DÉCISION
[1] Le 31 juillet 2002, monsieur Michel Gauthier (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 24 juillet 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST modifie la décision initiale du 22 janvier 2002 et déclare que le travailleur doit rembourser la somme de 10 449 $ à la CSST correspondant à un surpayé d’indemnité de remplacement du revenu pour la période débutant le 1er mai 2001. La décision du 22 janvier 2002 réclamait plutôt la somme de 10 965 $.
[3] À l’audience tenue à Longueuil le 26 mars 2003, le travailleur est présent et représenté. Dermolab Cosmétiques ltée (l’employeur) est représentée de même que la CSST. À la suite de l’audience, des documents ont été demandés de même que les notes et autorités de chacune des parties. Le dernier document ayant été reçu le 6 juin 2003, le dossier a été mis en délibéré à cette date.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision du 24 juillet 2002 et de déclarer qu’il a droit à sa pleine indemnité de remplacement du revenu pour la période s’échelonnant du 29 avril au 29 décembre 2001 puisque dans les faits, le salaire reçu à des seules fins fiscales correspondait au remboursement de dépenses.
LES FAITS
[5] Le travailleur, né le 16 avril 1950, est à l’emploi de l’employeur à titre de mécanicien à temps partiel, depuis dix mois, lorsque survient un accident du travail le 22 juin 1999.
[6] À cette date, le travailleur fait une chute sur un plancher de béton et s’inflige une lésion à l’épaule droite. Le 12 février 2001, une acromioplastie de l’épaule droite est pratiquée par le docteur Thien Vu Mac. La lésion est consolidée le 17 octobre 2001 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles rendant le travailleur incapable d’exercer son emploi. Le 30 novembre 2001, le dossier du travailleur est transféré en réadaptation.
[7] Or, le travailleur est pasteur bénévole à l’Église Nouvelle Vie de Longueuil, à temps partiel également depuis 1998. En janvier 2001, l’assemblée de la Pentecôte du Canada (APC), dont fait partie l’Église Nouvelle Vie de Longueuil, lui demande de restructurer l’Église Souffle Nouveau de Granby. Le travailleur habite alors à Longueuil.
[8] De janvier à avril 2001, cette église rembourse au travailleur ses frais de déplacement de Longueuil à Granby à raison de 35 sous du kilomètre. Le travailleur a produit, après audience, tous les comptes détaillés correspondant à ses frais de déplacement d’octobre 2000 à janvier 2003. L’examen des ces comptes permet de constater que durant l’année 2001, les frais de déplacement du travailleur oscillaient autour de 1 000 $ par mois.
[9] Lors d’une rencontre avec sa conseillère en réadaptation à la CSST en janvier 2002, le travailleur lui montre un talon de paie sur lequel apparaît des retenues pour la Régie des rentes du Québec et pour l’Assurance-emploi. Bien que le travailleur a expliqué qu’il s’agissait en fait d’un remboursement de frais de déplacements et non d’un salaire, la conseillère a demandé qu’une enquête soit faite afin de faire la lumière sur les revenus du travailleur en vue du calcul de son indemnité de remplacement du revenu.
[10] Il ressort de l’enquête faite par l’enquêteur de la CSST de même que du témoignage du travailleur à l’audience, qu’à partir de mai 2001, le travailleur a effectivement reçu une partie de ses remboursements de frais sous forme de salaire. Cette modification a été faite à la demande du travailleur à la suite d’une brève conversation avec le comptable qui agit à la fois pour lui et pour l’église, qui lui a expliqué que cette façon de procéder serait plus avantageuse pour tous.
[11] Madame Julie Fontaine, trésorière à l’église de Granby depuis le 9 février 1997, a témoigné à l’audience. Elle déclare qu’à compter de janvier 2001, moment où le travailleur devient responsable de l’église de Granby, ce dernier produit son kilométrage, l’église lui en rembourse une partie et prend en note le manque à gagner parce qu’elle n’a pas plus de moyens à cette époque.
[12] Madame Fontaine corrobore que c’est à compter de mai 2001, à la demande du travailleur, qu’elle convertit une partie des frais de déplacement de ce dernier en salaire correspondant à 30 heures, qu’elle qualifie de fictives. Ce salaire est établi à 319 $ brut par semaine avec déductions de la Régie des rentes du Québec et de l’Assurance-emploi. Sur le formulaire Relevé d’emploi signé le 21 janvier 2002 par madame Fontaine, la rémunération versée entre le 29 avril et le 29 décembre 2001 est de 10 653,92 $. C’est qu’après le 29 décembre 2001, le travailleur ne reçoit plus de salaire mais bien uniquement des remboursements de dépenses en raison d’un manque de finances de l’église. C’est du moins ce qui apparaît sur le Relevé d’emploi.
[13] Dans une déclaration signée par madame Fontaine le 10 janvier 2002, cette dernière précise qu’outre le salaire de 319 $ brut par semaine, le travailleur a reçu, à la fin de 2001, un montant de 1 533 $ correspondant au coût de son assurance-auto, à l’immatriculation de son auto et à une partie de l’électricité de sa résidence personnelle.
[14] Le travailleur a versé 5 663 $ en dîme et offrandes pour l’année 2001 et il a obtenu un reçu d’impôt pour le même montant.
L'AVIS DES MEMBRES
[15] Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que le travailleur doit rembourser la somme de 10 449 $ à la CSST. Il retient que le travailleur a librement choisi de se faire verser un salaire par son église avec les avantages que cela a pu lui apporter. Il doit donc vivre avec les conséquences de ses actes et rembourser les sommes perçues.
[16] Le membre issu des associations syndicales est pour sa part d’avis que le travailleur n’a pas à rembourser la somme réclamée. Il retient que le travailleur a démontré que le salaire versé était en fait un remboursement de frais et il ne doit donc pas remettre de l’indemnité de remplacement du revenu à la CSST.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[17]
La Commission des lésions professionnelles doit décider si le
travailleur doit remettre la somme de 10 449 $ correspondant à l’indemnité de
remplacement du revenu versée en trop par la CSST entre le 29 avril et le 29 décembre
2001. Les articles
52
et
52. Malgré les articles 46 à 48 et le deuxième alinéa de l'article 49, si un travailleur occupe un nouvel emploi, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.
________
1985, c. 6, a. 52.
430. Sous réserve des articles 129 et 363, une personne qui a reçu une prestation à laquelle elle n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel elle a droit doit rembourser le trop - perçu à la Commission.
________
1985, c. 6, a. 430.
[18]
En vertu de l’article
[19]
À cet égard, l’article 52 est tout à fait dans l’esprit de la
loi rapporté à son article 1 qui établit que cette loi a pour objet la
réparation des lésions professionnelles et de leurs conséquences. Parmi ces conséquences, il y a le paiement
d’une indemnité de remplacement du revenu, pour peu qu’il y ait perte de revenu
correspondant au montant de l’indemnité versée. Partant, dans la mesure où un travailleur occupe un nouvel emploi
au sens de l’article
[20] Dans le cas sous étude, il est vrai que le travailleur a fait la preuve que le 319 $ brut qu’il a reçu sous forme de revenu durant la période concernée correspondait à une partie de son compte de dépenses automobile. Cependant, c’est librement, et à la suggestion de son comptable, qu’il a choisi de convertir une partie de ses frais en salaire, avec les avantages reconnus à savoir une cotisation à la Régie des rentes du Québec et à l’Assurance-emploi. Il a même bénéficié d’une déduction d’impôt en raison du montant de 5 663,80 $ correspondant à la dîme et aux offrandes qu’il a versées à son église durant l’année 2001.
[21] La Commission des lésions professionnelles reconnaît que les avantages tirés de ce choix par le travailleur sont inférieurs à la perte de l’indemnité de remplacement du revenu correspondant au revenu net tiré de son nouvel emploi. Cependant, il n’appartient pas au tribunal de décider si le travailleur a été bien ou mal conseillé.
[22] D’ailleurs, à cet égard, la Commission des lésions professionnelles retient l’argument de l’employeur voulant que la CSST doit tenir compte de la Loi sur les impôts tant québécoise que canadienne pour calculer l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle a droit un travailleur (art. 63). Partant, il est tout à fait normal et raisonnable que la CSST tienne compte de ces mêmes données pour calculer le revenu net tiré d’un nouvel emploi afin de déduire ce revenu de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur.
[23] Le tribunal retient, de l’argumentation du représentant du travailleur, que c’est pour le bien du travailleur et de l’église que le comptable a suggéré de transformer une partie de ces frais de déplacement en salaire. Dans ce contexte, l’argument voulant que le travailleur serait dans l’obligation de payer ses dépenses lui-même pour le bénévolat qu’il effectue pour cette église ne peut être retenu puisque la décision lui appartient, de même que celle qu’il a prise de convertir une partie de ses dépenses en revenu, pour les avantages que cela lui apportait à l’époque et à son église.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête déposée le 31 juillet 2002 par monsieur Michel Gauthier à la Commission des lésions professionnelles;
CONFIRME la décision rendue le 24 juillet 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur doit rembourser la somme de 10 449 $ correspondant à la somme reçue en trop pour la période s’échelonnant entre le 29 avril et le 29 décembre 2001.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.