Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

MédiaQMI inc. c. M.K.

2019 QCCA 814

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-026931-170

(500-17-095861-160)

 

DATE :

9 mai 2019

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

MARK SCHRAGER, J.C.A.

CLÉMENT SAMSON, J.C.A. (AD HOC)

 

 

MÉDIAQMI INC.

APPELANTE - intervenante

c.

 

M... K...

INTIMÉ - défendeur

et

 

CENTRE INTÉGRÉ UNIVERSITAIRE DE

SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE

L’OUEST-DE-L’ÎLE-DE-MONTRÉAL

INTIMÉE - demanderesse

et

BANQUE ROYALE DU CANADA

MISE EN CAUSE - mise en cause

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante, Médiaqmi inc., se pourvoit contre un jugement rendu le 20 juillet 2017 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Pierre-C. Gagnon), qui rejette sa demande de rendre publiques quatre pièces déposées dans le dossier de la Cour, lesquelles avaient été mises sous scellés de consentement par les intimés, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal (CIUSSS) et M... K... (K...) dans le cadre du litige qui les oppose.

[2]           Pour les motifs du juge Samson ad hoc et du juge Schrager, la COUR :

[3]           REJETTE l’appel, avec les frais de justice.

[4]           Pour d’autres motifs, la juge Marcotte aurait accueilli l’appel, avec les frais de justice, et infirmé le jugement de première instance de manière à retourner le dossier en Cour supérieure pour qu’elle tranche le débat de la mise sous scellés.

 

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.C.A.

 

 

 

 

 

CLÉMENT SAMSON, J.C.A. (AD HOC)

 

Me Marc-André Nadon

Prévost Fortin D’Aoust

Pour l’appelante

 

Me Jonathan Pierre-Étienne

Grondin Savarese Legal inc.

Pour l’intimé M... K...

 

Me Dominique Vallières

Lavery, De Billy

Pour l’intimée CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île de Montréal

 

Date d’audience :

20 février 2019

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

MOTIFS DU JUGE SAMSON

 

 

 

[5]           L’appelante, Médiaqmi inc., se pourvoit contre un jugement rendu le 20 juillet 2017 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Pierre-C. Gagnon), qui rejette sa demande de rendre publiques quatre pièces déposées dans le dossier de la Cour, lesquelles avaient été mises sous scellés de consentement par les intimés, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal (CIUSSS) et M... K... (K...) dans le cadre du litige qui les oppose.

[6]           Le juge a décidé que, puisque cette affaire s’est soldée par un désistement du recours du CIUSSS, les parties ont les pleins pouvoirs de retirer les pièces ainsi que les actes de procédure, exception faite de la déclaration introductive d’instance.

* * *

[7]           Voyons les faits essentiels.

[8]           L’appelante publie, entre autres, Le Journal de Montréal. Ce journal a diffusé deux articles portant sur le différend qui oppose le CIUSSS à K....

[9]           Jusqu’à sa démission le 12 février 2016, K... est à l’emploi du CIUSSS à titre de cadre.

[10]        Le 6 octobre 2016, le CIUSSS poursuit K... pour une somme de 510 266 $, laquelle procédure est assortie d’une ordonnance de type Norwich. Outre une réclamation en dommages de 100 000 $, il est allégué que K... se serait illégalement fait rembourser des dépenses personnelles pour une somme de 410 266 $. Ce dernier aurait ensuite démissionné et refusé de collaborer à une enquête menée par une firme externe.

[11]        Le 7 octobre 2016, l’ordonnance Norwich ordonne à l’institution financière mise en cause de fournir certaines informations. Une mise sous scellés du dossier de la Cour est aussi ordonnée. Cette ordonnance est reconduite à deux reprises jusqu’au 25 avril 2017.

[12]        Le 27 mars 2017, l’appelante dépose une procédure pour mettre fin aux scellés et, au nom du droit du public à l’information, avoir accès à la procédure introductive d’instance et au contenu du dossier.

[13]        Le 19 avril 2017, le CIUSSS dépose un désistement de son recours. Dans les jours qui suivent, le CIUSSS tente de retirer les pièces, mais en vain; le dossier est introuvable.

[14]        Le 21 avril 2017, K... demande à la Cour supérieure de retirer la procédure introductive d’instance ou, à défaut, de la mettre sous scellés. Le CIUSSS ne conteste pas cette procédure, mais l’appelante notifie une opposition.

[15]        Le 25 avril 2017, a lieu l’audition de la demande de retrait de la demande introductive d’instance, au cours de laquelle le CIUSSS demande au juge l’autorisation de retirer les pièces P-1 à P-4, dont notamment la pièce P-1 qui est un rapport juricomptable de la firme PwC daté du 5 octobre 2016. L’appelante conteste la demande du CIUSSS dont l’objet constitue l’enjeu de cet appel.

[16]        L’ordonnance de mise sous scellés est alors prolongée jusqu’au prononcé du jugement dont appel.

[17]        Le 20 juillet 2017, le jugement est prononcé : la déclaration introductive d’instance est conservée dans le dossier et rendue publique alors que les pièces P-1 à P-4 peuvent être retirées par le CIUSSS. Seule la partie de ce jugement traitant des pièces est portée en appel.

* * *

[18]        Le jugement entrepris traite du retrait des pièces en ces termes :

[61] Quant aux pièces devant demeurer au dossier durant toute l’instance, le deuxième alinéa de l’article 108 C.p.c. en permet le retrait durant l’instance si toutes les parties y consentent.

[62] Autrement, le même article 108 C.p.c. indique qu’une fois l’instance terminée, les parties doivent reprendre possession de leurs pièces, à défaut de quoi le greffe peut les détruire un an après la fin.

[…]

[115] Les journalistes et les médias bénéficient dans le Code de procédure civile de modalités d’accès spéciales aux salles d’audience et aux débats qui s’y tiennent (articles 13, 14 et 16 C.p.c.). Mais, au-delà de tels aménagements, les journalistes et médias ne disposent pas de droits ou de pouvoirs qui supplantent l’application des règles ordinaires du Code de procédure civile.

[116] Pour fonctionner adéquatement, correctement et efficacement, la procédure civile doit bénéficier de règlements hors cour totaux ou partiels, de retraits et de désistement.

[…]

[119] Quand l’instance se termine (notamment par un désistement, un acquiescement ou une transaction), les parties ont pleine marge de manœuvre de retirer toutes les pièces du dossier, et de les soustraire au regard public. Cette aptitude peut les motiver à solutionner le litige plutôt que de le laisser dans la sphère publique, à la vue de tous.

[120] Dans ce même esprit, les règles de procédure permettent généralement de retirer les divers actes de procédure produits au dossier après signification de la demande introductive d’instance.

[121] Cependant, le Code de procédure civile établit une distinction pour cette demande introductive d’instance, qui doit rester au dossier.

* * *

[19]        L’appelante soutient que l’article 108 C.p.c. qui permet le retrait des pièces est une simple règle procédurale qui doit céder le pas au principe constitutionnel du droit à l’information[1] et à la règle du caractère public des auditions devant les tribunaux[2]. Le juge aurait omis d’appliquer les enseignements de la Cour suprême quant au caractère public des débats.

[20]        Les intimés sont d’avis que les parties peuvent retirer leurs pièces en tout temps, comme le permet l’article 108 C.p.c. Si les pièces P-1 à P-4 étaient encore au dossier, c’est simplement parce que le dossier n’était pas disponible au moment de la demande de retrait. Le débat entre eux était terminé, vu le désistement du CIUSSS.

* * *

[21]         « Le Code de procédure civile contient l’ordonnancement législatif du droit processuel », comme le rappelle la Cour suprême dans Lac d’amiante Québec c. 2858-0702 Québec inc.[3]. Les tribunaux ne jouissent que d’une fonction subsidiaire dans le contenu de la procédure civile[4]. Bien que devant aussi intégrer les principes constitutionnels de la Charte canadienne des droits et libertés, dans un domaine comme la publicité des débats, « …la législature québécoise n’a pas laissé aux tribunaux la même marge de liberté que les législatures des autres provinces. »[5]. Par conséquent, un tribunal québécois ne peut décréter une règle positive de procédure, et encore moins en créer une à l’encontre de celles déjà contenues dans le Code de procédure civile.

[22]        La mission des tribunaux définie par le Code de procédure civile est de trancher les litiges dont ils sont saisis en conformité avec les règles de droit applicables. Ils ne peuvent se saisir d’office de différends[6] et les parties gardent la maîtrise de leur dossier dans le respect des principes et objectifs de la procédure civile[7].

[23]        Le statut de l’appelante n’est pas celui d’une partie qui conserve la maîtrise de son dossier. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler qu’un juge en délibéré d’une affaire dont les parties se désistent perd juridiction. À plus forte raison, en est-il de même pour une procédure incidente même soutenue par un droit prévu dans la Charte : elle ne peut subsister en regard d’un différend qui n’existe plus entre les parties.

[24]        La demande de l’appelante d’avoir accès aux pièces est accessoire au litige opposant les parties. Or, le désistement du CIUSSS de sa procédure introductive d’instance a mis fin à l’instance[8]. L’intimée avait le droit de retirer ses pièces dès le moment du dépôt du désistement, ce qu’elle n’a pu faire en temps utile vu la non-disponibilité du dossier.

[25]        La jurisprudence citée par l’appelante ne trouve pas application en l’espèce. La Cour suprême a rendu de nombreux arrêts sur le caractère public des débats, que ce soit en regard de l’exclusion du public à des procédures de détermination de la peine en matière d’agression sexuelle[9], de la non-diffusion d’une série d’émissions qui pourraient influencer un jury saisi de faits similaires[10], de la publication du nom de policiers et de leurs méthodes d’enquête[11] ou finalement de renseignements confidentiels de nature commerciale[12]. Tous ces arrêts discutent de la publicité des débats pour des litiges en cours lorsque le juge jouit d’un pouvoir discrétionnaire de restreindre le caractère public d’un débat.

[26]        A contrario, dans l’arrêt Personne désignée c. Vancouver Sun[13], la Cour suprême, sous la plume du juge Bastarache, discute de la publicité des débats dans une situation où le juge ne dispose pas d’un tel pouvoir discrétionnaire :

En d’autres termes, il s’agit d’un cas d’application du principe de la publicité des débats judiciaires à une cause assujettie au secret. Il n’en est pas ainsi en l’espèce : si l’exigence de confidentialité découle de l’application de la règle du privilège relatif aux indicateurs de police et ne laisse aucun pouvoir discrétionnaire au juge, le critère des arrêts Dagenais/Mentuck ne s’applique pas. 

[27]        Dans le présent dossier, le juge ne jouit pas d’une discrétion.

[28]        Premièrement, le litige n’existe plus : le désistement a mis fin à toute affaire pendante dont un juge aurait pu être saisi. S’il n’existe plus de litige entre les parties, il ne saurait y avoir un différend avec l’appelante qui a greffé sa procédure à ce litige.

[29]        Deuxièmement, l’article 108 C.p.c. donne aux parties un droit de retirer des pièces sans que le juge ait à intervenir. Cette disposition s’inscrit dans la logique des règles générales du Code de procédure civile ayant trait à la mission des tribunaux et aux principes directeurs de la procédure, à savoir que les parties sont maîtres de leur dossier et que les tribunaux ne peuvent se saisir d’office d’une instance. À cet égard, cette Cour a reconnu qu’il est possible pour une partie, qui ne veut pas rendre public un document déposé dans le dossier, de le retirer en tout temps[14].

[30]        La publicité des débats a principalement trait au caractère contemporain des débats judiciaires. Dans Guay c. Gesca ltée, la juge St-Pierre écrivait que « l'intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires [repose] sur le fait de pouvoir se livrer à l'examen minutieux et contemporain de l'agir judiciaire »[15].

[31]        Le litige étant terminé entre les parties, il ne peut plus s’agir de rendre public un débat judiciaire, comme le plaide l’appelante.

[32]        Il découle de cela que l’appelante ne peut intervenir pour obtenir des pièces que les parties sont en droit de retirer.

[33]        Je propose donc de rejeter l’appel avec les frais de justice contre l’appelante.

 

 

 

 

CLÉMENT SAMSON, J.C.A. (AD HOC)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

REASONS OF SCHRAGER, J.A.

 

 

[34]        While I agree with my colleague, Justice Samson, that the appeal should be dismissed, my reasons differ somewhat which I seek to explain below.

[35]        I have no issue with and subscribe to his presentation of the facts.

[36]        Obviously, I disagree with the disposition of the appeal proposed by my colleague, Justice Marcotte, and the approach expressed in her reasons. It is axiomatic that the courts adjudicate on the basis of the factual matrix existing at the time of the hearing. In my respectful view, it would be mistaken to resolve the issues before us on the basis that the motion for disclosure of the sealed documents was served by the Appellant prior to the time the Respondent Hospital filed its discontinuance of the proceedings. I cannot subscribe to the “race to the courthouse door” reasoning to resolve legal issues of substance such as the matters now before us. Such approach in this case fails to give effect to the discontinuance which, as a matter of law, had the purpose of “restoring matters to their former state”[16] - i.e. prior to the institution of proceedings. This is so irrespective of Respondent’s reason or motivation for filing the discontinuance. The proper approach, in my view, is to determine whether the access to documents sought by the Appellant was, at the time of the hearing and despite the discontinuance, still a live issue.

[37]        Had the legal proceedings not been instituted by the Respondent Hospital, then the Appellant would have had no cause nor opportunity to obtain copies of the documents through a court file. The Respondent’s right to privacy would be an impediment to such access. This right is set forth in Section 5 of the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms[17] as recognized by the Supreme Court of Canada in Lac d’Amiante[18] alluded to by Justice Samson in his reasons. In that case, it was decided that documents obtained on discovery but not yet filed in the court record were subject to an implied rule of confidentiality until such time, if any, as they would be produced in the court record.[19] At the discovery stage, the Supreme Court observed that there exists no imperative of transparency of the judicial system that would justify taking the information out of the private sphere and making it public.[20] I would postulate that where the law (albeit by legal fiction of the effect of a discontinuance) places the parties in a position they were in, prior to the institution of proceedings, their documents are private and not in the public domain. This results from the discontinuance.

[38]        The test in Dagenais/Mentuck[21] presupposes that documents form part of a court record and thus are public. The test does not apply in the absence of court proceedings. Again, my colleague Marcotte concludes in the applicability of Dagenais/Mentuck by dealing with the document request at a notional point in time prior to the filing of the discontinuance and without regard to the effects of such discontinuance on the proceedings.

[39]        With respect, it is incorrect to simply say that a Dagenais/Mentuck analysis should always be applied when a judge exercises discretion to preclude access to court records. While such a statement was made by this Court in Guay,[22] it must be put in context. In Guay, litigation was pending; there was no discontinuance ending the proceedings and placing the parties back into their former state prior to the institution of those proceedings. As I have indicated, the Dagenais/Mentuck test presupposes that there is active litigation which, as a matter of general principle, implies that the content of the record is public unless upon the application of the Dagenais/Mentuck test, there is justification to issue a confidentiality order with respect to all or part of such record.

[40]        The judge in this case appears to have been aware of the foregoing, as demonstrated by the fact that he referred to Dagenais/Mentuck and the subsequent Supreme Court decisions in Sierra Club and Globe and Mail[23] which applied and restated those principles.[24]

[41]        The judge did not omit to apply the Dagenais/Mentuck test by error. Simply, in his view, there was no longer litigation making the documents public. I do not find such approach to be erroneous.

[42]        I do, however, disagree that there is a substantive right flowing from Article 108 C.C.P. which forms part of the reasoning of the judge and my colleague Samson. This provision permits (and indeed requires) parties to withdraw their exhibits from the record. In this regard, I agree with my colleague Marcotte that the provision of the Code of Civil Procedure is purely procedural (if not mechanical) and intended to reduce storage space and thus reduce costs of the judicial system. As such, the reason to refuse access to the documents is not that Article 108 C.C.P. permits their physical withdrawal from the court file but rather that the documents are private and confidential, no longer being part of an active court proceeding. In such regard, the access was no longer a live issue.

[43]        Despite the foregoing, I do, however, recognize that notwithstanding the filing of the discontinuance, access to the documents could potentially remain a live issue if the legal proceedings up to the point of the discontinuance were under scrutiny. The rationale of the open court doctrine, now reflected in Articles 11, 12 and 13 C.C.P., is the scrutiny of the judicial process.[25] If that were the purpose of the request in this case, then in my view, despite the discontinuance, the documents might be considered as forming part of the public domain to which the Appellant would have a right of disclosure. In such event, an order of confidentiality on the application of the Dagenais/Mentuck test could properly be considered.

[44]        The Appellant’s pleadings and newspaper publications indicate that the purpose of its motion is to obtain information, not concerning the court process (i.e. the issuance of the Norwich order) but rather on the parties to the litigation. More specifically Appellant seeks details of the alleged wrongdoing by the Respondent K... in receiving funds to reimburse inappropriate expenses. That issue is no longer the object of litigation. I fail to see why the judicial process in the present circumstances should be used as a tool to obtain documents belonging to one of the parties. Since the party is a hospital, the access to information legislation[26] is available for such disclosure subject to statutory procedure, exceptions and safeguards. However, the judicial process should not become a substitute for the access to information process provided in the legislation when the litigation has been discontinued and there is no live issue relating to the scrutiny of those legal proceedings prior to such discontinuance.

[45]        I also must add that I disagree that there is any analogy to be drawn in this case with the decision of the Supreme Court in Vancouver Sun[27] as my colleague Justice Samson suggests. That case dealt with the police informer privilege. The Supreme Court held that once the privilege was established there was no room to apply Dagenais/Mentuck since a judge would have no discretion to order disclosure. The present case raises no issue of privilege. Moreover, as I have indicated there does exist the potential for the application of a Dagenais/Mentuck analysis. Article 108 C.C.P. does not change that reality.

 

[46]        In view of all the foregoing, I agree with the result achieved by the judge in first instance though not with all of his reasoning and as such, I would agree with the disposition proposed by my colleague Samson that the appeal be dismissed with legal costs.

 

 

 

MARK SCHRAGER, J.A.

 

 

 

 

                                                                                           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

MOTIFS DE LA JUGE MARCOTTE

 

 

[47]        Avec beaucoup d’égards pour l’opinion contraire, je suis d’avis d’accueillir l’appel et d’infirmer le jugement de première instance[28].

[48]        D’entrée de jeu, j’estime qu’en traitant la demande du CIUSSS de retirer les pièces du dossier sous le seul angle procédural de l’article 108 du Code de procédure civile, qui prévoit le retrait des pièces une fois l’instance terminée, le juge occulte, entre autres, le fait que la requête pour mettre fin aux scellés de l’appelante MédiaQMI a été déposée quelque trois semaines avant le dépôt du désistement de l’intimée CIUSSS, soit le 27 mars 2017. Cette requête devait être plaidée le 5 avril 2017, n’eût été la remise accordée ce jour-là. Elle a été reportée en conséquence au 25 avril 2017. Entretemps, l’intimée CIUSSS a déposé un désistement dans le dossier le 19 avril 2017.

[49]        N’eût été le désistement, la Cour supérieure aurait eu à trancher la question du maintien des scellés. Elle aurait été appelée à revoir l’opportunité de l’ordonnance de confidentialité accordée le 7 octobre 2016 dans le cadre de la demande de type Norwich qui avait été présentée ex parte, mais cette fois en présence de toutes les parties intéressées. Je souligne d’ailleurs que l’ordonnance en question ne comporte aucun motif traitant des critères requis pour la délivrance d’une ordonnance de confidentialité, aux termes des critères du test élaboré par la Cour suprême dans les arrêts Dagenais[29] et Mentuck[30].

[50]        Dans le cadre de son jugement, le juge de première instance traite du principe de la publicité des débats judiciaires et reconnaît son importance dans une société démocratique, à titre de « frein aux abus et à l’arbitraire éventuel du pouvoir judiciaire ». Il prend soin de reproduire les critères élaborés par la Cour suprême dans l’arrêt Mentuck[31] et reformulés dans l’arrêt Globe and Mail[32]. Il souligne par ailleurs le caractère exceptionnel des ordonnances de huis clos, de confidentialité ou de non- publication et rappelle le fardeau de preuve qui incombe à la partie qui recherche une telle exception, soit celui de démontrer que le préjudice auquel cette partie s’expose est supérieur à l’intérêt public et à la publicité de l’instance judiciaire. Il insiste également à bon droit sur le fait qu’il ne suffit pas aux parties de s’entendre sur le caractère confidentiel d’un document et qu’un tel consentement ne lie pas de toute manière le tribunal, qui doit appliquer adéquatement les critères énoncés[33]. Il précise aussi que le simple désir d’un justiciable d’éviter la gêne ou l’embarras ne pose pas un risque sérieux au sens du test énoncé par la Cour suprême[34] et que la personne qui choisit de faire appel au système judiciaire doit s’attendre à ce que le dossier judiciaire soit public[35].

[51]        Fort d’une telle analyse, il procède à déterminer le sort de la demande introductive d’instance, dont il refuse le retrait et la mise sous scellés. À son avis, contrairement aux pièces, que les parties ont toute la marge de manœuvre nécessaire pour retirer, une fois l’instance terminée[36], la demande introductive d’instance doit rester dans le dossier. Il précise à cet égard que le Code de procédure civile établit une distinction entre la demande introductive d’instance et les autres actes de procédure qui peuvent être retirés du dossier sous certaines conditions, en mentionnant qu’il s’agit du reflet du statut de tribunal d’archives de la Cour supérieure. En ce qui concerne la mise sous scellés de la procédure, il conclut que les faits prouvés en l’espèce ne donnent pas application au test de l’arrêt Globe and Mail évoqué précédemment. Il autorise néanmoins le retrait des pièces, sans toutefois en trancher le caractère confidentiel.

[52]        Tel que le reflètent les extraits du jugement reproduits par mon collègue Samson au paragraphe 14 de ses motifs, le juge souligne que, bien que les journalistes et médias bénéficient de modalités d’accès spéciales aux salles d’audience et aux débats qui s’y déroulent, par le biais des articles 13, 14 et 16 C.p.c., « [ils] ne disposent pas de droits ou de pouvoirs qui supplantent l’application des règles ordinaires du Code de procédure civile »[37]. Or, l’article 108 C.p.c. prévoit que « les parties doivent, une fois l’instance terminée, reprendre possession des pièces » ce qui est le cas lorsqu’un désistement est déposé, de sorte que le juge n’a pas à intervenir à cet égard.

[53]        De l’avis de mon collègue Samson, l’article 108 C.p.c. procède de la mission des tribunaux et des principes directeurs de la procédure selon lesquels les parties sont maîtres de leur dossier et les tribunaux ne peuvent se saisir d’office d’une instance.

[54]        Deux commentaires s’imposent face à cette affirmation. D’abord, il n’est pas ici question pour un tribunal de se saisir d’office de l’instance, puisque la requête pour mettre fin aux scellés a été déposée dans le dossier dès le mois de mars 2017 avant le désistement. Ensuite, la portée de l’article 108 C.p.c. doit être ramenée dans son contexte, à savoir que cet article reprend la règle préalablement énoncée à l’article 331.9 de l’ancien Code de procédure civile, qui avait été édictée dans le but de réduire les coûts du système judiciaire et d’alléger les archives[38]. Il s’agit certes d’un objectif louable, mais il ne saurait pour autant justifier de contourner le principe fondamental du caractère public du débat judiciaire. Ceci, d’autant que, tel que le souligne le juge de première instance, la personne qui choisit de faire appel au système judiciaire doit s’attendre à ce que son dossier judiciaire soit public[39] et qu’il est ici indéniable que le litige porte sur une question d’intérêt public, à savoir la façon dont un ou des fonctionnaires publics ont géré les ressources d’une institution publique.

[55]        Je ne peux donc me rallier à la proposition voulant que le juge de première instance n’ait aucun pouvoir discrétionnaire lui permettant de passer outre la règle procédurale édictée à l’article 108 C.p.c.

[56]        Je ne peux davantage le faire sur la base des propos du juge Bastarache dans l’arrêt Personne désignée c. Vancouver Sun[40], lorsqu’il affirme que l’application de la règle du privilège relatif aux indicateurs de police ne laisse aucun pouvoir discrétionnaire au juge qui est tenu de l’appliquer, de sorte que les critères des arrêts Dagenais/Mentuck ne s’appliquent pas. À mon humble avis, il n’y a aucune analogie possible entre la règle du privilège relatif aux indicateurs de police qui est d’ordre public et le droit au retrait des pièces. Ce dernier n’est pas un droit absolu, s’agissant plutôt, comme je l’ai souligné plus tôt, d’une règle édictée à des fins administratives dans le but de désengorger les archives.

[57]        Il ne s’agit pas pour autant de dire qu’un juge doit, dans tous les cas, se prononcer sur une requête pour retirer des pièces, lorsque les parties ont choisi de mettre fin à leur litige. Cependant, dans la mesure où la démarche du CIUSSS pour retirer les pièces entre en conflit avec un principe fondamental de notre système de justice, soit la publicité des débats judiciaires, dans un contexte où l’intérêt public est en cause, j’estime que le juge de première instance avait non seulement le pouvoir, mais qu’il avait également le devoir de trancher le retrait des scellés avant d’autoriser le CIUSSS à retirer ses pièces.

[58]        En ce qui concerne les motifs de mon collègue Schrager, je me dois de signaler que la course aux portes du tribunal (« race to the courthouse door ») à laquelle il réfère m’apparaît davantage susceptible de qualifier le dépôt stratégique (du moins en apparence) du désistement du CIUSSS, à quelques jours à peine de la nouvelle date de présentation de la requête de l’appelante pour mettre fin aux scellés.

[59]        De plus, je ne peux me rallier à ses propos en ce qui concerne l’application des principes de l’arrêt Lac d’Amiante[41], lesquels concernent la communication de documents obtenus dans le cadre d’interrogatoires hors cour, alors qu’en l’espèce, les pièces visées par la demande de l’appelante ont été alléguées au soutien de la procédure et déposées sous scellés au dossier de la Cour supérieure.

[60]        Je propose donc d’accueillir l’appel, avec les frais de justice, et d’infirmer le jugement de première instance de manière à retourner le dossier en Cour supérieure pour qu’elle tranche le débat de la mise sous scellés à la lumière des critères du test Dagenais/Mentuck et qu’elle rende, au besoin, les ordonnances appropriées pour répondre aux préoccupations soulevées par l’intimée, incluant celles visant à protéger des tiers ou des employés de l’intimée susceptibles d’être préjudiciés par la divulgation du contenu des pièces.

 

 

 

 

GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A.

 



[1]     Article 44, Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12.

[2]     Article 11, Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01.

[3]     2001 CSC 51, paragr. 36.

[4]     Lac d’amiante, paragr. 37.

[5]     Id., paragr. 38.

[6]     Article 10 C.p.c.

[7]     Article 19 C.p.c.

[8]     Article 213 C.p.c.

[9]     Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480.

[10]    Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835.

[11]    R. c. Mentuck, [2001] 3 R.C.S. 442.

[12]    Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [2002] 2 R.C.S.522.

[13]    [2007] 3 R.C.S. 253.

[14]    Sirius Services conseils en technologie de l’information inc. c. Boisvert, 2017 QCCA 518, paragr. 4.

[15]    Guay c. Gesca ltée, 2013 QCCA 343, paragr. 115.

[16]   Art. 213 C.C.P.

[17]    Charter of Human Rights and Freedoms, CQLR, c. C-12.

[18]    Lac d'Amiante du Québec Ltée v. 2858-0702 Québec Inc., 2001 SCC 51, [2001] 2 S.C.R. 743, paras. 41-43 [Lac d’Amiante].

[19]    Id., paras. 69-70.

[20]    Lac d’Amiante, supra, note 18, paras. 62-67.

[21]    Dagenais v. Société Radio-Canada, [1994] 3 S.C.R. 835 - R. c. Mentuck, 2001 SCC 76, [2001] 3 S.C.R. 442 [Dagenais/Mentuck].

[22]    Guay v. Gesca ltée, 2013 QCCA 343, paras. 103 and 118 [Guay] .

[23]    Sierra Club of Canada v. Canada (Minister of Finance), 2002 SCC 41, [2002] 2 S.C.R. 522 [Sierra Club] and Globe and Mail v. Canada (Attorney General), 2010 SCC 41, [2010] 2 S.C.R. 592, [Globe and Mail].

[24]    Judgment in first instance, paras. 55, 94 and 97.

[25]    Guay, supra, note 22, para. 115.

[26]    Act respecting Access to documents held by public bodies and the Protection of personal information, CQLR, c. A-2.1, S. 7.

[27]    Named Person v. Vancouver Sun, 2007 SCC 43, [2007] 3 S.C.R. 253 [Vancouver Sun].

[28]    Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal c. M.K., 2017 QCCS 4691 [Jugement entrepris].

[29]    Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] R.C.S.835.

[30]    R. c. Mentuck, [2001] 3 R.C.S. 442.

[31]    [2001] 3 R.C.S. 442; voir Jugement entrepris, supra, note 28, paragr. 94.

[32]    Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 41; voir Jugement entrepris, supra, note 28, paragr. 97.

[33]    Jugement entrepris, supra, note 28, paragr. 98 et s.

[34]    Id., paragr. 100.

[35]    Id., paragr. 102.

[36]    Id., paragr. 118-122.

[37]    Id., paragr. 115.

[38]    QUÉBEC, ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats, 3e session, 34e législature, 1 juin 1994, « Adoption du principe - Loi modifiant le Code de procédure civile (1994) », p. 1573-1579.

[39]    Jugement entrepris, supra, note 28, paragr. 102.

[40]    [2007] 3 R.C.S. 43.

[41]    Lac d’Amiante, du Québec Ltée v. 2858-0702 Québec inc., 2001 CSC 51, [2001] 2 S.C.R. 743, paragr. 41-43.

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