Décision

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Section des affaires sociales

Section des affaires sociales

En matière d'indemnisation (Assurance automobile)

 

 

Date :           19 février 2003

 

 

Dossier : SAS-M-003046-9706  (AA-64195)

 

 

Membres du Tribunal :

Pierre LeBlanc, médecin

Hélène Gouin, avocate

 

 

N… J…

 

Partie requérante

 

c.

 

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

 

Partie intimée

 

 

 

 

 

 

 

 


DÉCISION

En matière d'indemnisation (Assurance automobile)

 

OPINION DE ME HÉLÈNE GOUIN

[1]                    La requérante conteste la décision en révision de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec, datée du 10 juin 1997, la reconnaissant capable d’exercer l’emploi de réceptionniste à temps partiel, lui déterminant un revenu de 7 831,50$ et lui déterminant une rente résiduelle de 796,85$ aux 14 jours[1].

[2]                    Le 28 janvier 1992, la requérante est victime d’un accident d’automobile.

[3]                    Le 26 septembre 1996, l’intimée rend sa décision de première instance déclarant la requérante capable d’exercer un emploi de réceptionniste à temps partiel à compter du 25 septembre 1996, avec pleine indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 25 septembre 1997 mais au montant de 796,85$ par deux semaines à compter du 26 septembre 1997.

[4]                    Le 11 décembre 1996, la Commission des affaires sociales rend une décision concernant les séquelles permanentes reliées à l’accident d’automobile. Elle fixe les séquelles permanentes comme suit :

«       - séquelles psychiatriques :                                  3%

- atrophie de la cuisse gauche :                           2%

- diminution des mouvements

- de la hanche gauche :                                         3%

- syndrome fémoro-patellaire :                             1%

- atteinte du nerf fémoro-cutané :                          4%

- disjonction pubienne mineure :                         1%

- préjudice esthétique au membre

 inférieur gauche :                                                   8%»

[5]                    La requérante demande au Tribunal administratif du Québec de reconnaître qu’elle n’est plus capable d’exercer tout emploi à la suite de son accident d’automobile.

[6]                    Après avoir analysé l’ensemble de la preuve, la soussignée conclut que le pourvoi doit être accueilli.

[7]                    Au moment de l’accident d’automobile, la requérante est agente de service correctionnel. Elle tente de retourner à cet emploi en 1993 mais doit quitter puisque ces tâches ne respectent pas ses limitations fonctionnelles reliées à l’accident d’automobile.

[8]                    Plusieurs médecins ont émis des restrictions fonctionnelles. Le 24 février 1993, le docteur Raymond Gautreau, chirurgien orthopédiste, écrit que la requérante peut faire un travail sédentaire «où elle aura l’occasion de s’asseoir souvent, de marcher peu, de ne pas monter d’escaliers de façon fréquente».

[9]                    Le 4 mars 1994, le docteur Jean-Guy Lafortune, chirurgien orthopédiste, écrit :

«La victime ne peut effectuer un travail en station debout continuelle. Elle peut faire un travail assise avec capacité de se lever à toutes les demi-heures pour diminuer la douleur si elle apparaît. Elle ne peut soulever d’objets de plus de 5 kg. Elle ne peut pousser des chariots. »

[10]                Le 18 août 1994, le docteur Gilles R. Tremblay, chirurgien orthopédiste, écrit :

«En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles de [la requérante], celle-ci va être de façon permanente réduite à des activités sédentaires avec possibilité de se lever à volonté et avec un horaire à demi-temps, c’est-à-dire 20 heures par semaine réparties sur cinq jours pour éviter l’augmentation des symptômes causés par la période prolongée sans repos en position étendue.

De plus, les limitations fonctionnelles devraient inclure de ne pas avoir à circuler à plus de 5 à 7 km du domicile ou à faire des voyages en voiture pour se rendre au travail de plus de 10 minutes car ceci implique une position statique assise avec des vibrations, ce qui va nécessairement augmenter les symptômes de [la requérante] et la rendre moins productrice.

De plus, les activités devront permettre à [la requérante] d’utiliser une canne en tout temps pour ses déplacements. »

[11]                Dans son expertise du 20 septembre 1994, le docteur Lionel Béliveau, psychiatre, émet des restrictions fonctionnelles temporaires qu’il décrit ainsi :

«[…] mais on devra tenir compte de ce que [la requérante] présente actuellement comme limitations fonctionnelles sur le plan psychique, à tout le moins temporaires, une incapacité de faire un travail exigeant une bonne capacité d’adaptation au stress, une bonne capacité de concentration et une bonne tolérance à la frustration. (…). »

[12]                Le 20 janvier 1995, le docteur Paul-André Lafleur, psychiatre, conclut à un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et dépressive. Il se dit d’accord avec le docteur Béliveau concernant le retour de la requérante à un travail ne la soumettant pas à des situations anxiogènes.

[13]                Le 25 janvier 1995, le docteur Gilbert Thiffault, chirurgien orthopédiste, émet les restrictions suivantes :

«Nous croyons que cette patiente pourrait exercer un emploi rémunérateur mais à temps partiel. En effet, le travail de téléphoniste pourrait lui convenir à raison de trois demi-journées par semaine au début et après un mois, en augmentant à trois jours par semaine.

RESTRICTIONS À TOUT EMPLOI :

Cette patiente devra pouvoir se lever et s’asseoir à sa convenance lorsqu’elle présentera de douleurs au niveau de l’hémi-bassin gauche. Elle devra éviter les marches prolongées par ailleurs et elle devra éviter les escaliers également. Elle devra éviter les flexions et torsions répétées du membre inférieur gauche.»

[14]                Il est à noter que l’intimée demandait au docteur Thiffault de se prononcer sur l’évaluation en ergothérapie faite par l’Hôpital juif de réhabilitation en 1994 et sur laquelle la soussignée reviendra plus loin. Le docteur Thiffault la mentionne mais n’en discute pas dans son expertise.

[15]                Le Tribunal note que le docteur Gilles R. Tremblay, chirurgien orthopédiste, discute des radiographies. Il écrit :

«       Des radiographies initiales de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont démontrent une fracture des deux colonne du bassin gauche avec fracture du rameau pubien supérieur gauche et diastasis de la symphyse pubienne.

         Les radiographies post-opératoires démontrent une réduction anatomique du bassin au niveau du cotyle mais avec un chevauchement du rameau pubien supérieur gauche et un diastasis de la symphyse pubienne avec surélévation de la portion droite de la symphyse et érosion de la portion droite de la symphyse.»

[16]                Le docteur Tremblay maintient cette position dans sa lettre du 23 mars 1995 qui précise qu’il a personnellement examiné les radiographies en question.

[17]                Tous les médecins reconnaissent donc que la requérante est porteuse de restrictions fonctionnelles qui la limitent dans ses capacités à retourner à un emploi. Aucun des médecins ne met en doute les douleurs de la requérante qui sont décrites dans les diverses expertises et que la requérante a exprimées lors de son témoignage.

[18]                De plus le docteur Daniel Gendron, neurologue, écrit dans son protocole du 9 août 1994, que «most of the pain that the patient experiences is, however, more related to the pelvis and hip deformity secondary to the fracture».

[19]                Une fois les limitations fonctionnelles émises, il s’agit de savoir quel genre d’emploi la requérante pourrait détenir. À cette fin, l’intimée demande une expertise au Service d'ergothérapie de l'Hôpital juif de réadaptation.

[20]                Cette étude est faite par madame Patricia Piché et s’étend du 8 septembre 1994 au 30 septembre 1994.  L'intimée demande un rapport d'évaluation des capacités de travail résiduelles.  Elle demande également de préciser les restrictions au travail ainsi que la capacité de la requérante à effectuer un travail à temps plein ou à temps partiel et enfin elle demande de recommander des aides techniques, s'il y a lieu.

[21]                Après cette étude faite sur une période de 22 jours, l’ergothérapeute conclut :

«CONCLUSION

Les résultats de l’évaluation que nous avons faite nous permettent de nous prononcer sur l’incapacité de [la requérante] à occuper tout emploi à caractère productif et ce, même à demi-temps; les facteurs limitants principaux étant la diminution significative au niveau de son endurance et la présence continuelle de la symptomalogie douloureuse. madame doit constamment varier sa posture afin de tenter de la contrôler (à toutes les cinq minutes), interrompant par le fait même son travail. Nous notons, de plus, une diminution significative de sa vitesse d’exécution ainsi que de sa qualité de production avec l’apparition de la fatigue et l’augmentation de la douleur.» (sic)

(nos emphases)

[22]                La requérante est évaluée une deuxième fois en 1997 à la demande de son procureur. L’expertise de M. Claude Bougie, ergothérapeute, est déposée au dossier du Tribunal et il a témoigné lors de l’audience.

[23]                Monsieur Bougie travaille depuis une vingtaine d’années à titre d’ergothérapeute. Il fait régulièrement des expertises tant pour l’intimée que pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin de déterminer les capacités de travail d’une victime d’un accident de travail ou d’automobile.

[24]                L’évaluation de monsieur Bougie s’est faite sur deux jours en 1997. Dans ses conclusions, on peut lire :

«En réponse à vos questions, nous pourrions décrire le bilan fonctionnel de Mme [la requérante] comme étant très limité.

Madame, malgré une apparence soignée, a très peu de tolérance fonctionnelle à tout effort. La douleur occupe encore une part importante de son mode de fonctionnement et la limite dans ses performances, tant personnelles que professionnelles. Elle demeure fragile émotivement et, tel que mentionné précédemment, le deuil est toujours en cours mais non résolu.

Un tel tableau fonctionnel nous permet de conclure sans hésitation que Mme [la requérante] ne possède pas les capacités fonctionnelles pour faire un emploi sédentaire, même à temps partiel. De plus, elle a pu se confronter à ses capacités chez son employeur, d’abord à son emploi régulier, puis à un travail de réceptionniste et, tout récemment, comme réceptionniste sur des périodes d’une heure et demie, toujours en vain. La douleur s’intensifie de plus en plus et l’empêche de poursuivre ses activités.

Nous ajouterions qu’elle est incapable de faire tout emploi rémunérateur.

Nos observations se superposent, à quelques observations près, de celles de Mme Piché, ergothérapeute qui a complété une évaluation des capacités fonctionnelles de travail de Madame à la demande de la [intimée] au mois d’octobre 1994. Pour les mêmes motifs, nous reconduisons les conclusions à savoir que Madame est incapable d’occuper tout emploi, et non seulement d’ordre productif, en raison de la diminution significative du niveau d’endurance et de la présence continuelle d’une symptomatologie douloureuse.

Considérant le peu de tolérance, considérant la persistance des douleurs, considérant les limites de Madame pour se déplacer en véhicule, considérant la performance lors de cette évaluation, nous concluons que l’ensemble des facteurs contribue à confirmer l’incapacité de Madame à occuper un emploi de réceptionniste à temps partiel et tout autre emploi même à temps partiel.»

[25]                La soussignée constate donc que les médecins émettent des restrictions fonctionnelles qui retranscrites dans un milieu de travail amènent la conclusion qu’il est impossible pour la requérante de détenir un emploi de réceptionniste à temps partiel, tel que présumé par l’intimée.

[26]                Cette constatation n’est pas purement théorique puisque la requérante a effectivement tenté de travailler à temps partiel à titre de réceptionniste chez son employeur mais l’expérience fut un échec, tel qu’établi tant par le témoignage de la requérante que par la lettre de son Chef d’unité datée du 27 avril 1996.

[27]                La soussignée considère qu'un ergothérapeute connaît beaucoup plus les exigences d'un emploi, comme celui de réceptionniste, qu'un médecin, qu'il soit un spécialiste ou non.

[28]                Dans le présent dossier, deux ergothérapeutes se sont penchés sur les capacités de travail de la requérante et les deux concluent à l’inexistence d’un emploi, même à temps partiel, qui pourrait convenir à la requérante à cause des séquelles permanentes reliées à l’accident d’automobile.

[29]                Les capacités physiques de la requérante lui permettent peut-être, en théorie, de détenir un emploi à temps partiel, tel que les conclusions des médecins, mais lorsque les exigences des emplois existants sont soumises à la requérante, l’incapacité se manifeste.

[30]                De plus, la soussignée constate que l’emploi de réceptionniste exige le maintien de la position assise sur de longues périodes tel qu’établi par le Système Repères (Pièce R-3 et R-4). La même observation s’applique au deuxième emploi de téléphoniste émis par l’agent de l’intimée. Cette caractéristique de ces emplois va directement à l’encontre des restrictions fonctionnelles émises par les médecins.

[31]                Dans son plaidoyer écrit, le procureur de l'intimée mentionne que la conclusion d'incapacité de madame Piché, ergothérapeute, ne peut être retenue puisqu'elle appuie «sa conclusion d'incapacité à tout emploi sur des critères subjectifs, tels l'endurance et la symptomatologie douloureuse.  Ces critères ne sont pas admis puisque la capacité de travailler doit s'appuyer sur une preuve médicale objective»[2].  C'est à se demander pourquoi l'intimée prend la peine de demander une opinion d'un expert si c'est pour conclure que les conclusions n'ont aucune valeur.

[32]                Il est fréquent, en matière d'indemnisation, que l'intimée se serve d'expertises en ergothérapie afin de déterminer quel genre d'emploi une victime est capable d'occuper.  Selon la plaidoirie de l'intimée, un tribunal ne pourrait se servir de telle expertise en ergothérapie que lorsqu'elle conclut à la capacité d'une victime d'occuper un emploi plutôt qu'un autre mais si une expertise en ergothérapie conclut à l'incapacité totale, il faut la mettre de côté puisqu'elle devient purement subjective!

[33]                La soussignée ne peut souscrire à cette position.

[34]                La soussignée conclut donc à la prépondérance de l'opinion des ergothérapeutes dans les circonstances du présent dossier.

[35]                La soussignée ajoute que dans le présent dossier, l'intimée n'a fait aucune preuve concernant la disponibilité de l'emploi présumé dans la région où réside la requérante, le tout contrairement à l'article 48 de la loi.

[36]                Il faut se souvenir qu'une des restrictions fonctionnelles émises par le docteur Gilles R. Tremblay et confirmée par le docteur Gilbert Thiffault, l'expert de l'intimée, concerne l'utilisation limitée d'une automobile.

[37]                POUR CES MOTIFS, LA SOUSSIGNÉE:

ACCUEILLE le pourvoi;

DÉCLARE que la requérante est incapable d'occuper tout emploi;

ORDONNE à l'intimée de reprendre le versement de la pleine indemnité de remplacement du revenu à compter du 26 septembre 1997;

ORDONNE à l'intimée de verser à la requérante les intérêts conformément à loi.

(s) Hélène Gouin

HÉLÈNE GOUIN

 

 

 

 


OPINION DU DOCTEUR PIERRE LEBLANC

[38]                Avec respect pour ma collègue, je ne peux partager les motifs qu'elle a exprimés pour rendre sa décision.  Notamment, lorsqu'elle conclut à la prépondérance de l'opinion des ergothérapeutes à l'encontre de l'opinion unanime de tous les experts médicaux qui se sont prononcés dans ce dossier.  Au contraire, le soussigné juge prépondérante l'opinion exprimée par tous les médecins experts qui estiment que la requérante a une capacité résiduelle de travail et peut exercer un travail sédentaire, pour le moins, à temps partiel.

[39]                Après étude de toute la preuve soumise et avoir entendu le témoignage de la requérante ainsi que celui de monsieur Claude Bougie, ergothérapeute, le soussigné estime que la requérante est capable d'exercer l'emploi de réceptionniste à temps partiel à compter du 25 septembre 1996. 

[40]                Plus précisément dans ce dossier, le Tribunal doit décider si la requérante présente un syndrome douloureux chronique intolérable (intractable) qui la rend inapte à occuper tout emploi, même à temps partiel.

[41]                Le soussigné reconnaît que la requérante est porteuse d'un taux de déficit anatomo-physiologique et de préjudice esthétique majeur de 22%, confirmé par une décision de la Commission des affaires sociales du 11 décembre 1996.  Ce taux est basé sur l'opinion médicale de quatre orthopédistes et deux psychiatres.  Tous ces médecins experts se sont prononcés au dossier.  Après examen, ils estiment que la requérante a une capacité résiduelle et peut exercer un travail sédentaire pour le moins à temps partiel, soit les orthopédistes Raymond Gaudreau, le 24 février 1993, Luc Lafontaine, le 4 mars 1994, Gilles R. Tremblay, le 18 août 1994, et Gilbert Thiffault, le 25 juin 1995.  Deux psychiatres, les docteurs Lionel Béliveau, le 20 septembre 1994, ainsi que Paul-André Lafleur, le 20 janvier 1995, ont considéré la requérante apte à exercer un travail qui permet d'éviter les situations anxiogènes.

Rôle des médecins experts et des ergothérapeutes

[42]                Le soussigné estime devoir préciser le rôle des médecins experts et celui de l'ergothérapeute.

[43]                Selon le dictionnaire, le Nouveau Petit Robert, 1996 (page 807) :

Ergothérapeute :

«Traitement de rééducation des infirmes, des invalides et des malades mentaux par un travail physique, manuel, adapté à leurs possibilités et leur permettant de se réinsérer dans la vie sociale».

[44]                Selon le Dictionnaire de Médecine Flammarion, 1998 (page 331) :

Ergonomie :

«Discipline scientifique étudiant l'adaptation du travail à l'homme, grâce à des études pluridisciplinaires qui associent notamment la physiologie et la psychologie du travail.  Son but est de modifier les outils de travail ou l'organisation des tâches, de manière à les adapter aux capacités de l'individu».

[45]                Le soussigné estime que l'expertise de l'ergonome et de l'ergothérapeute n'est pas l'évaluation de la capacité de travail d'un individu, mais consiste pour l'ergonome dans l'adaptation du poste de travail d'un travailleur tenant compte de ses limitations fonctionnelles.  L'ergothérapeute vise à la rééducation par un travail physique adapté aux possibilités de l'individu pour permettre sa réinsertion dans la vie sociale.

[46]                Notamment, à l'instar des experts médicaux au dossier, monsieur Claude Bougie, en contre-interrogatoire, reconnaît que la requérante demeure avec une capacité résiduelle de travail.  Par ailleurs, cet ergothérapeute conclut que la requérante est incapable d'occuper tout emploi, et non seulement d'ordre productif, en raison de la diminution significative du niveau d'endurance et de la présence continuelle d'une symptomatologie douloureuse.

[47]                Le taux de déficit anatomo-physiologique physique et psychique doit être déterminé médicalement.  Il en va de même pour les limitations fonctionnelles.

[48]                Le soussigné a étudié le rapport de l'ergothérapeute, Patricia Piché, du 17 octobre 1994.  Dans ce dossier, l'ergothérapeute écrit :

«[…]

BILAN PHYSIQUE

[…]

Au niveau du tronc, toutes les amplitudes sont limitées.  Les déficits les plus importants se retrouvent au niveau de la flexion antérieure, de la flexion latérale gauche et de la rotation vers la gauche.

[…]

La requérante est incapable de marcher sur la pointe des pieds ou sur les talons.»

[49]                Quant à la force de préhension au niveau des mains, elle écrit :

«[…] 32,4 Kg à droite et de 27,6 Kg à gauche.  Pour la pince latérale, nous avons mesuré 7,4 Kg à droite comme à gauche, tandis que pour le pince pouce-index, on retrouve 3,1 Kg à droite et 2,8 Kg à gauche.»

[50]                Étonnamment, monsieur Bougie, également ergothérapeute, note à son examen, le 14 août 1997, une force de préhension diminuée au membre supérieur gauche (8 kg) comparativement au côté droit (15 kg).

[51]                Le soussigné tient à noter qu'il n'y a eu aucune lésion ni séquelle reconnue pour une blessure au niveau des membres supérieurs en relation avec l'accident du 28 janvier 1992.

[52]                Madame Piché, en conclusion après son examen, dans son rapport du 17 octobre 1994, conclut :

«[…] les facteurs limitants principaux étant la diminution significative au niveau de l'endurance et la présence continuelle de la symptomatologie douloureuse.»

[53]                De façon similaire, monsieur Bougie, dans son rapport du 14 août 1997, écrit :

«[…]  La douleur occupe encore une part importante de son mode de fonctionnement et la limite dans ses performances, tant personnelles que professionnelles.»

[54]                Ce thérapeute partage les mêmes motifs que madame Piché pour conclure à l'incapacité de la requérante d'occuper tout emploi.

[55]                Le soussigné ne peut retenir ces déficits physiques décrits par les ergothérapeutes.  Le taux de déficit anatomo-physiologique (musculo-squelettique) doit être déterminé médicalement.  L'examen des orthopédistes est prépondérant puisqu'il relève de leur expertise.  Ainsi, l'examen physique de l'orthopédiste, le docteur Raymond M. Gautreau, le 14 février 1994, démontre des mouvements de la charnière lombo-sacrée d'une amplitude normale, soit une flexion antérieure à 90°, une extension à 30° et des mouvements de rotation et de latéralité à 30°.  Ce médecin note par ailleurs que «la patiente circule difficilement sur la pointe des pieds, mais circule aisément sur les talons.»  Il note également une certaine limitation lors de la position accroupie relativement à une douleur au niveau du genou gauche.

[56]                Le soussigné estime que des ergothérapeutes s'appuient sur des prémisses fausses quant à leurs conclusions sur la capacité de travail relativement au déficit des séquelles musculo-squelettiques.

Syndrome douloureux chronique intraitable (intractable)

[57]                Le soussigné reconnaît que dans l'exercice de la pratique médicale, il faut croire son patient.  Par ailleurs, la douleur est un phénomène subjectif, très variable, reliée au seuil de tolérance.  Chez la requérante, le soussigné estime qu'il n'y a aucune lésion organique qui permette de confirmer qu'elle présente un syndrome douloureux chronique intraitable, qui la rend incapable de tout travail rémunérateur.  Notamment, il n'y a aucun diagnostic médical de lésion organique telle une causalgie ou une dystrophie réflexe sympathique ou une arthrose progressive de la hanche qui puisse confirmer la présence d'un tel syndrome douloureux.  Il n'y a également aucune preuve médicale de la présence chez la requérante d'un syndrome somatoforme douloureux (non intentionnel).

[58]                Il n'y a aucun élément objectif qui permette de soutenir la présence d'un syndrome douloureux progressif chez la requérante.

[59]                Dès le 22 mai 1992, des radiographies de contrôle du bassin montrent selon le rapport du docteur Jean-Pierre Jean, radiologue :

«Les fractures de l'aile iliaque gauche ainsi que de la colonne antérieure et du cotyle m'apparaissent consolidées.  La fracture ischio-pubienne est consolidée.  La position des fragments est normale.»

[60]                Ces constatations confirment une évolution normale non une détérioration soit par arthrose ou non consolidation des fractures.

[61]                Par ailleurs, l'étude du dossier révèle que dès le 7 décembre 1992, le docteur Alain Roy, orthopédiste traitant, écrit :

«Allégation de douleur que l'on explique mal!»

[62]                Ce médecin suggère une «expertise par SAAQ - re : Retour au travail».

[63]                Le 4 octobre 1993, ce médecin traitant écrit au dossier :

«[…]

Va très bien            f canne

                                 f boiterie

                                 f douleur»

[64]                Quant aux radiographies, ce médecin note :

«Fx (fracture) consolidée anatomique
espace articulaire N (normale)»

[65]                Il suggère un retour au travail le 15 octobre 1993 avec restriction.

[66]                Le soussigné estime que l'aggravation du syndrome douloureux décrit par la requérante n'est pas confirmée par la documentation médicale au dossier.

Disjonction pubienne majeure

[67]                Cette lésion n'est pas mise en évidence par les rapports radiologiques au dossier.  Ceci a été confirmé dans la décision de la Commission des affaires sociales du 11 décembre 1996 où l'on note :

«[…]  Il serait donc surprenant que l'appelante soit porteuse d'une disjonction pubienne majeure en l'absence de déformation radiologique qui aurait échappé à tous les radiologistes.»

[68]                Même si dans cette décision, la Commission des affaires sociales a reconnu un taux de déficit anatomo-physiologique de 1% pour disjonction pubienne mineure, ce pourcentage a été accordé uniquement sur la foi du rapport du docteur Tremblay du 18 août 1994 où il écrit :

«Il y a une douleur importante à la palpation de la symphyse pubienne avec un craquement palpable au niveau de la symphyse lorsque celle-ci est mobilisée.»

[69]                La possibilité de mouvements au niveau de la symphyse pubienne n'est pas démontrée médicalement.

Syndrome fémoro-patellaire

[70]                Il va de soi que ce syndrome n'entraîne pas une incapacité à tout travail, ni ne cause chez la requérante un syndrome douloureux intraitable.  Le soussigné constate qu'un taux de déficit anatomo-physiologique de 4% a été accordé pour une atteinte sensitive (classe 3), soit pour une anesthésie, perte de sensibilité.  Or, cette anesthésie n'est pas complète selon tous les examens d'experts au dossier, incluant le docteur Tremblay.  Il est reconnu médicalement par la majorité qu'aucun médecin, peu importe sa  compétence, procédera à une étude de double discrimination dans un territoire nerveux anesthésié, à cause de l'impossibilité, a priori, de distinguer entre deux pointes d'aiguilles, lors du toucher simultané.

[71]                À la demande du Tribunal, le soussigné a pu observer la démarche de la requérante.  Elle marche lentement, de façon pathétique, en maintenant une position en flexion antérieure.  Elle longe le mur comme pour se tenir.  Il n'y a au dossier aucune explication médicale quant à cette aggravation vers une telle détérioration de la marche.

[72]                Monsieur Bougie, ergothérapeute, lors de son témoignage, reconnaît en contre-interrogatoire que la symptomatologie de la requérante est subjective.  Il affirme qu'elle ne peut demeurer assise plus longtemps que 15 minutes, parce qu'il a constaté durant son examen que la requérante se lève régulièrement.  Constatation qui a par ailleurs, selon lui, été vérifiée par plusieurs autres intervenants durant l'observation au bureau.  Le soussigné ne peut suivre un tel raisonnement parce qu'il n'a pas la rigueur d'un syllogisme.  Il manque les deux prémisses essentielles, la majeure et la mineure, pour permettre une telle conclusion.  Pour ce faire, il faut, dans un premier temps, confirmer la présence chez la requérante d'un diagnostic d'une lésion qui, en position assise, entraîne un syndrome douloureux intraitable, confirmant la nécessité de changer de position.  L'absence d'une telle lésion a été démontrée ci-dessus.

[73]                Notamment, il n'y a aucune atteinte physique des membres supérieurs en relation avec l'accident du 28 janvier 1992 expliquant la difficulté de la requérante d'utiliser ses membres supérieurs, tel que soutenu par les ergothérapeutes lors de leur évaluation;

[74]                Considérant que le seul témoignage de la requérante quant à la présence d'un syndrome douloureux persistant n'est pas suffisant pour relever son fardeau de preuve selon la règle de prépondérance;

[75]                Considérant par ailleurs l'absence d'une confirmation d'un syndrome douloureux somatoforme (non intentionnel);

[76]                Le soussigné ne peut que confirmer la décision du Bureau de révision de l'intimée du 10 juin 1997 et déclare que le 26 septembre 1996 la requérante était capable d'exercer un emploi de réceptionniste à temps partiel.

[77]                POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :

-             REJETTE le recours.

(s) Pierre LeBlanc

PIERRE LEBLANC, m.d., f.r.c.s. (c)
Neurochirurgien


OPINION DE ME YVES LAFONTAINE

[78]                Les faits suivants expliquent pourquoi le soussigné est appelé à se prononcer sur la contestation entreprise par la requérante en relation avec la décision en révision rendue par l’intimée le 10 juin 1997.

[79]                Cette décision entérinait la décision d’un agent reconnaissant la requérante capable d’exercer l’emploi de réceptionniste à temps partiel à compter du 25 septembre 1996, avec pleine indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 25 septembre 1997. À compter du 26 septembre 1997, la rente résiduelle à être payée était établie à 796,85 $.

[80]                Suite à l’audition tenue le 22 septembre 1998 portant sur la contes­tation de la décision en révision, les membres du Tribunal émettent des opinion divergentes.

[81]                Cette divergence d'opinions amène donc Me Marguerite Lamarre, vice-présidente à la Section des affaires sociales, à en informer les procureurs des parties en mars 1999. S'appuyant sur le second alinéa de l'article 145 de la Loi sur la justice administrative[3], elle les avise que la question lui est déférée afin qu'elle en décide et, tout en leur transmettant une copie des opinions, elle les invite à formuler leurs commentaires.

[82]                Par la suite, soit le 18 mars 1999, la requérante adresse au président du Tribunal une demande de récusation de Me Lamarre. Il ressort du dossier du Tribunal que ce dernier en informa Me Lamarre qui lui fit part de son refus de se récuser.

[83]                Le 23 juillet 1999, Me François T. Tremblay, désigné pour entendre la requête en récusation, la rejette.

[84]                Le 29 octobre 1999, Me Marguerite Lamarre rend une opinion qui tranche la divergence entre les collègues, en rejetant la contestation de la requérante.

[85]                Le 29 novembre 1999, le procureur de la requérante signe une requête en révision judiciaire (article  846 C.p.c.) adressée à un juge de la Cour supérieure. Le but recherché est d’annuler la décision du Tribunal du 29 octobre 1999 et de retourner le dossier au Tribunal administratif du Québec pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

[86]                Le 24 mars 2000, l’honorable Daniel H. Tingley, juge à la Cour supérieure, annule l’opinion de Me Lamarre et retourne le dossier au président du Tribunal, comme mentionné au deuxième alinéa de l’article 145 de la Loi sur la justice administrative, pour qu’il désigne un membre pour en décider suivant la loi.

              Le juge estime qu’avant de rendre son opinion décisionnelle, la vice-présidente aurait dû entendre la requérante et l’ergothérapeute Bougie. Ces témoignages n’avaient pas été enregistrés à l’audience du 22 septembre 1998.

[87]                Le soussigné est désigné par le président, à la place de Me Lamarre, et convoque les parties aux fins d’entendre la requérante et l’ergothérapeute Bougie.

[88]                Le 28 septembre 2000, le procureur de la requérante adresse au soussigné une lettre aux fins de permettre la production d’un rapport complémentaire de Dr Gilles Roger Tremblay.

[89]                Le 25 janvier 2001, après avoir entendu les parties, le soussigné refusait d’accepter en preuve le rapport complémentaire de Dr Tremblay du 6 octobre 2000. Il convoquait à nouveau les parties pour procéder à entendre les témoignages de la requérante et de l’ergothérapeute Bougie et acceptait qu’à cette occasion les parties puissent faire état de la jurisprudence récente.

[90]                Le procureur de la requérante présente alors à Me Hélène Gouin une requête pour réouverture d’enquête pour produire le même rapport complémentaire de Dr Tremblay.

[91]                Cette requête est rejetée le 25 juillet 2001, le Tribunal ayant épuisé sa juridiction.

[92]                Ce n’est que le 26 novembre 2002 que le soussigné a entendu les parties, l’audience ayant été remise suite à la maladie de la requérante et à une tentative de conciliation.

[93]                Le soussigné doit déterminer si le 25 septembre 1996, la requérante était capable d’exercer l’emploi de réceptionniste ou de téléphoniste à temps partiel.

[94]                Les articles suivants de la Loi sur l’assurance automobile[4] guident le Tribunal dans son appréciation des faits mis en preuve :

« 46.    À compter de la troisième année de la date de l'accident, la Société peut déterminer un emploi à une victime capable de travailler mais qui, en raison de l'accident, est devenue incapable d'exercer l'un des emplois suivants:

  1°       celui qu'elle exerçait lors de l'accident, visé à l'un des articles 14 et 16;

  2°       celui visé à l'article 17;

  3°       celui que la Société lui a déterminé à compter du cent quatre-vingt-unième jour qui suit l'accident conformément à l'article 45.

48.       Lorsque la Société détermine un emploi dans l'un des cas visés aux articles 46 et 47, elle doit tenir compte, outre les normes et modalités prévues par règlement, des facteurs suivants:

  1°       la formation, l'expérience de travail et les capacités physiques et intellectuelles de la victime au moment où la Société décide de lui déterminer un emploi en vertu de cet article;

  2°       s'il y a lieu, les connaissances et habiletés acquises par la victime dans le cadre d'un programme de réadaptation approuvé par la Société.

  Il doit s'agir d'un emploi normalement disponible dans la région où réside la victime et que celle-ci peut exercer habituellement, à temps plein ou, à défaut, à temps partiel.

« 49.    Une victime cesse d’avoir droit à l’indemnité de remplacement du revenu :

    1o       lorsqu’elle devient capable d’exercer l’emploi qu’elle exerçait lors de l’accident;

    2o       lorsqu’elle devient capable d’exercer l’emploi qu’elle aurait exercé lors de l’accident, n’eût été de circonstances particulières;

    3o     lorsqu’elle devient capable d’exercer l’emploi que la Société lui a déterminé conformément à l’article 45;

    4o     un an après être devenu capable d’exercer un emploi que la Solidarité lui a déterminé conformément à l’article 46 ou à l’article 47;

    4.1o   lorsqu’elle exerce un emploi lui procurant un revenu brut égal ou supérieur à celui à partir duquel la Société a calculé l’indemnité de remplacement du revenu;

    5o       au moment fixé par une disposition de la section I du présent chapitre qui diffère de ceux prévus aux paragraphes 1o à 4o;

    6o     à son décès. »

[95]                Avant de décider si l’emploi désigné correspond aux capacités de la requérante, il convient de déterminer si la requérante possède une capacité résiduelle vis-à-vis l’exercice d’un emploi quel qu’il soit, à temps plein ou à temps partiel.

[96]                Pour ce faire, le soussigné tient compte des séquelles établies par les médecins. Elles ont fait l’objet de la décision du Tribunal (la Commission des affaires sociales) du 11 décembre 1996. On les retrouve au paragraphe 4 de la présente décision.

[97]                La preuve médicale unanime est à l’effet que, depuis le 26 septembre 1996, les limitations observées chez la requérante ne la rendent pas incapable d’exercer tout emploi.

[98]                Dès le 7 décembre 1992, le chirurgien orthopédiste traitant, Dr Alain Roy écrit :

« Allégation de douleur que l'on explique mal!

Se plaint de faiblesse musculaire mais elle n'a pas d'atrophie.

ROM [amplitude de mouvement] gauche (N) [normale] sauf diminution légère de rotation interne.

A eu congé de la physio re plateau atteint et stable depuis 2 mois.

Plan: suggérons expertise par S.A.A.Q. re retour au travail et nécessité de RX [traitements]. »

[99]                Dr Roy réexamine la requérante le 4 octobre 1993, rapporte qu'elle va bien, qu'elle n'a pas besoin de canne, ne boite pas, que la fracture est consolidée de façon anatomique avec espace articulaire normal.

[100]           Le 24 février 1993, Dr R.M. Gautreau, chirurgien orthopédiste, expert de la S.A.A.Q., conclut :

« Donc, un travail sédentaire est autorisé immédiatement.»

[101]           Le 14 mars 1994, Dr Jean-Guy Lafortune, chirurgien orthopédiste, conclut que malgré les limitations fonctionnelles qu'il décrit, la requérante est « apte à occuper un emploi rémunérateur à temps plein » .

[102]           Le 18 août 1994, Dr Gilles R. Tremblay, chirurgien orthopédiste, décrit des limitations fonctionnelles ne permettant qu'un «horaire à demi-temps, c'est-à-dire 20 heures par semaine réparties sur cinq jours pour éviter l'augmentation des symptômes... ».

[103]           Le 20 septembre 1994, Dr Lionel Béliveau, psychiatre, déclare cette dernière «capable de reprendre un emploi rémunérateur qui tienne compte de sa condition psychique... ».

[104]           Le 25 janvier 1995, Dr Gilbert Thiffault, chirurgien orthopédiste, conclut que la requérante peut exercer un emploi rémunérateur à temps partiel.

[105]           Le 13 février 1995, Dr Paul-André Lafleur, psychiatre, conclut :

« À elle seule, la dimension psychiatrique ne justifie pas la poursuite de l'invalidité. Il serait préférable cependant, en tenant compte non seulement de ses problèmes physiques mais aussi du trouble d'adaptation qu'elle présente, qu'elle reprenne d'abord, si son état physique le lui permettait, un emploi à mi-temps. »

[106]           À l'encontre de l'opinion de tous ces experts médecins quant à une capacité résiduelle de travail, la requérante s'appuie sur la conclusion d'invalidité totale retenue par madame Patricia Piché (94-10-17) et monsieur Claude Bougie (97-08-14), ergothérapeutes, pour soutenir qu'elle est incapable de tout travail.

[107]           Il est du domaine médical de poser des diagnostics, d’établir les séquelles découlant de l’accident et de déterminer les restrictions médicales qui doivent être prises en compte dans le choix d’un emploi à être déterminé.

[108]           Il est logique de considérer que la personne qui présente de telles restrictions conserve une capacité résiduelle, à moins que le nombre et l’importance des restrictions en fonction d’un emploi soient tels, si on tient compte de toutes celles émises par les différents médecins spécialistes, dans leur spécialité, qu’ils équivaillent à une incapacité d’exercer un emploi.

[109]           La preuve médicale au dossier démontre d’une façon prépondérante que le 25 septembre 1996, la requérante n’était pas incapable de tout emploi.

[110]           L’ergothérapeute Claude Bougie a aussi admis à l’audience que la requérante avait une capacité résiduelle de travail (voir le paragraphe 13 de son affidavit rapporté au paragraphe 152 de la présente décision). Seule l’ergothérapeute Patricia Piché ne s’est pas prononcée sur les capacités résiduelles de travail de la requérante. Toutefois, elle la considère incapable de tout emploi.

[111]           Conséquemment, l’intimée, pour se conformer à l’article 46 précité, se devait de déterminer un emploi à la requérante.

[112]           L’intimée a déterminé l’emploi de réceptionniste à temps partiel.

[113]           Cette détermination satisfait-elle les critères énoncés à l’article 48 précité?

[114]           Quelles sont les normes et modalités prévues par règlement?

              L’annexe III, intitulé « Catégories d’emplois et revenus bruts correspondants », du Règlement sur la détermination des revenus et des emplois et sur le versement de l'indemnité visée à l'article 83.30 de la Loi[5] prévoit que : « Les catégories d'emplois sont les titres de profession contenus au fichier «Professions» du «Répertoire informatisé des données en information scolaire et professionnelle» (Repères) de la Société de gestion du réseau informatique des commissions scolaires (GRICS). »

[115]           La description de la tâche de réceptionniste (4171-118) selon le Code national des professions et la C.C.D.P. (qui date de 1971) est la suivante :

« 4171-118            RÉCEPTIONNISTE (bureau)              DPC :

                                secrétaire à la réception.

                                FG : 3  PPS : 3  CA : 1  AP : S 4 5 6 7

Accueille les personnes qui se présentent au bureau ou à l’établissement, s’informe de ce qu’elles désirent, les dirige vers la personne ou le service compétents, ou leur fixe rendez-vous avec son employeur.

S’enquiert du nom du visiteur et lui fixe un rendez-vous. Répond aux demandes de renseignements et informe les visiteurs des activités de l’établissement. Prend note du nom du visiteur, de l’heure et du but de la visite, et de la personne demandée. Fixe rendez-vous avec son employeur aux clients ou malades qui viennent au bureau, qui écrivent ou qui téléphonent, et inscrit la date et l’heure du rendez-vous à l’agenda. Note les rendez-vous tenus et les rendez-vous annulés. Téléphone aux clients pour leur rappeler leurs rendez-vous.

Peut établir et expédier les factures, recevoir les paiements et les inscrire au livre de caisse. Peut exécuter des tâches de bureau très diverses, par exemple, dactylographier, classer la correspondance, recueillir et distribuer le courrier et les notes de services. Peut exercer les fonctions de réceptionnistes dans divers bureaux et être désigné en conséquence, par exemple :

Réceptionniste dans le commerce

Secrétaire-réceptionniste à un cabinet de médecin »

Formation requise :  9 à 10 années d’études

Formation en emploi :  30 jours à 3 mois

Condition d’ambiance : lieu de travail : intérieur

Travail de type sédentaire

Activités physiques requises :      tendre les bras, manipuler, travailler avec les doigts, parler, entendre, voir.

[116]           Cet emploi fait partie de la famille 1414 (Réceptionnistes et standardistes) dont la description générale de l’emploi est :

« Les réceptionnistes et les standardistes accueillent les personnes qui se présentent dans les bureaux, les hôpitaux et d’autres établissements, dirigent les visiteurs vers la personne ou le service approprié, répondent au téléphone et acheminent les appels téléphoniques, prennent les messages, fixent les rendez-vous et exécutent d’autres tâches de bureau. Ils travaillent dans des hôpitaux, des cabinets de médecins et de dentistes et dans d’autres bureaux dans les secteurs public et privé. »

              Les fonctions principales pertinentes à la preuve sont décrites de la façon suivante :

« Fonctions principales

Les réceptionnistes et les standardistes remplissent une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes :

Réceptionnistes

·      accueillir les personnes qui se présentent dans les bureaux et d’autres établissements, les diriger vers la personne ou le service approprié et donner des renseigne­ments d’ordre général.

[…]

Standardistes

·      utiliser un standard ou un système téléphonique pour répondre aux appels téléphoniques, les filtrer ou les acheminer, prendre des messages et fournir les renseigne­ments demandés. »

              Les conditions d’accès à la profession requises sont :

« Conditions d’accès à la profession

·      Un diplôme d’études secondaires est habituellement exigé.

·      Une formation en cours d’emploi peut être fournie. »

[117]           Le procureur de la requérante a déposé (pièce R-2) ce que le système Repères (septembre 1998) considère comme étant la définition de l’emploi de réceptionniste-téléphoniste et les tâches principales accomplies :

« DÉFINITION

Employé ou employée de bureau et d‘administration dont la fonction est d’accueillir les personnes qui se présentent dans les bureaux ou dans les établissements publics ou privés, de les diriger vers le service approprié ainsi que de recevoir les appels téléphoniques en les acheminant au personnel compétent, en vue d’assurer la communication entre l’orga­nisme et le public.

PRINCIPALES TÂCHES

-              Accueille les personnes qui se présentent dans le bureau ou dans l’établissement.

-              Détermine le but de sa visite, la personne ou le service demandé et dirige le visiteur ou la visiteuse vers l’endroit approprié.

-              Obtient et traite les renseignements requis.

-              Utilise un standard ou un système téléphonique pour répondre et acheminer les appels.

-              Fixe et confirme les rendes-vous.

-              Exécute, au besoin, d’autres tâches de bureau, notamment dactylographier, classer, enregistrer les paiements pour les services dispensés, vérifier des documents, etc.

-              Enregistre les messages et donne des renseignements d’ordre général. »

              Les capacités physiques en rapport avec l’emploi sont :

« CAPACITÉS PHYSIQUES

Autres(s) capacité(s) physique(s)

          G-  Avoir une bonne élocution

Force physique

                Être capable de déplacer occasionnellement un poids de moins de 5 kg

Position(s) et mouvement(s) du corps

          H-  Être capable de rester assis durant de longues périodes

          K-  Être capable de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs

Vision

                Être capable de voir de près »

[118]           Les capacités physiques requises selon le système Repères (pièce R-3) sont sensiblement les mêmes pour l’emploi de téléphoniste et comporte aussi la mention : « Être capable de rester assis durant de longues périodes ».

              On retrouve la même exigence pour l’emploi de téléphoniste en télémarketing.

[119]           Pour que l’emploi déterminé satisfasse aux exigences de l’article 48, l’emploi déterminé doit tenir compte de la formation de la requérante, de son expérience de travail et de ses capacités physiques et intellectuelles lors de cette détermination.

La formation

[120]           La requérante ayant complété une douzième année scientifique et la formation comme réceptionniste-téléphoniste pouvant s’acquérir en emploi après un court apprentissage, le Tribunal est d’avis que la requérante possède la formation adéquate pour occuper le poste de réceptionniste-téléphoniste à temps partiel.

[121]           Le Tribunal constate que la requérante possède la formation requise pour le poste qui lui a été déterminé.

L’expérience

[122]           Au moment de l’accident en janvier 1992 (la requérante avait 47 ans), la requérante était agente correctionnelle depuis plus de quatorze ans. Avant, elle avait occupé les postes de secrétaire, de préposée aux bénéficiaires et de responsable de garderie.

[123]           Elle reprend le travail le 12 octobre 1993 et est initialement réaffectée à un poste de téléphoniste pour quatre à cinq jours. Elle aurait ensuite tenté de travailler comme agente correctionnelle (agente de la paix) pendant trois jours et aurait repris le poste de téléphoniste sur des périodes d’une heure et demie à la fois. Elle a démissionné de son emploi en mars 1994, étant incapable d’accomplir la tâche à cause de l’intensité des douleurs ressenties.

              Le 27 avril 1996, son chef d’unité écrit :

« Lors de son retour au travail, nous l’avons placée à la console téléphonique. Au début, nous lui avons donné des heures pouvant équivaloir à 5 jours semaine, mais tous s’apercevaient que Mde [nom de la requérante] éprouvait de la difficulté, suite possible de son accident. Nous lui avons alors couper des heures, pour lui donner une chance de récupérer, mais rien ne semblait pouvoir l’aider. Mde [nom de la requérante] n’était toujours pas à l’aise. Donc elle retourna chez elle, étant incapable de continuer à faire le travail à la console téléphonique. »

[124]           Les ergothérapeutes Patricia Piché pour l’intimée (rapport du 17 octobre 1994) et Claude Bougie pour la requérante (rapport du 14 août 1997) ne semblent pas prétendre que l’expérience de travail antérieure de la requérante soit incompatible par rapport à celle requise par l’emploi déterminé de réceptionniste-téléphoniste.

[125]           Le Tribunal est d’avis que l’expérience de travail de la requérante est compatible avec l’emploi déterminé par l’intimée.

Capacités physiques et intellectuelles

[126]           Le Tribunal doit déterminer si la requérante possède les capacités physiques et intellectuelles nécessaires en regard de celles requises pour accomplir les tâches de l’emploi déterminé de réceptionniste-téléphoniste.

[127]           Le 15 février, Dr Raymond Gautreau, orthopédiste, à la demande de l’intimée, examine la requérante et rédige son expertise. On y retrouve l’opinion suivante :

« O P I N I O N :

I.R.R. : je crois que cette patiente devra faire un travail sédentaire, i.e. qu’elle devra faire un travail où elle aura l’occasion de s’asseoir souvent, de marcher un peu, de ne pas monter d’escalier de façon fréquente.

Si je comprend bien les explications de cette patiente, elle ne peut faire le travail qu’elle faisait auparavant d’agent de service correctionnel. Donc, un travail sédentaire est autorisé immédiatement. »

(soulignement ajouté)

[128]           Le 4 mars 1994, à la demande de l’intimée, Dr Jean-Guy Lafortune, orthopédiste, examine la requérante. Dr Lafortune considère que la requérante a les restrictions suivantes vis-à-vis tout emploi :

« RESTRICTIONS À TOUT EMPLOI

La victime ne peut effectuer un travail en station debout continuelle. Elle peut faire un travail assise avec capacité de se lever à toutes les demi-heures pour diminuer la douleur si elle apparaît. Elle ne peut soulever d’objets de plus de 5 kg. Elle ne peut pousser des chariots. »

[129]           Le 18 août 1994, Dr Gilles Roger Tremblay, orthopédiste, à la demande du procureur de la requérante, évalue la requérante. Il détermine les limitations fonctionnelles suivantes :

« En ce qui a trait aux limitations fonctionnelles de madame [nom de la requérante], celle-ci va être de façon permanente réduite à des activités sédentaires avec possibilité de se lever à volonté et avec un horaire à demi-temps, c'est-à-dire 20 heures par semaine réparties sur cinq jours pour éviter l’augmentation des symptômes causés par la période prolongée sans repos en position étendue.

De plus, les limitations fonctionnelles devraient inclure de ne pas avoir à circuler à plus de 5 à 7 km du domicile ou à faire des voyages en voiture pour se rendre au travail de plus de 10 minutes car ceci implique une position statique assise avec des vibrations, ce qui va nécessairement augmenter les symptômes de madame [nom de la requérante] et la rendre moins productrice.

De plus, les activités devront permettre à madame [nom de la requérante] d’utiliser une canne en tout temps pour ses déplacements. »

[130]           Le 12 septembre 1994, à la demande de son procureur, la requérante est examinée par Dr Lionel Béliveau, psychiatre. Il écrit dans son rapport du 20 septembre 1994 :

« Il est actuellement trop pour déterminer les limitations fonctionnelles sur le plan psychique, mais on devra tenir compte de ce que madame [nom de la requérante] présente actuellement comme limitations fonctionnelles sur le plan psychique, à tout le moins temporaires, une incapacité de faire un travail exigeant une bonne capacité d’adaptation au stress, une bonne capacité de concentration et une bonne tolérance à la frustration. Madame [nom de la requérante] est par conséquent capable de reprendre un emploi rémunéra­teur qui tienne compte de sa condition psychique, et en particulier des limitations fonctionnelles ci-haut déterminées. Comme ce retour au travail devra partie d’un processus de réadaptation, il sera important que cela se fasse en consulta­tion et en collaboration avec la psychologue traitante. »

(transcription conforme)

[131]           À la demande de l’intimée, Dr Gilbert Thiffault, orthopédiste, évalue la requérante le 25 janvier 1995. Il conclut son expertise de la façon suivante à propos des restrictions à tout emploi :

« RESTRICTIONS À TOUT EMPLOI :

Cette patiente devra pouvoir se lever et s’asseoir à sa convenance lorsqu’elle présentera des douleurs au niveau de l’hémi-bassin gauche. Elle devra éviter les marches prolon­gées par ailleurs et elle devra éviter les escaliers également. Elle devra éviter les flexions et torsions répétées du membre inférieur gauche.

[…]

Nous sommes d’accord avec le Docteur Tremblay pour limiter les voyages en auto mais cependant, cette patiente peut s’arrêter sur le bord de la route lorsque les douleurs sont plus intenses à la hanche et faire quelques exercices pour reprendre le volant de son auto. »

[132]           Le 20 janvier 1995, Dr Paul-André Lafleur, psychiatre, à la demande de l’intimée, évalue à son tour la requérante. Dans son rapport d’expertise du 13 février 1995, il écrit :

« Encore là, ce sont essentiellement les problèmes physiques qui déterminent des restrictions au niveau de la capacité de Madame à exercer un emploi. Avec le soutien de sa psychothérapeute et un certain encadrement supportif, il n'y aurait pas de restriction sur ce plan d'un point de vue psychiatrique. Un travail à mi-temps, tel que suggéré plus haut, et qui ne générerait pas de stress important serait préférable dans un premier temps. La reprise d’une activité utile et rémunératrice permettrait vraisemblablement une amélioration de l’estime de soi et donc un certain allégement de la dimension dépressive du trouble d’adaptation. »

[133]           Aucun des médecins évaluateurs n’a soumis d’opinion sur les capacités résiduelles de la requérante par rapport à l’emploi déterminé de réceptionniste-téléphoniste. Ils n’avaient pas le mandat de le faire et ne semblaient pas avoir en leur possession la description de l’emploi déterminé et des exigences pour l’accomplir.

[134]           Le soussigné retient que les médecins déclarent la requérante capable d’un emploi sédentaire où il y a possibilité d’alternance de la position debout à assise et vice versa, à temps partiel, du moins au début d’un retour au travail.

[135]           Dans le cadre des services de réadaptation offerts par l’intimée, la requérante a bénéficié des interventions de la psychologue Doris Chamberland.

              Celle-ci a rencontré la requérante à neuf reprises entre le 11 août et le 9 décembre 1994, et de nouveau pendant une période de cinq heures du 25 janvier au 28 mars 1996.

[136]           Il se dégage des rapports de la psychologue que la requérante « vit une douleur constante avivée par la fatigue e/ou certains gestes ». Au début des entrevues, elle n’acceptait pas de ne pas pouvoir reprendre son emploi comme avant, et ce, malgré les tentatives avortées en ce sens. Progressive­ment, l’intervention de la psychologue lui a permis de faire le deuil et d’accepter les limites que lui impose son état.

[137]           Les services de réadaptation de l’intimée ont chargé madame Patricia Piché, de l’Hôpital juif de réadaptation, de :

« 1)   Evaluer les capacités de travail résiduelles.

2)      Préciser ses restrictions au travail ainsi que sa capacité à effectuer un travail à plein temps ou à temps partiel.

3)      Recommander des aides techniques au besoin. »

[138]           Son intervention s‘est déroulée du 8 au 30 septembre 1994. Le 17 octobre 1994, madame Piché rédigeait son rapport. Elle y fait état :des informations médicales relatives à l’accident, de l’histoire professionnelle, des tests utilisés pour l’évaluation, du bilan physique.

              Il convient de faire mention de ce que l’ergothérapeute constate au niveau du bilan fonctionnel et des habiletés de travail :

« BILAN FONCTIONNEL

En position debout, Madame [nom de la requérante] distribue sa mise en charge principalement sur le membre inférieur droit. Elle éprouve toutefois de la difficulté à transférer tout son poids sur le membre inférieur droit et en est incapable du côté gauche.

Madame utilise une canne droite pour tous ses déplacements sur courtes et moyennes distances. À domicile, il lui arrive par contre de prendre appui sur les meubles lorsqu’elle doit se déplacer sur de très courtes distances. Son rythme de marche est régulier mais lent. On observe une diminution de la dorsiflexion des chevilles lorsqu’elle pose ses pieds au sol. Il lui arrive de perdre fréquemment l’équilibre, c’est pourquoi nous observons qu’elle se déplace près des murs où elle s’appuie pour reprendre son équilibre. Sa tolérance à la marche est diminuée de façon significative. Une distance de 50 mètres représente tout un défi pour Madame à l’intérieur. Il est sans contredit évident qu’elle ne peut se déplacer sur des surfaces glissantes, accidentées, ou en hauteur. Madame rapporte l’apparition de douleurs importantes au niveau de la cuisse et de la hanche gauche après quelques minutes de marche. Un formulaire de demande pour une vignette de stationnement, lui permettant l’accès aux espaces de stationnement réservés aux personnes handicapées, a été complété le 19 septembre 1994 afin d’augmenter l’autonomie de Madame dans ses déplacements.

Madame [nom de la requérante] est incapable de marcher sur la pointe des pieds ou sur les talons.

Madame ne parvient pas à s’accroupir et ce, même si elle transfère tout son poids sur le membre inférieur droit tout en prenant appui sur une table avec sa main droite.

Elle réussit à s’agenouiller en s’appuyant sur une table, mais avec difficulté. Elle descend principalement sur le membre inférieur droit et remonte sur le gauche. Afin de se relever, elle doit toutefois pousser sur sa cuisse gauche avec ses membres supérieurs. Madame ne peut, par contre, effectuer ce mouvement de façon répétitive. Dans cette position, elle rapporte ressentir de la douleur au genou et à la hanche gauche.

Madame réussit à travailler en position fléchie aux hanches pour quelques minutes. Elle rapporte par contre une augmen­tation de la douleur, ainsi que la présence d’aiguilles au niveau de sa hanche après l’exécution.

Sa tolérance en position assise fluctue de 5 à 15 minutes consécutives, selon son niveau de fatigue accumulée. La moyenne de temps se rapproche par contre plutôt de 5 minutes.

Madame [nom de la requérante] peut conserver la position debout pour une durée maximale de 5 à 10 minutes consécu­tives, selon son niveau de fatigue accumulée. Par après, elle doit arrêter et s’asseoir, puisqu’elle ressent de la douleur importante dans la hanche, la cuisse et le genou gauche. Ces résultats ont été observés de façon constante tout au long de l’évaluation.

Madame éprouve des difficultés importantes à franchir les escaliers. Sa tolérance maximale est de 10 marches. Elle y parvient de façon non alternée en débutant avec la jambe droite. Madame conserve sa canne dans la main droite et agrippe la main courante avec la gauche afin de se hisser d’une marche à l’autre. Elle utilise la même technique pour descendre. À la suite de cette activité, Madame [nom de la requérante] nous a mentionné qu’elle avait très chaud, que le cœur lui débattait dans la poitrine et qu’elle avait la sensation que sa hanche ressemblait à un bloc de ciment.

Madame [nom de la requérante] peut soulever une charge maximale de 5 livres, que ce soit du sol, de la hauteur de ses genoux ou de la hauteur de ses hanches. À domicile, elle rapporte qu’elle planifie ses repas en fonction de la présence de sa fille ou de son fils, pour qu’ils mettent ou retirent les plats du four. En d’autre temps, elle ne se prépare que des repas légers qui ne nécessitent aucun transport de charges. Elle rapporte pousser les chaudrons sur le comptoir, étant incapable de les soulever. Lorsqu’elle vide le lave-vaisselle, elle ne prend qu’un morceau à la fois pour être certaine de ne rien échapper. Toutes les tâches domestiques, à l’exception de la préparation des repas et de la lessive, sont maintenant exécutées par une aide-ménagère depuis l’accident.

Sa force de préhension est de 32,4 Kg à droite et de 27,6 Kg à gauche. Pour la pince latérale, nous avons mesuré 7,4 Kg à droite comme à gauche, tandis que pour la pince pouce-index, on retrouve 3,1 Kg à droite et 2,8 Kg à gauche.

Madame [nom de la requérante] est droitière et utilise sa main droite pour la majorité des tâches qu’elle doit effectuer. Ses habiletés de dextérité manuelle sont fonctionnelles dans les activités unilatérales comme bilatérales. Elle éprouve, par contre, plus de difficulté dans les tâches de coordination bilatérale nécessitant de la concentration, mélangeant constamment les différentes étapes.

Le travail sur une activité placée à un niveau supérieur à celui des épaules provoque des étourdissements chez Madame. Elle doit donc arrêter fréquemment de travailler, afin de ne pas perdre l’équilibre et ainsi éviter de tomber.

Depuis l’accident, Madame [nom de la requérante] a été incapable de reprendre ses loisirs antérieurs: ski alpin, natation, vélo,…

Madame [nom de la requérante] conduit son automobile à transmission automatique de façon indépendante. Elle rapporte toutefois avoir dû modifier la hauteur de son siège, puisqu’il était trop bas et qu’elle ne pouvait y accéder de façon confortable. Madame [nom de la requérante] ne devrait pas conduire pour des périodes de plus de 20 minutes consécutives, puisque le maintien de cette position de façon soutenue augmente sa douleur de façon importante.

HABILETES DE TRAVAIL

Madame a toujours été ponctuelle, arrivant généralement une heure avant son rendez-vous, afin d’être certaine qu’elle ne serait pas en retard dans l’éventualité d’un imprévu. Elle a bien participé aux différentes évaluations, malgré la présence constante de la symptomalogie douloureuse.

Madame se concentrait sur les tâches qui lui étaient données et travaillait de façon appliquée. Nous avons toutefois observé des erreurs d’inattention dans son travail dont la fréquence augmentait avec la fatigue. Nous devions, de plus, répéter fréquemment les instructions données, afin que Madame comprenne la totalité de l’information. Ceci devait aussi être fait occasionnellement au cours de l’activité.

Madame nous a mentionné avoir de la difficulté sur le plan mnésique depuis l’accident. Nous avons donc procédé à une évaluation de sa mémoire. Les résultats trouvés ne démontrent pas d’atteinte à ce niveau. Nous croyons toutefois que sur une base quotidienne, la présence de douleur constante l’empêche de se concentrer sur l’information à mémoriser, affectant par le fait même l’encodage de données.

Sa qualité de production se situe dans la moyenne pour l’ensemble des tâches qu’elle a effectuées. Pour ce qui est de son rythme de production, nous avons noté qu’il diminuait en fonction de son niveau de fatigue accumulée et de l’augmentation de la douleur.

Madame devait changer régulièrement de position afin de tenter de contrôler la symptomalogie douloureuse, ce qui interrompait son travail.

Le Valpar #5 nous démontre que Madame possède de bonnes habiletés au niveau du travail de bureau. L’évaluation n’a par contre pu être administrée en une seule fois, puisque Madame ne possède pas l’endurance physique nécessaire.

Son endurance générale est diminuée de façon importante. Initialement, Madame ne pouvait poursuivre l’évaluation au - delà de deux heures, allégant ressentir trop de douleur au niveau de la hanche, de la cuisse et du genou gauche. Ces manifestations étaient, de plus, accompagnées de maux de tête importants. Avec l’autorisation de sa conseillère, Madame Papillon, nous avons donc recommandé à Madame [nom de la requérante] de coucher à l’hôtel afin d’éviter les 90 minutes de route nécessaires pour se rendre à l’Hôpital Juif de Réadaptation. Malgré ce fait, Madame a été incapable d’effectuer des demi-journées de travail complètes, de 9h00 à 12h00, avec des activités de type sédentaire, tout en ayant la possibilité de varier sa position de travail à sa guise. Elle nous a rapporté avoir été trop fatiguée en après-midi pour faire quoi que ce soit. demeurant dans sa chambre. De plus, elle nous a mentionné qu’elle aurait été incapable de sortir pour aller souper si elle n’aurait pas été accompagnée par un ami. À la fin des deux dernières demi-journées de simulation de travail, nous lui avons demandé d’écrire ce qu’elle ressentait :

-        28-09 : "Je me sens très fatiguée, plus aucune énergie. J’ai mal à la tête et je suis étourdie. Je n’ai plus de position."
Madame a travaillé de 9h00 à 11h30 à faire des tâches de type sédentaire n’impliquant aucun transport de charge ou de déplacements qui auraient pu la fatiguer.

-        29-09 : "Aujourd’hui, je me sens "très fatiguée", à bout de force, déprimée, brûlée. Les douleurs me harcèlent et empirent".
Madame a travaillé de 8h30 à 10h45 à faire des tâches de travail de bureau.

À une occasion, en fin d’intervention, lorsqu’elle était très fatiguée, Madame nous a même demandé de ne plus lui parler, puisqu’elle avait peur de nous dire des bêtises. Elle a quitté par la suite en marchant avec beaucoup de difficulté.

L’inventaire de perceptions des capacités physiques que nous lui avons demandé de compléter démontre que Madame [nom de la requérante] possède une bonne autoperception face à ses habiletés physiques.

Toutefois, elle éprouve de la difficulté à accepter sa condition. Elle est suivie sur une base hebdomadaire par Madame Doris Chamberland, psychologue, pour l’aider à travailler ce sujet. Initialement, lorsque nous avons rencontré Madame, elle voulait retourner travailler à tout prix. Tout au long de l’évaluation, Madame [nom de la requérante] a, par contre, été confrontée à ses difficultés et s’est rendue à l’évidence qu’elle ne possédait pas l’endurance physique nécessaire afin d’occuper un emploi à caractère productif et ce, même à demi-temps. Cette confrontation a été très difficile pour Madame. »

[139]           La conclusion du rapport se lit :

« CONCLUSION

Les résultats de l’évaluation que nous avons faite nous permettent de nous prononcer sur l’incapacité de Madame [nom de la requérante] à occuper tout emploi à caractère productif et ce, même à demi-temps; les facteurs limitants principaux étant la diminution significative au niveau de son endurance et la présence continuelle de la symptomalogie douloureuse. Madame doit constamment varier sa posture afin de tenter de la contrôler (à toutes les cinq minutes), interrompant par le fait même son travail. Nous notons, de plus, une diminution significative de sa vitesse d’exécution ainsi que de sa qualité de production avec l’apparition de la fatigue et l’augmentation de la douleur. »

(transcription conforme)

[140]           Le 14 août 1997, monsieur Claude Bougie, ergothérapeute, est mandaté par le procureur de la requérante pour évaluer les capacités de travail de la requérante. Monsieur Bougie a aussi témoigné lors de l’audience devant le soussigné.

[141]           L’évaluation se déroule sur deux jours.

[142]           Monsieur Bougie fait l’anamnèse médicale complète qui se termine avec la décision de la Commission des affaires sociales du 11 décembre 1996 à propos des séquelles reconnues.

              Il note les opinions des médecins à propos des diagnostics posés et des limitations estimées.

[143]           Son rapport exhaustif se termine par ses « COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS » :

« Mme [nom de la requérante] a bien collaboré tout au long de cette évaluation. Nous sommes d’avis que la performance observée reflète bien ses capacités.

En réponse à vos questions, nous pourrions décrire le bilan fonctionnel de Mme [nom de la requérante] comme étant très limité.

Madame, malgré une apparence soignée, a très peu de tolérance fonctionnelle à tout effort. La douleur occupe encore une part importante de son mode de fonctionnement et la limite dans ses performances, tant personnelles que professionnelles. Elle demeure fragile émotivement et, tel que mentionné précédemment, le deuil est toujours en cours mais non résolu.

Un tel tableau fonctionnel nous permet de conclure sans hésitation que Mme [nom de la requérante] ne possède pas les capacités fonctionnelles pour faire un emploi sédentaire, même à temps partiel. De plus, elle a pu se confronter à ses capacités chez son employeur, d’abord à son emploi régulier, puis à un travail de réceptionniste et, tout récemment, comme réceptionniste sur des périodes d’une heure et demie, toujours en vain. La douleur s’intensifie de plus en plus et l’empêche de poursuivre ses activités.

Nous ajouterions qu’elle est incapable de faire tout emploi rémunérateur.

Nos observations se superposent, à quelques observations près, de celles de Mme Piché, ergothérapeute qui a complété une évaluation des capacités fonctionnelles de travail de Madame à la demande de la S.A.A.Q. au mois d’octobre 1994. Pour les mêmes motifs, nous reconduisons les conclusions à savoir que Madame est incapable d’occuper tout emploi, et non seulement d’ordre productif, en raison de la diminution significative du niveau d’endurance et de la présence continuelle d’une symptomatologie douloureuse.

Considérant le peu de tolérance à l’effort, considérant la persistance des douleurs, considérant les limites de Madame pour se déplacer en véhicule, considérant la performance lors de cette évaluation, nous concluons que l’ensemble de ces facteurs contribue à confirmer l’incapacité de Madame à occuper un emploi de réceptionniste à temps partiel et tout autre emploi même à temps partiel. »

[144]           À l’audience, le témoin Bougie informe le soussigné que depuis 1989, il a développé une spécialisation à l’intérieur de sa profession d’ergothéra­peute et s’occupe plus particulièrement de l’évaluation des capacités de travail (il en fait de 40 à 80 par année), d’adaptation de poste de travail et d’évaluation de tâches. Il reçoit des mandats de la CSST, de la SAAQ et de différents employeurs.

[145]           Il a administré à la requérante différents tests reconnus et standar­disés dont certains servent à vérifier les possibilités de simulation.

[146]           Il est au courant des descriptions d’emploi du Code national des professions et du système Repères.

[147]           Il estime que la requérante, bien qu’ayant une capacité résiduelle de travail, est incapable d’accomplir les tâches de l’emploi « sédentaire » de réceptionniste ou celles de réceptionniste-téléphoniste, décrites au système Repères, qui demandent de rester assise pendant de longues périodes (soit de 30 à 45 minutes).

[148]           Ses observations l’amènent à constater que la requérante, même en essayant différents modèles de chaise, est incapable de tolérer la position assise plus de quinze minutes.

[149]           Elle ne peut non plus opérer une mise en charge fessière gauche sans point d’appui. Il constate que la douleur, avec le temps, s’amplifie, ce qui rend la requérante impatiente et la fait pleurer.

[150]           Le témoin est d’avis que la douleur s’ajoute aux limitations fonctionnelles observées et qu’il faut en tenir compte.

[151]           Le témoin a résumé son témoignage dans un affidavit du 29 novembre 1999. Cet affidavit accompagnait la requête en révision judiciaire qui a donné lieu au jugement du juge Tingley rapporté antérieurement.

[152]           Cet affidavit se lit :

« 1.   Le 14 août 1997, j’ai procédé à une évaluation de capacités de travail à la demande du procureur de madame [nom de la requérante], Me André Laporte ;

2.       Le mandat qui m’avait été initialement demandé par Me André Laporte était de procéder à l’évaluation de la capacité fonctionnelle de madame [nom de la requé­rante] de façon globale d’une part et en regard d’un emploi sédentaire de réceptionniste à temps partiel d’autre part ;

3.       J’avais également à évaluer et à discuter de la capacité de madame [nom de la requérante] à faire un emploi rémunérateur et de commenter l’évaluation de capaci­tés de travail complétée par madame Piché, ergothéra­peute, en date du 17 octobre 1994, rapport qui avait été demandé par la Société de l’assurance automobile du Québec ;

4.       Suite à la production de mon évaluation, j’ai été assigné par Me André Laporte, de l’étude de Laporte & Larouche pour témoigner lors de l’audition du 22 septembre 1998 devant la Tribunal administratif du Québec ;

5.       Lors de l'audition du 22 septembre 1998, j'ai témoigné en présence de madame [nom de la requérante] sur les éléments recueillis lors des deux jours d'évaluation de la capacité fonctionnelle de madame [nom de la requérante] ;

6.       J'ai bien précisé au Tribunal que l'évaluation ergothéra­pique que j'avais faite le 14 août 1997 représentait fidèlement la capacité de travail de madame [nom de la requérante], compte tenu de la concordance des tests et les éléments recueillis lors de l'évaluation ;

7.       J'ai expliqué au Tribunal que j'avais procédé à une entrevue initiale où j'avais recueilli les plaintes de madame [nom de la requérante] et identifié certains problèmes particuliers ;

8.       J'ai expliqué, par la suite, que j'ai procédé à l'évaluation des capacités de madame [nom de la requérante] en faisant une observation structurée de son mode de fonctionnement au sein de diverses activités de travail et en procédant à l'administration de divers tests ;

9.       J'ai expliqué au Tribunal que notre évaluation fonctionnelle ne reposait pas uniquement sur les éléments subjectifs relatés par madame [nom de la requérante], mais en fonction des données objectives recueillies lors des deux jours d'évaluation ;

10.    J'ai expliqué au Tribunal ma compétence à procéder à l'évaluation fonctionnelle et que j'étais très expérimenté dans l'exécution de telles évaluations que des évaluations de ce type avaient déjà été faites à la demande de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à différents bureaux d'avocats et même de la Société de l'assurance automobile du Québec ;

11.    Je me suis limité quant à la preuve médicale unique­ment aux données médicales recueillies par les médecins, tout particulièrement, par le rapport du docteur Gilles Roger Tremblay ;

12.    J'ai évalué la tolérance en position assise en rapport avec les séquelles qu'elle a subies en relation avec son accident d'automobile la tolérance debout en fonction des séquelles relevées lors de l'accident ainsi que ses problèmes de déplacements ;

13.    Bien que j'ai admis lors de l'audition que Madame possédait une capacité résiduelle, cette capacité résiduelle notée chez madame [nom de la requérante] est insuffisante pour qu'elle puisse être en mesure d'occuper un emploi rémunérateur et ce, même à temps partiel ;

14.    J'ai également évalué devant le Tribunal la capacité de madame [nom de la requérante] de façon objective et uniquement en relation avec les séquelles identifiées lors de l'accident d'automobile ;

15.    Mes conclusions étaient que madame [nom de la requérante] était incapable d'occuper tout emploi non seulement d'ordre productif, en raison des diminutions significatives du niveau d'endurance, mais la présence continue d'une symptomatologie douloureuse en rapport avec les blessures dues à l'accident d'automo­bile ;

16.    J'étais d'avis, considérant le peu de tolérance à l'effort, considérant la persistance des douleurs, considérant les limitations de madame pour se déplacer en véhicule, considérant également la performance lors de l'évaluation mais en relation uniquement avec les blessures subies lors de l'accident d'automobile que l'ensemble de ces facteurs contribuait à confirmer l'incapacité de madame [nom de la requérante] à occuper un emploi de réceptionniste à temps partiel ou tout autre emploi même à temps partiel ;

17.    Aucun autre témoin expert n’a été entendu en ma présence lors de l’audition tenue le 22 septembre 1998 ;

18.    Tous les faits allégués dans le présent affidavit sont vrais à ma connaissance personnelle ; »

[153]           Le soussigné a aussi entendu le témoignage de la requérante.

[154]           Le témoignage ajoute les faits ou nuances suivantes :

-        c’est le service de la réadaptation de l’intimée qui l’a référée à son employeur suite à l’accident;

-        elle est retournée à son emploi d’avant l’accident en insistant;

-        son retour à l’emploi était supervisé par l’intimée;

-        elle n’a fait que trois jours à l’emploi de gardienne, ses douleurs étant trop intenses;

-        par la suite, en octobre 1993, son employeur lui a proposé le travail à la « console téléphonique »; elle a occupé ce poste pendant trois semaines, à temps plein, de 8 h à 16 h;

-        au bout de trois semaines, elle a demandé son transfert pour occuper le poste le soir;

-        elle était incapable d’occuper le poste à la « console » car la douleur l’obligeait à se lever à répétition. Elle prenait les messages « de travers ». Elle était stressée et éprouvait des troubles de concentration. La fatigue augmentait ses douleurs;

-        de février à mars 1994, avec la coopération de son employeur, l’horaire de travail a été modifié. Le travail s’exécutait les lundis, mercredis et vendredis, à raison de 8 heures par jour, avec les pauses;

-        elle n’a pu accomplir la tâche à cause de ses douleurs et dû au fait qu’elle ne pouvait rester assise plus de 5 à 10 minutes. Elle avait la cuisse gauche engourdie;

-        finalement, en mars 1994, Daniel Verret, qui supervisait la performance de la requérante à l’emploi, décide de mettre fin à l’expérience de retour au travail et l’envoie chez la psychologue pendant dix semaines;

-        l’intimée a mis fin à la réadaptation après l’intervention de la psychologue Chamberland;

-        elle s’occupe de tâches domestiques simples et laisse à d’autres les tâches domestiques plus exigeantes;

-        elle peut marcher pendant 5 minutes sur une surface plane. Elle doit partir de la jambe gauche. Quand elle est déséquilibrée, le genou plie et cède. Il lui arrive alors de tomber;

-        en septembre1996, elle prenait Empracet 30 et Motrin;

-        elle ne peut rester assise dans l’automobile plus de 15 minutes;

-        elle ne peut rester accroupie sans tomber;

-        ses douleurs lui causaient des insomnies. Elle dormait 3 à 4 heures à la fois et devait circuler pour calmer ses douleurs qui la tenaient éveillée.

[155]           La requérante signale qu’en septembre 1996, date du retour au travail présumé par l’intimée, sa condition ne s’était pas améliorée. Elle éprouvait encore beaucoup de douleurs à la hanche, au bassin et au genou qui l’obligeaient à s’allonger. Elle n’avait pas de concentration, se fatiguait rapidement et était stressée.

[156]           La requérante est d’avis, après l’avoir essayé, qu’elle est incapable d’occuper l’emploi de réceptionniste, même à temps partiel, sur une base régulière.

 

[157]           Le soussigné est d’avis que la prépondérance de la preuve est à l’effet que le 25 septembre 1996, la requérante était incapable d’accomplir l’emploi déterminé de réceptionniste-téléphonique à temps partiel.

[158]           Aucun des nombreux médecins ayant eu à expertiser la requérante n’a émis d’opinion quant à l’adéquation entre la capacité résiduelle de la requérante et sa capacité d’accomplir l’emploi précis de réceptionniste-téléphoniste.

[159]           Le deux ergothérapeutes consultés ont émis l’opinion que la requérante n’était pas capable d’accomplir les tâches de réceptionniste-téléphoniste à temps partiel.

[160]           Le soussigné est d’avis que les ergothérapeutes, agissant dans leur champ de compétence professionnelle et selon les règles de leur art, sont mieux placés qu’un médecin pour apprécier les capacités de travail d’une personne, à condition de prendre en compte les diagnostics posés par les médecins et de ternir compte des limitations fonctionnelles établies par ceux‑ci[6].

[161]           La requérante a tenté un retour au travail supervisé par un agent de l’intimée. Avec la collaboration de l’employeur, divers emplois ont été exercés par la requérante dont celui de réceptionniste-téléphoniste à temps partiel, sans succès. L’agent de l’intimée a mis fin aux tentatives de retour à l’emploi et a orienté la requérante vers une psychologue, sans doute pour lui faire accepter sa condition diminuée.

[162]           L’article 48 précité prévoit que l’emploi déterminé par règlement doit tenir compte de la formation, de l’expérience de travail et des capacités physiques et intellectuelles de la victime au moment de la détermination de l’emploi, soit en septembre 1996.

[163]           La requérante satisfait aux exigences de l’emploi de réceptionniste-téléphoniste, que l’on choisisse les nomenclatures proposées par le Code national des professions ou par le système Repères quant à la formation et l’expérience de travail.

[164]           La requérante ne satisfait pas aux exigences de l’emploi déterminé quant aux capacités physiques requises.

              Elle est incapable de rester assise durant plus de 15 minutes au maximum. Le système Repères parle d’« être capable de rester assis durant de longues périodes » et le Code national des professions parle d’un emploi « sédentaire ».

[165]           POUR CES MOTIFS :

·        la contestation de la requérante est maintenue;

·        l’emploi déterminé en septembre 1996 ne satisfait pas aux exigences de l’article 48 de la Loi sur l’assurance automobile;

·        le dossier est retourné à l’intimée pour qu’elle prenne les mesures légales en application de la présente décision.

YVES LAFONTAINE

19 février 2003

Me André Laporte

Procureur de la requérante

 

Me Jacques Rodrigue

Procureur de l’intimée

/dt



[1]   Le pourvoi a initialement été interjeté à la Commission des affaires sociales. Il incombe au Tribunal administratif du Québec, institué par la Loi sur la justice administrative (L.Q. 1996, c. 54), d’en disposer par application des dispositions transitoires et contenues aux articles 833 et 841 de la Loi d’application sur la Loi sur la justice administrative (L.Q. 1997, c. 43).

[2]    Notes et autorités de l'intimée, page 5.

[3]    L.R.Q., c. J-3

     « 145.  Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un membre, la décision est prise à la majorité des membres qui l’ont entendue.  Si l’un d’eux est dissident, les motifs de son désaccord doivent y être consignés.

Lorsque les opinions se partagent également sur une question, celle-ci est déférée au président, au vice-président responsable de la section concernée ou à un membre désigné par l’un d’eux parmi les membres pour qu’il en décide selon la loi. »

[4]   L.R.Q., c. A-25.

[5]   c. A-25, r.4.2.

[6]   Voir SAS-Q-005007-9810 du 25 novembre 2002.

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