Chachai c. Mobilier 2000 inc. |
2013 QCCQ 1503 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances» |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
ROBERVAL |
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LOCALITÉ DE |
ROBERVAL |
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«Chambre civile» «Division des petites créances»
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N° : |
155-32-000052-121 |
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DATE : |
28 février 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
MONSIEUR LE JUGE |
JEAN HUDON, J.C.Q. |
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YVETTE CHACHAI
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Demanderesse |
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c. |
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MOBILIER 2000 INC.
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le 11 août 2010, Yvette Chachai a acheté de Mobilier 2000 divers biens, dont un réfrigérateur Whirlpool au montant de 1 859,99 $.
[2] Peu de temps après l'achat, elle constate un bruit qu'elle estime anormal et qui provient du réfrigérateur.
[3] Elle se rend chez Mobilier 2000 qui procède à une vérification, mais ne trouve rien d'anormal.
[4] Ce bruit est encore présent aujourd'hui.
[5] Au printemps 2011, elle constate qu'il y a de l'eau qui s'égoutte au-dessous du réfrigérateur.
[6] Elle rapporte, encore une fois, le réfrigérateur chez Mobilier 2000 qui procède à la réparation du bris, à savoir qu'un tuyau était bouché.
[7] Deux jours après avoir ramené le réfrigérateur à la maison, l'écoulement d'eau est toujours présent.
[8] Quelques mois plus tard, elle rapporte une troisième fois l'appareil chez Mobilier 2000 qui procède à la réparation. L'écoulement d'eau était causé par un bris au plateau d'évaporation de l'eau.
[9] Le problème d'écoulement d'eau de l'appareil est aujourd'hui réglé, mais un autre problème s'est présenté, soit que le congélateur ne fonctionne plus adéquatement en ce qu'il se tient froid comme le réfrigérateur.
[10] En défense, Éric Tremblay, co-propriétaire de l'entreprise, reconnaît que le réfrigérateur a été ramené trois fois à son commerce, mais soulève un usage excessif et des bris causés lors du transport de l'appareil par la demanderesse pour justifier son intention de ne pas faire droit à sa réclamation. Il dit que le drain était bouché lors des deux dernières réparations.
[11] Éric Tremblay mentionne que le réfrigérateur sentait mauvais et qu'il y avait du jus de poisson dans le tuyau.
[12] François Tremblay, technicien d'équipement possédant deux ans d'expérience, a procédé aux deuxième et troisième réparations de l'appareil.
[13] Il a rendu un témoignage très objectif, précis et éclairant pour le Tribunal.
[14] Lorsqu'il apprend, par l'appel de service, que le réfrigérateur perd de l'eau, il pense à trois causes, soit le bris de la machine à glace, le drain qui est bouché ou le bris du plateau d'évaporation.
[15] Le réfrigérateur n'ayant pas de machine à glace, il vérifie si le drain est bouché et c'est le cas.
[16] Il y a beaucoup de saleté et de graines à l'intérieur du drain. Il procède à la réparation et agrandit le trou au niveau de la pipette pour éviter que le problème ne se reproduise.
[17] Il dit que le réfrigérateur sentait mauvais, qu'il y avait du fromage et du sang séché et, vu les saletés dans le drain, c'est pourquoi, il pense à un usage excessif. Il mentionne toutefois que les odeurs ne sont pas la cause du problème.
[18] Après les travaux, il a fait un test avec de l'eau et il n'y a aucun écoulement ce qui lui confirme que le plateau d'évaporation n'était pas cassé.
[19] À la deuxième réparation qu'il a effectuée, il fait un test d'eau sur le drain et il n'y a aucune perte d'eau. Il conclut que le drain n'est pas bouché, contredisant ainsi Éric Tremblay et il vérifie alors le plateau. Il est cassé.
[20] C'est clair pour lui que ce bris s'est produit durant le transport ou lors du déplacement de l'appareil avec un «diable».
[21] Il mentionne que le bris d'un drain est très rare et qu'il ne peut expliquer pourquoi, après la troisième réparation, le congélateur ne fonctionne plus adéquatement, car ne permettant plus la congélation des aliments.
Analyse et droit
[22] Yvette Chachai étant un consommateur et Mobilier 2000, un commerçant, c'est la Loi sur la protection du consommateur qui s'applique au présent litige.
[23] Les articles 37 et 38 de cette loi prévoient ce qui suit:
37 - Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38 - Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[24] Dans la présente affaire, Yvette Chachai a payé son réfrigérateur 1 859,99 $. Elle a dû se déplacer à trois reprises, à l'intérieur d'un an, chez la défenderesse et, à ce jour, le congélateur ne fonctionne plus. Il s'agit, sans l'ombre d'un doute, d'un bien qui ne sert pas à l'usage normal pendant une durée raisonnable eu égard à son prix.
[25] Toutefois, Mobilier 2000 soulevant le fait que le réfrigérateur se retrouve dans cet état en raison des mauvaises conditions d'utilisation du bien, c'est à elle que revient le fardeau de convaincre le Tribunal de cette mauvaise utilisation, et ce, par une preuve prépondérante. Le Tribunal doit donc analyser cette prétention.
[26] Comme l'a dit Me Jean-Claude Royer[1]:
Pour remplir son obligation de convaincre, un plaideur doit faire une preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
(…)
Ainsi, le plaideur doit donc démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable.
[27] Yvette Chachai demeurant dans une région éloignée, le transport du bien pour les réparations était à sa charge et sous sa responsabilité, selon la pièce D-1, soit la garantie Whirlpool. La demanderesse ne conteste pas cette obligation.
[28] Lorsqu'elle quittait sa résidence située à plus de 300 kilomètres de Roberval, elle utilisait un camion Ford F-150 dans lequel le réfrigérateur y était placé debout et attaché. C'est une route en gravier et en asphalte.
[29] La preuve démontre qu'après la réparation du drain, au printemps 2011, le réfrigérateur est rapporté à l'automne 2011 et le drain n'est pas bouché, selon François Tremblay - le réparateur - mais l'est, selon Éric Tremblay - le propriétaire. Le Tribunal retient le témoignage de François Tremblay parce que c'est lui qui a effectué les travaux.
[30] La preuve du mauvais entretien a-t-elle été faite ? Le Tribunal retient les versions de François Tremblay et de Éric Tremblay quant aux odeurs.
[31] Est-ce que cette odeur est un mauvais entretien qui a pu faire que le drain a bouché ? Le Tribunal répond par la négative, et ce, de l'aveu même de François Tremblay.
[32] Y'a-t-il preuve d'un mauvais usage ?
[33] Yvette Chachai dit qu'elle a utilisé le réfrigérateur de façon normale et Éric Tremblay dit qu'il s'agit d'utilisation anormale.
[34] Selon l'auteur, Me Léo Ducharme[2], lorsqu'il y a une preuve contradictoire et que le Tribunal est incapable de départager la vérité entre ces deux versions, c'est celui à qui appartient le fardeau de preuve qui perdra.
[35] Le fardeau de démontrer l'utilisation anormale appartient à Mobilier 2000 et elle n'a pas rempli son fardeau. Outre la contradiction concernant l'utilisation du réfrigérateur, la preuve tend plutôt à démontrer le contraire, car après la réparation du drain, celui-ci n'a pas brisé à nouveau. Yvette Chachai a utilisé le réfrigérateur, après cette réparation, de la même façon qu'auparavant.
[36] Même si le Tribunal retient que le bris du plateau d'évaporation a été causé par le transport, cela n'est pas suffisant pour conclure à une mauvaise utilisation du bien au sens de la Loi sur la protection du consommateur, car il demeure un bruit excessif, un drain qui a bouché alors que ce n'est pas normal et un congélateur qui ne fonctionne plus.
[37] Le Tribunal est convaincu, de la preuve qui est présentée devant lui, que le bien acheté au montant 1 859 99 $ n'a pas servi à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, d'autant plus, qu'encore aujourd'hui, l'appareil est défectueux.
[38] Éric Tremblay, propriétaire de Mobilier 2000, a témoigné à l'effet qu'ils avaient procédé à la réparation du plateau, même s'il s'agissait de travaux hors garantie.
[39] Le Tribunal répond qu'il y a une différence entre la garantie donnée par un fabricant et les obligations légales imposées par la Loi sur la protection du consommateur, aux articles 37 et 38 précités qui y sont supplétives.
Dommages
[40] À titre de dommages, Yvette Chachai réclame la somme de 2 500 $ pour le coût du réfrigérateur et les dépenses en essence pour ramener l'appareil chez la défenderesse et les dépenses pour refaire le plancher en céramique sous le réfrigérateur.
[41] Lors de l'audition, Yvette Chachai a également demandé le remplacement des portes du réfrigérateur qui ont été égratignées.
1.- coût de l'appareil
[42] Le Tribunal ne fera pas droit au remplacement du réfrigérateur, mais appliquera plutôt une réduction de prix de 930 $ représentant la moitié du montant payé pour le réfrigérateur qui ne sert pas à l'usage auquel il est destiné.
2.- dépenses en essence
[43] Ce poste de réclamation sera rejeté puisqu'il s'agit d'un dommage indirect, sans compter qu'aucune preuve n'a été déposée à cet effet et, qu'au surplus, le transport est sous la responsabilité de l'acheteur du bien.
3.- réfection du plancher de la cuisine
[44] Ce poste de réclamation sera également rejeté puisqu'aucune preuve du montant nécessaire pour ces travaux n'a été faite, les travaux n'ayant, de surcroît, pas été effectués.
4.- remplacement des portes du réfrigérateur endommagées
[45] Ce poste de réclamation est également rejeté puisque la preuve démontre que, si les portes ont été endommagées, il s'agit de bris qui ont été occasionnés lors du transport de l'appareil, lequel était à la charge et sous la responsabilité de Yvette Chachai.
[46] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[47] ACCUEILLE partiellement la demande;
[48] CONDAMNE Mobilier 2000 à payer à Yvette Chachai la somme de 930 $ avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis le 25 novembre 2011.
[49] LE TOUT avec dépens fixés à 103 $.
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________________________________ JEAN HUDON, Juge à la Cour du Québec |
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Date d’audience : |
28 janvier 2013 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.