 19 octobre 1977. Les membres du comité, après avoir pris connaissance de toutes les données cliniques, radiologiques et physiologiques, reconnaissent qu’ils n’ont pas de signes suffisants pour poser le diagnostic d’amiantose chez le travailleur.

[7]                Dans le cadre d’une réévaluation de la condition pulmonaire du travailleur, le Comité de pneumoconiose, le 22 septembre 1978, en arrive à la même conclusion. Ainsi, ils ne reconnaissent pas d’amiantose chez le travailleur.

[8]                Il en sera de même lors des réévaluations des 28 octobre 1983 et 15 novembre 1991.

[9]                Lors de son hospitalisation, le docteur Michel Langlois, le 16 mars 2001, identifie comme diagnostic principal celui de néoplasie prostatique avec métastases osseuses costales multiples et fracture possiblement à L4. Il ajoute comme autre diagnostic celui de fracture ancienne de D12, maladie pulmonaire obstructive chronique, statut post-vagotomie, antrectomie et Billroth I, statut post-exérèse de cataracte à l’oeil droit, statut post-exérèse d’épithélioma des cordes vocales, statut post-pancréatite et statut post-ulcus gastrique.

[10]           Le 12 août 2002, le travailleur décède d’une cachexie terminale due à un cancer de la prostate.

[11]           Une autopsie est pratiquée sur la dépouille de ce dernier le 14 août 2002 par le pathologiste, le docteur Jacques Proulx. À la description microscopique au niveau pulmonaire, le docteur Jacques Proulx mentionne ce qui suit :

« POUMONS :         Les sections de poumons montrent un emphysème pulmonaire marqué avec fibrose des septas interalvéolaires correspondant à la fibrose en nids d’abeille. Dans les septas et dans les alvéoles, on retrouve une anthracose marquée avec des macrophages qui contiennent des éléments granulaires brunâtres correspondant, vraisemblablement, à des fragments de fibres d’amiante par suite de désintégration. En plus, on retrouve au niveau des bronches et des alvéoles adjacents, un infiltrat de polynucléaires représentant de la pneumonie bilatérale. »

 

[12]           Le 7 avril 2003, la conjointe du travailleur dépose à la CSST une formule « Réclamation du travailleur » où elle réfère à la description de l’événement suivant :

« Amiantose

Relation entre le décès et la MPP »

 

[13]           La CSST, après analyse des différents documents contenus au dossier du travailleur et après avoir obtenu l’opinion de son médecin régional, écrit à la conjointe du travailleur, le 10 juillet 2003, pour l’informer qu’aucune indemnité de décès ne peut lui être versée puisque le décès de son mari n’est pas en relation avec son travail, décision que cette dernière porte en révision, le 7 août 2000.

[14]           Le 15 janvier 2004, la révision administrative confirme la décision rendue par la CSST le 10 juillet 2003 et déclare qu’aucune indemnité de décès ne peut être versée dans le dossier du travailleur, dernière décision qui donne lieu à la contestation déposée à la Commission des lésions professionnelles, le 23 janvier 2004, au nom de la conjointe du travailleur.

[15]           Dans une lettre datée du 25 août 2004, devant tenir lieu et place de sa participation à l’audience, le représentant de la conjointe du travailleur soumet que lors de l’autopsie du travailleur, le pathologiste a découvert des plaques pleurales avec fibrose des septas interalvéolaires correspondant à la fibrose en nid d’abeilles. En plus, il y avait des fragments de fibre d’amiante. C’est principalement pour ces raisons qu’il croit que la CSST aurait dû reconnaître le travailleur porteur d’amiantose au moment de son décès.

[16]           Me Lucie Rondeau, représentante de la CSST, produit, quant à elle, le 27 mai 2004, son argumentation écrite où elle insiste pour dire que le travailleur est décédé d’une cachexie terminale due à un cancer de la prostate. Elle ajoute que les différents comités de pneumologues n’ont pu établir dans le passé l’existence d’une amiantose chez le travailleur et qu’au surplus, le travailleur souffrait, entre autres, d’une maladie pulmonaire obstructive chronique qui est une condition personnelle. En terminant, elle soumet que les diagnostics dont fait état le pathologiste ne peuvent, à eux seuls, révéler que le travailleur était porteur d’une amiantose.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[17]           Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis de confirmer la décision rendue par la révision administrative le 15 janvier 2004 quant au fait que la CSST n’a pas à verser dans ce dossier d’indemnités de décès.

[18]           Selon eux, la preuve médicale offerte démontre que le décès du travailleur est attribuable à une cachexie terminale due à un cancer de la prostate du travailleur, condition qui, cela va de soi, lui est personnelle.

[19]           Toutefois, ils notent que dans la réclamation du travailleur, la conjointe de ce dernier réfère également à de l’amiantose.

[20]           En aucun moment, la CSST n’a soumis le dossier aux différents comités de pneumologues afin d’analyser cette possibilité alors que, dans les faits, le rapport du pathologiste réfère à de la fibrose des septas avec éléments de fragments de fibre d’amiante.

[21]           Dans un souci de justice et d’équité, ils retourneraient le dossier à la CSST afin que cette dernière demande l’avis des différents comités sur l’existence ou non d’une amiantose chez le travailleur au moment de son décès.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[22]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la conjointe du travailleur a droit de recevoir des indemnités de décès.

[23]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) prévoit, à son article 97, le droit aux indemnités prévues à la section III intitulée « Indemnités de décès » si le travailleur décède en raison d’une lésion professionnelle.

[24]           Du dossier sous étude, la Commission des lésions professionnelles retient que le 12 août 2002, le travailleur décède à l’âge de 88 ans d’une cachexie terminale due à un cancer de la prostate.

[25]           Bien que ce dernier ait travaillé 40 ans dans l’industrie de l’amiante, rien au dossier nous permet d’établir un lien entre cette exposition à l’amiante et ce cancer de la prostate, du moins, aucun médecin n’avance cette hypothèse.

[26]           Conscient de cette réalité, le représentant de la conjointe du travailleur n’apporte aucun commentaire sur le sujet dans le cadre de son argumentation écrite du 25 mai 2004, ce dernier se contentant plutôt d’argumenter sur la reconnaissance par la CSST d’une amiantose chez le travailleur au moment de son décès.

[27]           La Commission des lésions professionnelles estime donc que la preuve dont elle dispose ne lui permet pas d’établir la relation entre le décès du travailleur et son exposition à l’amiante et, de ce fait, souscrit à la décision rendue par la CSST, le 10 juillet 2003, dernière décision elle-même confirmée par son service de révision administrative le 15 janvier 2004.

[28]           Par ailleurs, la révision administrative, sans disposer de façon formelle de l’admissibilité de la réclamation pour maladie professionnelle, s’exprime comme suit :

« (...)

 

Les lésions pulmonaires peuvent être d’origine variée et comme le travailleur n’a pas été reconnu porteur d’amiantose avant son décès, la CSST ne peut établir que sa condition pulmonaire était reliée à une maladie professionnelle. De plus, il n’y a aucun rapport médical faisant état d’un diagnostic de maladie professionnelle pulmonaire.

 

(...)

 

[29]           Contrairement à la révision administrative, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’elle ne peut, à ce stade-ci, apprécier l’existence ou non d’une maladie professionnelle pulmonaire chez le travailleur au moment de ce décès, cette matière étant assujettie à une procédure particulière en matière médicale que l’on retrouve aux articles 226 à 233 de la loi.

[30]           Cependant, compte tenu que le travailleur a œuvré dans l’industrie de l’amiante pendant 40 ans et qu’au moment de son décès, il était porteur de fibrose de septas interalvéolaires correspondant à la fibrose en nid d’abeilles avec présence de fragments de fibre d’amiante, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST aurait dû demander l’opinion des différents comités de maladie professionnelle pulmonaire sur l’existence ou non d’une amiantose chez le travailleur au moment de son décès.

[31]           Dans un souci de justice et d’équité, la Commission des lésions professionnelles retourne tout simplement le dossier à la CSST afin qu’elle s’exécute et demande aux différents comités de maladie professionnelle pulmonaire d’établir ou non l’existence d’une amiantose chez le travailleur au moment de son décès.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE, en partie, la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 23 janvier 2004 au nom de la conjointe de monsieur Camille Croteau (le travailleur);

CONFIRME la décision rendue le 15 janvier 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le décès du travailleur n’est pas dû à son exposition prolongée dans l’industrie de l’amiante;

DÉCLARE qu’aucune indemnité de décès ne peut être versée dans ce dossier;

DÉCLARE également que la CSST se devait d’analyser la réclamation produite par la conjointe du travailleur en regard de l’existence ou non d’une amiantose chez ce dernier au moment de son décès;

RETOURNE le dossier à la CSST afin qu’elle achemine aux différents comités de maladie professionnelle pulmonaire le dossier pour qu’ils se prononcent sur l’existence ou non d’une maladie professionnelle pulmonaire  chez le travailleur au moment de son décès.

 

 

__________________________________

 

Me Claude Lavigne

 

Commissaire

 

 

M. Louis Proulx

C.S.N.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Lucie Rondeau

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.