Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Bombardier Aéronautique inc. et Richaudeau

2013 QCCLP 831

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

11 février 2013

 

Région :

Lanaudière

 

Dossiers :

466151-63-1203-2  466190-63-1203-2

 

Dossier CSST :

138164504

 

Commissaire :

Carmen Racine, juge administrative

 

Membres :

Viateur Camiré, associations d’employeurs

 

Sylvain Campeau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

466151-63-1203

466190-63-1203

 

 

Bombardier Aéronautique inc.

Franck Richaudeau

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Franck Richaudeau

Bombardier Aéronautique inc.

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 466151

[1]           Le 19 mars 2012, l’employeur, Bombardier Aéronautique inc., dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 14 mars 2012 à la suite d’une révision administrative (la révision administrative).

[2]           Par celle-ci, la CSST maintient une décision qu’elle a initialement rendue le 17 janvier 2012 et, en conséquence, elle détermine :

-que la CSST est justifiée de réduire l’indemnité de remplacement du revenu versée à monsieur Franck Richaudeau (le travailleur), à la suite de la lésion professionnelle subie par ce dernier le 7 juillet 2011, des montants reçus de l’employeur à titre de paiement de congés fériés;

-qu’aucune indemnité de remplacement du revenu ne doit être versée au travailleur pour la période du 24 au 30 décembre 2011 puisque le revenu net reçu de l’employeur durant cette période est plus élevé que l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit;

-que le travailleur a droit à une indemnité de remplacement du revenu de 148,05 $ pour la période du 31 décembre 2011 au 6 janvier 2012, soit l’indemnité de remplacement du revenu réduite des sommes reçues de l’employeur à titre de paiement de congés fériés durant cette semaine.

Dossier 466190

[3]           Le 23 mars 2012, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste cette même décision rendue par la CSST le 14 mars 2012 à la suite d’une révision administrative.

[4]           L’audience dans ces affaires a lieu à Longueuil, le 22 janvier 2013, en présence de madame Isabelle Pinard, cheffe de service en santé et sécurité et en gestion des réclamations chez l’employeur, de Me Francine Legault, représentante de ce dernier, et de monsieur Pierre Zalums, représentant du travailleur.

[5]           Le travailleur n’assiste pas à cette audience et, à cet égard, monsieur Zalums explique qu’il considère que les faits sont clairs et que seule une argumentation en droit s’impose. La Commission des lésions professionnelles a donc procédé sans ce dernier.

[6]           Par ailleurs, ces affaires sont jointes à d’autres affaires similaires[1] à la suite d’une ordonnance émise par la présidente du tribunal le 16 juillet 2012[2]. Des admissions, une preuve et une argumentation communes sont donc présentées par les parties et versées dans tous ces dossiers.

[7]           Cependant, pour des fins de commodité et de compréhension, la Commission des lésions professionnelles compte rendre une décision distincte pour chacun des travailleurs impliqués.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 466151

[8]           La représentante de l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST ne doit verser aucune indemnité de remplacement du revenu au travailleur pour la période du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclusivement car l’employeur paie à ce dernier 100 % du salaire normalement reçu durant cette période en vertu de la convention collective en vigueur à cette époque et que le travailleur ne subit aucune perte.

[9]           La représentante de l’employeur ajoute que, dans ce dossier spécifique, la différence entre l’indemnité de remplacement du revenu et les sommes versées par l’employeur découle d’une absence injustifiée du travailleur le 3 janvier 2012 et que, dès lors, la CSST n’avait pas à prendre la relève et à indemniser ce dernier pour cette journée.

Dossier 466190

[10]        De son côté, le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la révision administrative et de déclarer que, compte tenu de l’interruption de l’assignation temporaire du travailleur, du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclusivement, en raison du congé des fêtes, ce dernier récupère le droit à une pleine indemnité de remplacement du revenu sans égard aux sommes versées par l’employeur à titre de paiement de congés fériés durant cette période.

LES FAITS

[11]        Les parties ont admis certains faits, valables pour tous les dossiers, qui s’énoncent comme suit :

1)         Tous les travailleurs impliqués, dont monsieur Franck Richaudeau, ont été victimes de lésions professionnelles acceptées par la CSST;

2)         La période de congés fériés visée par les litiges s’étend du samedi 24 décembre 2011 au lundi 2 janvier 2012 inclusivement;

3)         Tous les travailleurs concernés, dont monsieur Franck Richaudeau, sont en assignation temporaire dûment autorisée par leurs médecins traitants immédiatement avant et immédiatement après la période de congés fériés visée au point 2);

4)         Les dispositions de la convention collective retrouvées dans un envoi du 10 janvier 2013 effectué par le représentant du travailleur et numérisées dans le dossier 476015 sont celles en vigueur lors de la période de congés fériés visée au point 2).

[12]        Par ailleurs, madame Isabelle Pinard témoigne à la demande de l’employeur. Elle est cheffe de service en santé et en sécurité et en gestion des réclamations.

[13]        Elle explique que, en vertu de la convention collective en vigueur chez l’employeur pour la période visée, tous les employés bénéficient d’une période de congés fériés s’étendant du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclusivement.

[14]        Durant cette période, l’employeur verse 100 % du salaire aux employés pour les 26, 27, 28, 29 et 30 décembre 2011 (du lundi au vendredi) et pour le lundi 2 janvier 2012, tout comme s’ils avaient été au travail, sans aucun plafond salarial. Ces congés varient d’une année à l’autre. Ils sont négociés, planifiés à l’avance et ils sont bien identifiés dans la convention collective en vigueur de 2008 à 2014.

[15]        Madame Pinard poursuit en traitant des cas d’employés en invalidité personnelle ou absents en raison d’une lésion professionnelle.

[16]        Si un employé n’est pas au travail à cause d’une maladie personnelle et qu’il reçoit des prestations d’assurance, l’assureur cesse le versement de ces prestations pour la période de congés fériés et l’employeur assume 100 % du salaire que cette personne aurait normalement reçu si elle avait été au travail et ce, jusqu’au 2 janvier 2012 inclusivement. L’assureur prend le relais le 3 janvier 2012 lors de la fin des congés fériés.

[17]        Si un employé n’est pas au travail à cause d’une lésion professionnelle, il reçoit déjà une indemnité de remplacement du revenu correspondant à 90 % du revenu net retenu. L’employeur comble alors l’écart existant entre cette indemnité et le salaire qui lui aurait été versé s’il avait été au travail durant cette période, sans égard à un quelconque maximum annuel assurable.

[18]        Ainsi, si le travailleur gagne plus que le maximum annuel assurable par la CSST pour l’année 2011, soit 64 000 $, l’employeur paie la différence entre l’indemnité de remplacement du revenu et son salaire sans se préoccuper de ce maximum.

[19]        Madame Pinard conclut qu’il n’existe aucune distinction entre les employés au travail, les employés recevant des prestations d’assurance et les travailleurs victimes d’une lésion professionnelle durant cette période puisqu’ils reçoivent tous 100 % de leur salaire régulier.

[20]        L’employeur agit de la même façon pour les congés fériés isolés comme ceux de l’Action de grâces ou de la Fête du travail. Il paie 100 % du salaire régulier ou il assume l’écart entre l’indemnité de remplacement du revenu versée par la CSST et ce salaire.

[21]        Madame Pinard précise qu’elle travaille pour l’employeur depuis 2004 et que ce dernier a toujours agi de la sorte. Cette façon de faire a été reconduite dans la convention collective en vigueur depuis 2008.

[22]        Ainsi, l’article 24.1 de la convention collective énumère tous les congés fériés payés de 2008 à 2014. Ceux des années 2011-2012, dits « congés des fêtes 2011-2012 » sont les 26, 27, 28, 29 et 30 décembre 2011 et le 2 janvier 2012.

[23]        L’article 24.2 de la convention collective prévoit la façon de rémunérer ces congés. Il énonce :

Tous les employés couverts par la présente convention seront rémunérés pour huit (8) heures à leur taux normal de salaire lors des jours de congé fériés prévus au paragraphe 24.1, et ce, que tels jours de congé fériés payés soient travaillés ou chômés à l’exception des employés en invalidité.

 

24.2.1   L’employé recevant des prestations d’invalidité se verra payer la différence entre la prestation qu’il reçoit et le salaire qu’il recevrait pour ce congé.

 

 

 

[24]        Madame Pinard estime donc que l’employeur respecte les dispositions de la convention collective en rémunérant les employés durant cette période.

[25]        Madame Pinard traite, par la suite, du dossier particulier de monsieur Richaudeau.

[26]        Elle signale que le dernier congé férié est le lundi 2 janvier 2012 et que, dès lors, tous les employés sont attendus au travail à compter du 3 janvier 2012.

[27]        Le travailleur, qui est en assignation temporaire à cette époque, doit donc reprendre ses fonctions le 3 janvier 2012. Or, ce dernier se présente au travail le 4 janvier 2012 et il ne justifie pas son absence du 3 janvier 2012.

[28]        Ainsi, pour la semaine de paie se terminant le 23 décembre 2011, le travailleur reçoit une rémunération nette de 812,95 $ pour 38 heures de travail. Pour la semaine se terminant le 30 décembre 2011, il reçoit une rémunération nette de 831,09 $ pour les congés fériés équivalant à 40 heures de travail. Pour la semaine se terminant le 6 janvier 2012, il reçoit une rémunération nette de 618,92 $ pour 32 heures de travail réparties comme suit : 8 heures fériées pour le 2 janvier, absence injustifiée et non payée pour le 3 janvier, et 8 heures travaillées et payées pour les 4, 5 et 6 janvier 2012.

[29]        Madame Pinard justifie l’écart existant entre le salaire net de 2012 et celui de 2011 par la reprise des différentes déductions gouvernementales obligatoires en janvier 2012.

[30]        Madame Pinard estime donc que le travailleur a droit à un salaire net d’environ 166,00 $ par jour de travail ou par jour de congé férié payé par l’employeur, ce qui est supérieur au montant de l’indemnité de remplacement du revenu versée par la CSST.

[31]        Or, le 22 décembre 2011, le travailleur communique avec son agente d’indemnisation. Il l’avise que l’assignation temporaire effectuée n’est plus disponible puisque l’employeur ferme ses portes du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012. L’agente d’indemnisation s’enquiert auprès de l’employeur de la véracité de cette information et de la rémunération prévue durant cette période. L’employeur lui répond que le congé des fêtes est entièrement payé par l’employeur.

[32]        Le 11 janvier 2012, le travailleur demande à son agente d’indemnisation de lui indiquer quand il recevra une indemnité de remplacement du revenu pour la période de fermeture du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012. L’agente explique au travailleur que les sommes versées par l’employeur devront être déduites de l’indemnité de remplacement du revenu et elle requiert le talon de paie de ce dernier afin de statuer sur cette question.

[33]        Le 16 janvier 2012, le représentant du travailleur, monsieur Zalums s’entretient avec l’agente d’indemnisation. Il soutient que la CSST doit verser l’indemnité de remplacement du revenu durant la période des fêtes, malgré le salaire payé par l’employeur. L’agente informe monsieur Zalums que, bien que la CSST doive reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu lorsque l’assignation temporaire n’est plus disponible, cette indemnité doit être réduite des sommes reçues de l’employeur durant cette période. Or, comme le salaire net reçu de l’employeur du 24 au 30 décembre 2011 est plus élevé que l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur pourrait avoir droit, l’agente avise monsieur Zalums qu’aucune indemnité ne sera versée par la CSST pour cette période. Toutefois, un montant de 148,05 $ représentant l’écart entre le salaire reçu de l’employeur et l’indemnité de remplacement du revenu pour la période comprise entre le 31 décembre 2011 et le 6 janvier 2012 est reconnu par celle-ci.

[34]        Le 17 janvier 2012, l’agente d’indemnisation confirme, dans une décision, les propos tenus lors de la conversation téléphonique de la veille. Elle écrit :

En conséquence, aucune indemnité ne vous sera versée pour la période du 24 au 30 décembre 2011 puisque le revenu net reçu de l’employeur (831,09 $) était plus élevé que l’indemnité à laquelle vous avez droit (766,99 $). Toutefois, pour la période comprise entre le 31 décembre 2011 et le 6 janvier 2012, le revenu net reçu de l’employeur (618,92 $) étant inférieur à l’indemnité à laquelle vous avez droit, une somme de 148,05$ vous sera versée.

 

 

 

[35]        L’employeur et le travailleur demandent la révision de cette décision mais, le 14 mars 2012, la révision administrative la maintient d’où les présents litiges (dossiers 466151 et 466190).

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[36]        Le représentant du travailleur soutient que ce dernier a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclusivement puisque, durant cette période, l’employeur met fin à son assignation temporaire et, comme il est toujours incapable d’exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, il a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu conformément aux articles 44 et 46 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi).

[37]        Il note que, en vertu des articles 179 et 180 de la loi, le travailleur a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à son emploi lorsqu’il accomplit son assignation temporaire. Cependant, s’il cesse cette assignation, il récupère son droit à l’indemnité de remplacement du revenu peu importe que son employeur lui verse, par ailleurs, des indemnités en vertu des dispositions pertinentes de la convention collective.

[38]        Le représentant du travailleur remarque que le travailleur en assignation temporaire n’est pas comme tous les autres employés. Lors de la fermeture d’usine, il ne peut se porter volontaire pour faire du temps supplémentaire. De plus, il n’est pas réellement en congé puisqu’il doit se soumettre aux divers traitements prescrits par son médecin en raison de sa lésion professionnelle. Il est donc désavantagé lorsque comparé aux autres travailleurs.

[39]        Le représentant du travailleur constate également que l’article 57 de la loi prévoit les situations où le droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’éteint et que rien ne vise l’interruption de l’assignation temporaire.

[40]        Le droit à l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur subsiste donc durant cette interruption et cette indemnité doit être entièrement versée sans égard aux sommes reçues de l’employeur puisque rien dans la loi ne permet d’amputer cette indemnité dans un tel contexte.

[41]        Le représentant du travailleur dépose les politiques de la CSST concernant le droit à l’indemnité de remplacement du revenu, la réduction et la révision de l’indemnité de remplacement du revenu et la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[42]        Il souligne un extrait ciblant le paiement des 14 premiers jours d’indemnités par l’employeur après la survenue d’une lésion professionnelle. Cet extrait se lit comme suit :

Le droit au versement du salaire des 14 premiers jours est établi en fonction de l’incapacité du travailleur d’exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle sans tenir compte de facteurs extrinsèques ou de motifs extérieurs à celle-ci.

 

Ainsi, l’employeur ne peut en aucun cas et pour aucun motif extérieur à la lésion (ex. : grève, mise à pied, lock-out, fin du contrat de travail, fermeture d’usine ou de chantier, démission, jours fériés, vacances) se soustraire à son obligation de paiement des 14 premiers jours.

 

Le fait de recevoir à la fois une indemnité de remplacement du revenu et un salaire pour un jour de vacances ou un congé férié ne constitue pas une double rémunération car le droit au paiement de ces journées a été acquis avant la survenance de la lésion professionnelle en vertu de la Loi sur les normes du travail, d’un contrat de travail ou d’une convention collective.

 

 

 

[43]        Le représentant du travailleur indique que cet extrait démontre qu’il est possible de cumuler le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et le paiement de congés fériés sans que cela constitue une double rémunération.

[44]        Le représentant du travailleur signale aussi que les autres textes établissent que le droit à l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur ne s’éteint pas lorsque l’assignation temporaire n’est plus disponible et que, bien au contraire, ce droit est réactivé durant cette période.

[45]        Le représentant du travailleur dépose et commente une décision[4] où la Commission des lésions professionnelles refuse de réduire l’indemnité de remplacement du revenu reçue par le travailleur des sommes versées pour des congés fériés et il demande au tribunal d’en retenir les conclusions.

[46]        La représentante de l’employeur remarque d’abord que le travailleur est régi par une convention collective négociée, qui comporte une disposition sur les congés fériés depuis plusieurs années qui n’a jamais été remise en question et qui a toujours été appliquée de la même façon sans contestation de la part des parties signataires de cette convention.

[47]        Elle remarque aussi que les règles relatives au paiement des congés fériés sont simples, elles sont les mêmes pour tous et elles visent à fournir aux travailleurs visés 100 % du salaire auquel ils ont droit, sans plancher, ni plafond. Ainsi, les travailleurs reçoivent une rémunération pour 8 heures au taux normal s’appliquant à ceux-ci sans égard au fait qu’ils soient au travail, en congé, prestataires d’indemnités d’assurance collective ou de CSST ou en assignation temporaire. Le traitement est identique pour tous les employés. Aucun des travailleurs ne subit de dommages ou n’est désavantagé durant cette période. Aucun des travailleurs n’essuie de perte monétaire.

[48]        La représentante de l’employeur précise que ces congés ne sont pas, contrairement aux vacances, tributaires d’une prestation de travail antérieure. Ils ne peuvent être assimilés à du « vieux gagné ». Ils sont payés aux travailleurs au moment où ils sont pris et ils ne dépendent nullement de l’ancienneté accumulée. La représentante de l’employeur est donc d’avis que la jurisprudence élaborée en matière de vacances est inapplicable à la présente affaire.

[49]        La représentante de l’employeur poursuit en notant que, si le tribunal faisait droit à la requête du travailleur et ordonnait le versement de l’indemnité de remplacement du revenu durant la période s’échelonnant du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012, l’employeur n’aurait d’autres choix que de réclamer au travailleur la différence entre ce qu’il a reçu de l’employeur et ce qu’il a perçu de la CSST puisque agir autrement aurait  pour effet de contrevenir à la convention collective et de l’avantager indûment. Or, le but recherché par l’employeur est de traiter tous les travailleurs de façon identique et équitable ce qui ne pourrait être le cas dans une telle éventualité.

[50]        En l’espèce, la représentante de l’employeur signale que le travailleur est valablement assigné à un travail autorisé par son médecin jusqu’au 23 décembre 2011 inclusivement. Pour elle, le travailleur est toujours en assignation temporaire du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 car il ne démontre aucune interruption de celle-ci par son médecin traitant. Or, dans les avantages relatifs à cette assignation, il y a une période de congés fériés entièrement indemnisée par l’employeur. Il n’y a donc pas lieu de verser une indemnité de remplacement du revenu durant cette même période.

[51]        Par ailleurs, la représentante de l’employeur croit que le travailleur n’est aucunement désavantagé puisqu’il est acquis qu’un travailleur en assignation temporaire peut effectuer du temps supplémentaire en autant que le travail requis corresponde à celui permis par son médecin traitant. Il ne subit donc aucune perte sur ce plan.

[52]        La représentante de l’employeur souligne que les travailleurs en assignation temporaire bénéficient de congés fériés non seulement durant la période des fêtes mais également, de façon isolée, à la fête des Patriotes ou à l’Action de grâces, par exemple. Or, elle remarque que ces congés sont pris et défrayés à 100 % par l’employeur sans que ces travailleurs revendiquent une reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu à ces dates. Elle remarque aussi qu’aucune telle revendication n’est présentée lors du congé des fêtes de 2010-2011 ou des congés des fêtes précédents. Elle se demande donc ce que le congé de 2011-2012 a de différent pour générer une telle requête du travailleur.

[53]        La représentante de l’employeur réitère que les travailleurs en assignation temporaire reçoivent les mêmes indemnités que les autres travailleurs à l’emploi de l’employeur, soit 100 % de leur salaire. Le travailleur ne prétend pas, d’ailleurs, que l’employeur ne respecte pas les obligations prévues à l’article 180 de la loi.

[54]        En fait, la représentante de l’employeur constate que le travailleur veut non seulement le paiement du salaire et des avantages conformément à l’article 180 de la loi. Il veut également être reconnu incapable en vertu de la loi et recevoir le paiement intégral de l’indemnité de remplacement du revenu.

[55]        La représentante de l’employeur indique que acquiescer à cette demande aurait pour effet de créer un avantage indu pour le travailleur puisqu’il toucherait alors un montant plus important que les employés non victimes d’un accident du travail (qui ne reçoivent que 100 % de leur salaire) ou que les travailleurs victimes d’un accident du travail qui bénéficient déjà d’une indemnité de remplacement du revenu (qui ne reçoivent que l’écart entre cette indemnité et leur salaire). Le travailleur en assignation temporaire se verrait alors conférer un avantage par rapport à tous les autres employés de l’employeur. La représentante de l’employeur estime que le législateur n’a pu vouloir un tel résultat.

[56]        Selon la représentante de l’employeur, la vraie question que le tribunal doit se poser est la suivante : En plus de la totalité de son salaire, le travailleur en assignation temporaire a-t-il droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 24 décembre 2011 au 2 janvier inclusivement ?

[57]        La représentante de l’employeur suggère à la Commission des lésions professionnelles de distinguer entre le droit à l’indemnité de remplacement du revenu et le versement de cette même indemnité.

[58]        Ainsi, elle reconnaît que tous les travailleurs victimes d’une lésion professionnelle et qui sont rendus incapables d’exercer leur emploi en raison de cette lésion ont droit à l’indemnité de remplacement du revenu. L’assignation temporaire ne retire pas ce droit au travailleur.

[59]        Cependant, elle a pour effet de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisque le salaire et les avantages sont alors pris en charge par l’employeur.

[60]        Les travailleurs en assignation temporaire sont toujours incapables d’exercer leur emploi, mais ils peuvent exécuter un certain travail pour lequel l’employeur verse le salaire et octroie les avantages prévus à la convention collective, dont les congés fériés. Or, il n’y a aucune disposition, dans la loi ou dans la convention collective, qui énonce qu’il y a interruption de l’assignation temporaire et reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu durant un congé férié.

[61]        La représentante de l’employeur soutient que l’intention du législateur est de traiter équitablement tous les travailleurs. L’article 1 de la loi prévoit une réparation intégrale des lésions professionnelles, mais il n’a pas pour but de conférer un avantage aux travailleurs lésés.

[62]        La représentante de l’employeur commente également les politiques déposées par le représentant du travailleur. Elle note, d’abord, que ces politiques ne lient aucunement la Commission des lésions professionnelles aux fins de rendre la présente décision. Elle note aussi que le commentaire relevé par le représentant du travailleur vise le paiement des 14 premiers jours et n’a aucune connexité avec le litige actuel.

[63]        La représentante de l’employeur est donc d’avis que la CSST ne doit pas reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu durant la période visée par la demande du travailleur et, de toute façon, si celle-ci doit reprendre un tel versement, il doit être amputé des sommes reçues de l’employeur. Or, comme l’employeur paie 100 % du salaire sans égard au maximum annuel assurable, ce salaire est plus élevé que l’indemnité de remplacement du revenu, de telle sorte que le travailleur n’a droit à aucune indemnité additionnelle.

[64]        La représentante de l’employeur dépose et commente des décisions[5] au soutien de son argumentation.

[65]        La représentante de l’employeur discute aussi de la décision produite par le représentant du travailleur.

[66]        Elle remarque que celle-ci prévoit effectivement qu’un congé férié met fin à l’assignation temporaire et permet la reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu sans égard aux sommes reçues de l’employeur.

[67]        Or, la représentante de l’employeur considère que cette décision ne tient pas compte de l’objet de la loi et des obligations contractuelles des parties. Ainsi, si le congé férié met nécessairement fin à l’assignation temporaire et que du temps supplémentaire est prévu durant ce congé, il ne pourra jamais être offert au travailleur en assignation temporaire et ce dernier perdra tout bénéfice relatif à un tel travail. Il en est de même du travailleur malade durant une assignation temporaire. Doit-on conclure que cela met automatiquement fin à l’assignation temporaire, que le travailleur perd le bénéfice de recevoir son plein salaire et qu’il doit dorénavant se contenter de l’indemnité de remplacement du revenu calculée sur la base du salaire maximum annuel assurable ? Et si le travailleur quitte son travail durant une demi-journée pour recevoir des traitements, est-ce, une fois de plus, l’interruption de l’assignation temporaire et le versement d’une indemnité moins généreuse que le salaire payé par l’employeur qui doivent prévaloir ?

[68]        La représentante de l’employeur souligne qu’il y a des conséquences négatives à cette interprétation qui incitent à la prudence. Elle invite donc la Commission des lésions professionnelles à faire les nuances nécessaires et à déterminer qu’aucune indemnité de remplacement du revenu ne doit être versée au travailleur pour la période visée par le présent litige.

[69]        Par ailleurs, en ce qui concerne monsieur Richaudeau, la représentante de l’employeur note que, durant la période pertinente, celui-ci reçoit environ 166,00 $ par jour. La CSST, constatant que ce dernier ne reçoit que 618,92 $ pour la semaine du 2 au 6 janvier 2012, décide de combler la différence en versant au travailleur un montant de 148,05 $.

[70]        Or, la représentante de l’employeur rappelle que l’écart observé découle du fait que le travailleur devait se présenter au travail le 3 janvier 2012 pour effectuer son assignation temporaire, qu’il a fait défaut de ce faire sans fournir d’explication et que, dès lors, l’employeur ne lui a pas versé son salaire pour cette journée. Si le travailleur avait travaillé, comme il se devait, et que l’employeur l’avait payé, la somme touchée par ce dernier aurait excédé l’indemnité de remplacement du revenu puisqu’il aurait alors fallu ajouter au salaire de 618,92 $ un salaire quotidien de 166,00 $ pour un total de 784,92 $, ce qui dépasse l’indemnité de remplacement du revenu prévue de 766,99$.

[71]        Donc, la représentante de l’employeur précise que, même en retenant le raisonnement de la CSST au sujet de la reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu durant cette période et au sujet du retrait de cette indemnité des sommes payées par l’employeur, le résultat de cette opération est nul.

[72]        Dès lors, le travailleur n’a droit à aucun versement d’indemnité de remplacement du revenu durant cette période. Elle demande donc à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer cette partie de la décision rendue par la révision administrative.

[73]        Le représentant du travailleur réplique à cette argumentation.

[74]        Il soutient qu’un travailleur indemnisé par la CSST peut s’enrichir en vertu de la loi. Il donne en exemple le cas du travailleur qui doit reprendre son travail le lundi et qui, pourtant, reçoit une indemnité pour le samedi et le dimanche précédant cette reprise.

[75]        Il invoque aussi l’article 4 de la loi qui prévoit qu’une convention collective peut être plus avantageuse que la loi.

[76]        Il entretient, par la suite, le tribunal sur les modalités relatives au temps supplémentaire et il réitère que le travailleur en assignation temporaire ne peut effectuer un tel travail. Il allègue également qu’il est plus avantageux de recevoir une indemnité de remplacement du revenu qu’un salaire puisque l’indemnité de remplacement du revenu n’est pas déduite des contributions au régime de retraite.

[77]        Le représentant du travailleur ajoute que l’indemnité de remplacement du revenu n’est pas une assurance salaire et qu’elle a plutôt pour but de compenser la perte de capacité de gain. Il conclut qu’il n’y a aucun avantage à être victime d’une lésion professionnelle, qu’un travailleur a droit à une indemnité de remplacement du revenu tant qu’il n’est pas redevenu capable d’exercer son emploi et que rien n’empêche le cumul du paiement des congés fériés et du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

L’AVIS DES MEMBRES

[78]        Conformément à ce qui est prévu à l’article 429.50 de la loi, la soussignée recueille l’avis des membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sur les questions soulevées par les présents litiges.

Dossiers 466151 et 466190

[79]        Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis qu’il y a lieu de rejeter la requête déposée par le travailleur, d’accueillir celle produite par l’employeur et de déclarer que le travailleur n’a pas droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 24 décembre 2011 au 6 janvier 2012 et que, en conséquence, la CSST n’a pas à lui verser une somme de 148,05 $ pour cette même période.

[80]        En effet, les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs estiment que le travailleur reçoit son plein salaire durant cette période, comme tous les autres employés à l’emploi de l’employeur, qu’il ne subit aucune perte et qu’il n’est aucunement pénalisé en raison de sa lésion professionnelle.

[81]        Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs ajoutent que faire droit aux prétentions du travailleur aurait pour effet de l’avantager en regard des travailleurs non victimes de lésions professionnelles et en regard de ceux qui ont subi une telle lésion et qui touchent des indemnités de remplacement du revenu. Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs considèrent que le législateur n’a pu vouloir un tel résultat.

[82]        Enfin, les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs croient que la CSST ne doit verser aucune somme au travailleur pour la période du 31 décembre 2011 au 6 janvier 2012 puisque le manque à gagner constaté alors découle d’une absence injustifiée, le 3 janvier 2012, alors qu’il était attendu au travail à cette date. Comme il était en assignation temporaire, la CSST n’a pas à couvrir cette journée et le travailleur doit assumer les conséquences relatives à son absence.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossiers 466151 et 466190

[83]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclusivement ainsi que pour la journée du 3 janvier 2012 où il s’absente de son assignation temporaire.

[84]        Il est en preuve que le travailleur est victime d’une lésion professionnelle et qu’il ne peut exercer son emploi régulier.

[85]        L’article 44 de la loi lui donne donc droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisqu’il est devenu incapable d’exercer son emploi en raison de cette lésion.

[86]        Toutefois, son médecin traitant autorise une assignation temporaire en vertu de l’article 179 de la loi et, en conséquence, selon l’article 180 de la loi, l’employeur est tenu de lui verser le salaire et les avantages liés à l’emploi qu’il occupait lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s’il avait continué à l’exercer.

[87]        Cette assignation temporaire entraîne donc un changement du statut du travailleur puisque celui-ci devient dorénavant à la charge de son employeur qui doit assurer son entière indemnisation[6].

[88]        Cependant, une telle assignation n’a pas pour effet de lui faire perdre le droit à l’indemnité de remplacement du revenu, mais bien de suspendre le versement d’une cette indemnité le temps que dure cette assignation[7]. Cette suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu n’est pas spécifiquement prévue à la loi. En effet, elle n’est nullement mentionnée aux articles 57, 132 ou 142 de la loi. Toutefois, elle s’impose et devient nécessaire afin d’éviter que le travailleur en assignation temporaire ne soit doublement indemnisé en raison de sa lésion professionnelle.

[89]        Maintenant, durant cette prise en charge par l’employeur, ce dernier doit verser au travailleur le salaire et les avantages liés à l’emploi prélésionnel tout comme s’il continuait à l’exercer. Ainsi, même si le travailleur occupe un emploi différent de celui qu’il exerce habituellement, le législateur requiert qu’on le traite tout comme s’il continuait d’exercer son emploi avec tous les droits et privilèges reliés à celui-ci.

[90]        Le travailleur en assignation temporaire jouit donc d’un certain avantage en regard de celui qui est également victime d’une lésion professionnelle, mais qui reçoit une indemnité de remplacement du revenu de la CSST. En effet, il touche son plein salaire, et non 90 % de son revenu net. Il paie certes ses cotisations aux différents paliers gouvernementaux ou celles relatives à son régime de retraite, mais le revenu net retenu aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu tient également compte de ces ponctions gouvernementales[8]. En outre, le fait de cotiser à son régime de retraite et d’assurer ainsi son avenir financier ne peut être perçu comme un désavantage. Aussi, le fait de devoir se soumettre à des traitements durant les congés fériés n’est pas exclusif au travailleur en assignation temporaire. Les autres travailleurs victimes de lésions professionnelles et indemnisés par la CSST doivent également recevoir les soins que requiert leur état durant cette période sans recevoir une double indemnisation pour autant.

[91]        En conséquence, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur en assignation temporaire n’est pas pénalisé comme le prétend le représentant du travailleur.

[92]        De même, la Commission des lésions professionnelles constate que le salaire versé par l’employeur n’est pas limité par un maximum annuel assurable contrairement à l’indemnité de remplacement du revenu. Enfin, la Commission des lésions professionnelles ne dispose d’aucune preuve lui permettant de conclure qu’un travailleur en assignation temporaire se voit, en tout temps, privé d’effectuer du temps supplémentaire.

[93]        Le travailleur en assignation temporaire bénéficie donc de son plein salaire et  des avantages liés à son emploi. Afin d’identifier quels sont les avantages dont il est question à l’article 180 de la loi, la Commission des lésions professionnelles doit s’en remettre aux faits particuliers mis en preuve puisque la situation peut différer selon la convention collective ou le contrat de travail applicables.

[94]        Dans le présent dossier, la convention collective en vigueur de 2008 à 2014 prévoit que les travailleurs visés par celle-ci bénéficient, entre autres, de congés fériés du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclusivement.

[95]        Ces congés ne sont pas concédés au terme d’un certain nombre d’années d’ancienneté et ils ne sont pas liés à une prestation de travail antérieure. Tous les employés auxquels s’applique la convention collective en bénéficient, peu importe leur statut dans l’entreprise.

[96]        Les employés couverts par la convention collective sont rémunérés pour huit heures, à leur taux normal de salaire, pour tous les jours de congés fériés. Les employés qui reçoivent des prestations d’invalidité se voient octroyer un montant correspondant à l’écart entre la prestation versée et leur salaire. En effet, selon le témoignage non contredit de madame Pinard, un travailleur victime d’une lésion professionnelle, qui n’est pas en assignation temporaire et qui est prestataire d’indemnités de remplacement du revenu, reçoit une telle compensation pour cette même période de congés ainsi que pour tous les congés fériés épars énumérés dans la convention collective.

[97]        La Commission des lésions professionnelles infère de cette preuve que le travailleur, en assignation temporaire avant et après le congé des fêtes, ne cesse pas d’être en assignation temporaire pendant ce congé ou durant tout autre congé férié. En effet, son médecin ne met pas fin à cette assignation. De plus, l’employeur ne prétend aucunement qu’il n’a plus de travail en assignation temporaire à confier au travailleur.

[98]        En fait, le travailleur, comme tous les autres employés, jouit d’un des avantages prévus à la convention collective, à savoir des congés fériés payés équivalant à plus d’une semaine de travail, et l’employeur lui verse le salaire relié à cet avantage.

[99]        La Commission des lésions professionnelles ne peut donc conclure qu’il y a, dans ce cas précis, interruption de l’assignation temporaire. Le travailleur bénéficie plutôt, durant la période pertinente, des avantages prévus à la convention collective. Il   reçoit une rémunération identique à celle qu’il aurait perçue s’il était resté au travail sans accuser aucune perte.

[100]     La Commission des lésions professionnelles partage donc l’analyse faite par le tribunal dans l’affaire Demix/Béton Agrégats et Wilford[9] lorsque, saisi de faits similaires, le juge administratif s’exprime en ces termes :

[29]      Donc, le travailleur est présumé incapable d’exercer son emploi, il est assigné temporairement à un autre travail et il reçoit le salaire et les avantages liés à l’emploi. Dans ces conditions, peut-il prétendre avoir aussi droit à une indemnité de remplacement du revenu pour les périodes concernées ?

 

[30]      […] La loi n’a pas pour but de permettre à un travailleur de s’enrichir du seul fait qu’il a subi une lésion professionnelle. Il peut parfois être un peu plus avantagé mais il ne peut prétendre au droit d’être payé en double. L’article 2 [sic] de la loi est clair ; la loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et non la surindemnisation. Lorsque le travailleur reçoit de son employeur les indemnités pour les congés fériés, il ne subit aucune perte de revenu et sur ce point, puisque la lésion n’entraîne pas de conséquences, le travailleur ne peut avoir droit au paiement d’indemnités de remplacement du revenu.

 

[31]      Évidemment, chaque situation doit être étudiée selon son mérite réel. Ainsi, s’il était démontré, ce qui n’est pas le cas ici, qu’un travailleur recevait moins, pour le paiement de ses congés fériés, que ce qu’il aurait touché en indemnités de remplacement du revenu, il pourrait s’attendre à ce que la CSST comble la différence.

 

[32]      Ou encore, un employeur, qui assigne temporairement un travailleur à un autre travail la veille de la fermeture de l’entreprise, ne pourrait alléguer qu’un travailleur ne peut réclamer des indemnités de remplacement du revenu s’il est démontré, ce qui non plus n’est pas le cas ici, que les indemnités pour congés fériés n’ont pas été effectivement versées.

 

 

 

[101]     Ainsi donc, dans ce dossier, les faits prouvés amènent la Commission des lésions professionnelles à conclure qu’il n’y a pas de cessation de l’assignation temporaire durant le congé des fêtes, mais bien l’octroi et la jouissance d’un des avantages prévus à la convention collective. Il n’y a donc pas lieu de verser une indemnité de remplacement du revenu pour cette même période.

[102]     Cependant, la Commission des lésions professionnelles partage les réserves émises par le tribunal dans l’affaire précitée.

[103]     Lorsque la preuve révèle que les sommes versées pour les congés fériés sont moindres que l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit, il y aurait peut-être lieu de conclure à une interruption de l’assignation temporaire puisqu’il n’y aurait plus alors maintien du salaire et des avantages prévus à l’article 180 de la loi et que le travailleur subirait une perte de revenu.

[104]     Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que, même si elle en venait à la conclusion que, du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclusivement, l’assignation temporaire est interrompue et que le travailleur récupère son droit à l’indemnité de remplacement du revenu, ce dernier n’aurait pas plus droit à la double indemnité qu’il réclame.

[105]     D’une part, les congés fériés ne sont pas assimilables aux vacances. Comme mentionné précédemment, le droit aux congés fériés ne découle pas d’une prestation de travail antérieure, comme les vacances, mais simplement du fait d’être au travail au moment précis où ils sont prévus. La jurisprudence élaborée à la suite d’une fermeture d’usine lors des vacances annuelles et basée sur la décision rendue par la Cour d’appel dans l’affaire Kraft ltée et Commission des normes du travail[10] est donc inapplicable en l’espèce.

[106]     Ici, les sommes versées par l’employeur s’assimilent à du salaire tout comme l’indemnité de remplacement du revenu qui, bien qu’elle vise à compenser une perte de capacité de gain, a tout de même pour but, comme son nom l’indique, de pallier la perte de revenu découlant d’une lésion professionnelle.

[107]     Ainsi, verser simultanément une indemnité de remplacement du revenu et la rémunération afférente aux congés fériés constituerait, dans le présent dossier, une double indemnisation et un enrichissement injustifié pour le travailleur en regard de tous ses collègues de travail, y compris ceux qui sont également victimes d’une lésion professionnelle, mais qui sont indemnisés par la CSST. La Commission des lésions professionnelles croit que le législateur n’a pu vouloir un tel résultat.

[108]     D’autre part, le versement d’une indemnité de remplacement du revenu durant la période en litige entraînerait une demande de remboursement de la part de l’employeur. En effet, l’article 24.2.1 de la convention collective édicte qu’un travailleur recevant une prestation d’invalidité n’a droit qu’à l’écart entre cette prestation et son salaire régulier.

[109]     Le travailleur n’aurait donc droit, en bout de piste, qu’à son plein salaire pour cette période, sans plus. Comme il a déjà reçu une rémunération équivalente à ce plein salaire, il ne peut toucher, en plus, une indemnité de remplacement du revenu.

[110]     Donc, peu importe l’avenue privilégiée, le travailleur n’a pas droit au cumul de la rémunération versée du 24 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclusivement et de l’indemnité de remplacement du revenu.

[111]     Il est vrai que le représentant du travailleur dépose les politiques élaborées par la CSST et il considère que celles-ci permettent le cumul d’indemnités réclamé. Or, la Commission des lésions professionnelles n’est pas liée par de telles politiques. De plus, elle constate que les politiques invoquées visent, entre autres, le paiement des quatorze premiers jours d’indemnités par l’employeur et non le versement de l’indemnité de remplacement du revenu par la CSST. Des nuances s’imposent donc à ce chapitre et, dès lors, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure que ces politiques appuient les revendications faites par le travailleur.

[112]     Il est également vrai que le représentant du travailleur dépose une décision où la Commission des lésions professionnelles reconnaît qu’un travailleur peut recevoir une indemnité de remplacement du revenu et le paiement de congés fériés pour une même période. Toutefois, cette décision est basée sur les faits spécifiques prouvés en l’espèce et sur les conditions de travail de ce travailleur. Comme ces faits diffèrent quelque peu de ceux retrouvés dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles ne peut en importer les conclusions.

[113]     En outre, la Commission des lésions professionnelles estime que cette interprétation généreuse à prime abord comporte certains dangers, surtout pour des travailleurs bénéficiant de salaires dépassant le maximum annuel assurable considéré par la CSST. La Commission des lésions professionnelles réfère à l’argumentation présentée par la représentante de l’employeur à ce sujet.

[114]     La Commission des lésions professionnelles favorise donc une approche pragmatique collée sur les faits particuliers de la présente affaire. Ici, elle considère que le travailleur n’a pas droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisqu’il est en assignation temporaire et qu’il a reçu, durant la période en litige, son plein salaire de son employeur et tous les avantages liés à son emploi.

[115]     Maintenant, la Commission des lésions professionnelles remarque que la CSST a versé au travailleur un montant de 148,05 $ jugeant que celui-ci avait subi une perte salariale pour la période du 31 décembre 2011 au 6 janvier 2012. Or, il manque effectivement la rémunération de la journée du 3 janvier 2012.

[116]     Cependant, la preuve révèle que le travailleur devait recommencer à travailler, comme tous les autres employés, le 3 janvier 2012, mais qu’il a fait défaut de se rendre au travail sans jamais justifier son absence.

[117]     Le travail en assignation temporaire est donc disponible et il n’existe aucun motif permettant à la CSST de verser une indemnisation pour cette journée.

[118]     La Commission des lésions professionnelles infirme donc cette partie de la décision rendue par la révision administrative.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 466151

ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur, Bombardier Aéronautique inc.;

INFIRME, en partie, la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 14 mars 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur, monsieur Franck Richaudeau, n’a pas droit au versement d’une indemnité de remplacement du revenu de 148,05 $ pour la période du 31 décembre 2011 au 6 janvier 2012;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 24 décembre 2011 au 30 décembre 2011.

Dossier 466190

REJETTE la requête déposée par le travailleur, monsieur Franck Richaudeau;

INFIRME, en partie, la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 14 mars 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au versement d’une indemnité de remplacement du revenu de 148,05 $ pour la période du 31 décembre 2011 au 6 janvier 2012;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 24 décembre 2011 au 30 décembre 2011.

 

 

__________________________________

 

Carmen Racine

 

 

 

 

Me Francine Legault

HEENAN BLAIKIE

Représentante de la partie requérante et intéressée-Bombardier Aéronautique inc.

 

 

Monsieur Pierre Zalums

A.I.M.T.A.

Représentant de la partie intéressée et requérante-monsieur Franck Richaudeau

 

 



[1]           Voir les dossiers suivants : Allard et Bombardier Aéronautique inc., C.L.P. 466560-62-1203; Renaud et Bombardier Aéronautique inc., C.L.P. 467385-64-1203; Gingras et Bombardier Aéronautique inc., C.L.P. 476015-62A-1207.

[2]           Bombardier Aéronautique inc. et Richaudeau et autres, C.L.P. 466151-63-1203, 466190-63-1203 et 466560-62-1203, 16 juillet 2012, M. Lamarre.

[3]           L.R.Q., c. A-3.001.

[4]           Émond et Vêtements de sports Gildan inc, et CSST, C.L.P. 217590-62C-0310, 21 janvier 2005, M. Sauvé.

[5]           Demix Béton/Agrégats et Wilford, C.L.P. 148212-62A-0010 et 160460-62A-0105, 2 octobre 2001, R. Hudon; Archambault et Casino du Lac Leamy et Pilon et Casino du Lac Leamy, C.L.P. 264551-07-05-6 et 265198-07-0506, 10 mai 2006, P. Perron; Vêtements Golden Brand Canada ltée et Cardenas [2004] C.L.P. 1607 .

[6]           Voir Vêtements Golden Brand Canada ltée et Cardenas, précitée à la note 5.

[7]           Voir, à ce sujet, les décisions suivantes : Caron et Prévost Car inc. [1998] C.L.P. 292 ; Komatsu International inc. et Gagnon [1999] C.L.P. 130 ; C.S. Brooks Canada inc. et Saint-Pierre, C.L.P. 117320-05-9905, 6 octobre 1999, M. Allard; Lapointe et Demix Béton, C.L.P. 205429-05-0304, 19 décembre 2003, F. Ranger; Émond et Vêtements de sports Gildan inc., précitée à la note 4; R.P.M. Tech inc. et Blanchette, C.L.P. 361579-04B-0810, 4 février 2009, A. Quigley.

[8]           Voir l’article 63 de la loi.

[9]           Précitée à la note 5.

[10]         [1989] R.J.Q. 2678 (jj. Mc Carthy, Rothman et Beaudoin).

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