Décision

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Létang et Société canadienne des Postes

2009 QCCLP 2576

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

7 avril 2009

 

Région :

Outaouais

 

Dossier :

284689-07-0603-R

 

Dossier CSST :

127279214

 

Commissaire :

Jean-François Martel, juge administratif

 

Membres :

Philippe Chateauvert, associations d’employeurs

 

Royal Sanscartier, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Joanne Létang

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Société Canadienne des Postes

R.H.D.C.C. Direction travail

 

Parties intéressées

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 6 août 2008, madame Joanne Létang (la travailleuse) dépose, par l'entremise de ses procureurs, une requête en révocation en vertu de l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi) à l'encontre d'une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 3 juillet 2008, à la suite d’une audience tenue le 22 mai 2008 (décision CLP-1).

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles :

-          rejette la requête déposée par la travailleuse, le 15 mars 2006, à l’encontre de la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 1er mars 2006 à la suite d’une révision administrative,

-          confirme la susdite décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative et

-          déclare que :

·        les diagnostics de la lésion professionnelle sont une entorse cervicale et une entorse à l’épaule gauche,

·        la lésion professionnelle est consolidée le 25 octobre 2005,

·        les soins ou traitements ne sont plus nécessaires après cette date, et que

·        la lésion professionnelle n’entraîne ni atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.

[3]                La travailleuse est présente accompagnée de son procureur à l’audience tenue, le 16 février 2009, à Gatineau.  Bien que dûment convoquées, les parties intéressées, Société Canadienne des Postes et R.H.D.C.C. Direction travail, n’y ont mandaté aucun représentant.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                La travailleuse demande de révoquer la décision CLP-1 et de convoquer à nouveau les parties à une audience sur le fond de sa requête déposée le 15 mars 2006.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête devrait être accueillie.  La travailleuse a démontré qu’elle n’a pu se faire entendre, pour des raisons que les membres issus jugent suffisantes.

[6]                En effet, la travailleuse et son représentant de l’époque ont été induits en erreur par la représentante occupant pour la Société Canadienne des postes lors de l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles, le 22 mai 2008, quant au fait qu’une demande de remise serait présentée et que l’audience au mérite n’aurait pas lieu ce jour-là.  La preuve ne révèle, d’autre part, aucune négligence de la part de la travailleuse ni aucune renonciation explicite ou implicite à l’exercice de ses droits.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]                La requête dont le tribunal est ici saisi est régie par l’article 429.56 de la Loi, lequel se lit comme suit :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

[8]                Dans son recours, la travailleuse invoque plus particulièrement les dispositions du second paragraphe de cet article, à savoir qu’elle n’a pu se faire entendre à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles, le 22 mai 2008, et ce, dans les circonstances relatées comme suit dans certains paragraphes de la requête :

22.     Dans le présent dossier, malheureusement, les agissements et affirmations de la représentante de l’employeur ont induit en erreur le représentant de la travailleuse, monsieur David St-Onge ;

23.     En effet, n’eut été la conviction de monsieur St-Onge qu’une remise serait accordée, celui-ci se serait présenté devant la Commission des lésions professionnelles avec la travailleuse pour faire la preuve de fait et de droit qui s’imposait dans les circonstances ;

24.     De plus, la Commission des lésions professionnelles a été informée par madame Proulx le 22 mai 2008 que le représentant de la travailleuse monsieur St-Onge était à Québec croyant à une remise de l’audition et donc dans l’impossibilité physique de se présenter devant le tribunal « séance tenante » pour défendre le dossier de madame Létang ;

25.     Monsieur St-Onge était nouveau au dossier en remplacement d’un autre représentant syndical et il a cru de bonne foi que l’audition serait reportée étant donné l’accord des deux parties à la demande de remise ;

26.     Les représentations faites par monsieur St-Onge auprès de madame Létang ont été à l’effet que l’audition serait remise et que sa présence était en conséquence devenue inutile ;

(Soulignés dans le texte)

[9]                D’emblée, il importe de souligner que l’allégation contenue au paragraphe 24 de la requête, cité précédemment, n’est pas supportée par la preuve offerte.

[10]           Certes, entendu comme témoin, monsieur St-Onge relate avoir eu plusieurs échanges téléphoniques, le 22 mai 2008, avec la représentante de l’employeur (madame Proulx), qui lui parlait via son téléphone cellulaire depuis l’antichambre de la salle d’audience, et au cours desquels celle-ci l’aurait assuré qu’elle soumettrait bien au tribunal la demande de remise conjointe dont ils avaient tous deux convenu.  Mais, le témoin n’est évidemment pas en mesure d’affirmer que pareille demande a effectivement été présentée au tribunal, puisqu’il n’était pas présent à l’audience.  À cet égard, il s’en rapporte donc exclusivement à ce que madame Proulx lui aurait alors dit.

[11]           Monsieur St-Onge déclare avoir reçu, ce même jour, un appel téléphonique d’une personne de sexe féminin, présumément de la Commission des lésions professionnelles.  Il n’est cependant pas en mesure d’identifier davantage son interlocutrice.  Au ton et au contenu de l’échange, il a présumé qu’il s’agissait de la juge administratif chargée d’entendre l’affaire, mais il ne saurait l’affirmer.

[12]           Dans ces circonstances, le soussigné a décidé de procéder à l’écoute de l’enregistrement audionumérique de l’audience tenue le 22 mai 2008.

[13]           Il en ressort que la représentante de l’employeur n’a pas présenté de demande conjointe de remise au nom des deux parties.  Au contraire, en réponse aux questions directes et répétées que lui posait la juge administratif, madame Proulx a clairement affirmé, à trois reprises, qu’aucune demande de remise n’avait été demandée, qu’elle n’avait pas convenu avec le représentant de la travailleuse de présenter une demande de remise et qu’il lui apparaissait clair de leurs échanges, sans malentendu possible, qu’elle ne soumettrait pas de demande de remise au tribunal ce jour-là.

[14]           En réalité, madame Proulx n’a présenté que des arguments sur le mérite de l’affaire en vue d’obtenir le rejet de la contestation déposée par la travailleuse, invoquant notamment que cette dernière était en mesure de reprendre son travail.  De plus, elle a donné à penser qu’une entente avait bel et bien été envisagée auparavant, mais qu’elle ne se concrétisa jamais, parce que le représentant du travailleur n’avait pas donné suite à sa suggestion de contacter la conciliatrice en charge du dossier, madame Chevarie.

[15]           À l’audience et sous serment, monsieur St-Onge contredit cette assertion, déclarant avoir eu de nombreux échanges avec la conciliatrice Chevarie, dans le cadre de ce dossier.

[16]           De fait, tenant compte du témoignage de monsieur St-Onge et de l’ensemble de la preuve, il est possible que, le jour de l’audience, le représentant de la travailleuse a eu une conversation téléphonique, non pas avec la juge administratif qui a rendu la décision CLP-1 comme il l’a cru, mais plutôt avec la conciliatrice Françoise Chevarie ou une autre personne.  La méprise résulte peut-être du fait qu’il a été tiré d’une importante réunion pour prendre l’appel qui lui était destiné.

[17]           Mais, ce qui est certain, c’est que monsieur St-Onge n’a pas parlé avec la juge administratif chargée d’entendre l’affaire, tel qu’en atteste le procès-verbal d’audience dressé le 22 mai 2008, lequel constitue un acte authentique dont la teneur n’a pas été attaquée :

La travailleuse et son représentant sont absents et n’ont fait aucune demande de remise.  Le greffe a tenté de communiquer avec eux et il n’y a plus de service au numéro de la travailleuse et il n’y a pas de réponse chez son représentant.

 

La décision sera donc rendue selon la preuve au dossier et les représentations de la porte-parole de l’employeur.

 

(Le tribunal souligne)

[18]           Le tribunal tire de ce qui précède les conclusions suivantes :

-          la représentante de l’employeur n’a pas présenté de demande de remise de l’audition prévue pour le 22 mai 2008 ;

-          la juge administratif chargée d’entendre l’affaire n’a pas été informée du fait que la travailleuse ainsi que son représentant croyaient que l’audition n’aurait pas lieu et qu’elle serait remise à une autre date ;

-          l’audition a porté sur le fond de la contestation et la représentante de l’employeur a plaidé sur le mérite de l’affaire, en l’absence de la travailleuse, partie requérante.

[19]           Reste à savoir si, effectivement, la travailleuse et/ou son représentant ont cru que la représentante de l’employeur soumettrait en leur nom une demande de remise, qu’elle obtiendrait du tribunal que l’audition prévue pour le 22 mai 2008 soit reportée à une date postérieure et que de ce fait, ils n’ont pu se faire entendre.

[20]           Sur cet aspect du dossier, les allégués de la requête ont été prouvés à la satisfaction du tribunal.

[21]           Le témoignage rendu par monsieur David St-Onge, lequel est demeuré non contredit, est apparu sincère, sans contradiction ni réserve.  Il a franchement avoué son inexpérience en de semblables matières et a reconnu s’être entièrement fié aux assurances que lui fournissait madame Proulx, en qui il avait une totale confiance.

[22]           Croyant sincèrement que madame Proulx, non seulement demanderait la remise de l’audition, mais aussi l’obtiendrait (elle s’était faite rassurante et il était convaincu de son expertise dans le domaine), il confirme avoir avisé la travailleuse que sa présence devant le tribunal, le 22 mai 2008, n’était pas requise.

[23]           Pour sa part, la travailleuse témoigne que peu de temps avant la date d’audience prévue, son représentant l’a avisée qu’elle n’aurait pas à se présenter devant la Commission des lésions professionnelles et que son dossier ferait probablement l’objet d’une entente.  Rien n’autorise à douter de la force probante de son témoignage à cet égard.

[24]           Le représentant de la travailleuse a été victime des représentations mensongères de la représentante de l’employeur.  Il a de ce fait donné des informations erronées à sa cliente, laquelle a cru, de bonne foi, que l’audience prévue pour le 22 mai 2008 n’aurait pas lieu et, qu’en conséquence, elle n’avait pas à se présenter devant le tribunal ce jour-là.

[25]           D’autre part, le dossier ne recèle aucun élément qui porte à croire que la travailleuse a fait preuve de négligence ou renoncé, implicitement ou explicitement, à l’exercice des recours appropriés pour la reconnaissance de ses droits.

[26]           Considérant le tout, le tribunal conclut que la travailleuse n’a pu se faire entendre lors de l’audition tenue le 22 mai 2008, et ce, pour des raisons jugées suffisantes[2].

[27]           Cela étant, il y a lieu de révoquer la décision CLP-1 et de convoquer les parties à une nouvelle audition sur la requête déposée par la travailleuse, le 15 mars 2006, à l’encontre de la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er mars 2006, à la suite d’une révision administrative.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révocation ;

RÉVOQUE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 3 juillet 2008 ;

CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience à être fixée ultérieurement en vue de statuer sur la requête déposée par madame Joanne Létang, le 15 mars 2006, à l’encontre de la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er mars 2006, à la suite d’une révision administrative.

 

__________________________________

 

Jean-François Martel

 

 

 

 

Me Thierry Saliba

Philion Leblanc Beaudry

Procureur de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Voir en ce sens les décisions suivantes : Lefebvre et Les Agences Kyoto ltée, 245646-64-0410, 26 octobre 2006, M. Zigby ; Clersaint et Établissements de détention du Québec, 202236-72-0303-R, 14 juin 2005, M. Zigby ; Boudreault et Chaussures STC inc., 226258-71-0402 R, N. Lacroix ; Duguay et Club de golf Royal Québec, 224280-31-0312-R, 22 octobre 2004, G. Tardif ; Hallé et Distribution Simon Beaulieu inc., 226255-31-0401-R, 11 novembre 2004, G. Marquis ; Abrigo et Gusdorf Canada ltée, 164884-72-0106, 21 janvier 2003, L. Landriault ; Transport V.A. inc. et Marchessault, 168433-62B-0109-R, 8 novembre 2002, M. Carignan ; Gilbert et Hôpital Charles-Lemoyne, 140532-62-0006-R, 29 janvier 2001, L. Landriault ; Les viandes du Breton inc. et Dupont, 89720-01A-9707, 18 décembre 2000, M. Carignan, (00LP-175) ; Leduc et Ernest Montpetit & fils inc., 110233-62C-9901, 2 mars 2000, S. Mathieu ; Roy et Industries John Lewis ltée, 102233-04-9807, 19 janvier 2000, M. Carignan.

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