Décision

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9150-0595 Québec inc. c. Franchises Cora inc.

2013 QCCA 531

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

No:

500-09-021578-117

 

(500-17-036093-071)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE:

22 mars 2013

 

CORAM:  LES HONORABLES

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

NICHOLAS KASIRER, J.C.A.

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 

APPELANTS

AVOCAT

9150-0595 QUÉBEC INC.

LINDA ST-YVES

SYLVAIN TREMBLAY

Me Jean-Rémi Thibault

ARNAULT THIBAULT CLÉROUX

 

 

 

INTIMÉE

AVOCATS

FRANCHISES CORA INC.

Me Stéphane Teasdale

Me Mélanie Jacques

FRASER MILNER CASGRAIN

 

 

 

En appel d'un jugement rendu le 10 mars 2011 par l'honorable Eva Petras de la Cour supérieure, district de Montréal.

 

 

NATURE DE L'APPEL:

Contrats spéciaux - franchise

 

Greffière: Marcelle Desmarais

Salle: Antonio-Lamer

 


 

 

AUDITION

 

 

Suite de l'audition du 20 mars 2013.

Arrêt déposé ce jour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marcelle Desmarais

Greffière d'audience

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

 

[1]          Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 10 mars 2011 par la Cour supérieure, district de Montréal (l'honorable Eva Petras), qui a rejeté leur recours en annulation d'une convention de franchise pour cause de dol et d'erreur simple, ainsi que leur réclamation en dommage et intérêts[1].

[2]          Le tout débute en juin 2004 lorsque l'appelante, Linda St-Yves, communique avec l'intimée, Franchises Cora inc. (« Cora »), afin de se renseigner sur le processus d'obtention d'une franchise. L'appelant, Sylvain Tremblay, cherche à faire un investissement qui, en même temps, procurera un emploi à sa conjointe. Ces derniers n'ont absolument aucune expérience dans le domaine de la restauration.

[3]          Le 14 juin 2004, Linda St-Yves remplit un formulaire que lui remet Cora. Aux questions suivantes, elle répond ceci :

 

26. Pouvez-vous concevoir et accepter que même si tous les renseignements, conseils, manuels et outils fournis par un franchiseur sont conçus de façon à fournir les meilleurs résultats, ce franchiseur ne peut fournir aucune garantie quant aux résultats que vous obtiendrez par votre exploitation?

 

      Oui

 

27. Pouvez-vous accepter qu'il est possible que le volume des ventes, les marges brutes ou les frais d'exploitation d'un établissement ne permettent pas à un franchisé de réaliser un bénéfice?

 

      Oui, certaines entreprises prennent plus de temps à devenir rentables

 

      Êtes-vous disposé, en tant que franchisé, à courir ce risque?

 

      Oui

[4]          Linda St-Yves signe ensuite un engagement de confidentialité et le processus s'enclenche. Cora remet aux appelants un document pro forma représentant la rentabilité moyenne d'un restaurant exploité sous cette bannière selon la région désignée. Les appelants sont intéressés à exploiter leur restaurant à Valleyfield.

[5]          L'appelante effectue ensuite un stage dans un restaurant Cora situé à Repentigny d'une durée de trois jours afin de vérifier si, dans les faits, elle est réellement intéressée à investir temps et argent dans un tel projet. Elle est alors évaluée par un représentant de Cora. Il s'agit d'un processus interne. Les notes de ce représentant de l'intimée, qui font mention d'observations favorables, défavorables et neutres concernant l'appelante, ne lui sont pas divulguées. Aux yeux de Cora, dont l'intérêt est de choisir un bon candidat[2], il y a lieu de poursuivre le processus devant mener à la signature d'un contrat de franchise avec les appelants.

[6]          Le 23 juillet 2004, Linda St-Yves est invitée à passer un test psychométrique. Ce test compte pour 30 % dans l'évaluation du candidat à la franchise. Or, pour ce test l'appelante a obtenu deux fois des résultats qui la placent dans le top 15 % des franchisés Cora, un résultat dans le top 25 %, un résultat dans le top 30 % et deux résultats dans le top 35 %. Au final, Linda St-Yves obtient donc un résultat de 74 %, résultat qui ne lui sera pas communiqué, apparemment par oubli, malgré deux demandes de sa part.

[7]          À l'automne 2004, les appelants se mettent à la recherche d'un site à Valleyfield pour y exploiter leur restaurant, site qu'ils trouvent eux-mêmes et qui est approuvé par Cora. Malgré un courriel interne d'un représentant de cette dernière qui émet des réserves sur cet emplacement, il appert qu'il s'agit d'un site de catégorie B, ce qui est tout à fait acceptable compte tenu que plusieurs bonnes franchises Cora sont situées sur des sites de catégorie B.

[8]          La convention de franchise est signée le 18 janvier 2005. Linda St-Yves reçoit ensuite une formation d'une durée de six semaines. Les commentaires des formateurs à son endroit sont excellents. Ceux-ci l'aident également à embaucher le personnel qui reçoit lui aussi une formation adéquate.

[9]          L'ouverture officielle a lieu le 12 avril 2005. Au cours des quatre premières semaines, les appelants rencontrent les projections fournies par Cora. Par la suite, les choses se gâtent. La clientèle va sans cesse en diminuant. Au mois de juin, les appelants perdent leur principal cuisinier. Très rapidement, Linda St-Yves devient dépassée par les événements. Au mois de juillet, soit trois mois seulement après l'ouverture officielle, les appelants annoncent en vente leur restaurant sur un site internet.

[10]       Jusqu'au 6 avril 2006, date de la fermeture officielle du restaurant, des employés de Cora se déplaceront à 88 reprises pour offrir support et aide à l'appelante. Tous ces efforts seront en vain.

[11]       Les appelants admettent que la preuve de l'intention de tromper de l'intimée n'a pas été faite en première instance. En appel, ils demandent donc l'annulation de la convention de franchise pour cause d'erreur simple[3]. Ils soutiennent qu'ils n'auraient pas contracté s'ils avaient pris connaissance des résultats du test psychométrique de Linda St-Yves, des notes d'évaluation du stage de cette dernière dans le restaurant Cora de Repentigny et du courriel interne du représentant de l'intimée qui a émis des réserves sur l'emplacement du restaurant choisi par les appelants. Or, ce moyen est totalement et inéluctablement lié à l'appréciation de la preuve des faits soumis à la juge de première instance qui a plutôt conclu, à la lumière de ceux-ci, que les appelants auraient quand même contracté s'ils avaient connu les résultats du test psychométrique, l'évaluation du stage de Linda St-Yves et les réserves du représentant de l'intimée sur l'emplacement du restaurant.

[12]       Les raisons qui ont amené la juge de première instance à conclure de la sorte sont les suivantes.

[13]       Discutant tout d'abord des résultats du test psychométrique, la juge de première instance ne peut faire autrement que de constater, avec raison, que Linda St-Yves, avec une note globale de 74 %, n'a pas échoué ce test. Voici comment elle s'exprime à ce sujet :

[154]    Dans leur témoignage, Monsieur Tremblay et Madame St-Yves indiquent qu’ils n’auraient jamais signé la convention de franchise s’ils avaient vu les résultats du test psychométrique, qu’ils interprètent comme négatifs. Ils disent que Madame a échoué.

[155]    Cependant, le Tribunal n’est pas convaincu que les demandeurs n’auraient pas signé la convention de franchise s’ils avaient eu connaissance des résultats, et ce, pour plusieurs raisons.

[156]    Premièrement, les résultats du test psychométrique démontrent autant d’aspects positifs que négatifs du profil de Madame St-Yves. Ainsi, les résultats du test psychométrique ne peuvent être qualifiés de négatifs. Ce n'est qu'avec du « hindsight », avec du recul, que les demandeurs prétendent que ces résultats sont négatifs.

[157]    Franchises Cora ne croyait pas que ces résultats pouvaient être qualifiés de négatifs, au contraire, les résultats sont plutôt positifs et favorables et ces résultats ont contribué à rassurer la défenderesse dans sa décision de choisir Madame St-Yves comme franchisée.

[158]    Il est intéressant de noter que le test lui-même indique que celui-ci ne devrait pas compter pour plus de 30 % de l'évaluation d'un candidat.

[159]    Il faut souligner que les autres éléments de l’évaluation de Madame St-Yves sont positifs, comme les résultats de ses examens de franchisée tenus durant sa formation, de janvier à mars 2005 .

[160]    De plus, alors que les demandeurs ont demandé à deux reprises de voir les résultats du test, rien ne les empêchait de les exiger avant la signature de la convention de franchise s’ils étaient si importants à leurs yeux.

[161]    Il est donc impossible d’établir que les résultats de ce test auraient réellement prévenu les demandeurs de signer la convention de franchise.

[162]    Cependant, il est à se demander ce que les demandeurs auraient appris de plus en consultant les résultats du test psychométrique. Les demandeurs savaient déjà que Madame n’avait aucune expérience dans le domaine de la restauration et  peu de connaissance en marketing. Par surcroît, les résultats du test psychométrique indiquent qu’il est probable à 76 % que Madame  St-Yves satisfasse le potentiel des ventes (ce qui correspond au top 25 % des franchisés de Cora qui ont réussi).

[163]    Ainsi, la nature des résultats du test psychométrique n’était pas assez déterminante pour vicier le consentement des demandeurs à la convention de franchise.

[14]       La juge constate ensuite la même chose des notes d'évaluation du stage de Linda St-Yves qui sont loin de lui être défavorables :

[164]    Les demandeurs allèguent que l’évaluation de Madame St-Yves faite par Monsieur Laurin est négative et la connaissance de cette évaluation les aurait poussés à ne pas signer la convention de franchise. 

[165]    Cependant, à la lecture des notes d’évaluation de Monsieur Laurin, le Tribunal observe qu’elles ne contiennent pas d’éléments déterminants susceptibles de faire croire que la candidate n’était pas disposée à être une bonne franchisée.

[166]    Les notes de Monsieur Laurin soulignent autant les points forts que les points faibles de Madame St-Yves comme candidate. Ainsi, il est difficile de conclure que les demandeurs n’auraient pas signé la convention de franchise s'ils avaient pris connaissance de ces notes.

[167]    De surcroît, les demandeurs étaient très motivés à l'idée de devenir un franchisé Cora, ainsi, les notes d'évaluation n'auraient sûrement pas changé leurs intentions.

 

[15]       Quant au courriel interne du représentant de l'intimée qui a émis des réserves sur l'emplacement du restaurant choisi par les appelants, la juge retient de la preuve que ce représentant n'avait aucune expertise dans le domaine, que dans les faits, le site choisi par les appelants était de catégorie B et que l'intimée aurait sûrement rassuré les appelants en les informant qu'un grand nombre de restaurants Cora sont situés sur des sites de catégorie B. Il importe, encore une fois, de citer au long les motifs de la juge sur ce moyen que soulèvent les appelants :

[168]    Les demandeurs allèguent qu’à la lecture du courriel de Monsieur Laurin, le site choisi est qualifié de catégorie C. Cependant, rien dans ce courriel ne nous amène spécifiquement à cette conclusion. Certes, Monsieur Laurin émet des réserves face à l’emplacement choisi, mais mentionne aussi des aspects positifs du site.

[169]    Aucune expertise n'a été fournie par les demandeurs quant à l'évaluation de ce site et Franchises Cora évalue le site comme un site B.

[170]    Monsieur Laurin était une personne plutôt inexpérimentée dans le domaine de l’emplacement des franchises et n'avait aucune connaissance de la région de Valleyfield.

[171]    Dans son témoignage, Monsieur Hébert, qui était responsable du développement et du choix des sites, indique que le site est de catégorie B et mentionne avoir discuté avec les demandeurs autant des aspects positifs que négatifs du site choisi.

[172]    Les employés de Franchises Cora ne détenaient pas plus d’information que les demandeurs sur ce site choisi par les demandeurs.

[173]    Les demandeurs indiquent que l’approbation du site par Monsieur Hébert leur a laissé croire que le site était de catégorie A.  Si les demandeurs avaient su que le site choisi était de catégorie B, auraient-il cherché un nouveau site ou décidé de ne pas signer la convention de franchise?

[174]    Le Tribunal n’est pas persuadé que les demandeurs n'auraient pas signé la convention de franchise.

[175]    Lors des témoignages, on apprend que plusieurs bonnes franchises Cora sont situées sur des sites de catégories B et même de catégorie C. Ainsi, même si les demandeurs avaient lu les commentaires de Monsieur Laurin et su que Monsieur Hébert qualifiait le site de catégorie B, le Tribunal ne croit pas que les demandeurs n’auraient pas signé la convention de franchise.

[176]    Ils n'auraient pas non plus cherché un nouveau site surtout parce que ce sont les demandeurs eux-mêmes, qui ont trouvé le site et ils étaient tellement enthousiastes qu'ils se sont dépêchés pour signer des lettres d'intention de louer même avant d'informer la défenderesse. De surcroît, Monsieur Hébert aurait sûrement expliqué aux demandeurs le grand nombre de restaurants Cora situés dans les sites de catégorie B.

[177]    Finalement, rien n’empêchait les demandeurs de s’informer de la catégorie spécifique du site choisi si cet aspect était très important à leurs yeux. Ils auraient pu, même, exiger une étude du marché relativement au site.

[178]    Le Tribunal doit conclure que le courriel de Monsieur Laurin quant au site ne contient aucun élément déterminant susceptible de faire changer les intentions des demandeurs.

[16]       Sur le tout, la juge de première instance en vient donc à la conclusion « que la non-divulgation desdites informations [ne] constitue [pas] une erreur simple pouvant vicier le consentement des demandeurs à la convention de franchise »[4]. De l'avis de la Cour, la juge a cependant erré en affirmant que Cora avait rempli son obligation de renseignement.

[17]       Au paragraphe 149 de son jugement, la juge écrit en effet que : « En ce qui concerne les contrats de franchise, l'obligation de renseignement semble être plus restreinte ». Invité par la Cour à commenter cet extrait des motifs de la juge de première instance, l'avocat de l'intimée n'a pas été en mesure d'indiquer sur quelle autorité la juge s'était appuyée pour affirmer une telle chose.

[18]       Quoi qu'il en soit, une chose est certaine. Le contrat de franchise, comme tout autre contrat, doit être gouverné par les règles de la bonne foi[5] et l'obligation corrélative pour le franchiseur de porter à la connaissance de son cocontractant toute information en sa possession pouvant avoir une influence déterminante sur la volonté de contracter de ce dernier.  Aussi, la juge fait-elle erreur lorsqu'elle mentionne que les documents réclamés par les appelants sont des documents internes à l'usage de Cora et que pour cette raison, ils n'avaient pas à leur être communiqués.[6]

[19]       L'eurent-ils été, la juge n'en conclut pas moins que les appelants auraient poursuivi leur démarche et contracté avec l'intimée. C'est là une conclusion que la juge pouvait tirer de la preuve[7] et les appelants ne nous ont pas convaincus que, ce faisant, la juge a commis une erreur manifeste et déterminante nous permettant d'intervenir.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[20]       REJETTE l'appel avec dépens.

 

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

NICHOLAS KASIRER, J.C.A.

 

 

 

JEAN BOUCHARD, J.C.A.

 

 



[1]     9150-0595 Québec inc. c. Franchises Cora inc., 2011 QCCS 1034 .

[2]     Ibid., paragr. 144-145.

[3]     Art. 1399 et 1400 C.c.Q.

[4]     Supra, note 1, paragr. 247.

[5]     Art. 6 et 1375 C.c.Q.

[6]     9150-0595 Québec inc. c. Franchises Cora inc., supra, note 1, paragr. 179.

[7]     Le procès a duré 8 jours.

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