Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Giard et Imperméabilisation GSV inc.

2014 QCCLP 3497

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

17 juin 2014

 

Région :

Lanaudière

 

Dossiers :

470875-63-1205      505420-63-1303

 

Dossier CSST :

139018329

 

Commissaire :

Francine Mercure, juge administrative

 

Membres :

Luc Dupéré, associations d’employeurs

 

Serge Lavoie, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Michel Lesage, médecin

______________________________________________________________________

 

470875

505420

 

 

Martin Giard

Martin Giard

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

Et

 

 

Imperméabilisation GSV inc.

Ébénisterie Sylvain Leblanc

Les Constructions François Dumuy inc.

Imperméabilisation GSV inc.

Parties intéressées

Partie intéressée

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 470875-63-1205

[1]           Le 10 mai 2012, monsieur Martin Giard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 mai 2012, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 1er mars 2012 refusant la réclamation du travailleur à titre de maladie professionnelle du 15 novembre 2011.

Dossier 505420-63-1303

[3]           Le 14 mars 2013, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 11 mars 2013, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 14 janvier 2013 refusant la réclamation du travailleur du 12 décembre 2012 pour une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle d’origine du 15 novembre 2011.

[5]           Bien que dûment convoqués, les employeurs Ébénisterie Sylvain Leblanc et Les Constructions François Demuy inc. sont absents à l’audience. Le travailleur est présent et est représenté par procureur et l’employeur Imperméabilisation GSV est représenté par procureur, aux audiences tenues par la Commission des lésions professionnelles les 12 novembre 2013, 21 mars et 24 mars 2014, à Joliette. Le dossier est mis en délibéré à compter de cette dernière date.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a été victime d’une maladie professionnelle au sens de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) le 15 novembre 2011. Il lui demande également de reconnaître qu’il a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation de cette maladie professionnelle le 12 décembre 2012.

LA PREUVE

[7]           Le travailleur est âgé de 40 ans et exerce le métier de cimentier applicateur pour le compte de l’employeur lorsqu’il formule une réclamation à titre de maladie professionnelle le 15 novembre 2011. Il rapporte au formulaire de Réclamation du travailleur qu’il présente une douleur au bras droit depuis deux mois augmentant progressivement et l’amenant à consulter un médecin.

 

[8]           Le 13 décembre 2011, le travailleur consulte le docteur François Turenne qui diagnostique une épicondylite et un tunnel carpien secondaires à des mouvements répétitifs et lui prescrit une orthèse et des anti-inflammatoires. Lors de cette visite médicale, le docteur Turenne indique que c’est un patient de 40 ans qui est cimentier et qui présente une douleur au coude droit depuis un mois. Il note des engourdissements « on-off » jusqu’au bout des doigts.

[9]           Le travailleur sera pris en charge par le docteur Mario Martineau à compter du 11 janvier 2012, lequel maintiendra le diagnostic d’épicondylite droite et prescrira un électromyogramme (EMG) ainsi que des traitements de physiothérapie.

[10]        Le 13 février 2012, l’employeur rédige des commentaires relativement à la réclamation du travailleur. Il rapporte que celui-ci a arrêté de travailler suite à sa mise à pied de décembre 2011 pour manque de travail. Il ajoute qu’aucune déclaration de survenance d’accident ne lui été faite avant le 11 janvier 2012. Il indique que les tâches du travailleur consistent à utiliser une hache pour briser des tiges de métal, utiliser une corde et un crayon pour marquer la fondation, prendre du goudron sur un gant pour boucher les trous des tiges de métal, utiliser un souffleur à air pour nettoyer le bas de la fondation et utiliser un fusil à pression pour arroser la fondation de goudron. Il indique que toutes ces tâches peuvent prendre entre 10 et 15 minutes chacune et sont effectuées environ cinq à six reprises par jour. Il demande de refuser la réclamation du travailleur.

[11]        Un EMG du 22 février 2012 révèle une absence de radiculopathie cervicale ou de neuropathie périphérique pouvant expliquer les douleurs du patient.

[12]        Le 1er mars 2012, la CSST refuse la réclamation du travailleur pour une maladie professionnelle.

[13]        Le 26 mars 2012, le docteur Martineau indique à un rapport complémentaire qu’il lui paraît évident que l’épicondylite droite est reliée à son travail et qu’il travaille avec un marteau et une hache 70 % de son temps de travail. Il suggère de reprendre le travail en assignation temporaire pour éviter une rechute et prévoit un changement d’emploi.

[14]        Le 27 mars 2012, le travailleur conteste la décision rendue le 1er mars 2012. Le 4 mai 2012, la révision administrative de la CSST maintient le refus du 1er mars 2012. Le 10 mai 2012, le travailleur conteste cette décision, d’où le présent recours (470875).

[15]        Le 6 décembre 2012, le travailleur passe une résonance magnétique du coude droit qui révèle une déchirure du tendon commun de l’extenseur se rendant jusqu’à la capsule articulaire et prenant le ligament ulnaire collatéral. On suspecte également que le ligament radial collatéral soit partiellement déchiré. Le radiologiste réfère le patient en chirurgie orthopédique.

[16]        Le 12 décembre 2012, le travailleur formule une réclamation à titre de récidive, rechute ou aggravation. Le 13 décembre 2012, le docteur Martineau diagnostique une déchirure du tendon commun de l’extenseur rapportée par la résonance magnétique.

[17]        Le 14 janvier 2013, la CSST refuse cette réclamation pour rechute. Le 18 janvier 2013, le travailleur conteste cette décision.

[18]        Le 23 janvier 2013, le docteur Martineau diagnostique une tendinite du tendon de l’extenseur du coude droit et une épicondylite et réfère le patient en orthopédie.

[19]        Le 11 mars 2013, la révision administrative de la CSST confirme la décision rendue le 14 janvier 2013. Le 14 mars 2013, le travailleur conteste cette décision, d’où le présent recours (505420).

Témoignage de monsieur Martin Giard, le travailleur

[20]        Le travailleur témoigne à l’audience. Il explique qu’il effectue le métier de cimentier applicateur depuis huit ans pour Imperméabilisation GSV.

[21]        Les heures enregistrées auprès de la Commission de la construction du Québec (CCQ) rapportent que monsieur Giard a travaillé comme cimentier applicateur depuis 2004 pour l’employeur Imperméabilisation GSV inc. De 2004 à 2009, il a travaillé respectivement 540 heures, 660 heures, 1 225 heures, 747 heures, 1 226 heures et 986,50 heures. En 2010, il a travaillé un total de 1 381 heures et un total de 1 376 heures en 2011.

[22]        Il a commencé à présenter des douleurs aux épaules de façon graduelle à compter de la fin de septembre ou du début d’octobre 2011.

[23]        Il explique effectuer trois types d’imperméabilisation, la première est effectuée avec du goudron et représente 70 % de son travail. La seconde est l’imperméabilisation avec une membrane et représente 20 % de son travail. Finalement, 10 % de son travail est consacré à la réparation de fissures.

[24]        Dans la tâche d’imperméabilisation au goudron, il doit d’abord casser environ 300 tiges par fondation à l’aide d’une hache pesant environ 24 onces. Les fondations mesurent en moyenne 7’10’’ ou 8’10’’ de haut et ont environ 30 pieds de long par 30 pieds de large. Les tiges sortent de la fondation à huit pouces, 24 pouces et 54 pouces de hauteur. Il donne environ trois coups de hache par tige de métal en utilisant le côté coupant de la hache. Cette tâche prend environ 10 minutes de son temps de travail au cours duquel il coupe environ 300 tiges. Il fait ce travail sur sept à huit fondations en moyenne par jour.

[25]        Il travaille avec un collègue environ 60 % du temps. Le travailleur indique qu’il est faux de prétendre que les tiges des fondations sur lesquelles il travaille sont déjà coupées la moitié du temps puisque seul l’entrepreneur Saulnier coupait les tiges sur ses chantiers. Il ajoute que cet entrepreneur a fait plus de travail dans le secteur commercial au cours des deux dernières années et moins de travail résidentiel. Il ajoute qu’il coupait les tiges de métal 80 % du temps. Quant à la prétention de l’employeur à l’effet que 40 % de son temps de travail constitue du temps de déplacement, le travailleur témoigne qu’il s’agit plutôt de 25 % de son temps.

[26]        Il utilise ensuite un souffleur pour nettoyer les fondations. Ce souffleur est utilisé environ trois minutes. Puis, il enduit le bout des tiges de métal de goudron. Pour effectuer cette tâche, il porte un gant et trempe sa main gantée dans le goudron. Il effectue un mouvement de préhension et de rotation de la main droite pour appliquer le goudron sur la tige de métal.

[27]        Il pulvérise ensuite du goudron sur la fondation à l’aide d’un boyau qu’il tient de la main droite et tient la gâchette de la main gauche. Le fusil du boyau pèse huit à neuf livres et donne un contrecoup lorsqu’il est activé.

[28]        Lorsqu’il imperméabilise en collant une membrane sur la fondation, il cloue la membrane sur la fondation en utilisant une cloueuse à air comprimé. Environ 800 clous par maison sont utilisés pour imperméabiliser une fondation avec une membrane.

[29]        Il pelte aussi de cinq à six pouces de gravier sur le bord de la fondation.

[30]        Il utilise de plus une surfaceuse dans les tâches de réparation de fissures. Il brosse d’abord le béton à l’aide d’une brosse, puis le nettoie avec une surfaceuse. Il utilise aussi le souffleur pour nettoyer la surface à nettoyer. Il utilise un rouleau pour appliquer un apprêt, puis pose une membrane qu’il chauffe à l’aide d’un appareil au propane.

[31]        Contre-interrogé, le travailleur explique que la période du mois d’avril au mois de juin est très occupée. Ses horaires de travail sont variables et dépendent de la demande et de la température. S’il pleut, il ne peut pas faire ce travail.

[32]        Il témoigne avoir fait une moyenne de 50 heures par semaine au cours des six dernières années. Il explique que son employeur n’en déclarait que 35 à la Commission de la construction du Québec (CCQ) et que le reste lui était payé au noir. Le travailleur explique que cette façon de faire lui permettait de garder une rémunération constante chaque semaine, malgré les périodes plus tranquilles. L’employeur quant à lui évitait de lui payer des heures supplémentaires.

[33]        Il ajoute qu’en raison de sa lésion professionnelle de 2011, il devait du temps à son employeur qui l’a poursuivi aux petites créances pour se faire rembourser les heures qui lui avaient été payées, mais qui n’avaient pas été travaillées.

[34]        Le travailleur précise qu’il travaillait seul au cours des cinq à six premières années de son embauche. Il ajoute avoir travaillé avec un aide en 2011 à raison 50 % du temps. Il explique que l’aide faisait le goudronnage des tiges de métal et qu’il l’aidait à la fin pour avancer le travail. Pendant que son aide effectue le goudronnage, il détermine les hauteurs avec une ligne de craie et mesure le nombre de pieds linéaires à étanchéiser. Il s’habille ensuite d’une combinaison et amène le boyau pour pulvériser le goudron. Cette tâche prend entre 10 et 30 minutes. Il rembobine ensuite le boyau, se lave et se change.

[35]        Le travailleur explique que l’imperméabilisation à l’aide d’une membrane représente environ 20 % des imperméabilisations qu’il effectue. Cette tâche s’effectue en général à deux employés. L’imperméabilisation au goudron se fait environ à 72 pouces de hauteur et celle avec une membrane à 65 pouces de hauteur. Le rouleau est tenu par le coéquipier qui le déroule. Il suit l’aide en clouant de la main droite avec une cloueuse pneumatique pesant de six à sept livres. Il cloue la partie supérieure de la membrane à chaque trois pouces. Il est celui qui effectue le clouage de la membrane parce qu’il est celui qui a le plus d’expérience. Il appose ainsi 800 à 900 clous sur une maison normale. Cette tâche prend environ 45 minutes. Le travailleur indique faire environ une imperméabilisation par jour avec une membrane. Ils pellètent ensuite six à huit pouces de gravier à la base de la fondation pour le drainage.

[36]        Il travaille de la mi-février à la fin décembre et le printemps est la saison la plus occupée. Les mois les plus actifs sont de mai à octobre.

[37]        Il explique avoir fait des travaux de réparation chez lui en 2011 à la suite d’un dégât d’eau et avoir dû enlever et refaire ses planchers. Il précise que son employeur est d’ailleurs venu l’aider.

[38]        Réinterrogé par son procureur, il indique avoir travaillé avec un coéquipier, monsieur Laurent Faulkner, entre 2005 et 2010. Celui-ci a rarement travaillé avec lui de février à juillet 2011, et n’a travaillé qu’une seule journée par semaine avec lui au cours de cette même période. Entre août et décembre 2011, il a travaillé avec lui à raison de deux jours et demi par semaine alors qu’il en travaillait six par semaine. Monsieur Faulkner faisait 75 % du temps l’isolation au goudron des tiges de métal et travaillait aussi aux autres tâches.

 

[39]        Le travailleur précise qu’il travaillait 37 heures déclarées, mais en travaillait en réalité 40, puisque trois heures étaient faites gratuitement pour que l’employeur contribue à ses avantages sociaux auprès de la CCQ. Il travaillait aussi 15 heures de plus par semaine qui n’étaient pas déclarées et étaient mises en banque pour les périodes de l’année plus tranquilles.

[40]        À la suite du témoignage de son employeur, le travailleur témoigne en contre-preuve que la proportion des tiges déjà brisées sur les chantiers n’était que d’environ 5 %. Il témoigne aussi qu’en 2010-2011, il faisait environ trois isolations de fondations avec membrane par semaine.

Témoignage de monsieur André Chartrand, l’employeur

[41]        L’employeur fait témoigner monsieur André Chartrand, président de la compagnie. Celui-ci témoigne que les années 2010 et 2011 ont été des années peu occupées. Il témoigne que les deux seuls mois de gros travail sont avril et mai.

[42]        Il témoigne avoir eu connaissance en décembre 2011 que monsieur Giard avait des douleurs au bras. Il témoigne aussi que monsieur Laurent Faulkner travaillait toujours avec monsieur Giard et pas seulement deux jours et demi par semaine. Il ajoute que les tiges de métal étaient déjà brisées par le constructeur à raison de 50 % du temps. Il témoigne que 40 % du temps de travail est constitué par du temps de transport.

[43]        Quant à la tâche d’imperméabilisation au goudron, il indique que c’est le coéquipier qui fait l’imperméabilisation des tiges pendant que monsieur Giard prend les mesures et tire ses lignes. Il témoigne que les tiges de métal sont à deux pieds et qu’il y en a trois de hauteur. Ainsi, sur une maison de 40 pieds sur 40 pieds, il y a trois tiges à tous les deux pieds, ce qui fait 120 tiges à casser. Il témoigne que c’est l’aide qui goudronne les tiges et que c’est aussi ce dernier qui rembobine le boyau.

[44]        Il dit être en désaccord avec l’énoncé du docteur Lavigne qui indique que ça prend un à deux coups de hache pour casser les tiges et dit que les tiges de métal sont précoupées et qu’elles se cassent du premier coup.

[45]        Il confirme qu’il y a entre 700 et 800 clous à poser pour fixer une membrane. Il confirme que c’est lui-même ou monsieur Giard qui effectue le clouage de la membrane 75 % du temps, mais que monsieur Faulkner le faisait aussi.

 

[46]        Il confirme que la pose du goudron sur les tiges de métal prend environ 20 minutes et qu’il y a en moyenne 340 à 350 tiges de métal par fondation.

[47]        À l’été 2011, monsieur Giard a eu des problèmes d’infiltration d’eau dans son sous-sol et il l’a aidé à changer les drains et à mettre une membrane.

[48]        Il témoigne que de mars à mai 2011, le travailleur a effectué 50 heures de travail par semaine, mais que les mois de juin et juillet ont été plus tranquilles de même que la période de septembre à décembre 2011. Le travailleur a fait entre 15 et 20 heures par semaine, mais a été payé 35 heures par semaine à compter du mois de juin 2011.

[49]        L’employeur nie que le travailleur travaillait trois heures gratuitement pour payer ses contributions aux avantages sociaux et témoigne plutôt que ces trois heures étaient mises en banque.

[50]        Il ajoute que monsieur Faulkner travaillait cinq jours par semaine avec le travailleur en début d’année et que du mois d’août à décembre, il travaillait avec monsieur Giard ou avec son fils. Il témoigne que monsieur Faulkner travaillait avec monsieur Giard 80 % du temps.

[51]        Il témoigne aussi que depuis mars 2010, l’entrepreneur Saulnier casse les tiges de métal sur ses chantiers et qu’il travaille sur les chantiers de cet entrepreneur à raison de 50 à 60 % du temps. Il indique qu’un autre constructeur, Fondation Marsan, cassait aussi les tiges de métal environ 5 % du temps.

Expertise du docteur Patrick Lavigne du 10 octobre 2012

[52]        Le 10 octobre 2012, le travailleur est expertisé à la demande de son procureur par le docteur Patrick Lavigne, chirurgien orthopédiste. Celui-ci rapporte qu’il s’agit d’un patient droitier qui est cimentier applicateur depuis huit ans pour l’employeur Imperméabilisation GSV inc. et qui a occupé auparavant, pendant deux ans, un poste de charpentier-menuisier dans le domaine de la construction.

[53]        À l’automne 2011, il indique que le patient a ressenti des douleurs au coude en relation avec une épicondylite du coude droit. À la partie historique, il rapporte que le patient n’a pas d’antécédent au niveau des coudes droit ou gauche. À partir de septembre 2011, il décrit l’apparition d’une douleur au coude droit lorsqu’il manipule des objets de la main droite au travail. Cette douleur est perçue comme un inconfort qui disparaît lorsque les efforts cessent. Progressivement, les douleurs épicondyliennes droites ont progressé sur quelques mois et se sont accompagnées d’un engourdissement des troisième et cinquième doigts et d’une sensation de froideur du cinquième doigt. Le patient a bénéficié d’une infiltration à la cortisone et de 11 semaines de traitements de physiothérapie qui ont peu modifié sa condition. Il présente toujours une douleur ressentie à l’épicondyle droit qui est exacerbée par l’effort et les mouvements répétés.

[54]        Après un examen objectif, il indique que son examen clinique l’oriente vers une épicondylite du coude droit qui persiste. Le docteur Lavigne se prononce comme suit sur la relation causale entre l’épicondylite et le travail qu’il exerce :

De façon spécifique, monsieur décrit ses tâches de la façon suivante : l’emploi occupé par monsieur Giard est celui de cimentier applicateur. Il occupe cet emploi depuis huit ans. L’horaire est de 37 heures par semaine, de mars à novembre. Puis, les heures sont réduites en décembre.

 

 

[55]        Le docteur Lavigne procède ensuite à une analyse détaillée des tâches effectuées par le travailleur. Il rappelle que le travailleur effectue essentiellement trois tâches dans son travail de cimentier applicateur. Il doit d’abord casser les tiges des fondations avant d’imperméabiliser celles-ci. Ce travail s’effectue à l’aide d’une petite hache qui pèse 24 onces. Il doit ensuite nettoyer les surfaces à l’aide d’un souffleur pesant cinq à huit livres qui est tenu dans la main droite en effectuant des mouvements de va-et-vient. Il applique ensuite du goudron sur le bout des tiges cassées. Il tient une chaudière de goudron de la main gauche et se déplace d’une tige à l’autre en appliquant le goudron à l’aide de sa main droite qui est gantée et qu’il trempe dans la chaudière de goudron. Il frotte ensuite les extrémités des tiges avec ce goudron. Il complète l’imperméabilisation des fondations en appliquant du goudron sur la fondation à l’aide d’un boyau hydraulique qu’il tient des deux mains. Il actionne de la main gauche la poignée du boyau et mobilise le boyau à l’aide de sa main droite.

[56]        Il est aussi amené à imperméabiliser des fondations à l’aide d’une membrane de plastique qui constitue environ 25 % de son travail. Pour faire cette tâche, il doit dérouler un rouleau de membrane de plastique. Il effectue généralement cette tâche avec un coéquipier. Le rouleau a de cinq à huit pieds et la membrane est déroulée jusqu’à la longueur désirée pour la couper à l’aide d’un couteau exacto. La membrane est ensuite fixée à l’aide d’une cloueuse pneumatique pesant trois à quatre livres que le travailleur tient de la main droite. La membrane de plastique est ensuite recouverte d’une bande de façon à éviter les infiltrations d’eau dans laquelle un clou est inséré à tous les quatre pouces. Un scellant est ensuite appliqué sur cette bande à l’aide de la main droite. Le travailleur étend ensuite de la pierre au pied des fondations.

[57]        Le travailleur effectue aussi de la réparation de fissures, ce qui constitue environ 10 % de son travail. Pour exercer cette tâche, il utilise une surfaceuse qu’il tient à deux mains et qui génère une vibration. Le poids de l’outil est environ de huit livres. Une fois la surface préparée, il utilise une brosse pour nettoyer le béton, puis un souffleur pour terminer. Un enduit est ensuite appliqué à l’aide de la main droite au rouleau, puis une membrane est appliquée sur la fondation en la chauffant à l’aide d’une bonbonne de propane. Le travailleur utilise la main droite. La bonbonne pèse entre 20 et 30 livres et est mobilisée à l’aide de la main gauche. Cette tâche se termine par l’application d’un scellant sur la membrane à l’aide d’une truelle.

[58]        Le docteur Lavigne évalue comme suit le risque d’exposition du travailleur dans le cadre de son emploi de cimentier applicateur pour développer une épicondylite associée au travail :

Pour évaluer le risque expositionnel de monsieur Giard dans le cadre de son emploi de cimentier applicateur, j’ai utilisé les facteurs reconnus dans la littérature pour développer une épicondylite associée au travail. Ces facteurs sont les suivants : (Selon van Rijn rm et collaborateurs, publié dans « Rheumatology 2009 ; 48 :528-536 »)

 

 

·         Transport de charge de plus de 20 kilos au moins 10 fois par jour;

·         Manutention d’outils de plus de 1 kilo;

·         Mouvements répétés des bras et des mains plus de deux heures par quart de travail;

·         Positionnement des bras devant le corps avec flexion ou rotation des poignets et mouvements de précision pendant une partie du quart de travail.

 

Selon cette revue systématique de la littérature, le critère de manutention d’outils >1 kg et celui de répétitivité pourrait s’appliquer comme facteur de risque, correspondant au travail de monsieur Giard. Cependant, dans cet article, la définition de répétitivité n’est pas décrite en termes de cycle de mouvements mais plutôt en termes de durée totale du quart de travail, soit deux heures. Dans la littérature, la définition de répétitivité d’un mouvement spécifiquement pour le membre supérieur est définie comme suit par (Colombini et collaborateurs « Exposure assessment of upper limb repetitive movement, a Consensus Document Developed by the Technical Commitee on Musculo-skeletal Disorders of International Ergonomics Association 2001 ») :

 

·         Tâche d’une durée consécutive d’au moins une heure durant laquelle le sujet exécute des cycles de travail semblables et de durée relativement brève.

 

Pour la CSST (selon le docteur Réal Lemieux, orthopédiste et médecin conseil à la CSST) un mouvement répétitif signifie un mouvement qui s’effectue à une fréquence supérieure à deux répétitions par minute ou 800 fois par jour sur un quart de travail de 8 heures. Spécifiquement, les mouvements considérés à risque pour le membre supérieur sont généralement au coude et à l’avant-bras de plus de quatre mouvements par minute et au niveau de la main et du poignet de plus de vingt mouvements par minute.

 

Dans le cadre du travail de monsieur Giard, le critère de répétitivité en termes de mouvements par minute est respecté selon les définitions énoncées plus haut. Toutefois, il faut, selon la littérature, un total de plus de deux heures par jour de mouvements répétés pour que ce soit considéré la répétitivité d’un geste comme étant un facteur de risque expositionnel pour développer une épicondylite.

 

Monsieur dit faire environ cinq à six clients par jour en moyenne. Ce qui représenterait entre 50 et 60 minutes de mouvements répétés à haut débit, lorsqu’il casse les tiges de métal, selon la description fournie par Monsieur, corroborée par l’employeur et retrouvée dans les notes administratives de la CSST.

 

Également, lorsque Monsieur utilise la machine à clouer pour installer les membranes de plastique sur les fondations, il atteint les critères de répétitivité reconnus par la CSST. Cette tâche lui prend environ 60 minutes, ce qui fait un total d’un minimum de deux heures de mouvements répétés par jour, dans la mesure où Monsieur effectuerait des tâches avec la cloueuse et des tâches où il doit couper les tiges de métal dans la même journée. Finalement, certaines tâches qu’effectue monsieur Giard impliquent la manutention de charges de plus de 1 kilo (par exemple l’utilisation du souffleur et de la surfaceuse) qui sont aussi reconnues comme des facteurs de risque positionnel pour développer une épicondylite. Il faut toutefois noter que ces outils sont utilisés dans une courte partie du cycle de travail de monsieur Giard.

 

Finalement, selon l’étude ci-haut citée, il semble que l’utilisation des outils créant des vibrations au niveau du coude ne soit pas un risque expositionnel pour développer une épicondylite.

 

À la revue de la description des tâches de cimentier applicateur que Monsieur effectue depuis huit [sic] chez Imperméabilisation G.S.V. et après avoir révisé les facteurs de risque expositionnel pour développer une épicondylite, je suis d’avis que le travail effectué par Monsieur présente un facteur de risque de répétitivité qui a pu mener de façon probable (plus de 50 %) au développement d’une épicondylite.

 

En espérant que ces renseignements sauront vous être utiles, je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

 

 

Témoignage du docteur Patrick Lavigne, chirurgien orthopédiste

[59]        Le travailleur fait entendre le docteur Patrick Lavigne, chirurgien orthopédiste. Celui-ci explique que l’épicondyle est une proéminence osseuse sur laquelle viennent s’insérer les extenseurs. Les signes d’une épicondylite sont une douleur à la palpation de la masse des extenseurs qui est exacerbée par la mise en tension. Il explique que la résonance magnétique du 6 décembre 2012 rapporte une déchirure du tendon commun des extenseurs ainsi qu’une tendinopathie épicondylienne. La lecture de cette résonance magnétique l’amène à conclure que le travailleur présentait une épicondylite chronique parce qu’il y avait un épaississement du tendon dû à un phénomène de chronicité. L’épicondylite est souvent associée à la pratique du tennis ou à toute activité qui met en tension la masse des épicondyliens. Il précise qu’ici rien dans la vie personnelle du travailleur n’explique l’apparition d’une tendinite et que le facteur le plus probable est le travail.

[60]        Il précise d’abord que son analyse est fondée sur les heures de travail confirmées par l’employeur de 37 heures par semaine. Les mouvements à risques de développer une épicondylite sont des mouvements répétés avec le coude en extension ou le transport de charges importantes. Il considère le facteur de risque comporté par la durée globale de l’exposition. Plus l’exposition est importante, plus le risque est grand. La norme retenue quant à la durée d’exposition est de plus de deux heures par quart de travail ou de deux manipulations par minute.

[61]        Il retient que des tâches de couper des tiges de métal, de poser des clous sur la membrane et de manipuler le souffleur constituent des gestes qui mettent en tension les épicondyliens. Le travail comporte aussi des manipulations de charges de plus de 20 kilos, mais cela est occasionnel. Il n’a donc pas retenu ce facteur de risque.

[62]        Par contre, il retient le fait que le travailleur manipule des outils de plus d’un kilo et qu’il effectue des mouvements répétés avec les bras et les mains pendant plus de deux heures par quart de travail en ayant les bras devant le corps.

[63]        Contre-interrogé, il explique que les mouvements sont hautement répétitifs lorsqu’il y a plus d’un mouvement par 30 secondes ou plus de deux mouvements à la minute. Il précise ne pas avoir calculé les amplitudes articulaires.

[64]        Interrogé par le tribunal sur les facteurs de risque retenus, il explique retenir que la surfaceuse pesait sept à huit livres, qu’il manipulait une cloueuse et que le souffleur pesait aussi sept à huit livres. Il retient aussi la présence de mouvements répétés, essentiellement les mouvements de cassage de tiges et ceux de clouage. Dans le cassage de tiges, il retient que le patient effectuait environ 100 coups de hache à la minute et qu’il s’agissait d’un mouvement hautement répétitif. Il est d’avis que ces mouvements mettaient en tension le site lésionnel. Il retient essentiellement les mouvements avec la hache, avec le souffleur et la cloueuse. Quant aux critères de manutention de charges devant le corps, il retient que ce facteur de risque était présent dans le travail à la cloueuse, à la hache et avec le souffleur.

L’AVIS DES MEMBRES

[65]        Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Ils sont en effet d’avis que celui-ci a fait la démonstration, par preuve prépondérante, qu’il avait été victime d’une maladie professionnelle au sens de l’article 2 de la loi le 15 novembre 2011 et d’une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion le 12 décembre 2012.

LES MOTIFS

[66]        La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a été victime ou non, le 15 novembre 2011, d’une maladie professionnelle au sens de l’article 2 de la loi.

[67]        Dans l’affirmative, il doit également décider si le travailleur a été victime d’une récidive, rechute ou aggravation de cette maladie professionnelle le 12 décembre 2012.

 

[68]        L’article 2 de la loi définit la maladie professionnelle comme suit :

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[69]        Par ailleurs, l’article 29 de la loi prévoit une présomption de maladie professionnelle lorsqu’un travailleur est atteint d’une maladie visée par l’annexe 1 de la loi et qu’il a exercé un travail correspondant à cette maladie d’après l’annexe.

[70]        La section IV de l’annexe 1 de la loi, qui traite des maladies causées par des agents physiques, ne décrit pas l’épicondylite. Le travailleur ne peut en conséquence bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue par cet article.

[71]        Toutefois, l’article 30 de la loi prévoit qu’un travailleur atteint d’une maladie non prévue par l’annexe 1, contractée par le fait ou à l’occasion du travail, est considéré atteint d’une maladie professionnelle s’il démontre que sa maladie est caractéristique d’un travail qu’il a exercé ou qu’elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail. L’article 30 de la loi édicte ce qui suit :

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[72]        La notion de « maladie caractéristique du travail » fait référence à une maladie spécifique, distinctive ou typique du travail exercé. Pour réussir à satisfaire à ces critères, le travailleur doit faire la démonstration que l’épicondylite dont il est victime est caractéristique du travail de cimentier applicateur qu’il a exercé. Pour démontrer qu’une maladie est caractéristique du travail qu’a exercé un travailleur, il faut une preuve démontrant une prépondérance des probabilités qu’un tel lien existe. Il faut ainsi démontrer qu’un nombre significatif de personnes travaillant dans des conditions semblables sont affectées par cette maladie et qu’elle est plus présente dans ce type de travail que dans la population en général. La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’une telle démonstration n’a pas été faite.

[73]        La Commission des lésions professionnelles est toutefois d’avis que l’épicondylite dont le travailleur a été victime constitue une maladie directement reliée aux risques particuliers du travail de cimentier applicateur qu’il a exercé.

[74]        À cet égard, il retient le témoignage du travailleur décrivant les tâches qu’il doit accomplir dans le cadre de ses fonctions et l’analyse de ces tâches effectuée par le docteur Lavigne.

[75]        Il retient son analyse à l’effet que les tâches de cimentier applicateur comportaient les facteurs de risque de manutention d’outils de plus d’un kilo, d’exécution de mouvements répétés des bras et de mains pendant plus de deux heures par quart de travail et de positionnement des bras devant le corps avec des mouvements de flexion, de rotation des poignets et comportait des mouvements de précision pendant une partie du quart de travail. Il constate de plus que la CSST reconnaît aussi qu’un mouvement répétitif signifie un mouvement qui s’effectue selon une fréquence supérieure à deux répétitions par minute ou 800 fois par jour sur un quart de travail de huit heures.

[76]        Plus particulièrement, le tribunal retient les conclusions du docteur Lavigne à l’effet que les mouvements considérés à risque pour le membre supérieur sont généralement des mouvements du coude et de l’avant-bras de plus de quatre mouvements par minute et pour ce qui est de la main et du poignet, de plus 20 mouvements par minute et que le travail de cimentier applicateur répond à cette fréquence. Il retient également sa conclusion voulant qu’il faut, selon la littérature médicale, un total de plus de deux heures par jour de mouvements répétés pour que la répétition d’un geste soit considérée comme constituant un facteur de risque de développer une épicondylite. Il retient à cet égard que le travailleur fait cinq à six clients par jour, ce qui représente 50 à 60 minutes de mouvements répétés lorsqu’il casse des tiges de métal. Le travailleur effectue non seulement ce geste de la main droite, mais en plus sollicite son membre supérieur droit dans les tâches demandant d’utiliser la cloueuse pour installer les membranes de plastique sur les fondations et cette tâche lui prend aussi environ 60 minutes. Il retient également que si monsieur n’effectue pas tous les jours la tâche d’imperméabilisation avec une membrane, il effectue d’autres tâches qui impliquent la manutention de charges de plus d’un kilo comme l’utilisation d’un souffleur, d’une surfaceuse et le pelletage de gravier au pied des fondations.

[77]        Le tribunal retient également que le travailleur a exercé cette tâche de cimentier applicateur pendant huit ans pour l’employeur et qu’il a travaillé plus d’heures en 2010 et 2011, malgré le témoignage de l’employeur à l’effet que les années 2010 et 2011 ont été des années peu occupées. En effet, l’historique des heures travaillées émis par la CCQ rapporte un total d’heures travaillées de 1 381 heures en 2010 et de 1 376 heures en 2011. Or, ces deux années sont celles où le travailleur a le plus travaillé au cours de son emploi comme cimentier applicateur.

[78]        Le tribunal est également d’avis que les tâches exercées par le travailleur sollicitent constamment l’utilisation de sa main droite dans la tâche d’imperméabilisation au goudron des tiges cassées. Cette tâche demande en effet un mouvement de préhension et de rotation avec une déviation radiale et cubitale pour enduire les tiges cassées de goudron. À cet égard, le tribunal retient le témoignage du travailleur à l’effet qu’il travaille avec un collègue environ 60 % du temps et qu’il effectue en conséquence 40 % du temps cette tâche d’imperméabilisation des tiges au goudron seul.

[79]        Le tribunal retient aussi que le travailleur doit également solliciter son membre supérieur droit dans un mouvement de déviation radiale cubitale lorsqu’il pulvérise du goudron sur la fondation à l’aide d’un boyau qu’il tient de la main droite. Il sollicite encore son poignet droit lorsqu’il doit effectuer, dans diverses postures contraignantes, le clouage de la membrane sur la fondation en utilisant une cloueuse, à raison de 800 clous par maison. Il sollicite également son bras droit dans des mouvements de déviation radiale et cubitale lorsqu’il doit pelleter du gravier sur le bord de la fondation. Ses tâches demandent aussi des mouvements du poignet droit lorsqu’il fait de la réparation des fissures en utilisant une surfaceuse et en brossant le béton, en utilisant le souffleur et en utilisant un rouleau pour appliquer un apprêt sur la surface.

[80]        Quant à la durée d’exercice de cette tâche, le tribunal retient que le travailleur a exercé cet emploi pour l’employeur pendant une période de huit ans. Il retient également que malgré le fait que seulement 37 heures aient été déclarées à la CCQ, le travailleur effectuait pendant les périodes très achalandées jusqu’à 50 heures par semaine, mais qu’elles lui étaient créditées en temps régulier pour les périodes plus tranquilles évitant de la sorte à l’employeur de lui payer des heures supplémentaires.

[81]        Le tribunal retient également de son témoignage que le travailleur n’avait pas de coéquipier et travaillait seul au cours de ses cinq premières années d’embauche. Il n’a ainsi travaillé avec un coéquipier qu’à compter de 2010 à raison de 40 % du temps. Le tribunal retient également que les mois les plus actifs de la saison sont de mai à octobre et que les douleurs du travailleur sont apparues à la fin du mois de septembre 2011, soit à la fin de la période où il avait travaillé intensivement. Il retient également le témoignage du travailleur à l’effet qu’il a travaillé avec un coéquipier qu’une seule journée par semaine au cours de la période de février à juillet 2011 et à raison de deux jours et demi par semaine entre le mois d’août et le mois de décembre 2011, alors que le travailleur travaillait six jours par semaine et que seulement 5 % des tiges sur les chantiers étaient brisées à son arrivée.

[82]        Considérant cette analyse, le tribunal est d’avis que les tâches de cimentier applicateur exercées par le travailleur répondent aux critères de répétitivité en termes de mouvements par minute et de durée d’exposition de plus de deux heures par jour à des mouvements répétés sollicitant ses bras et ses poignets dans des mouvements susceptibles d’engendrer une épicondylite droite.

[83]        Le tribunal est d’avis que le travailleur a fait la démonstration, par preuve prépondérante de l’existence d’une relation causale entre le développement de sa maladie d’épicondylite du coude droit et l’exercice de son travail de cimentier applicateur chez l’employeur.

[84]        La Commission des lésions professionnelles est par conséquent d’avis que le travailleur a été victime le 15 novembre 2011 d’une maladie professionnelle au sens de l’article 2 de la loi.

Dossier 505420-63-1303

[85]        La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il est devenu sans objet qu’elle se prononce sur l’admissibilité d’une réclamation à titre de récidive, rechute ou aggravation du 12 décembre 2012, puisque la lésion professionnelle d’origine n’était pas encore consolidée à cette date. Le travailleur continuait donc d’avoir droit au versement d’une indemnité de remplacement du revenu.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier  470875-63-1205

ACCUEILLE la requête de monsieur Martin Giard, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 4 mai 2012, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a été victime, le 15 novembre 2011, d’une maladie professionnelle au sens de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que le travailleur a droit au versement des prestations en vertu de la loi.

Dossier 505420-63-1303

DÉCLARE sans objet la requête de monsieur Martin Giard, le travailleur;

 

 

DÉCLARE sans effet la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 11 mars 2013, à la suite d’une révision administrative.

 

 

__________________________________

 

Francine Mercure

 

 

 

Me Michel Cyr

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Sannie Dumouchel

ADP SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

Représentante de la partie intéressée

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.